Disloquer la Syrie, pérenniser l’occupation du Golan

Eric Margolis est un journaliste américain bien connu dont la longue et multiforme carrière inclut des années de collaboration avec les journaux canadiens du groupe Sun. Si l’essentiel de sa carrière est désormais derrière lui, il n’en continue pas moins à collaborer avec différents médias comme le Khaleej Times (Emirats Arabes Unis), Dawn (Pakistan) et TV Ontario.

maxresdefault

Eric Margolis collabore aussi avec Russian TV

Farouchement anticommuniste, ce membre de l’International Institute for Strategic Studies de Londres, très au fait des affaires du Moyen Orient et internationales en général porte un regard très critique sur la politique de son pays non seulement sur la question de Palestine mais aussi sur les troubles en Syrie.

Selon lui, la guerre en Syrie a été fomentée [instigated] par les puissances occidentales que sont la Grande Bretagne, les Etats Unis et la France en association avec l’Arabie Saoudite.

Et le conflit qui ravage la Syrie fait bien l’affaire de l’Etat sioniste qui ne se gêne pas pour intervenir discrètement en soutien de ceux qui combattent le gouvernement syrien et espère même en tirer un profit territorial et stratégique.

Vous vous souvenez du plateau du Golan?

par Eric Margolis, 30 avril 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

Pendant la guerre israélo-arabe de 1973, l’armée syrienne avait surpris Israël et s’était rapidement rapprochée des limites du plateau du Golan conquis par Israël pendant la guerre de 1967. Il semblait alors que l’infanterie et les blindés syriens allaient reprendre le Golan puis dévaler sur la Galilée en territoire israélien.

Les satellites de reconnaissance soviétiques avaient observé qu’Israël avait sorti des missiles à tête nucléaire Jéricho de 500 kilomètres de portée de leurs abris souterrains pour les installer sur des rampes de lancement. Au même moment, on observait Israël en train d’armer de bombes atomiques ses avions de combat F-4 (Phantom) de fabrication américaine sur la base de Tel Nof.

Convaincu qu’Israël était sur le point de se servir d’armes nucléaires contre l’Egypte et la Syrie, Moscou fit pression sur ces deux pays pour qu’ils freinent la progression de leurs forces. Damas, déjà à portée des tirs de l’artillerie israélienne du Golan, ordonna à ses unités blindées sur le Golan de stopper leur avancée, ce qui permit à Israël d’organiser une puissante contre-offensive et de reprendre les hauteurs stratégiques.

En 1981, Israël a officiellement annexé la portion de 580 Km2 du Golan qu’il occupe. Cette annexion illégale a été condamnée par les Nations Unies, les Etats Unis et les puissances européennes. Mais Israël est resté au Golan et y a installé 50 000 colons dans quelque 41 colonies financées par l’Etat.

Le monde semble avoir complètement oublié à quel point il a été proche d’une guerre nucléaire en 1973 pour le Golan. Le plateau du Golan était devenu un des premiers déclencheurs potentiels de guerre nucléaire avec le Cachemire, la trouée de Fulda en Allemagne et la zone démilitarisée, frontière entre les deux Corées.

La Golan a récemment refait surface dans les informations quand le premier ministre israélien d’extrême droite Benjamin Netanyahou a dit au président russe Vladimir Poutine que son pays ne rendrait jamais le Golan à la Syrie. Dans un discours prononcé peu de temps après, Netanyahou a fait le serment qu’Israël garderait le Golan pour « toute l’éternité ». Il avait aussi reconnu pour la première fois qu’Israël avait effectué des « dizaines » d’attaques sur la Syrie, de l’autre côté de la frontière.

Le long plateau de basalte a effectivement une grande valeur. Il s’étend du Mont Hermon avec son sommet enneigé à 2814 mètres au nord au lac de Tibériade et à la rivière Yarmouk au sud. Le Golan représente 15 % des ressources limitées en eau d’Israël et il recèle peut-être du pétrole et du gaz.

bassin_opt

Exploitation des eaux du Golan par le régime sioniste

L’artillerie israélienne positionnée sur le Golan peut frapper la capitale syrienne, Damas ; les capteurs électroniques israéliens surveillent Damas et tous les mouvements de troupes syriennes en contrebas. Ayant circulé dans une bonne partie du Golan, côté syrien comme côté israélien, je peux attester de son importance militaire remarquable et de la puissance de ses défenses.

Après la guerre de 1967, Israël a nettoyé ethniquement le Golan, en rasant au bulldozer son chef-lieu, Kouneitra, et en expulsant la presque totalité de ses 130 000 habitants arabes et druzes. Des colons juifs ont été amenés pour les remplacer. Les Etats Unis ont protégé Israël de l’action de l’ONU et de la protestation internationale.

Golan_colonies_frontieres_et_demilitarisation.jpg

Avant 2011, Israël avait laissé entendre qu’il restituerait le Golan à la Syrie dans le cadre d’un accord de paix global – à condition que Damas cesse de soutenir les revendications des Palestiniens sur leurs terres perdues Mais une fois que la guerre civile en Syrie s’est opportunément déclenchée, on n’a plus parlé du Golan.

En fait, il est assez évident qu’Israël a nourri silencieusement le conflit syrien par un discret soutien logistique et en armement à ce qu’on appelle rebelles syriens « modérés » et en faisant du lobbying pour la guerre à Washington et dans les médias américains. Netanyahou a même dit – sans sourciller – qu’Israël ne pouvait pas restituer le Golan, ni même négocier, tant que le calme n’est pas revenu en Irak et en Syrie.

Il est clair que Netanyahou suit la grande stratégie élaborée par le fondateur de son parti de droite, le Likoud, Zeev Jabotinsky, un sioniste russe militant. Jabotinsky faisait valoir que les Etats arabes étaient une mosaïque fragile de tribus arabes inamicales [les unes à l’égard des autres].

Frappez les suffisamment fort, soutenait Jabotinsky, et ils se fragmenteront en petits morceaux, laissant Israël maître du Levant. La destruction de l’Irak et de la Syrie a confirmé la théorie de Jabotinsky.

Par conséquent, Israël est ravi de voir la Syrie, un de ses principaux ennemis, tomber en ruines suite à la guerre civile provoquée par les Etats Unis, la Grande Bretagne, la Turquie, l’Arabie Saoudite et la France. Damas n’est absolument pas en mesure d’exiger la restitution du Golan et le reste du monde s’en fiche.

La destruction de la Syrie en tant qu’Etat unitaire offre au gouvernement expansionniste Likoud maintes opportunités pour étendre son influence en Syrie – comme ce fut le cas pendant la sanglante guerre civile libanaise de 175 à 1990. Ou même d’enlever plus de territoire à la Syrie « pour protéger la sécurité d’Israël. »

Les paroles du père fondateur d’Israël, David Ben Gourion résonnent encore : l’Etat d’Israël est un projet en cours et ses frontières ne doivent pas être fixées, ni même définies. Notamment les frontières avec la Jordanie et la Syrie.

Étiquettes : , , , , , , , , , , ,

6 Réponses to “Disloquer la Syrie, pérenniser l’occupation du Golan”

  1. Disloquer la Syrie, pérenniser l’occupation du Golan | Réseau International Says:

    […] source:https://mounadil.wordpress.com/2016/05/08/disloquer-durablement-la-syrie-perenniser-loccupation-du-g… […]

    J’aime

  2. Dissolution de l’Etat national: la Turquie après la Syrie et l’Irak? | Mounadil al Djazaïri Says:

    […] Points de vue sur le monde arabe « Disloquer la Syrie, pérenniser l’occupation du Golan […]

    J’aime

  3. Disloquer la Syrie, pérenniser l’occupation du Golan | salimsellami's Blog Says:

    […] Source : Disloquer la Syrie, pérenniser l’occupation du Golan […]

    J’aime

  4. Philippe Goldmann Says:

    Mounadil peut toujours qualifier ce journaliste de spécialiste du moyen-orient, il n’en reste pas moins que ses affirmations ne sont corroborées par personne. Rien ne prouve l’insistance des russes auprès des syriens. En 67 l’armée syrienne a été battue après l’écrasement de l’aviation égyptienne et n’était donc plus en mesure de se battre seule contre Israël. Le danger nucléaire n’est qu’une invention qu’aucun historien n’a jamais présentée.

    J’aime

  5. Disloquer la Syrie, pérenniser l’occupation du Golan | Association France Palestine Solidarité Vendée Says:

    […] Voir l’article complet… […]

    J’aime

Laisser un commentaire