Archive for the ‘Haïti’ Category
Haïti: la manifestation hostile à Sarkozy occultée par la presse française
20 février 2010Haïti: les liens inattendus entre adoption illégale, proxénétisme, trafic d’enfants et de femmes
13 février 2010Des avocats ont été requis pour prêter assistance à ces ressortissants US désormais incarcérés à Port-au-Prince. Jusque là rien que de très normal, comme chaque fois qu’un prévenu est confronté à la justice. Il y a pourtant des choses moins normales dans cette affaire. Et quand je dis des choses, il s’agit en réalité de l’intervention, en faveur des présumés trafiquants d’enfants, d’un « avocat » citoyen de la république Dominicaine. Sauf que cet « avocat » n’est inscrit à aucun barreau et qu’il est recherché par la police du Salvador en tant que cerveau présumé d’un réseau de trafic de femmes et de fillettes destinées à la prostitution.
Je n’en dis pas plus car tout lecteur un peu attentif à l’actualité fera les liens nécessaires.
Enquête sur le conseiller juridique des Américains arrêtés en Haïti
par MARC LACEY et IAN URBINA, The New York Times (USA) 12 février 2010 traduit de l’anglais par Djazaïri
PORT-AU-PRINCE, Haiti — La police du Salvador a commencé une enquête pour savoir si un homme soupçonné de diriger un réseau de trafic de filles et de femmes d’Amérique Centrale et de la Caraïbe est aussi le conseiller juridique des Américains accusés d’avoir essayé d’emmener sans autorisation 33 enfants hors d’Haïti.
Ces enquêtes sont le dernier rebondissement d’un dossier très politique qui s’est ouvert en plein coeur d’une zone ravagée par un tremblement de terre. Un avocat de l’organisation a déja été récusé après avoir été accusé de tenter d’offrir des pots de vin pour faire sortir de prison les dix Américains.
Le conseiller, Jorge Puello, a déclaré jeudi, lors d’un entretien téléphonique, qu’il n’avait participé à aucune activité illégale au Salvador et qu’il ne s’était jamais rendu dans ce pays. Selon lui, il s’agit d’un cas d’erreur sur la personne. « Je n’ai rien à voir avec le Salvador, » a-t-il dit, donnant à comprendre que son nom était très courant en Amérique latine, comme John Smith aux Etats Unis.
« Un trafiquant de drogue Colombien a été arrêté avec 25 cartes d’identité, dont une portant mon nom, » a-t-il dit sans donner de détails.
« Donnez des preuves, » a-t-il dit devant notre insistance sur les accusations de trafic d’enfants pendant le bref entretien qui s’est terminé quand il a annoncé qu’il entrait dans un ascenseur. Recontacté plus tard, il s’est mis en colère et a affirmé n’avoir enfreint aucune loi.
Les dix Américains sont incarcérés depuis le 29 janvier dans la partie arrière du même commissariat de police qui sert de siège au gouvernement haïtien de René Préval depuis le tremblement de terre. Ils ont su par leurs avocats que certains d’entre eux au moins pourraient sortir jeudi. Mais le juge chargé de leur dossier, Bernard Saint-Vil a recommandé au procureur de les mettre en liberté provisoire et de les autoriser à quitter le pays dès lors que l’un de leurs dirigeants restait sur place jusqu’à la fin de l’affaire.
M. Puello intervenait en tant que porte parole et conseiller juridique en République Dominicaine pour certains des détenus.
Le chef de la police des frontières du Salvador, le commissaire Jorge Callejas, a indiqué dans un entretien téléphonique qu’il enquêtait sur les accusations selon lesquelles un homme avec un passeport dominicain au nom de Jorge Anibal Torres Puello dirigeait un réseau de trafic d’êtres humains qui recrutait des femmes Dominicaines et des fillettes Nicaraguayennes pour les faire travailler comme prostituées au Salvador.
M. Puello dit ne même pas avoir de passeport. Quand on a montré à M. Callejas une photo de M. Puello prise en Haïti, M. Callejas a déclaré qu’il pensait que c’était celle de l’homme qu’il recherchait. Il a précisé qu’il essayerait d’arrêter M. Puello sur la présomption d’avoir attiré des femmes vers la prostitution et d’avoir pris des photos d’elles explicites qui ont été diffusées sur ds sites internet. « C’est lui, la même barbe et le même visage, » a déclaré M. Callejas dans une interview jeudi. « Ce ne peut être que lui. »
Le juge Saint-Vil a dit qu’il pensait aussi que lla photo du trafiquant présumé du dossier de la police salvadorienne semblait correspondre à celle de l’homme qu’il a rencontré au tribunal. Il a indiqué avoir l’intention d’entamer sa propre enquête pour savoir si un suspect pour trafic avait travaillé avec les Américains détenus en Haïti.
« J’étais sceptique à son sujet parce qu’il était arrivé avec quatre gardes du corps, ce que je n’ai jamais vu d’un avocat, » a déclaré le juge dans une interview. « J’envisage d’aller immédiatement au fond des choses. »
Le juge a déclaré qu’il demanderait l’assistance du Département US de la sécurité intérieure pour examiner les antécédents de M. Puello. Un porte parole du département d’Etat a affirmé que les officiels Américains apportaient un appui dans l’enquête concernant les Américains, « en fournissant les éléments d’enquête demandés. »
Un mandat d’arrêt Interpol a été émis pour quelqu’un nommé Jorge Anibal Torres Puello, selon la police et des documents publics.
On s’interrogeait pour savoir si M. Puello, le conseiller, qui dit que l’église baptiste de Central Valley en Idaho l’a recruté pour les Américains était autorisé à pratiquer le droit. Aucune personne de ce nom ne figure sur le registre du barreau de la République Dominicaine.
M. Puello a affirmé avoir une autorisation et appartenir à un cabinet juridique de 45 personnes. Mais son bureau de Saint Domingue s’est avéré n’être qu’un petit local qui ne pourrait pas accueillir 45 avocats. Alejandro, le frère de M. Puello, affirme que la société d’avocats dispose d’un autre bureau dans le quartier des affaires en centre ville,mais il a refusé d’en donner l’adresse.
M. Puello a déclaré dans une interview qu’il avait représenté les Américains gratuitement parce qu’il était un homme religieux qui compatissait à leur situation. « Je suis le président de la communauté juive sépharade en République Dominicaine, » a-t-il dit. « J’aide les gens dans ce genre de situation. Nous n’allons pas facturer un centime à ces gens. »
Mais d’autres avocats des détenus ont affirmé que les familles ont fait un virement de 12 000 dollars à M. Puello pour payer le transport des Américains hors d’Haïti s’ils sont relâchés, et que M. Puello leur a dit lors d’une conférence téléphonique mardi soir qu’il avait besoin de 36 000 dollars supplémentaires. M. Puello affirme ne pas avoir participé à une conférence téléphonique.
Un avocat des familles a affirmé que M. Puello lui a dit avoir une licence pour exercer comme avocat en Floride, mais l’avocat dit avoir vérifié et ne pas avoir trouvé trace de cette licence. M. Puello a déclaré dans l’interview ne jamais avoir dit qu’il avait une licence d’avocat en Floride.
Le dossier indique que la police a trouvé des documents ayant trait à la communauté juive séfarade dans une maison de San Salvador où les trafiquants avaient séquestré des femmes.
Blake Schmidt a contribué à ce reportage depuis San Jose au Costa Rica, et Jean Michel Caroit depuis Saint Domingue. Kitty bennett a contribué à l’enquête.
"Toussaint," le prochain film de Danny Glover sur le héros de l’indépendance haïtienne
25 janvier 2010«Vous ne pouvez vous imaginer la quantité de producteurs que j’ai vu, aux États-Unis et en Europe. Ils me disaient tous « C’est un projet magnifique! » et juste après, « C’est un film de noirs?».
D’ailleurs, contrairement à ce que certains croient, Spielberg n’a pas été le premier réalisateur blanc à tourner un film exclusivement avec des comédiens noirs. King Vidor l’avait précédé en 1929 avec Hallelujah. Un authentique chef d’oeuvre du cinéma que j’ai eu la chance de voir il y a quelques années.
C’est le retour de "Titide" que craignent les Etats Unis et la France
24 janvier 2010Cet impérialisme, c’est celui des Etats Unis. Président Obama ou pas, c’est tout un rapport au monde qui s’exprime dans la façon dont les Etats Unis ont pris en main les événements dans cet Etat de la Caraïbe.
D’aucuns se sont félicités de cette prise en main par Washington. Après tout, l’administration haïtienne s’est trouvée complètement désorganisée par les conséquences du séisme et il fallait quelqu’un pour gérer les opérations de secours.
Sauf que le secours aux populations n’a pas du tout été la priorité du gouvernement des Etats Unis qui s’est concentré sur la sécurité. A juste titre dira-t-on car les catastrophes de ce genre donnent souvent lieu à des manifestations de pillage, de violence qui trouvent d’autant plus à s’exprimer que la police est absente du terrain.
Le problème est que le Haïti d’après séisme n’a pas connu d’explosion de violence ou d’émeutes. Au contraire même. Comme le fait remarquer Mark Weisbrot; la violence risquerait par contre de se déchaîner si l’aide alimentaire et en eau, retardée précisément par le déploiement US, se fait trop attendre. La violence consistera alors en une lutte pour l’eau et pour la nourriture.
Si la violence n’est pas le motif réel de ce qu’il faut bien appeler une occupation militaire, quel en est donc le motif véritable?
Mark Weisbrot ne se cache pas derrière son petit doigt. Même si son souci est avant tout de donner de la voix pour une accélération de la livraison d’aide aux populations, cil considère que ce que craint par dessus tout Washington est un retour de Jean-Bertrand Aristide en Haïti avec, à la clef, un éventuel retour au pouvoir de ce dernier que les Etats Unis, avec la France et le Canada, avaient conspiré à faire renverser par un coup d’état.
Etats Unis, France, canada, les trois Etats les plus présents dans la crise que vit présentement Haïti.
Haïti a besoin d’eau potable, pas d’une occupation
Les Etats Unis n’ont jamais voulu d’une Haïti indépendante, et leur focalisation sur les ‘problèmes de sécurité’ a entravé l’arrivée de l’aide suite au séisme.
par Mark Weisbrot, The Guardian (UK) 20 janvier 2010 traduit de l’anglais par Djazaïri
Lundi, six jours après le tremblement de terre en Haïti, l’US Southern Command a finalement commencé à larguer des bouteilles d’eau et de la nourriture depuis un avion militaire C-17. Le secrétaire à la défense Robert Gates avait d’abord écarté une telle méthode en raison de « problèmes de sécurité. »
Si les gens n’ont pas d’eau potable, des épidémies de maladies hydriques peuvent se produire qui pourraient faire augmenter le nombre de morts. Mais les Etats Unis envoient en ce moment 10 000 soldats et semblent accorder la priorité à la « sécurité » par rapport à des besoins bien plus urgents qui sont une affaire ce vie ou de mort. Ces troupes s’ajoutent aux 3500 casques bleus supplémentaires qui doivent arriver.
Dimanche matin, l’organisation humanitaire mondialement connue Médecins Sans Frontières s’est plainte qu’un avion transportant un hôpital mobile ait été dérouté par l’armée US vers la République Dominicaine. Ce qui pourrait coûter 48 heures cruciales et un nombre indéterminé de vies.
Dimanche, Jarry Emmanuel, responsable de logistique aérienne pour le Programme Alimentaire Mondial de l’ONU, a déclaré: « 200 vols partent ou arrivent chaque jour, c’est un nombre incroyable pour un pays comme Haïti… Mais la plupart des vols sont pour l’armée US. »
Pourtant, le Lieutenant Général PK Keen, sous commandant de l’US Southern Command, rapporte que la violence est moindre en Haïti actuellement qu’elle ne l’était avant le tremblement de terre. Le Dr Evan Lyon, de Partners in Health, une organisation d’aide médicale connue pour ses efforts héroïques en Haîti, parle de « désinformation et de rumeurs… et de racisme » s’agissant des questions de sécurité.
Nous avons circulé à travers la ville jusqu’à 2h ou 3h du matin chaque nuit, pour évacuer des patients, transporter du matériel. Il n’y a pas de soldats de l’ONU. Il n’y a pas de présence militaire US. Il n’y a pas de présence policière haïtienne. Et il n’y a pas non plus de violence. Il n’y a pas d’insécurité.
Pour comprendre l’obsession du gouvernement des Etats Unis avec les « problèmes de sécurité », il faut s’intéresser à l’histoire récente de l’implication de Washington dans ce pays.
Bien avant le séisme, le sort d’Haïti était comparable à celui de bien des sans abris dans les rues des Etats Unis; trop pauvres et trop noirs pour avoir les mêmes droits légaux et constitutionnels que les autres citoyens. En 2002, quand un coup d’état militaire soutenu par les Etats Unis avait renversé temporairement le gouvernement élu du Vénézuela, la plupart des gouvernements de l’hémisphère sud avaient réagi promptement et avaient participé à focer le rétablissement du pouvoir démocratique. Mais deux ans plus tard, quand jean-Bertrand Aristide, le président démocratiquement élu d’Haïti fut kidnappé par les Etats Unis et expédié en exil en Afrique, la réaction fut muselée.
A la différence des deux siècles de pillage d’Haïti depuis sa fondation par une révolte d’esclaves en 1804, la brutale occupation par les marines USA de 1915 à 1934, les innombrables atrocités commises sous des dictatures appuyées et encouragées par Washington et le coup d’état de 2004 ne peuvent pas être rejetés comme étant de « l’histoire ancienne. » C’était il y a six ans seulement, et est en rapport direct avec ce qui se passe en ce moment.
Les USA, avec la France et le Canada ont conspiré ouvertement pendant quatre ans pour renverser le gouvernement haïtien élu, coupant presque toutes les aides internationales afin de détruire l’économie et de rendre le pays ingouvernable. Ils ont réussi. A ceux qui se demandent pourquoi il n’y a aucune institution gouvernementale haïtienne pour s’occuper des secours aux sinistrés, voilà une bonne explication. Ou pourquoi trois millions de personnes étaient entassées dans la zone où le séisme a frappé. Des années de politique US ont aussi participé à la destruction de l’agriculture haïtienne en forçant, par exemple, à l’importation de riz US subventionné et en éliminant des milliers de riziculteurs Haïtiens.
Aristide, le premier président démocratiquement élu du pays, fut renversé après seulement sept mois de pouvoir en 1991 par des officiers de l’armée et des escadrons de la mort dont on découvrira plus tard qu’ils émargeaient à la CIA. Maintenant, Aristide veut rentrer dans son pays, ce que la majorité des Haïtiens exige depuis sa déposition. Mais les Etats Unis ne veulent pas de lui. Le gouvernement de René Préval, qui est complètement sous la coupe de Washington, a décidé que le parti d’Aristide – le plus important d’Haïti – ne sera pas autorisé à participer aux prochaines élections (initialement prévues le mois prochain).
La crainte du retour de la démocratie en haïti pourrait bien expliquer pourquoi les Etats Unis envoient aujourd’hui 10 000 hommes et donnent la priorité à la « sécurité » par rapport à d’autres besoins.
Cette occupation militaire par des troupes US soulèvera d’autres problèmes dans l’hémisphère sud, en fonction de la durée de leur présence – exactement comme le récent renforcement de la présence militaire US en Colombie a été accueillie avec beaucoup de mécontentement et de méfiance dans la région. Et les organisations non gouvernementales ont soulevé d’autres questions sur la reconstruction proposée: de façon compréhensible, elles veulent que la dette d’Haïti soit annulée, et des dons plutôt que des prêts (le FMI a proposé un prêt de 100 millios de dollars).
Les besoins pour la reconstruction se chiffreront en milliards de dollars: Washington encouragera-t-elle l’installation d’un gouvernement qui fonctionne? Ou l’empêchera-t-elle, en faisant transiter l’aide par des ONG et en assumant directement elle-même diverses fonctions en raison de sa vieille opposition à un gouvernement indépendant en Haïti?
Mais le plus urgent est la fourniture rapide d’eau potable. L’US Air force a la capacité de fournir suffisamment d’eau pour tous ceux qui en ont besoin en Haïti en attendant qu’une logistique terrestre se mette en place. Plus l’eau sera disponible, et moins probables seront les affrontements ou les émeutes pour cette ressource rare. La nourriture et les médicaments pourraient aussi être livrés par des largages aériens. Ces opérations devraient être lancées immédiatement. Il n’y a pas de temps à perdre.
Une lumière parmi les Nations luit sur Haïti… ou, de la sionisation de l’aide humanitaire
20 janvier 2010La sionisation des secours aux sinistrés
Tikun Olam (USA)
Je parie que vous ignoriez qu’il y avait quelque chose de particulièrement sioniste dans l’apport d’aide aux sinistrés. On en apprend tous les jours.
Sol Salbe a traduit un article révélateur du Yediot rédigé par un médecin Israélien qui a fait partie jusqu’à une date récente de toutes les équipes israéliennes d’intervention en situation de catastrophe à l’étranger. Puis il a commis l’erreur d’écrire un texte modérément critique des efforts israéliens dans l’aide aux sinistrés. En conséquence, il a été relevé de son obligation de servir dans l’armée et de continuer à participer au programme de secours. La lettre ouverte est si révélatrice (et pas encore disponible en anglais) que je vais en citer de longs passages. Une petite explication d’abord – à l’hôpital de campagne israélien, on a pratiqué l’accouchement de ce que les éuipes de relations publiques d’Israël ont appelé « le premier bébé né après le tremblement de terre. » L’équipe médicale a exhorté la mère à nommer son bébé « Israël », ce qu’elle n’a pu que s’empresser de faire en tant qu’obligée. Un autre coup de pub israélien!
De la relation publique au lieu de sauver des vies
Envoyer des toilettes mobiles en Haïti aurait été une meilleure option, mais ça ne donne guère d’occasions pour de bonnes photos. Les missions de secours israéliennes dans les zones sinistrées par le passé ont montré que ce genre d’activité était vain.
Yoel Donchin
J’ai reçu mon congé définitif de l’armée après avoir publié un article qui disait que l’Etat d’Israël agissait comme le proverbial Boy Scout, qui insiste pour faire une BA quotidienne et pou aider une vieille dame à traverser la chaussée même contre son gré. Quelle ingratitude de ma part de publier un tel article alors que j’ai participé à presque toutes les opérations de secours dans les zones de catastrophe à l’étranger! Soudain, je ne suis plus apte à prendre part à ces efforts héroïques. Mais à la lumière de l’expérience que j’ai acquise au cours de ces missions… nos efforts ont été vains.
En général, nous commençons nos préparatifs pour ce genre de missions dans les heures qui suivent l’annonce d’une catastrophe naturelle. Le plus souvent, l’équipe de secours israélienne est la première à atterrir dans la zone concernée. Comme ceux qui escaladent l’Everest, elle plante son drapeau sur le plus haut sommet disponible, annonçant à tout un chacun que le site a été conquis. Et pour s’assurer que l’opinion publique est au courant de cette réussite sportive, la mission est accompagnée de représentants de la presse, de photographes, d’une équipe du porte parole de l’armée israélienne et autres.
J’ai parfaitement compris l’objectif quand le responsable d’une délégation dans une zone de catastrophe avait demandé si les bouteilles à oxygène et certains médecins pouvaient être retirés pour faire de la place aux représentants d’une nouvelle chaîne de télévision et à leur matériel (avec un courage inhabituel, la délégation avait refusé!).
La leçon que j’ai tiré de ces activités dans ces missions est que quand se produit une catastrophe naturelle, ou quand des milliers de personnes sont expulsées par la force de chez elles, comme au Kosovo, les survivants peuvent profiter de l’assistance internationale seulement si elle correspond aux besoins spécifiques de la région. L’assistance doit aussi être coordonnée entre les diverses organisations de secours.
La concurrence dans la course aux zones de catastrophe met une pression énorme sur les autorités locales et les administrations sanitaires. Les aéroports sont saturés par des avions qui déchargent des quantités d’équipements inutiles mais encombrants. Les médecins et les organisations d’aide cherchent des manières d’utiliser un itinéraire unique de transport et sont en fait un fardeau. La bonne manière d’aider est d’envoyer une petite équipe en éclaireur pour évaluer les dimensions du désastre…
Appelleraient-ils cet enfant Israël?
Trois composantes sont essentielles: abri, eau et nourriture – ces éléments sont primordiaux si on veut sauver le plus de personnes possible. Des équipements de purification de l’eau, des tentes, des rations alimentaires de base sont nécessaires. Mais ils n’ont pas l’effet spectaculaire recherché. Si nous procédions ainsi, nous manquerions le spectacle de cet enfant qui est né avec l’aide de nos médecins. Plus certainement encore, la mère dans son excitation n’aurait pas donné à son enfant (qui sait s’il vivra jusqu’à un âge avancé?) le nom Israël ou celui de l’obstétricien ou de l’infirmière (Pourrait-il bénéficier de la citoyenneté parce qu’il est né en terrtoire israélien? Il y aurait du monde pour s’y opposer). Le spectacle est vraiment classe, mais on peut douter de sa nécessité.
Pour la présente catastrophe, dont l’ampleur est sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’à ce jour, le besoin ne consiste pas tant en hôpitaux de campagne qu’en toilettes mobiles. On a plus besoin de matériel d’excavation pour creuser des tombes et de canalisations d’évacuation des eaux usées.
Un pays qui veut apporter de l’aide humanitaire sans se préoccuper de son image médiatique devrait envoyer tout ce dont les victimes ont besoin, et pas ce qu’il veut fournir. Mais le bulletin d’informations du soir montrerait-il le chef de la mission israélienne dans sa base avec 500 cabinets de toilette chimiques? C’est improbable. Il est beaucoup plus médiatique de montrer un hôpital israélien plein d’étoiles de David et, bien entendu, des médecins et des infirmières dévoués, vêtus d’uniformes tape à l’oeil avec un drapeau israélien à la boutonnière.
… Il est plus probable qu’une aide financière en rapport avec les ressources d’Israël aurait été préférable aux énormes dépenses et à la logistique compliquée liées à l’entretien d’une unité médicale sur le terrain…
Mais apparemment, une minute de passage à la télévision est beaucoup plus importante… et en fait, Israël se sert des catastrophes comme terrain [militaire] d’entraînement pour les secours et les soins médicaux. Au bout d’une quinzaine de jours, la mission devrait rentrer en israël. Pour être vraiment efficace, un hôpital de campagne doit fonctionner pendant deux ou trois mois, mais c’est une condition qu’Israël ne peut remplir.
… c’est seulement dans l’enceinte de l’équipe d’assistance israélienne en haîti qu’on peut voir de grands panneaux indiquant le nom du pays donateur placés bien en vue.
Le Prof. Yoel Donchin est le directeur de la Patient Safety Unit au Hadassah Medical Centre de Jerusalem.
Haïti, séisme, poncifs sur la pauvreté et réalité des mécanismes du sous-développement
15 janvier 2010Etats, associations, particuliers, la mobilisation est immense pour venir au secours des Haïtiens dans une épreuve qui se surajoute à d’autres qui affectent ce pays depuis trop longtemps.
On sait qu’une catastrophe naturelle n’a pas les mêmes conséquences ravageuses d’un pays à l’autre. Ces conséquences varient en effet en fonction de la richesse du pays considéré, mais aussi des politiques publiques de prévention de la catastrophe et d’intervention une fois qu’elle s’est produite. On sait ainsi que le Japon, où le risque sismique est élevé, a développé depuis des années une politique adéquate en matière d’urbanisme et d’infrastructures de transport. A tel point qu’un séisme de la même magnitude peut ne faire que quelques blessés dans ce pays, des milliers de morts dans un autre qui n’a pas la même politique. Ce qui est vrai pour les séismes, l’est aussi pour les cyclones qui traversent Cuba en faisant peu ou pas de victimes alors qu’on sait ce qu’il en fut aux Etats Unis avec l’ouragan Katrina.
Tout ceci s’applique bien sûr à ce qui vient de se passer en Haïti. Cette catastrophe pourrait avoir un effet positif dans les esprits si elle nous amenait à nous inetrroger sur les mécanismes qui créent ou entretiennent la pauvreté ou encore le sous-développement.
Car le sous-développement n’est pas la pauvreté, mais une pauvreté inscrite dans voire créée par des rapports de domination. C’est ce que vient nous rappeler l’article que je vous propose qui montre, en allant plus loin que les simples apparences, comment Haïti s’est retrouvé dans la situation qu’on lui connaît aujourd’hui.
Ce qu’on ne vous n’entendez pas sur Haïti (mais que vous devriez entendre)
par Carl Lindskoog, Common Dreams, 14 janvier 2010 traduit de l’anglais par Djazaïri
Dans les heures qui ont suivi le séisme qui dévastateur en Haïti, CNN, le New York Times er d’autres grands organes d’information ont adopté la même interprétation de l’ampleur des destructions: le séisme d’une magnitude de 7,0 a été si dévastateur parce qu’il a frappé des zones urbaines surpeuplées et très pauvres. Les maisons « construites les unes sur les autres » et bâties par les pauvres eux-mêmes ont résulté en une ville fragile. Et de longues années de sous-développement ainsi que les troubles politiques ont fait que le gouvernement haïtien était mal préparé à faire face à un tel désastre.
C’est assez vrai. Mais ce n’est pas toute l’explication, car il y manque l’explication de la raison pour laquelle tant d’Haïtiens résident dans Port-au-Prince et ses environs et pourquoi tant d’entre eux sont obligés de survivre avec si peu. En fait, même quand on ose une explication, elle est souvent scandaleusement fausse à l’image du témoignage d’un ancien diplomate US sur CNN selon qui la surpopulation de Port-au-Prince était dûe au fait que les Haïtiens, comme la plupart des autres peuples du Tiers-Monde, ne savaient rien du contrôle des naissances.
Les Américains affamés d’informations seront peut-être surpris d’apprendre que ces conditions de vie auxquelles les media attribuent, à raison, l’amplification de l’impact de cette immense catastrophe, résulte largement de politiques américaines et d’un modèle de développement orienté par les Etats Unis.
De 1957 à 1971, les Haïtiens ont vécu dans l’ombre sinistre de « Papa Doc » Duvalier, un dictateur brutal qui jouissait de l’appui des Etats Unis qui le voyaient comme un anti-communiste fiable. Après sa mort, Jean-Claude « Bébé Doc », son fils, est devenu président à vie à l’âge de 19 ans et il a dirigé Haïti jusqu’à son renversement en 1986. C’est dans les années 1970 et 1980 que Bébé Doc et le gouvernement et les milieux d’affaires des Etats Unis ont collaboré pour engager Haïti et sa capitale sur la voie qui devait aboutir à la situation du pays au 12 janvier 2010.
Après l’intronisation de Bébé Doc, des planificateurs Américains, membres ou non du gouvernement des Etats Unis, ont lancé leur programme pour transformer Haïti en « Taiwan de la Caraïbe ». Ce pays, petit et pauvre, idéalement situé non loin des Etats Unis, se vit enjoindre d’abandonner son passé agricole et de développer un secteur manufacturier fort et orienté vers l’exportation. C’était, avait-on dit à Duvalier et ses alliés, la manière d’aller vers la modernisation etle développement économique.
Du point de vue de la banque Mondiale et de l’United States Agency for International Development (USAID), Haïti était un parfait candidat pour ce lifting néolibéral. La pauvreté endémique des masses haïtiennes les forcerait à exercer des emplois faiblement rémunérés dans la confection d’articles de baseball et l’assemblage d’autres produits.
Mais l’USAID avait des plans aussi pour la campagne. Non seulement les villes d’Haïti devaient-elles devenir des centres d’exportation, mais les zones rurales également, par un remodelage de l’agriculture haïtienne vers des productions orientées vers l’exportation et la logique des marchés. Dans ce but, l’USAID, avec des industriels citadins et de fros propriétaires terriens, a travaillé à la création d’équipements de traitement ds produits agro-alimentaires, alors même qu’ils renforçaient les pratiques de dumping sur le prix des surplus agricoles des Etats Unis vendus à la population haïtienne.
Cette « aide » américaine et les changements structurels dans le monde rural ont contraint, comme on pouvait le prévoir, des paysans Haïtiens qui ne pouvaient plus survivre à migrer vers les villes, particulièrement Port-au-Prince où les nouveaux emplois du secteur manufacturier éraient supposés se trouver.Mais une fois sur place, ils se rendirent compte que les emplois manufacturiers étaient loin d’être en nombre suffisants. La ville est devenue de plus en plus densément peuplée. Les bidonvilles se sont étendus. Et pour satisfaire les besoins en logement des paysans déplacés, un programme de maisons bon marché et construites à la va vite a été mis en plce, parfois en posant des maisons « sur le toit des autres. »
Assez rapidement, cependant, les planificateurs Américains et les élites haïtiennes décidèrent que leur modèle de développement ne fonctionnait peut-être pas si bien en Haïti et ils l’abandonnèrent. Les conséquences des changement effectués sous la direction des Etats Unis ont par contre subsisté.
Quand dans l’après-midi et la soirée du 12 janvier 2010 Haïti a subi cet horrible tremblement de terre et ses répliques, les destructions ont été indubitablement aggravées par l’extrême surpeuplement et la pauvreta de Port-au-Prince et de ses environs. Mais les Américains en état de choc peuvent faire plus que de secouer la tête et de faire un don par pitié. Ils peuvent s’intéresser aus responsabilités de leur propre pays dans les conditions de vie à Port-au-Prince qui ont amplifié l’impact du séisme, et ils peuvent reconnaître le rôle de l’Amérique pour empêcher Haïti de parvenit à un développement significatif. Accepter l’approche incomplète d’haïti proposée par CNN et le New York Times revient à blâmer les Haïtiens d’être les victimes d’un processus qui n’est pas de leur fait. Comme l’écrivait John Milton, « ils ont ôté les yeux des gens, et leur reprochent d’être aveugles. »
Carl Lindskoog est un militant qui réside à Nex York. Historien, il termine son doctorat à la City University of New York