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L’alliance inavouable entre le sionisme et l’antisémitisme

15 mars 2023

Tony Greenstein est un ancien militant de l’aile gauche du Parti Travailliste de Grande Bretagne dont il a été exclu en 2018 notamment pour antisémitisme.

Greenstein a pourtant été éduqué dans une famille juive orthodoxe; son père était même rabbin!

Parmi les engagements de Tony Greenstein, celui pour la cause palestinienne en faveur de laquelle il fut un des fondateurs de Palestine Solidarity Campaign.

Dans ce texte qui n’est qu’un fragment de ses écrits sur le sionisme, il met bien en évidence la relation entre l’antisémitisme et le sionisme qui n’est pas celle à laquelle croient de nombreux observateurs du conflit entre le peuple palestinien et le régime sioniste. Il apporte aussi un éclairage utile sur la relation entre sionisme et socialisme.

Tony Greenstein

J’avais déjà proposé des articles sur cette thématique en présentant deux textes de Klaus Polkehn, des extraits d’un texte de Lenni Brenner et un texte de Charlie Pottins.

L’Alliance inavouable

Par Tony Greenstein

The Weekly Worker , n° 630, 22 juin 2006. traduit de l’anglais par Djazaïri

Quel est le lien entre sionisme et antisémitisme ? Tony Greenstein explique qu’il existe un lien plus étroit que de nombreux sionistes modernes ne voudraient l’admettre

Si vous êtes antisioniste et partisan de la lutte palestinienne, vous serez inévitablement accusé d’« antisémitisme ». Si vous êtes juif, vous serez probablement accusé d’avoir « la haine de soi » – l’étiquette que les nazis attachaient aux Allemands antifascistes.

L’accusation « d’antisémitisme » s’est tellement répandue les sionistes se la lancent régulièrement les uns contre les autres. Même Yitzhak Rabin, le Premier ministre israélien assassiné, a été représenté sur des affiches par des opposants aux accords d’Oslo de 1993 vêtu d’un uniforme SS. [1] C’est devenu si ridicule que lorsque le conseil d’administration de Marks and Spencer a rejeté une offre publique d’achat de Philip Green, ce dernier a accusé le président de M&S, Paul Myners, d’antisémitisme ! [2]

Au cours des trente dernières années, a eu lieu un processus de redéfinition de l’antisémitisme. Il ne s’agit plus de racisme ou de discrimination, mais plutôt d’hostilité à un mouvement politique. En 2004, le Congrès américain a adopté le Global Anti-Semitism Review Act, qui ordonne au Département d’État d’évaluer la façon dont les gouvernements du monde entier traitent les citoyens juifs. [3]

Il est étrange que l’antisémitisme, qui est aujourd’hui un préjugé marginal, justifie une telle inquiétude de la part de la classe dirigeante américaine, alors que le racisme contre les Arabes, les musulmans, les Noirs et les Hispaniques mérite à peine un froncement de sourcil. «L’antisémitisme » est devenu un outil idéologique puissant entre les mains de la classe dirigeante des États-Unis. C’est un « antisémitisme » auquel même les segments les plus antisémites de la société américaine – les évangélistes chrétiens blancs avec leurs passions du Christ – peuvent souscrire.

L’establishment américain a redéfini l’opposition à l’impérialisme américain et à son atout stratégique, l’État israélien, comme une forme de racisme. L’antisémitisme est devenu l’antiracisme respectable de la droite. Le sionisme a refermé  la boucle sur les Juifs. Dans cette alliance stratégique avec les États-Unis, les Juifs se voient à nouveau offrir une « protection » par la classe dirigeante, tout comme à l’époque féodale ils étaient protégés par la monarchie et la noblesse.

Le Juif éternel

De même que le capitalisme mercantile a donné naissance au capitalisme industriel, l’antisémitisme religieux a progressivement cédé la place à l’antisémitisme racial à partir du XVIIe siècle. [4] Alors que les antisémites chrétiens cherchaient à convertir les juifs, les antisémites raciaux soutenaient que tout était une question de race et non de religion. La question des juifs baptisés devait causer aux nazis toutes sortes de difficultés au moment où ils commençaient à mettre en œuvre la solution finale. [5]

A la place de l’éternel Juif, les sionistes posent l’éternel antisémite. Depuis 2 000 ans, selon le mythe sioniste, les Juifs ont erré sur la terre, victimes d’un antisémitisme implacable, ayant été expulsés de Palestine après la destruction du premier temple. En fait, la majorité de la communauté juive palestinienne s’était déjà dispersée dans les villes des empires grec et romain plus tard, des siècles avant la chute du deuxième temple, pour devenir un peuple largement commerçant. Lors de la chute du deuxième temple en 70 après JC, environ les trois quarts des Juifs palestiniens étaient déjà dispersés. [6]

Et quelle était l’explication sioniste de l’antisémitisme ? Qu’elle était inhérente au non-juif, un produit de l’antagonisme « naturel » du non-juif. Comme l’expliquait Léon Pinsker, fondateur des Amants ds Sion, « la judéophobie est donc une maladie mentale, et en tant que maladie mentale, elle est héréditaire et, héritée depuis 2 000 ans, elle est incurable ». [7]

Abram Leon notait à ce sujet : « Le sionisme transpose l’antisémitisme moderne à toute l’histoire ; il  s’épargne la peine d’étudier les diverses formes d’antisémitisme et leur évolution. [8]

Au cours de ce qu’Israel Shahak appelle la période classique – environ 800-1200 après JC en Europe occidentale – et plus tard en Europe orientale, les Juifs sont devenus une « classe populaire ». Ils exerçaient des fonctions socio-économiques spécifiques en tant qu’usuriers et prêteurs, collecteurs d’impôts, aubergistes, ainsi que certaines professions liées au commerce telles que les orfèvres et les marchands de diamants. Les Juifs étaient les agents de l’argent dans une société fondée sur les valeurs d’usage. Comme l’avait observé Marx, « Nous ne chercherons pas le secret du Juif dans sa religion, mais nous chercherons le secret de sa religion dans les Juifs. » [9] Sans ce rôle social et économique distinctif, le judaïsme se serait éteint.

La cause de l’antisémitisme à cette époque était « l’antagonisme envers le marchand dans toute société basée principalement sur la production de valeurs d’usage ». [10] Les Juifs « faisaient partie intégrante des classes privilégiées ». [11] Shahak note : « … dans toutes les pires persécutions anti-juives … l’élite dirigeante … était toujours du côté des Juifs … tous les massacres de Juifs pendant la période classique participaient d’une rébellion paysanne ou d’un autre mouvement populaire. ” [12]

Au fur et à mesure que le capitalisme se développait en Europe occidentale, les Juifs entraient de plus en plus en conflit avec la classe marchande locale en développement et étaient généralement expulsés – en Angleterre en 1290 – cherchant refuge en Europe orientale. C’est lorsque le capitalisme a commencé à se développer en Europe de l’Est et en Russie à la fin du XIXe siècle que les Juifs ont de nouveau fui ou ont été expulsés vers l’Europe de l’Ouest et les États-Unis. Quelque trois millions d’entre eux avaient  émigré vers les Etats Unis en 1914. C’est l’émigration des Ost Juden [Juifs orientaus, NdT] qui a recréé la question juive en Occident. Comme Abram  Leon l’a fait remarquer, « les masses juives se retrouvent coincées entre l’enclume du féodalisme en décomposition et le marteau du capitalisme en décomposition ». [13]

Sionisme et antisémitisme

Il n’est pas surprenant que les principaux partisans du sionisme politique, qui a commencé vers la fin du XIXe siècle, aient été en fait les antisémites. Et les plus bruyants et les plus acharnés des opposants au sionisme étaient, et restent, des Juifs. Lorsque Théodore Herzl voulut tenir le premier congrès sioniste à Munich en 1897, il fut contraint de le déplacer à Bâle en Suisse en raison de l’opposition de la communauté juive locale. [14]

Le sionisme est né en réaction à l’antisémitisme, notamment aux pogroms russes de 1881 à la suite de l’assassinat du tsar Alexandre II. Des centaines de personnes avaient été tuées en près de trois ans de pogroms. [15] Dans le port de la mer Noire d’Odessa, centre de l’illumination hébraïque (Haskallah), les pogroms ont sonné le glas du rêve des intellectuels juifs petits-bourgeois que les Juifs pourraient vivre sur un pied d’égalité avec les non-Juifs. Comme Moshe Lillienblum l’a écrit dans The way of return (1881), « Quand j’ai été convaincu que ce n’était pas un manque de haute culture qui était la cause de notre tragédie – parce que étrangers nous sommes et étrangers nous resterons même si nous atteignions le sommet de la culture… tous les anciens idéaux m’ont quitté. [16]

Pour les sionistes, comme Pinsker l’a noté plus haut, l’antisémitisme était une maladie incurable . Et s’il était incurable, il ne pouvait pas être combattu. De cette manière, le sionisme était différent de tous les autres courants politiques parmi les Juifs dans sa réaction à l’antisémitisme : il acceptait la principale prémisse des antisémites – à savoir. que la présence juive parmi les non-juifs n’était pas naturelle et qu’ils étaient des étrangers et des allogènes.

Isaac Deutscher a observé :

« Il ne faut pas oublier que la grande majorité des Juifs d’Europe de l’Est étaient, jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, opposés au sionisme… les ennemis les plus fanatiques du sionisme étaient précisément les ouvriers… ils étaient les opposants les plus déterminés au sionisme. l’idée d’une émigration de l’Europe de l’Est vers la Palestine … d’un exode des pays dans lesquels ils avaient leurs maisons et dans lesquels leurs ancêtres avaient vécu pendant des siècles, les antisionistes voyaient là une abdication de leurs droits, une reddition à l’antisémitisme. Pour eux, l’antisémitisme semblait triompher dans le sionisme, qui reconnaissait la légitimité et la validité du vieux cri : « Juifs, dégagez ! Les sionistes étaient d’accord pour partir. [17]

Herzl reconnaissait à la fois une identité d’intérêt et une idéologie commune entre le sionisme et l’antisémitisme. Lorsqu’il punlia  sa brochure L’État juif en 1895, l’accueil le plus chaleureux vint de la part des antisémites : « J’étais à l’imprimerie et j’ai parlé avec les gérants… tous deux sont vraisemblablement antisémites. Ils m’ont accueilli avec une franche cordialité. Ils ont aimé ma brochure. [18]

Le biographe de Herzl  Desmond Stewart notait avec perspicacité : « … déjà en 1896, les antisémites autrichiens trouvaient des munitions dans les arguments de Herzl, tout comme les partisans de Drumont… » [19] Edouard Drumont était l’un des idéologues antisémites les plus importants du XIXe siècle. Il écrivit un livre influent, La France juive (1886) et édita un quotidien, La Libre Parole , et il fut l’un des leaders des anti-dreyfusards. Herzl était plein d’admiration pour Drumont : « Mais je dois à Drumont une grande partie de la liberté actuelle de mes concepts, car c’est un artiste. [20] Herzl a fait pression pour que Drumont chronique sa brochure dans La Libre Parole, ce qu’il fit le 15 janvier 1897, et il fut ravi du résultat. Drumont « loue les sionistes de la tendance de Herzl qui ne voient pas en nous des fanatiques… mais des citoyens qui exercent le droit à l’autodéfense ». [21]

De même, l’adjoint d’Herzl, Max Nordau, dans un entretien avec Raphaël Marchant, correspondant de La Libre Parole , observe que le sionisme « n’est pas une question de religion, mais exclusivement de race, et il n’y a personne avec qui je sois plus d’accord sur ce point que M. Drumont.» [22]

Là-dessus, il y avait un accord unanime parmi les essayistes sionistes. Le premier théoricien sioniste était Moses Hess, que Marx avait connu très tôt. Dans son pamphlet, Rome et Jérusalem , Hess écrit que « la lutte raciale est primaire et la classe secondaire » [23] , avant de poursuivre en expliquant :

« Les Allemands détestent la religion des Juifs moins qu’ils ne détestent leur race – ils détestent la foi particulière des Juifs moins que leur nez particulier … la réforme, la conversion, l’éducation et l’émancipation – rien de tout cela n’ouvre les portes de la société au Juif allemand, d’où son désir de nier sa propre origine raciale. [24]

Le sionisme et l’antisémitisme partageaient la même vision politique et le même territoire. Herzl s’est vite rendu compte que « les antisémites deviendront nos amis les plus fiables, les pays antisémites nos alliés ». [25] La pierre de touche à la fois pour le sionisme et les antisémites (et plus tard les nazis) était leur aversion pour la Révolution française, qui avait libéré les Juifs des ghettos et accordé l’égalité politique. Les sionistes, comme les rabbins orthodoxes, voyaient dans l’émancipation la cause de tous leurs maux. Le sionisme était l’équivalent séculier de l’orthodoxie juive.

Comme l’a observé l’historien sioniste Noah Lucas, « le sionisme était l’antagoniste avant tout de l’assimilation individuelle associée à l’émancipation ». [26] Le discours de Max Nordau au premier Congrès sioniste en 1897 tournait en dérision la Révolution française et l’émancipation comme un simple « mode de pensée géométrique du rationalisme français ». Les seuls doutes de Nordau concernant le sionisme étaient que les Juifs pourraient ne pas être «anthropologiquement aptes à devenir une nation». [27] De même, Nahman Syrkin, le premier sioniste « socialiste », avait soutenu que « l’émancipation des Juifs était, dès le début, le résultat d’une conformité logique aux implications d’un principe plutôt qu’un besoin réel ». [28]

On prétend souvent que Herzl est devenu sioniste à cause de l’affaire Dreyfus de 1894 – Alfred Dreyfus, un officier juif de l’armée française, avait été  accusé à tort d’espionnage, déchu de son grade et condamné à la réclusion à perpétuité sur l’île du Diable. L’affaire Dreyfus est devenue une cause célèbre et a prouvé que l’antisémitisme pouvait être combattu avec succès. C’est cette hostilité à l’antisémitisme qui devait aboutir à l’extermination de moins de 25 % des Juifs français dans l’holocauste. [29]

Desmond Stewart confirme qu’il est peu probable que le sionisme de Herzl résulte de l’affaire Dreyfus. [30] De même le rabbin Elmer Berger :

« Où dans le monde, un siècle auparavant, plus de la moitié d’une nation aurait-elle pris la défense d’un Juif ? Si Herzl avait eu une connaissance de l’histoire, il aurait vu dans l’affaire Dreyfus une preuve éclatante et réconfortante du succès de l’émancipation. [31]

Herzl lui-même a écrit :

« A Paris… j’ai acquis une attitude plus libre envers l’antisémitisme, que je commençais maintenant à comprendre historiquement et à pardonner. Avant tout, je reconnais la vaacuité et la futilité d’essayer de « combattre » l’antisémitisme. [32]

Antidote au socialisme

La stratégie de Herzl, qu’il ne devait pas voir aboutir de son vivant, consistait à faire appel aux hommes d’État et aux dirigeants européens pour nouer une alliance impériale avec le mouvement sioniste naissant. Au cours de ses voyages, il rencontra l’empereur allemand, les ministres tsaristes les comtes Witte et von Plehve, le sultan ottoman, Lord Cromer, Joseph Chamberlain, le roi Victor Emmanuel et même le pape ! Son message était toujours le même : en aidant le mouvement sioniste, vous aidez les opposants juifs au socialisme et à la révolution.

Léonard Stein note :

« Les événements de 1917 ont rendu naturel de se tourner vers le sionisme en tant que force stabilisatrice dans le monde juif, et de le valoriser pour sa puissance… pour fournir un antidote à la manie destructrice des Juifs en rébellion contre leur sort… » [33 ]

Au Kaiser allemand Herzl écrivit :

« Notre mouvement, déjà largement répandu, doit livrer partout une bataille acharnée avec les partis révolutionnaires qui sentent à juste titre en lui un adversaire. Nous avons besoin d’encouragement même si cela doit rester un secret soigneusement gardé. [34]

Et lorsqu’il a réitéré cet argument devant le grand-duc de Bade, ce dernier répondit, concernant la nécessité de maintenir les sociétés sionistes légales en Russie : « Pobedonostev devrait entendre cela. Tu devrais le lui dire. [35] Le grand-duc n’avait qu’un seul souci, selon Herzl :

« Il a pris mon projet de construction d’un État avec le plus grand sérieux. Sa principale crainte était que s’il soutenait la cause, les gens pourraient l’accuser d’antisémitisme. [36]

Lorsque Herzl rencontra le ministre allemand des Affaires étrangères von Bulow, « l’aspect antisocialiste du sionisme a été approfondi dans les moindres détails ». [37] Et quand il a enfin pu voir le Kaiser, il s’est empressé d’expliquer : « Nous éloignons les Juifs des partis révolutionnaires. [38]

Le point culminant de la recherche d’alliés antisémites par Herzl survint avec sa visite en août 1903 au ministre de l’Intérieur du Tsar, von Plehve, qui avait organisé les pogroms de Kichinev à peine quatre mois auparavant. Alors que Herzl expliquait le sionisme, Plehve l’interrompit : « Vous n’avez pas à justifier le mouvement devant moi. Vous prêchez à un converti ”. [39]

Cette réunion était cruciale pour les plans de Herzl. Parmi les mouvements politiques en Russie, seul le sionisme devait rester légal. Plehve rédigea une lettre promettant « une assistance morale et matérielle », une lettre qui est devenue « l’atout le plus précieux de Herzl ». [40] (Il est difficile de surestimer la haine avec laquelle les ministres tsaristes étaient tenus par les Juifs. Le nom de Plehve « avait une résonance maléfique comme l’aura plus tard  celui d’Adolf Eichmann ». [41] ) En raison de ce lobbying de Herzl « il n’y avait aucune interdiction des activités sionistes et une autorisation officielle a même été donnée pour la tenue de la deuxième conférence des sionistes russes à Minsk (septembre 1902) ». [42]

Le 17 février 1904, Plehve se rendit à Londres, où il fut interviewé par Lucien Wolfe pour The Times . Plehve admettra qu’il avait organisé les pogroms « parce que la jeunesse juive se livrait entièrement aux mouvements révolutionnaires ». Cependant, il « ne s’opposerait pas à l’encouragement des idées sionistes en Russie dans la mesure où elles étaient de nature à favoriser l’émigration » et « il pensait aussi que pour les non-émigrants, elles pourraient être utiles comme antidote aux doctrines socialistes ». [43]

Des années plus tard, Jabotinsky, chef des sionistes révisionnistes, devait tenir des pourparlers similaires avec le chef ukrainien Petlyura, dont les gangs fascistes assassinèrent quelque 100 000 Juifs entre 1918 et 1921. Comme l’admet Lacquer, « le principal coupable des pogroms était les forces nationalistes sous les ordres de Petlioura. [44]

On prétend souvent que le sionisme est un mouvement progressiste, voire socialiste. Pourtant, le phénomène du sionisme «socialiste» n’a eu lieu que parce que les travailleurs juifs d’Europe de l’Est avaient apporté leur soutien aux partis révolutionnaires et socialistes, puisqu’ils combattaient l’antisémitisme. Les dirigeants du Bund ont affirmé que le socialisme des sionistes de gauche était une imposture délibérée, qu’ils portaient un masque rouge pour cacher leurs véritables intentions et s’adapter à l’air du temps radical [socialiste ou communiste, NdT] . [45] À propos du sionisme « de gauche », Lucas note : « Le sionisme est entré en conflit direct avec les intérêts perçus du prolétariat juif. C’est dans ce contexte que les idées du sionisme socialiste ont été formulées. [46]

En pratique, chaque fois que les besoins du sionisme et du socialisme s’opposaient, c’était ce dernier qui cédait. Yitzhak Ben-Zvi, le deuxième président d’Israël, l’a dit succinctement en 1921 :

«Chaque fois que nous rencontrons une contradiction entre les principes nationaux et socialistes, la contradiction doit être résolue en abandonnant le principe socialiste en faveur de l’activité nationale. Nous n’accepterons pas la tentative contraire de résoudre la contradiction en se débarrassant de l’intérêt national au profit de l’idée socialiste. [47]

Réaction justifiable

C’était un lieu commun parmi les dirigeants sionistes que l’antisémitisme était une réaction compréhensible, sinon justifiée, à une présence juive étrangère. Jacob Klatzkin, un important intellectuel sioniste et rédacteur en chef de son journal officiel, Die Welt , et co-rédacteur en chef de l’ Encyclopaedia Judaica , a affirmé : « En un mot, nous sommes naturellement des étrangers. Nous sommes une nation étrangère au milieu de vous et nous voulons le rester. [48]

Klatzkin était inévitablement amené à justifier l’antisémitisme :

« La contribution de nos ennemis réside dans le maintien de la communauté juive en Europe de l’Est. Il faut apprécier le service national que la Pale of Settlement  [zone de résidence pour les Juifs] nous a rendus … nous devons être reconnaissants à nos oppresseurs de nous avoir fermé les portes de l’assimilation et avoir veillé à ce que notre peuple soit concentré et non dispersé. [49]

Ce thème de l’aspect bénéfique de l’antisémitisme, est une constante dans le sionisme, tout comme la haine de Klatzkin envers la diaspora (Galut) juive  :

« La Diaspora ne peut qu’entraîner la disgrâce de notre peuple et soutenir l’existence d’un peuple à l’âme et au corps défigurés, en un mot d’une horreur. Au pire, elle peut nous maintenir dans un état d’impureté nationale et engendrer une sorte de créature extravagante… Le résultat ne sera ni juif ni gentil [gentil = non juif]– en tout cas, pas un pur type national… » [50 ]

La logique était claire : « Au lieu d’établir des sociétés de défense contre les antisémites qui veulent restreindre nos droits, nous devrions établir des sociétés de défense contre nos amis qui veulent défendre nos droits. [51] Ce n’était pas non plus purement rhétorique. Lors d’une réunion contre l’antisémitisme, convoquée par l’organisme communautaire juif allemand Centralverein , « les perturbateurs sionistes et antisémites sont allés dans le même sens ». [52] Comme le demande Niewyk, « Est-ce que le point de vue des sionistes sur les vies juives déformées en dehors de la Palestine a renforcé le stéréotype antisémite des Juifs en tant que matérialistes, exploiteurs et traîtres ? » [53]

Un des successeurs ultérieurs de Herzl et premier président d’Israël, Chaim Weizmann, négocia la déclaration Balfour. En tant que ministre de l’Intérieur en 1905, Arthur J Balfour avait introduit la loi sur les étrangers pour empêcher les réfugiés juifs de fuir les pogroms en Angleterre. En 1902, Herzl avait témoigné devant la Commission royale sur l’immigration des étrangers, prônant des restrictions à l’immigration juive : « La comparution de Herzl devant la commission ne pouvait avoir que deux effets. Les antisémites pourraient dire que le docteur Herzl, un expert, a soutenu qu’un Juif ne pourrait jamais devenir Anglais. [54] Lorsque Lord Rothschild  demanda à Weizmann de ne pas soutenir ceux qui prônaient des restrictions à l’immigration juive, il répondit :

« Je serais une créature méchante si je ne disais que des choses qui pourraient conduire à une restriction de l’immigration. Mais je serais l’une de ces créatures méchantes à qui les Juifs anglais devraient ériger un monument par gratitude, parce que je les ai sauvés d’un afflux de Juifs d’Europe de l’Est et donc peut-être de l’antisémitisme. [55]

En plus d’être un antisémite, Balfour était aussi un ardent sioniste. Aujourd’hui encore, le quartier général sioniste londonien de Finchley s’appelle Balfour House. Le principal groupe anti-immigration du début du XXe siècle était dirigé par le député conservateur William Evans-Gordon. Dans son autobiographie, Weizmann écrit :

« Le projet de loi sur les étrangers en Angleterre et le mouvement qui s’est développé autour de lui étaient des phénomènes naturels qui auraient pu être prévus… Chaque fois que la quantité de Juifs dans un pays atteint un point de saturation, ce pays réagit contre eux… L’Angleterre avait atteint le point où elle pourrait ou accepterait d’absorber un certain nombre de Juifs et pas plus… La réaction contre cela ne peut être considérée comme de l’antisémitisme au sens ordinaire ou vulgaire de ce mot… Sir William Evans-Gordon n’avait aucun préjugé anti-juif particulier… il était sincèrement prêt à encourager toute implantation de Juifs presque partout dans l’empire britannique, mais il ne voyait pas pourquoi les ghettos de Londres ou de Leeds ou de Whitechapel devraient être transformés en une branche des ghettos de Varsovie et de Pinsk [ville de Biélorussie, NdT]. [56]

Peut-être que ce sentiment est le mieux résumé par le romancier israélien AB Yehoshua : « Même aujourd’hui, d’une manière perverse, un véritable antisémite doit être un sioniste. [57]

Dans le prochain article, nous verrons comment l’attitude sioniste traditionnelle envers l’antisémitisme n’a pas changé à l’époque de l’holocauste nazi. Au contraire, elle s’est renforcée, scellant le sort de centaines de milliers de Juifs dans le processus.

Notes:

1. B. Kimmerling, Politicide , Londres 2006, p. 123.

2. Chronique juive , 6 août 2004.

3. D. Rennie, The Daily Telegraph , 13 octobre 2004.

4. Voir R. Hilberg, The destruction of European Jewry , New York 1985, p. 19.

5. Voir, par exemple, G. Reitlinger, The final solution , Londres 1953, p. 388. Les fascistes catholiques slovaques, qui n’avaient aucun scrupule à déporter des juifs « à part entière », refusèrent que des juifs baptisés soient déportés. Il en a été de même dans toute l’Europe, y compris en Hongrie et en Roumanie.

6. Voir A. Ruppin, Les Juifs dans le monde moderne , Londres 1934, p. 22; cité dans A. Leon, The Jewish question – a Marxist interpretation , New York 1980, p. 68.

7. L. Pinsker, Autoemanzipation, ein Mahnruf an seine Stammesgenossen, von einem russischen Juden , Berlin 1882, p. 5.

8. A. Léon, op. cit. , p. 247.

9. Sur la question juive , Essais choisis par Karl Marx , New York 1926, p. 88.

10. A. Léon, op. cit. , p. 71.

11. I. Shahak, Histoire juive, religion juive , Londres 1994, p. 52.

12. Idem. , p. 66–67.

13. A. Léon, op. cit. , p. 226.

14. N. Weinstock, Le sionisme, un faux messie , 1969, p. 39.

15. D. Vital, Les origines du sionisme , Oxford 1980, pp.51-55.

16. Cité dans A. Hertzberg, The Zionist idea – a historical analysis and reader , New York 1981, pp.169-170.

17. I. Deutscher, La Révolution russe et la question juive , Le Juif non juif et autres essais , pp.66-67.

18. M. Lowenthall, Les journaux de T Herzl , New York 1962, p. 91.

19. D. Stewart, Theodor Herzl , New York 1974, p. 25.

20. Idem.

21. Idem. , p. 251 fn.

22. Idem. , p. 322.

23. M. Hess, Rome et Jérusalem , Avant-propos , New York 1958.

24. Idem. , p. 49. Voir aussi p. 71.

25. R. Patai ( éd. ), The complete diaries of Theodore Herzl , Vol.1, Londres 1960 : entrée du 11 juin 1895.

26. N. Lucas, L’histoire moderne d’Israël , New York 1975, p. 18.

27. Journaux complets , pp. 275–76.

28. N. Syrkin, Le problème juif et l’Etat socialiste-juif ; cité dans A. Hertzberg op. cit. , p. 337.

29. Reitlinger estime que 60 à 65 000 Juifs français sont morts dans les camps d’extermination, Hilberg avance le chiffre à 75 000 sur quelque 300 000.

30. D. Stewart, Theodore Herzl – artiste et homme politique , Londres 1974, p. 164.

31. Idem. , p. 167.

32. Idem. , p. 6.

33. L. Stein, La déclaration Balfour , Londres 1961, p. 162.

34. R. Patai ( éd. ), op. cit. , p. 596.

35. Idem. , p. 657.

36. M. Lowenthall, op. cit. , p. 118.

37. Idem. , p. 666.

38. Idem. , p. 729.

39. R. Patai ( éd. ), op. cit. , p. 1 525.

40. M. Menhuin, La décadence du judaïsme à notre époque , New York 1969, p. 46.

41. D. Stewart, op. cit. , p. 316.

42. C. Weizmann, Lettres et papiers , vol. 2, Oxford 1971, p. 284.

43. Idem. , vol. 3, p. 216 fn.

44. W. Lacqueur, Une histoire du sionisme , New York 1975, p. 441.

45. B. Ehud, Zionismus oder Sozialismus , Varsovie l899, p. 30; et L. Monst Origins of the Russian-Jewish , Melbourne 1947, p. 136 ; cité dans W. Lacqueur, op. cit. , p. 273.

46. ​​N. Lucas, op. cit. , p. 35.

47. Achduth , n° 16, Tel-Aviv 1921 ; cité dans Machover et Offenburg, Le sionisme et ses épouvantails , pp. 49-50.

48. J. Klatzkin, Krisis und Entscheidung in Judentum , Berlin 1921, p. 118 ; cité dans K. Hermann, Sionisme et racisme , Guildford 1976, p. 204.

49. Idem. , p. 205.

50. Idem. , p. 322–23.

51. J. Klatzkin dans B. Matovu, La volonté sioniste et l’acte nazi ; cité dans U. Davies, Sionisme – utopie incorporée , p. 17.

52. DL Niewyk, Les Juifs de Weimar en Allemagne , Louisiane, p. 139, note de bas de page 68 ; citant Israelitisches Familienblatt , 3 juin 1920.

53. Idem.

54. W. Lacqueur, op. cit. , p. 119.

55. R. Patai ( éd. ), op. cit. , p. 1, 292–93.

56. C. Weizmann, Trial and error , New York 1966, pp. 90–91.

57. Chronique juive , 22 janvier 1982.

La preuve par 300 prépuces: le sionisme est extrémiste par essence

6 juillet 2014

Certains imaginent qu’il existe un sionisme modéré (j’ai moi-même dû employer cet oxymore) mais c’est en réalité une illusion qui est en train de se dissiper sous nos yeux.
On constate par exemple que ceux que d’aucuns considéraient comme des sionistes modérés, les travaillistes, sont aujourd’hui à la marge de l’échiquier politique sioniste.

De toute façon, si les travaillistes ont certainement longtemps été modérés avec les travailleurs juifs ashkénazes, ils ne se sont guère distingués de leurs concurrents de droite en matière de bellicisme et de colonisation. Shimon Peres, le résidu travailliste qui préside l’entité sioniste pour quelques jours encore, incarne parfaitement ce propos.

Le sionisme, c’est comme le nazisme, il n’en existe pas de version modérée sauf dans la tête de quelques esprits qui ont des problèmes avec la logique. Et la logique du sionisme est implacable qui affleure avant de submerger les naïfs de tous bords par son déchaînement de violence verbale et meurtrière.

L’affaire des trois jeunes auto-stoppeurs sionistes assassinés en Cisjordanie donne l’opportunité au sionisme de se monter sous son jour le plus cru, le même que celui qui l’a amené à expulser des centaines de milliers de Palestiniens de leur patrie, à se doter de l’arme atomique, à agresser à plusieurs reprises des nations arabes, à assassiner des Palestiniens, leaders politiques, militants armés et surtout simples civils, à se murer lui-même dans un ghetto etc.

Pourtant on ne sait pas qui a tué les trois auto-stoppeurs juifs. Ils ont en effet été pris en stop dans un secteur de Cisjordanie contrôlé par l’armée sioniste ; les autorités sionistes ont ensuite tour à tour accusé de ce kidnapping l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL), le Hamas et l’Autorité Palestinienne .

Le Hamas a démenti avoir enlevé les jeunes auto-stoppeurs, un démenti d’autant plus crédible que 1) le Hamas n’a aucune marge de manœuvre en Cisjordanie où il est traqué aussi bien par l’armée sioniste que par la police de Mahmoud Abbas et 2) que si le Hamas avait capturé ces jeunes gens, il l’aurait fait savoir pour obtenir un échange de prisonniers.

Par ailleurs, on peut se demander s’il est judicieux de faire de l’auto-stop dans une zone où on est établi en qualité de colon, c’est-à-dire en tant que participant à un crime de guerre.
Je disais donc qu’il n’y a pas de sionisme modéré et c’est ce que viennent de découvrir avec stupeur d’anciens membres d’un mouvement de jeunesse sioniste religieux réputé modéré.

Le chef de World Bnei Akiva appelle à faire payer le prix du ‘sang  pour [le meurtre] des adolescents israéliens

Le rabbin Noam Perel, secrétaire général du mouvement mondial de jeunesse depuis 2012 exhorte le gouvernement à faire de l’armée isrélienne une armée de vengeurs ‘qui ne s’arrêteront pas à 300 prépuces de Philistins
par Or Kashti, Haaretz (Sionistan)l. 2 juillet 2014 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le secrétaire général de World Bnei Akiva, le rabbin Noam Perel, a appelé à venger ‘enlèvement et l’assassinat de trois adolescents israéliens dont les cadavres ont été retrouvés lundi.

« Toute une nation et des siècles d’histoire exigent la vengeance, » a écrit Perel sur sa page Facebook après la découverte des corps.

« Le gouvernement israélien se rassemble pour une réunion de vengeance qui n’est pas une réunion d e deuil. Le maître est devenu fou en voyant les corps de ses fils. Un gouvernement qui transforme une armée de chercheurs en armée de vengeurs, une armée qui ne s’arrêtera pas à 300 prépuces de Philistins, » a écrit Perel dans une allusion au récit biblique de David qui tua 200 Philistins et donna leurs prépuces au roi Saül pour prix des épousailles avec sa fille.

«Le prix de la honte sera payé avec le sang de l’ennemi, pas avec nos larmes, » conclut Perel.

Perel a posté le même message sur la page du groupe Facebook des émissaires de World Bnei Akiva.

A force de sucer des kikis, Noam Perel est devenu un spécialiste du prépuce

A force de sucer des kikis, Noam Perel est devenu un spécialiste du prépuce

Les réactions au post de Perel sur son profil Facebook ont été généralement négatives, beaucoup d’intervenants faisaint part de leur déception de voir le leader d’un mouvement de jeunesse auquel ils avaient appartenu adopter de telles opinions.

« J’ai honte du mouvement au sein duquel j’ai grandi. Je souffre que vous m’ayez fait avoir honte du judaïsme, parce que vous parlez en son nom, » lit-on dans un commentaire.
D’autres qualifient Perel de « fou » et de « judéo-nazi », un commentateur comparant le rabbin à Adolf Eichmann. Certains commentaires ridiculisent l’appel implicite de Perel à circoncire en masse les Palestiniens, l’un d’entre eux alertant le rabbin sur le fait que la plupart des Palestiniens sont musulmans et sont déjà circoncis.

Philistin offrant son prépuce à l'envahisseur

Philistin offrant son prépuce à l’envahisseur

Perel a depuis retiré le post et a expliqué dans un nouveau post qu’il avait été mal compris.

Perel, 44 ans, est secrétaire général de World Bnei Akiva depuis 2012. Mouvement de jeunes sioniste-religieux, World Bnei Akiva a plus de 150 représentations dans des dizaines de pays du monde entier. Selon le site web du mouvement, Bnei Akiva se consacre à la lutte contre « le mariage mixte et l’assimilation sociale » en encourageant l’immigration en Israël, en «approfondissant l’identité juive » et en « renforçant et en connectant la nation juive à l’étranger aux valeurs du sionisme religieux et à l’Etat d’Israël. »

Le rabbin Perel est aussi le fondateur de la yeshiva [école religieuse] de la colonie de Susiya près d’Hébron dont il a assuré la direction pendant de nombreuses années.

Mardi soir, après les funérailles des trois adolescents, Perel a écrit : « Nous sommes rentrés des funérailles des nôtres qui ont été assassinés avec des idées nouvelles et claires. Nous ne nous contenterons plus de montagnes de discours… »

Le leader de l’opposition et président du parti travailliste Isaac Herzog a appelé le ministre Bennett à condamner les propos de Perel. « C’est une grave incitation [au meurtre] qu’un membre important de Habayit Hayehudi [le Foyer Juif, parti ultra-nationaliste présidé par Naftali Bennett qui est aussi ministre dans le gouvernement Netanyahou] ne doit absolument pas faire dans l’Etat d’Israël, » a déclaré Herzog qui a ajouté que si Bennett ne dénonçait pas officiellement [les propos de Perel], il exhortera le premier ministre à le limoger.

Des diaines de groupes sur les médias sociaux ont été lncés ces deux derniers jours pour appler à venger les assassinats des adolescents après la découverte des corps. L’un d’entre eux, un groupe Facebook nommé « Le peuple d’Israël exige la vengeance » a déjà obtenu 35 000 « j’aime ».

Le sionisme et le régime nazi: un texte important de Klaus Polkehn enfin disponible en français

27 janvier 2013

J’ignore pourquoi les articles de Klaus Polkehn sur le sionisme n’ont jamais été traduits intégralement en français.

Cette lacune est maintenant en partie réparée puisque, après l’article sur les relations entre le mouvement sioniste et l’impérialisme, notamment allemand, dont je vous ai déjà livré la traduction, je vous propose un autre article qui tombe à point nommé en ce jour où les sionistes redoublent de condamnations morales, en attendant parfois des mesures plus pratiques, contre ceux qui selon eux ne prendraient pas assez au sérieux ce qu’ils appellent «holocauste» ou « shoah.»

Ne pas prendre au sérieux cet «holocauste,» c’est par exemple contester le chiffre officiel de 6 millions de Juifs tués pendant la deuxième guerre mondiale ou nier l’existence des chambres à gaz.

Mais c’est aussi situer le malheur des Juifs à l’époque dans une histoire commune des malheurs qui ont accablé et continuent à accabler l’humanité. C’et précisément l’erreur commise par le député Anglais David Ward qui provoque un tollé chez les sionistes parce que, adepte convaincu de la religion de l’holocauste, il pense être autorisé, au nom de principes universels, à critiquer les Juifs qui spolient et martyrisent le peuple palestinien. Les Juifs en question sont bien entendu les sionistes et personne d’autre.

Mais il est interdit de critiquer l’entité sioniste parce que c’est le plus souvent une expression voilée d’antisémitisme et que comparer peu ou prou ses agissements à ceux du nazisme relève du sacrilège.

Pourtant, s’il est des gens qui devraient faire profil bas quand on parle du nazisme, ce sont bel et bien les sionistes ainsi qu’on peut le constater en lisant le texte qui suit de Klaus Polkehn. Ce dernier présente de manière détaillée la somme des relations connues entre la clique sioniste et le régime nazi dès l’arrivée au pouvoir d’Hitler, une clique sioniste qui aurait dû être jugée à Nuremberg avec le reste de la bande.

Et contrairement aux apparences, la politique prosioniste des puissances européennes, de l’Allemagne tout particulièrement, loin de s’inscrire en rupture avec celle du fascisme hitlérien, se situe en fait dans une étonnante continuité. Une continuité dont la perception est cependant rendue très difficile par tout le brouillard émotionnel entretenu sur la première moitié du 20ème siècle et une guerre qu’on a voulue inanalysable par l’opinion publique.

Angela Merkel et Benjamin Netanyahou

Angela Merkel et Benjamin Netanyahou

L’article sur lequel j’ai basé ma traduction est en anglais (l’article original de Klaus Polkehn est écrit en allemand). Je n’ai pas reproduit l’important appareil de notes de l’auteur qui renvoie aux documents sur lesquels il s’est appuyé. Vous trouverez toutes ces références dans l’article en anglais disponible en format pdf  (lien ci-dessous)

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Les contacts secrets : le sionisme et l’Allemagne nazie, 1933 – 1941

Par Klaus Polkehn, Journal of Palestine Studies – 1976 traduit de l’anglais par Djazaïri

L’antisémitisme devint une politique officielle du gouvernement allemand quand Hitler fut nommé chancelier du Reich allemand le 30 janvier 1933.  Le printemps 1933 avait aussi vu  le commencement d’une période de discrète coopération entre le sionisme et le régime fasciste allemand afin d’accroître le flux de capitaux et d’émigrants Juifs vers la Palestine. Les autorités sionistes avaient longtemps réussi à maintenir  cette coopération secrète, et ce n’est que vers le début des années 1960 que des critiques se sont exprimées ici ou là. La réaction sioniste a généralement consisté en des déclarations selon lesquelles leurs brefs contacts avec l’Allemagne nazie avaient été entrepris à seule fin de sauver des vies juives. Mais ces contacts étaient d’autant plus remarquables qu’ils avaient eu lieu à une époque où de nombreux juifs et organisations juives exigeaient un boycott de l’Allemagne nazie.

A l’occasion de la 16ème convention du Parti Communiste Israélien, un document proposé au début de la conférence affirmait  que «après la prise de pouvoir par Hitler en Allemagne, alors que toutes les forces antifascistes dans le monde ainsi que la grande majorité des organisations juives avaient proclamé un boycott contre l’Allemagne nazie, des contacts et une collaboration existaient entre les dirigeants sionistes et le gouvernement hitlérien.»  Le document citait les propos tenus par le dirigeant sioniste Eliezer Livneh (qui était le rédacteur en chef de l’organe de la Haganah pendant la deuxième guerre mondiale) lors d’un symposium organisé par le journal israélien Maariv en 1966, qui expliquait «que pour les dirigeants sionistes, secourir les juifs n’était pas un but en soi, mais seulement un moyen» (c’est-à-dire pour établir un Etat juif en Palestine). S’interroger sur la réaction du mouvement sioniste face au fascisme allemand qui, pendant ses douze années au pouvoir, a assassiné des millions de juifs relève du tabou aux yeux des leaders sionistes. Ce n’est que rarement qu’on peut tomber sur des preuves authentiques ou des documents au sujet de ces questions. Cette enquête rassemble des informations recueillies jusqu’à tout récemment sur certains aspects importants de la coopération entre les fascistes et les sionistes. La nature des choses veut que cette enquête ne présente pas une image complète. Cela ne sera possible que quand les archives (surtout celles qui sont en Israël) dans lesquelles les documents concernant ces évènements sont enfermés à double tour seront accessibles aux chercheurs universitaires.

L’avènement d’Hitler 

Pour les dirigeants sionistes, l’arrivée d’Hitler au pouvoir était grosse de la possibilité d’un afflux d’immigrants en Palestine. Auparavant, la majorité des juifs allemands, qui se considéraient eux-mêmes comme allemands, n’avaient guère de sympathie pour l’entreprise sioniste. Les statistiques allemandes, compilées avant la prise du pouvoir par les fascistes, classait la minorité juive uniquement en tant que «confession religieuse» et ce sont les législateurs fascistes qui introduiront la notion de «race» en tant que caractéristique et incluront de la sorte même les descendants assimilés issus de la communauté juive dans la catégorie [raciale, NdT] juive.

Selon les statistiques, 503 000 juifs vivaient en Allemagne en 1933, constituant ainsi 0.76 % de la population totale. 31 % de tous les juifs allemands résidaient dans la capitale Berlin où ils représentaient 4,3 % de la population de la ville. Les statistiques allemandes indiquent aussi que la proportion de juifs dans la population de l’Allemagne avait diminué entre 1871 et 1933, passant de 1,05 % à 0.76 %.

Ces juifs allemands étaient dans leur écrasante majorité non sionistes ou antisionistes et, avant 1937, l’Union Sioniste pour l’Allemagne (Zionistische Vereinigung für Deutschland, ZVFD) avait beaucoup de mal à se faire entendre.

Parmi les juifs recensés en Allemagne en 1925, il n’y en avait par exemple que 8739 (pas même 2 %) susceptibles de voter dans les conventions sionistes (c’est-à-dire en qualité d’adhérents d’organisations sionistes). Aux élections régionales de la communauté juive tenues en Prusse en février 1925, seulement 26 des 124 personnes élues appartenaient à des organisations sionistes. Un rapport  de Keren Hayesod présenté à la 24ème session de la ZVFD en juillet 1932 constatait : «dans le processus d’évaluation du travail de Keren Hayesod en Allemagne, on ne doit pas oublier qu’n Allemagne, nous devons tenir compte non seulement de l’indifférence de larges cercles juifs mais aussi de leur hostilité.»

Par conséquent, à l’époque de l’avènement au pouvoir d’Hitler, les sionistes étaient pour l’essentiel une petite minorité insignifiante et peu influente et d’étaient les organisations non sionistes qui jouaient un rôle dominant parmi les juifs.  A leur tête se trouvait la Centralverein deutscher Staatsbürger jüdischen Glaubens (CVn ou Union Centrale des Citoyens Allemands de Confession Juive), fondée en 1893 qui, ainsi que son nom le laisse entendre, considérait les juifs allemands comme des allemands et considérait que son premier devoir était de combattre l’antisémitisme.

En accord avec cette position fondamentale, la CVn avait aussi nettement affirmé son rejet du sionisme. C’est ainsi qu’une résolution adoptée par la principale instance de la CVn le 10 avril 1921 se concluait par ces mots : « si le travail de colonisation en Palestine n’était qu’une affaire d’aide et d’assistance, alors, du point de vue de la Centralverein, il n’y aurait rien à redire à la promotion de ce travail. Cependant, la colonisation en Palestine est d’abord l’objet d’une politique nationale juive et sa promotion et son soutien doivent donc être rejetés.» En conséquence, c’était la CVn qui, pendant les années précédant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, se tenait à l’avant-garde des partis et organisations progressistes dans leur lutte contre l’antisémitisme. Au sujet de cette attitude, l’écrivain juif Werner E. Mosse remarquait : «Alors que les dirigeants de la CV considéraient comme de leur devoir de représenter les intérêts des juifs allemands dans l’action et le combat politiques, le sionisme prenait position pour … une non participation des juifs à la vie publique allemande. Il rejetait par principe toute participation à la lutte menée par la CVn.»

L’attitude des sionistes à l’égard de la menace d’une domination fasciste totale en Allemagne était déterminée par certains présupposés idéologiques communs : les fascistes tout comme les sionistes croyaient aux pseudo théories raciales, et les uns comme les autres partageaient la croyance dans des généralisations mystiques comme le caractère national» (volkstum) et la «race,» les uns et les autres étaient chauvins et penchaient pours «l’exclusivisme racial.» C’est ainsi que l’officiel sioniste Gerhart Holdheim écrivait en 1930 dans une livraison du Süddeutsche Monatshefte consacrée à la question juive (une publication dans laquelle, entre autres, des antisémites notoires faisaient connaître leurs opinions) : « Le programme sioniste conçoit la communauté juive comme étant homogène et indivisible, sur une base nationale. Le critère qui définit la communauté juive n’est pas al confession ou la religion, mais un sentiment global d’appartenance à une communauté raciale que réunissent des liens de sang et historiques et qui est déterminée à préserver son individualité nationale.» C’état le même langage, la même phraséologie que celle utilisée par les fascistes. Il va de soi que les fascistes allemands voyaient d’un bon œil les conceptions sionistes, tel Alfred Rosenberg, le principal idéologue du parti nazi qui écrivait :

«le sionisme doit être soutenu vigoureusement de sorte à ce qu’un certain nombre de juifs allemands partent chaque année en Palestine ou que, du moins, on leur fasse quitter le pays.» Considérant une déclaration de ce genre, Hans Lamm écrira plus tard : «…il est incontestable que dans les premières étapes de leur politique juive, les nationaux socialistes pensaient qu’il convenait d’adopter une attitude pro sioniste.»

De manière très perspicace, la CVn avait remarqué que la reconnaissance par les sionistes de «certains postulats des nationalistes allemands » avait donné des munitions aux antisémites et, dans une déclaration de politique générale émise par la CVn il était même question du sionisme comme ayant mis au mouvement [juif] un «coup de poignard dans le dos» dans la lutte contre le fascisme.

Mais les sionistes pensaient que seul Hitler pouvait pousser les juifs allemands antisionistes dans le bras du sionisme. Robert Welsch, qui était alors rédacteur en chef du journal sioniste allemand Jüdische Rundschau déclarait le 8 janvier 1933 (trois semaines après l’arrivée d’Hitler au pouvoir) lors d’ une réunion du comité local de la ZVFD : «Le caractère antilibéral du nationalisme allemand [i.e. les tendances réactionnaires de la bourgeoisie allemande – K.P.] s’accordaient avec la position antilibérale du sionisme et nous nous trouvons maintenant devant une chance de trouver, non une base pour une compréhension [mutuelle, NdT] mais pour la discussion.»

L’appel à Hitler le 30 janvier pour prendre la tête du gouvernement fut suivi par une mainmise sur toutes les positions d’autorité par le parti national Socialiste, ce qui signifiait que des antisémites déclarés étaient désormais au pouvoir. Les juifs allemands regardaient ces évènements avec appréhension parce que dans le programme du parti nazi figuraient le retrait de la citoyenneté aux juifs (Point 5) la révocation des Juifs exerçant dans la fonction publique (Point 6) ainsi que l’expulsion de tous les Juifs qui avaient immigré en Allemagne après le 2 août 1914 (Point 8).

Seuls les sionistes voyaient des avantages à cette tournure des évènements (L’historien britannique Christopher Sykes, qui n’était certes pas antisioniste, est de l’opinion «que les dirigeants sionistes étaient déterminés dès le tout début du désastre nazi à retirer un avantage politique de la tragédie.»

La première expression publique de cela fut l’œuvre du Dr Joachim Prinz, un rabbin berlinois qui était un sioniste convaincu et qui immédiatement après le 30 janvier 1933 décrivit la prise de pouvoir par Hitler comme étant le «début du retour des juifs à leur judaïsme.»

Evoquant le terrorisme fasciste contre les juifs allemands, Prinz écrivait : « Nous n’avons plus nulle part où nous cacher. Au lieu de l’assimilation, nous souhaitons la reconnaissance de la nation juive et de la race juive.» Ce point de vue n’était pas du tout celui d’un individu isolé. On pouvait lire le 13 juin 1933 dans l’organe officiel de la ZVFD, le Jüdische Rundschau:

Le sionisme reconnaît l’existence d’une question juive et veut la résoudre d’une manière généreuse et constructive. A cette fin, il veut s’attirer le soutien de tous les peuples ; ceux qui ont de la sympathie pour les juifs tout comme ceux qui leur sont hostiles, dans la mesure où, du point de vue sioniste, ce n’est pas une question sentimentale mais un véritable problème à traiter à la solution duquel tous les peuples sont intéressés.

En recourant à cette argumentation, le sionisme adoptait la même ligne politique que les fascistes.

Le 21 juin 1933, les sionistes firent une déclaration officielle sur leur politique à l’égard de la prise de pouvoir par les fascistes : «La déclaration de l’Union Sioniste pour l’Allemagne en Référence à la Position des Juifs dans la Nouvelle Allemagne.»  Dans une partie de ce long document, il était souligné que «Notre avis est qu’un des principes du nouvel état allemand d’exaltation nationale rendrait possible une solution satisfaisante.» Dans son document, la ZVFD, jetait un regard sur l’histoire de la situation des juifs en Allemagne, en se servant d’un vocabulaire fasciste comme les «liens du sang et de la race» et, exactement comme Hitler, postulait une «âme spécifique» pour les juifs. Les sionistes affirmaient ainsi : «Pour le juif aussi, l’origine, la religion, la destinée commune et la conscience de soi doivent avoir une signification décisive dans sa façon de vivre. Ce qui nécessite de surmonter l’individualisme égoïste qui s’est répandu à l’époque libérale, et devrait être réalisé à travers l’acquisition d’un sentiment commun d’unité et en assumant avec joie notre responsabilité.»

Après cette admission et cette reprise des thèses fascistes, suivait une reconnaissance ouverte de l’Etat fasciste : «Sur le sol du nouvel Etat [i.e. l’Allemagne fasciste], qui a établi le principe de la race, nous volons organiser l’ensemble de la structure de notre communauté de la même manière, de sorte que, pour nous aussi, l’aboutissement de la revendication de notre patrie puisse aboutir dans la sphère qui nous est allouée.» En conclusion, les sionistes condamnaient la lutte contre le régime hitlérien  menée par les forces antifascistes  qui avaient appelé au printemps 1933 au boycott économique de l’Allemagne nazie. « La propagande pour le boycott qu’ils sont en train de faire contre l’Allemagne est dans sa nature même contraire au sionisme dès lors que le sionisme ne veut pas combattre mais convaincre et construire.»

Pour saisir toute la portée de cette déclaration du ZVFD, il faut ici aussi se souvenir de ce qui l’a précédée. La persécution des juifs avait déjà commencé et avait déjà atteint un premier point culminant avec un grand pogrom qui avait touché toute l’Allemagne le 1er avril 1933.  Dans les premiers jours de mars 1933, les citoyens juifs allemands avaient été maltraités dans des viles allemandes (par exemple des boutiques juives avaient été pillées à Brunswick le 11 mars et, le 13 mars, des avocats juifs avaient été malmenés devant le palais de justice de Breslau [aujourd’hui Wroclaw en Pologne]. Les autorités fascistes avaient promulgué la loi sur la restauration de la fonction publique [le 7 avril 1933] qui aura pour conséquences, entre autres, la révocation de 2000 chercheurs et professeurs juifs des universités. Le 18ème congrès sioniste, qui s’était réuni à l’été 1933n’y voyait pas de problème : quand, pendant las session du congrès sioniste qui se tenait le 24 août 1933, la situation des juifs en Allemagne allait être débattue, le présidium du congrès a fait en sorte d’empêcher la discussion. Il avait aussi réussi à empêcher l’introduction d’une résolution appelant au boycott des marchandises allemandes, et avait à la place insisté fortement sur la nécessité d’organiser l’émigration des juifs allemands. Les protestations contre les évènements en cours en Allemagne avaient été réduites au plus strict minimum.

Les fascistes récompensèrent les sionistes pour leur «retenue » et permirent au ZVFD de poursuivre ses activités sans entraves. (C’était au moment où tous les partis et organisations démocratiques et antifascistes en Allemagne étaient soumis à une répression des plus  rigoureuses et où leurs cadres et  leurs membres étaient en prison ou en camp de concentration) Dans le même temps, les fascistes mettaient toutes sortes d’obstacles sur le chemin des organisations non sionistes. Ces entraves touchaient en tout premier lieu la CVn parce que, avant 1933 déjà, les fascistes voyaient dans la CVn « leurs principaux opposants juifs, » ainsi qu’il est indiqué dans de nombreux exemples tirés de la presse nazie.

La CVn avait toujours accusé les sionistes de monter peu d’intérêt pour la «lutte [contre le fascisme … et qu’ils [les sionistes] suivaient une politique d’indifférence [devant l’emprise du péril fasciste] parce qu’il ne se sentait pas concerné.»

Le 1er mars 1933, les SA, des paramilitaires fascistes, occupaient le siège central de la CVn pour le fermer. Le 5 mars 1933, la CVn était interdite en Thuringe pour cause de  «complot de haute trahison.» Dans le même temps, l’Etat nazi se tournait contre d’autres organisations juives non sionistes, comme la « Ligue du Reich des Anciens Combattants », par exemple, qui représentait une tendance juive nationaliste allemande. L’ «Union Nationale des Juifs Allemands» était également interdite.

Avec ce soutien fasciste, les dirigeants de l’Union Sioniste pour l’Allemagne purent obtenir pour la première fois une position dominante auprès des juifs allemands. A l’automne 1933, la « Association du Reich des Juifs en Allemagne»  fut fondée et de grandes organisations juives, dont le CV et le ZVFD y participèrent. Le chef de cette organisation était le rabbin Leo Baeck dont la personne reflétait l’attitude ambivalente de l’organisation à l’égard du sionisme ; Baeck était à la fois membre de la principale instance du CV, et président du fonds de colonisation juive «Keren Hayesod» en Allemagne.

L’organisation nouvellement créée offrait aux dirigeants sionistes une plateforme plus large pour leurs activités.

L’Association du Reich n’avait pas été, comme on l’a parfois prétendu, créée sur instruction des autorités fascistes.  Ball-Kaduri écrit :

«Il s’est avéré que la création de l’Association du Reich se fit sans aucune interférence de l’Etat ; une fois le processus de structuration achevé, l’organisation a simplement été déclarée au ministère de l’intérieur du Reich. – la Gestapo ne s’y était pas du tout intéressée.» C’est seulement le 4 juillet 1939 que l’ordonnance concernant la création obligatoire d’une Union des Juifs du Reich en Allemagne fut promulguée, amenant à changer le nom de l’organisation qui passa de celui de Députation à celui d’Union. Cette ordonnance rendait obligatoire l’adhésion de tous les Juifs à l’Union du Reich. Le paragraphe 2 de cette ordonnance satisfaisait également un des objectifs du sionisme en affirmant : «L’Union du Reich a pour objectif la promotion de l’émigration de tous les Juifs.»

Le parti nazi, à ses échelons les plus élevés, autorisait des activités politiques de divers types. A cet égard, par exemple, la police politique bavaroise notait le 9 juillet 1935 :

Les organisations sionistes collectent depuis un certain temps de l’argent auprès de leurs adhérents et de leurs sympathisants avec l’intention de promouvoir l’émigration, en achetant de la terre en Palestine, et d’obtenir un soutien pour la colonisation en Palestine. Ces collectes n’ont pas besoin d’obtenir une autorisation administrative parce qu’elles se font dans des cercles juifs fermés. De plus, la police de l’Etat n’a pas d’objections contre l’organisation de ces réunions dès lors qu’elles portent sur ce genre de fonds qui ont pour but de promouvoir la résolution en pratique du problème juif.

Après 1933, les fascistes permirent aux sionistes de continuer avec leur propagande. Tandis que tous les journaux en Allemagne étaient placés directement sous supervision du Ministère de la Propagande (les journaux publiés par les communistes, le parti Social-démocrate ou les syndicats et d’autres organisations progressistes étaient interdits) le Jüdische Rundschau pouvait paraître sans entraves.

1936: réunion berlinoise de la Zionistische Vereinigung Deutschland (organisation sioniste en Allemagne - photo musée Yad Vashem)

1936: réunion berlinoise de la ZVFD, l’organisation sioniste en Allemagne (photo musée Yad Vashem)

Winfried Martini, correspondant  à l’époque de la Deutsche Allgemeine Zeitung à Jérusalem et qui, selon son propre témoignage, avait des «liens personnels étroits avec le sionisme » observa plus tard ce « fait paradoxal » que «de toute la presse, c’était la presse juive i.e. sioniste] qui pendant des années conserva une certaine marge de liberté qui avait été complètement retirée à la presse non juive.»  Il ajoutait que dans le Jüdische Rundschau, on pouvait très souvent trouver des opinions critiques à l’égard des nazis sans pour autant que cela se traduise par l’interdiction du journal.

C’est seulement à partir de fin 1933 que cela conduisit à une interdiction de la vente de ce journal à des non juifs. Les Juifs devaient, c’est ce que souhaitaient les fascistes, être convertis au sionisme même si cela devait se faire avec une argumentation dirigée contre les fascistes. De la sorte, la diffusion de ce journal sioniste qui était auparavant assez faible connut une rapide augmentation.

Que le journal sioniste ait pu se féliciter d’être dans les bonnes grâces des dirigeants fascistes est compréhensible quand on examine la position de cet organe de presse vis-à-vis du boycott des commerces juifs du 1er avril 1933. Ce pogrom organisé contre des citoyens Juifs en Allemagne, qui avait soulevé l’indignation dans le monde entier et provoqué colère et répulsion chez tous les Allemands honnêtes n’avait pas été condamné franchement par le journal qui l’évaluait plutôt comme une confirmation de la justesse de la position sioniste : «l’erreur fatale de nombreux Juifs [de croire] que quelqu’un peut représenter les intérêts juifs  sous une autre casquette [autre que juive en tant que telle, NdT] est écartée, » écrivait le Jüdische Rundschau en parlant du pogrom : «Le 1er avril 1933 peut être un jour de réveil juif et de renaissance juive.»

La liberté d’action des sionistes incluait aussi l’édition de livres à côté de leur journal. Jusqu’en 1938, plusieurs maisons d’édition (dont entre autres,  Jüdische Verlag à Berlin-Charlottensburg et Schochen-Verlag à Berlin) pouvaient publier sans entraves de la littérature sioniste. C’est ainsi que purent être publiés en toute légalité dans l’Allemagne fasciste des textes de Chaim Weizmann, David Ben Gourion et Arthur Ruppin.

Les premiers jours de la domination nazie en Allemagne virent aussi le début d’une collaboration économique entre les fascistes et les sionistes. En mai 1933, la compagnie sioniste de plantation de citronniers en Palestine,  Hanotea», avait déjà sollicité du ministère de l’économie du Reich la permission de transférer du capital d’Allemagne, ouvrant ainsi la voie à l’accord de transfert (Haavara) qui interviendra plus tard.

La compagnie «Hanotea » achetait les marchandises allemandes dont elle avait besoin, les payant avec des comptes bancaires en Allemagne d’émigrants Juifs. Les émigrants quittaient alors l’Allemagne et recevaient l’équivalent en immobilier de ce qui avait été prélevé sur leurs comptes. Comme l’expérience avec Hanotea semblait avoir été une réussite aux yeux des dirigeants sionistes, des négociations furent entreprises à l’été 1933 entre la partie sioniste et le ministère allemand de l’économie, ce qui aboutit à la signature de ce qu’on a appelé l’accord Haavara.

Les négociations de 1933 sur la Haavara sont un des épisodes de l’histoire du sionisme sur lequel un voile a été jeté, vu qu’elles constituaient un exemple de coopération économique au moment où les forces antifascistes essayaient de prendre la tête d’un boycott de l’Allemagne nazie. En évoquant cette démarche de boycott, Nahum Goldmann qui occupait alors une position importante dans le mouvement sioniste, écrira plus tard :

Cependant, beaucoup d’organisations juives refusèrent d’y participer [au boycott], soit parce que beaucoup de firmes juives étaient en fait des représentantes commerciales d’entreprises allemandes, ou parce que certaines organisations juives, celles des Etats Unis plus précisément, avaient adopté la position selon laquelle in était antipatriotique d’organiser un boycott contre un pays avec lequel son propre pays entretient des relations commerciales normales.»

Cet exposé est sans doute valable pour les raisons évoquées prises une à une, mais il occulte néanmoins la vérité, parce que ceux qui ont rompu le boycott ont d’abord été les sionistes eux-mêmes.

Il y a des versions divergentes sur les circonstances qui ont amené à l’accord Haavara. Selon une version, l’initiative des négociations avec les autorités fascistes serait venue des l’Union Sioniste pour l’Allemagne qui avait intéressé au projet Hoofien, le directeur-général de l’Anglo-Palestine Bank en Palestine. Hoffien, est-il rapporté, s’était rendu à Berlin en 1933 et était entré sur place en négociations avec Oberregieunsgrat Hartenstein du ministère de l’économie du Reich. (raison pour laquelle l’accord Haavara est souvent appelé aussi l’accord Hoofien, une appellation qui réduit la responsabilité de l’ensemble de la chose au seul personnage de Hoofien). Dans la mesure où Hoofien était impliqué (une implication sans doute nécessaire du moment où il était question d’accords concrets sur des questions de transferts qui requéraient l’expertise d’un banquier professionnel), on doit considérer qu’une affaire d’une telle importance ne pouvait pas résulter d’une initiative privée et qu’elle n’aurait pu être mise en œuvre sans l’autorisation des institutions sionistes.  On peut de fait apprendre par d’autres publications que les négociations étaient chapeautées à Berlin par celui qui était alors le chef du département politique de l’Agence Juive : Chaim Arlosoroff.  Finalement, l’accord conclu en 1935 sera approuvé officiellement par le Congrès Sioniste Mondial !

Les mots mêmes de Ball-Kaduri sont que l’accord Haavara avait été conclu « sous la forme d’une lettre adressée à Herr Hoofien par le ministère de l’économie du Reich. Les négociations s’étaient déroulées sereinement car les Nazis avaient encore un «penchant sioniste» à l’époque.

En vertu de l’accord signé à Berlin, deux compagnies furent créées : la compagnie Haavara à Tel Aviv et une compagnie sœur baptisée Paltreu à Berlin. La procédure se déroulait de la manière suivante : l’émigrant Juif payait avec son argent (la somme minimale était d’un millier de livres sterling) sur le compte en Allemagne de la Haavara (à la banque Wassermann Bank de Berlin ou à la banque Warburg de Hambourg). Avec cet argent, les importateurs Juifs pouvaient acheter des marchandises allemandes pour les exporter en Palestine tout virant une somme équivalente en livres palestiniennes dans le compte de la Haavara à l’Anglo-Palestine Bank en Palestine. Quand l’émigrant arrivait, il trouvait dans son compte une somme équivalente à celle qu’il avait versée en Allemagne (c’est là que Ball-Kaduri observe : « après avoir déduit des frais assez élevés »).

En relation avec l’émigration vers la Palestine permis par l’accord Haavara, les sionistes fondèrent la Palestine Shipping Company qui acheta le bateau allemand de transport de passagers «Hohenstein » qu’ils rebaptisèrent «Tel Aviv.»  Le bateau fit son premier voyage vers Haïfa au départ du port allemand de Bremerhaven au début de l’année 1935. Pendant ce voyage, le bateau portait à la poupe son nouveau nom en caractères hébraïques tandis que le swastika flottait sur son mât ; « une combinaison d’absurdité métaphysique » écrira plus tard un des passagers. Le capitaine du navire, Leidig, était un adhérent du parti Nazi !

Le Hohenstein rebaptisé Tel Aviv sera revendu en 1937 au Japon

Le Hohenstein rebaptisé Tel Aviv sera revendu en 1937 au Japon

L’accord Haavara vouait à l’échec la démarche de boycott de l’Etat nazi et maintenait sans disruption pour l’économie fasciste l’accès à ’un large marché à l’export à une époque où le commerce mondial souffrait encore des traces de crise économique internationale de1929.  Ce point avait été souligné dans un mémorandum par Stuckart, le secrétaire d’Etat au ministère de l’intérieur du Reich. Dans ce mémorandum, daté du 17 décembre 1937, il était observé : «Les principaux avantages [de l’accord Haavara] sont les suivants : l’influence du groupe Haavara en Palestine a amené au résultat imprévu et inhabituel mais espéré que, de tous les endroits, la Palestine est le pays dans lequel les biens allemands ne sont pas boycottés par la partie juive…» En même temps, la procédure Haavara a rendu possible une accélération du mouvement d’émigration juive vers la Palestine, amenant au renforcement de la position des sionistes en Palestine. Les immigrants qui viennent d’Allemagne amènent avec eux un plus haut niveau de compétences économiques entre autres choses.

Ce qui résultait aussi de la «sélectivité.» Comme l’accord requérait le versement  par l’émigrant d’un millier de livres sterling au minimum, seuls des membres de la bourgeoisie juive étaient en mesure de profiter de ce dispositif, tandis que les travailleurs d’origine juive étaient lassés à leur destin. Ainsi, l’évaluation suivante de l’accord de Haavara dans le cadre de l’examen de la politique raciale du fascisme peur être considérée comme parfaitement juste : le principe de solidarité qui nécessitait que les Juifs restent unis devant leurs persécuteurs  avait volé en éclats du fait d’intérêts capitalistes. Pecunia non olet. Dans le même temps, les dispositions prises par les entrepreneurs Juifs dans le seul objectif de transférer leurs capitaux de l’Allemagne fasciste vers la Palestine étaient accueillies avec grande considération. On a affirmé que le capital envoyé au Moyen Orient était placé au service des Juifs. En réalité cependant, cet argent servait en Palestine aux mêmes objectifs qu’en Allemagne : le profit de ses détenteurs.

Le même livre affirme que «l’Internationale Sioniste voulait que les émigrants Juifs d’Allemagne arrivent sur le sol de Palestine non comme des sans le sou mais en tant que propriétaires d’un capital qui contribuera à l’édification d’un Etat capitaliste. C’est à partir de ce désir qu’a grandi l’intérêt des sionistes pour s’associer avec des antisémites.»

De fait, avant même la création d’Israël, l’accord de transfert  donna une forte impulsion à l’économie sioniste en Palestine. Des sources sionistes parlent d’une somme de 139,6 millions de Reichsmarks – une somme énorme à l’époque – transférée d’Allemagne en Palestine. Une autre source situe le montant transféré à 8 millions de livres sterling. Ce n’est pas une simple coïncidence si les projets les plus importants en Israël ont été créés ou dirigés par des émigrants partis d’Allemagne. La plus grande fonderie de Palestine et l’industrie du ciment par celui qui fut à une époque directeur de la compagnie des eux et d’électricité de Berlin, le Dr Karl Landau. Le Dr Arnold Barth de Berlin, le Dr Siegfried Sahlheine de Hambourg et Herbert Förder de Breslau furent les premiers organisateurs de la banque Leumi. Fritz Naphtals de Berlin et George Josephthal de Nuremberg  transformèrent en entreprise géante l’insignifiante «Arbeiterbank.» Certains des plus importantes firmes israéliennes furent fondées par Yekutiel er Sam Federmann de Chemnitz ( Karl-Marx-Stadt à l’époque communiste) ; l’entré Yekutiel dans le Who’s Who en Israël (1962) le présente comme un «fondateur de ‘l’Israel Miami Group’ (Dan Hotel) ; le partenaire israélien du cimentier ‘Isasbest’ ; le fondateur et associé de ‘Israel Oil Prospectors Corp, Ltd ‘ qui procéda au premier forage pétrolier ‘Mazal 1’ et présida de nombreuses autres entreprises.

Les accords économiques entre les sionistes et le fascisme allemand avaient l’approbation de toutes les instances du Reich nazi. Le ministère des affaires étrangères avait déjà adopté une attitude pro-sioniste en maintes occasions avant 1933 (il y avait eu des rencontres entre Chaim Weizmann et les secrétaires d’Etat von Schubert et von Bullow).

C’est seulement après le déclenchement de la révolte arabe palestinienne de 1936 que les premières divergences d’opinion s’installèrent dans les diverses institutions fascistes sur l’utilité de poursuivre les transferts dans le cadre de la Haavara. Le ministère des affaires étrangères se rendait maintenant compte que la politique de facto pro-sioniste allait aliéner les Arabes à l’Allemagne hitlérienne – une perspective qui n’était pas dans l’intérêt du Reich Nazi. Döhle, consul général d’Allemagne à Jérusalem, était le porte-voix de ce point de vue et, dans un long mémorandum daté du 22 mars 1937, il observait que « par notre promotion de l’immigration juive… la position qu’avait pu réoccuper l’Allemagne… allait être mise à mal.» En adoptant cette position, Döhle était moins animé par un intérêt pour les Arabesque par une inquiétude pour les intérêts politiques du fascisme allemand. Il ajoutait que l’Allemagne ne devait «pas trop se préoccuper  des sympathies des Arabes à l’égard de l’Allemagne dès lors que ce dont nous avions besoin était moins d’avoir une politique arabe active que d’éviter la promotion voyante accordée à l’édification d’un foyer national juif.»

Döhle craignait   «un revirement de l’humeur des Arabes et que nous soyons accusés de participer activement à la lutte contre eux.»

Les inquiétudes de Döhle étaient partagées par d’autres autorités fascistes. Ainsi, l’Office du Commerce Extérieur de l’Auslandsorganisation du parti nazi (le bureau du parti chargé des affaires internationales) déclarait en toute franchise : «Politiquement, il [l’accord de la Haavara] revient à apporter un soutien efficace à l’établissement d’un foyer national juif avec l’aide du capital allemand.»

Le 17 décembre 1937, il était signalé dans le mémorandum déjà cité de Stuckart, Secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur, que depuis le début de la révolte arabe en Palestine «les avantages procurés par la procédure [de Haavara] sont devenus plus faibles  tandis que ses inconvénients deviennent de plus en  plus importants.»

Stuckart était d’avis que si la création d’un Etat juif était inévitable, alors «tout ce qui permettrait le développement d’un tel Etat devrait être évité.» Puis Stuckart déclarait clairement : Il est hors de doute que la procédure de la Haavara a apporté la plus forte contribution au développement extrêmement rapide de la Palestine [i.e. des colonies sionistes – K.P.]. Cette procédure n’a pas seulement permis l’apport de très grosses sommes d’argent [d’Allemagne] ; elle a aussi apporté les hommes les plus intelligents parmi tous les immigrants, et a en fin de compte fourni les machines et les équipements industriels nécessaires – aussi d’Allemagne.»

 Les craintes de ces responsables (qui, ainsi que nous le verrons étaient en contradiction avec l’opinion des SS et de la Gestapo) furent finalement communiquées à Hitler. Hitler, ainsi qu’on peut le lire dans un mémorandum du département de la Politique Commerciale du ministère des affaires étrangères en date du 27 janvier 1938, décida que la procédure de la Haavara devait continuer. Cette position d’approbation prise par Hitler vis-à-vis du renforcement de la colonisation sioniste de la Palestine resta inchangée malgré les doléances émanant du ministère des affaires étrangères er l’Auslandorganisation du parti nazi relativement à  la montée de l’hostilité des Palestiniens à l’égard de l’Allemagne.  C’est ainsi que l’Auslandorganisation au ministère des affaires étrangères exigea à nouveau dans un mémorandum daté du 12 novembre 1938 que «une initiative soit entreprise pour une annulation d’un accord de Haavara qui n’a que trop duré.» Jon et David Kimche confirment le fait qu’Hitler «avec une détermination sans ambigüité, avait ordonné la promotion d’une immigration de masse en Palestine,» et qu’Hitler avait en outre formulé la décision fondamentale que «l’émigration juive devait être encore plus encouragée par tous les moyens disponibles. Il est donc indiscutable que l’opinion du Führer était qu’une telle émigration devait être avant tout orientée vers la Palestine.»

Finalement, même Winfried Martini confirme la position pro-sioniste des cercles fascistes les plus importants pendant la révolte arabe de 1936-39. Il écrit que, en tant que correspondant de la Deutsche Allgemeine Zeitung en Palestine, ses articles sur la révolte «étaient assez clairement favorables à la partie juive,» et que cela n’avait soulevé aucune objection de la part des responsables nazis.

Hitler resta donc le garant des transferts Haavara qui ne furent stoppés qu’avec le déclenchement de la deuxième guerre mondiale.

Coopération avec les services de renseignements nazis

Pendant les premiers jours de la domination fasciste sur l’Allemagne, les sionistes avaient un contact direct avec l’appareil de répression fasciste, ce qui se traduisit par une coopération informelle entre la direction sioniste et les organisations de terreur du Reich nazi (la Gestapo, la SS etc.). Dès avant 1933, le dirigeant sioniste Leo Plaut «avait une connexion» avec la police politique et avec un cadre de la police, l’Oberregierungsrat Rudolf Diels (supposé être un camarade de classe de Plaut). Quand Diels fut d’abord nommé chef de la police secrète en 1933, il maintint ses relations avec Plaut. «En fait, Plaut avait même le numéro de la ligne secrète de Diels et pouvait l’appeler à tout moment.» On peut seulement spéculer sur les détails de leurs contacts parce que les documents à ce sujet sont enfermés à double tour aux archives de Yad-Vashem à Jérusalem. On peut cependant supposer que c’est grâce à ces contacts qu’une rencontre avait pu être arrangée entre le premier ministre Prussien Herman Goering (plus tard condamné à mort par le tribunal de Nuremberg pour crimes de guerre) et les chefs des organisations juives allemandes. La réunion eut lieu le 26 mars 1933. Parmi les dirigeants  sionistes présents, se trouvait Kurt Blumenfeld, mais il a gardé le silence sur cet épisode sans ses mémoires.

De tels contacts se faisaient en secret, mais il existe des preuves concernant des préparatifs en vue d’une coopération entre les sionistes et la SS (l’organisation qui chapeautait tout l’appareil policier et du renseignement dans l’Etat fasciste). Peu de temps après la prise du pouvoir par les fascistes, le journal Der Angriff, contrôlé par les chefs propagandistes Nazi, publiait un article sur un voyage en Palestine qui présentait en termes positifs la colonisation sioniste en Palestine. Le reportage, intitulé «Un nazi voyage en Palestine,»  «ne comportait pratiquement aucune critique.»

Médaille commémorative du séjour de leopold von Mildenstein

Médaille commémorative du séjour de Leopold von Mildenstein en Palestine

Le pseudonyme de l’auteur «Lim» dissimulait l’identité du SS Untersturmführer (équivalent du grade de lieutenant dans l’armée) Leopold von Mildenstein. Mildenstein servait dans le SD (le service de sécurité de la SS) qui était à l’origine le service secret interne du parti nazi mais qui, à partir de 1934, cessa d’être simplement la police du parti et un instrument entre les mains du commandement de la police pour se transformer en service secret  intérieur principal de la dictature fasciste.

Le SD était aussi devenu  l’organisation de commandement politique et de formation des cadres pour la police fasciste. Le fait que Mildenstein ait pu être l’homme capable d’écrire des articles ouvertement pro-sionistes n’était pas une simple coïncidence puisque, en 1934, le Bureau II du SD s’était étoffé d’un bureau II-112 ou «Judenreferat» (bureau des affaires juives) dont il assurait la direction. Selon Martini, Mildenstein avait été «discrètement conseillé par des officiels sionistes » pendant son séjour en Palestine. Le département dirigé par Mildenstein a eu la charge de la politique juive du nazisme jusqu’en 1938 Cette politique avait été formulée par l’organe officiel de la SS, Das Schwarze Korps, dans les termes suivants : «Le temps n’est peut être pas bien loin qui verra la Palestine recevoir à nouveau les enfants qu’elle avait perdu il y a un millier d’année. Nos vœux ainsi que la bonne volonté de l’Etat les accompagnent ». Il y a eu des tentatives pour décrire la politique pro-sioniste de la SS comme reflétant l’attitude personnelle de Mildenstein  plutôt que l’entente officielle entre sionistes et fascistes. Mais il n’y a pas que la citation extraite du Schwarze Korps pour contredire cette thèse : Mildenstein lui-même, quelques années plus tard, republiera sous forme de livre ses notes de voyage parues dans l’Angriff. Mais cette fois-ci, il transformera sa tendance pro-sioniste initiale en antisémitisme sans fard.

Les dirigeants sionistes qui avaient «discrètement conseillé » le directeur du « Judenferat » au SD pendant son voyage en Palestine poursuivirent leurs contacts avec la SS et le SD. Naturellement, peu de détails sont connus sur ces contacts dont les traces sont des documents hautement classifiés. Un des rares documents  disponibles sur ces relations est un mémorandum du professeur Franz Six daté du 17 juin 1937 qui porte la mention «Affaire secrète pour le commandement. » ce mémorandum contient des informations sur une visite de l’émissaire sioniste Feivel Polkes à Berlin. Polkes était membre de l’état major de l’armée sioniste clandestine, la Haganah, avec le grade de commandant. L’Oberscharführer de la SS Herbert Hagen qui avait succédé à Mildenstein à la direction du Judenferat affirmait que Polkes avait le « commandement de l’ensemble de l’appareil d’auto-défense des Juifs de Palestine.»

En Palestine, Polkes avait été en relation étroite avec le correspondant de la « German News Agency ,» le Dr Reichert qui était actif dans le réseau d’espionnage du SD en Palestine. Ce réseau était dirigé pat Otto von Bodelschwingh, un agent du SD établi comme agent commercial à Haïfa. C’est le Dr Richert qui avait obtenu un visa d’entrée en Allemagne pour Polkes.

Polkes resta à Berlin du 26 février au 2 mars 1937, participant à plusieurs réunions avec des agents du SD représentant le régime nazi, dont deux avec le Hauptscharführer Adolf Eichmann (Eichmann avait alors commencé à travailler au «Judenferat»). Polkes avait alors offert de collaborer avec le gouvernement allemand, disant à Eichmann qu’il était par-dessus tout intéressé à «accélérer l’immigration juive en Palestine, de sorte à ce que les Juifs deviennent majoritaires par rapport aux Arabes dans son pays. A cette fin, il travaillait avec les services secrets anglais et français et ils voulait aussi coopérer avec l’Allemagne d’Hitler.»

Hagen avait noté un peu plus loin dans son rapport sur la visite de Polkes à Berlin : «Il avait aussi signalé sa disponibilité à rendre des services à l’Allemagne sous la forme d’informations, dans tant qu’elles n’entraient pas en conflit avec ses propres objectifs…»

Entre autres choses, il soutiendrait avec vigueur les intérêts allemands au Moyen Orient…» Höhne avait commenté l’offre de Polkes en ces termes : « … derrière ça, il y a clairement la politique d’immigration de la Haganah.»

La SS avait immédiatement récompensé les intentions coopératives de Polkes avec les instructions préconisées par Six. « Une pression est exercée sur l’association des Juifs du Reich en Allemagne afin d’obliger les Juifs qui émigrent d’Allemagne à se rendre seulement en Palestine et dans aucun autre pays. »

C’était exactement ce que voulaient les sionistes mais, ajoutait Six : «Une telle mesure va entièrement dans le sens des intérêts de l’Allemagne et elle est déjà mise en œuvre par la Gestapo.»

Feivel Polkes, le commandant de la Haganah, s’était mis en quatre pour faciliter le développement de la coopération entre sionistes et fascistes ; il avait même lancé une invitation à Eichmann pour une visite en Palestine comme invité de la Haganah.

Six observait :

«Dans le travail de mise en contact, le nom du SS Hauptscharführer Eichmann du Département II-II2  me vient à l’esprit avant tout autre. Il avait eu des discussions avec Polkes pendant le séjour de ce dernier à Berlin et il avait été invité à visiter les colonies juives en Palestine où il serait son guide.»

Le voyage en Palestine entrepris par Hagen et Eichmann n’est qu’un épisode dans l’histoire de la collaboration entre le sionisme et l’Allemagne nazie. Mais c’était un événement à la fois significatif et révélateur qui est devenu l’objet d’une falsification considérable. Au lieu d’admettre le fait que le tristement célèbre assassin de Juifs, Adolf Eichmann, avait à un moment donné été invité en Palestine par la Haganah, les auteurs sionistes ont renversé la faute et affirmé que le but de la visite d’Eichmann était d’entrer en contact avec les rebelles Palestiniens, voire de conspirer avec le mufti de Jérusalem, Hadj Amin Al-Husseini. L’inventeur de cette histoire semble être le sioniste bien connu Simon Wiesenthal qui, en 1947, avait déjà prétendu qu’Eichmann avait implanté un réseau d’agents dans la colonie [allemande] de Sarona en Palestine et avait pris contact avec le Grand Mufti. En 1951, Léon Poliakov avait publié quelque chose de semblable dans Die Welt et Gerald Reitlinger la lui emprunta deux ans plus tard pour son livre « La solution finale » dans lequel Eichmann était supposé avoir été envoyé en Palestine pour prendre contact avec les rebelles Arabes.»

A partir de là, la légende a fleuri, avec l’Américain Quentin Reynolds affirmant même qu’Eichmann avait rendu visite au Grand Mufti. Le biographe d’Eichmann, Commer Clarke, était allé jusqu’à soutenir qu’Eichmann avait emporté avec lui 50 000 dollars d’ «or nazi» pour les offrir aux rebelles Palestiniens.

Quand de tels mythes sont mis en regard avec la réalité des faits, une des raisons pour lesquelles le gouvernement israélien tenait tant à ce que le procès Eichmann ait lieu en Israël et pas ailleurs devient claire ; c’est seulement en Israël que les contacts des sionistes avec les nazis pouvaient être écartés du regard de l’opinion publique. C’est seulement là-bas que la pression sur un Eichmann qui jouait sa vie dans ce procès pouvait être suffisante pour qu’il fasse de fausses déclarations devant la cour. «Il est vrai,» déclara Eichmann pendant son procès, «qu’un des objectifs de mon voyage en Palestine en 1937 était de prendre contact avec le Mufti Al-Husseini.  Mais le rapport sur leur voyage rédigé par Hagen et Eichmann et découvert dans les archives secrètes d’Himmler, le chef de la SS, renvoie une image différente. On peut résumer ainsi la teneur du rapport sur ce voyage : Eichmann et Hagen quittèrent Berlin le 26 septembre, se faisant passer pour des rédacteurs du Berliner Tageblatt et arrivèrent à Haïfa le 2 octobre 1937 à bord du bateau Romania. Comme les autorités britanniques avaient refusé la permission de débarquer aux deus émissaires de la SS (à cause de la révolte arabe), Eichmann et Hagen allèrent en Egypte. Sur place, ils rencontrèrent non pas Hadj Amin Al-Husseini, mais leur vieille connaissance, Feivel Polkes, l’officier de la Haganah.

Le rapport de voyage d’Hagen et Eichmann contient une restitution exacte  des conversations avec Polkes qui eurent lieu les 10 et 11 octobre 1937 au café Groppi du Caire. Polkes avait débord exposé en toute franchise les projets sionistes devant les hommes de la SS (les déclarations de Polkes telles que consignées par Hagen et Eichmann ne sont pas seulement intéressantes quant à la coopération sionisme – fascisme, mais elles sont également importantes comme témoignage sur la politique expansionniste des sionistes) :

«L’Etat sioniste doit être établi par tous les moyens aussi vite que possible afin qu’il attire un flux d’émigrants Juifs vers la Palestine. Quand l’Etat juif sera établi dans le cadre propositions actuelles de la Commission Peel, et dans la ligne des promesses partielles de l’Angleterre, alors les frontières pourraient être repoussées plus loin conformément à sa volonté [de l’Etat juif].»

Polkes avait ensuite fait l’éloge de la terreur antisémite en Allemagne : «les cercles nationalistes juifs ont exprimé leur grande satisfaction devant la politique allemande radicale à l’égard des Juifs, ca cette politique devrait faire augmenter la population juive en Palestine de sorte qu’on puisse envisager une majorité juive devant les Arabes dans un futur prévisible.»

Une fois de plus, Polkes avait souligné la nécessité d’accélérer le départ des Juifs d’Allemagne et avait réitéré sa disponibilité à donner des informations secrètes au SD. Il avait offert immédiatement deux éléments « d’information  de ce genre» ainsi qu’Eichmann le notait dans son rapport de voyage. Le premier était conçu pour susciter l’hostilité du régime fasciste à l’égard du mouvement nationaliste arabe. Eichmann avait noté : «Selon les informations de Polkes, le Congrès Panislamique Mondial en convention à Berlin est en contact direct avec deux leaders Arabes prosoviétiques : l’émir Chakib Arslan et l’émir Adil Arslan. » Le deuxième élément d’information consigné par Eichmann dans son rapport de voyage concernant ce parti qui s’était engagé sans équivoque à l’avant-garde de la lutte contre la terreur fasciste et les indignités antisémites : le Parti Communiste Allemand. «La radio communiste illégale dont la diffusion est particulièrement importante en Allemagne est, selon Polkes, installée dans un camion qui circule le long de la frontière germano-luxembourgeoise pendant les retransmissions.» (Cette information donne un aperçu intéressant que où les dirigeants sionistes voyaient leurs alliés et où ils voyaient leurs opposants !)

Les rencontres entre Eichmann et Polkes ne sont pas des évènements isolés et fortuits. Elles s’inscrivent dans le contexte d’une coopération à long terme entre fascistes et sionistes. Après le voyage d’Hagen et Eichmann, la collaboration avait été cimentée par la «Mossad Aliyah Beth,» qui avait été créée par la Haganah comme organisation pour l’immigration illégale après le coup de frein à l’immigration en Palestine décidé par la Grande Bretagne suite à la Commission Peel. Fin 1937, i.e. quelques mois après le voyage d’Eichmann, des envoyés du Mossad prenaient leurs fonctions dans les locaux de ma Reichsvereinigung [Union des Juifs du Reich] au 10 Meineckestrasse à Berlin-Charlottenburg, avec la permission des autorités fascistes de Berlin. Ces deux envoyés, Pina Ginsburg et Moshe Auerbach avaient fait le voyage de Palestine en Allemagne à cet effet.

Dans leur livre Secret Roads ; Jon et David Kimche ont situé l’arrivée de Ginsburg à Berlin à l’été 1938. Ginsburg s’était présenté lui-même officiellement à la Gestapo en tant qu’émissaire de «L’Union des Colonies Communautaires », déclarant qu’il était en mission spéciale et que sa tâche convergeait avec les intentions du gouvernement nazi, son objectif étant l’organisation de l’émigration des Juifs Allemands en Palestine. C’était seulement avec le soutien des dirigeants nazis que ce projet pouvait se réaliser sur une grande échelle. La Gestapo avait alors discuté avec Ginsburg sur «la manière de promouvoir et d’accroître l’immigration juive en Palestine à l’encontre de la volonté des autorités mandataires britanniques.»

En attendant, les autorités fascistes avaient commencé à changer ses méthodes de pression sur les Juifs Allemands. Elles ne s’en remettaient plus aux seules organisations sionistes pour s’occuper de l’émigration en Palestine. A Vienne (l’Autriche avait été occupée par l’Allemagne hitlérienne en mars 1938), «l’Office Central pour l’Emigration Juive» était créé et placé sous la responsabilité d’Adolf Eichmann. Ai début de l’été 1938, Eichmann rencontrait à Vienne un autre émissaire du Mossad, Bar-Gilead. Ce dernier demanda la permission d’installer des centres (camps) de formation pour les émigrants afin qu’on puisse les préparer à leur travail en Palestine. Après avoir référé de cette requête à Berlin, Eichmann avait accordé l’autorisation et fourni tout ce qui était nécessaire pour l’installation des camps de formation. Vers la fi 1938, environ un millier de jeunes Juifs avaient été formés dans ces camps.

Dans le même temps, Ginsburg à Berlin avait pu, avec l’aide des autorités nazies, établir des camps semblables. Jon et David Kimche écrivent : «Le Palestinien [Ginsburg] qui était venu à Berlin prêt à tout, n’avait aucun état d’âme à dîner avec le diable et à s’assurer sa part du repas.»

Dans son livre Eichmann à Jérusalem, Hannah Arendt a commenté les informations fournies par les Kimches :

…ces Juifs de Palestine tenaient un langage pas complètement différent de celui d’Eichmann…ils avaient été envoyés en Europe par les colonies communautaires en Palestine, et ils n’étaient pas intéressés par des opérations de secours – ce n’était pas leur job. Ils voulaient sélectionner du «matériel adapté» et leurs principaux ennemis… n’étaient pas ceux qui rendaient la vie impossible dans les pays d’installation ancienne qu’étaient  l’Autriche et l’Allemagne, mais ceux qui empêchaient l’accès à la nouvelle patrie ; cet ennemi était clairement la Grande Bretagne, pas l’Allemagne… ils étaient probablement parmi les premiers Juifs à parler ouvertement d’intérêts mutuels…

La proposition d’une alliance militaire avec Hitler

Tandis que la tendance majoritaire du mouvement sioniste, la tendance du parti «travailliste» (Ben Gourion etc.) et les «sionistes généralistes » (Weizmann et les autres), camouflaient soigneusement leurs contacts avec les fascistes, et s’exprimaient publiquement contre eux, l’aile droite du sionisme, le parti Révisionniste (ancêtre de l’organisation terroriste Irgun Zvai Leumi et plus tard du parti Herut en Israël) avait ouvertement et en maintes occasions avant 1933 exprimé son admiration pour des gens comme Mussolini et Hitler. On peut en trouver un exemple dans un procès tenu à Jérusalem en 1932 quand l’avocat Cohen, un membre du parti Révisionniste, avait déclaré en défense d’auteurs de troubles de l’ordre à l’université : «Oui, nous éprouvons un grand respect pour Hitler. Hitler a sauvé l’Allemagne. Sans lui elle aurait péri il y a quatre ans. Et nous nous serions rangés aux côtés d’Hitler si seulement il avait renoncé à son antisémitisme.»

Vladimir Jabotinsky, chef à l’époque du mouvement révisionniste, qui entretenait de bonnes relations avec le mouvement fasciste en Europe avait aussi été accusé de vouloir des relations étroites avec l’Allemagne hitlérienne.

Il y avait alors une concurrence évidente entre les différentes factions sionistes pour aboutir à une collaboration privilégiée avec les fascistes tout en dénonçant dette même démarche les unes chez les autres (Il faut mentionner ici l’assassinat de Chaim Arlosoroff).

Le journal sioniste Davar de juillet 1933 avait publié un article de David Ben Gourion qui lançait une lourde accusation : «… Juste après l’accession d’Hitler au pouvoir en Allemagne, alors que les persécutions contre les Juifs et les marxistes étaient au plus haut, M. Vladimir Jabotinsky s’était rendu à Berlin et dans un discours public, avait attaqué les communistes présents dans le mouvement sioniste et en Palestine.» S’il en était bien ainsi, alors cela signifiait que Jabotinsky voulait torpiller les négociations sionisto-fascistes afin de pouvoir entrer dans la partie comme partenaire des négociations avec les Nazis.  Jabotinsky s’était néanmoins attaché à réfuter l’accusation de Ben Gourion en soulignant que ce dernier avait pris la parole sur Radio Varsovie le 28 avril 1933 et avait appelé à la mise en place d’un boycott mondial de l’Allemagne, avec l’établissement simultané d’un Etat juif en Palestine, «comme seule réponse adéquate à la menace hitlérienne.»  Il y avait là une allusion transparente aux négociations de Haavara menées par l’aile majoritaire du sionisme. Mais Jabotinsky ne pouvait pas contester le fait que le journal révisionniste Hazil Haam, publié en Palestine, « semblait considérer ce mouvement [le fascisme] avec une sympathie et une compréhension prononcées. Les rédacteurs de ce journal… lui avait-on dit, quoique conscients de l’antisémitisme forcené d’Hitler, voyaient dans le National Socialisme les éléments d’un authentique mouvement de libération nationale.

Pour l’Allemagne fasciste, la collaboration avec la tendance sioniste majoritaire était sans aucun doute plus importante que la coopération avec «l’opposition» révisionniste. Néanmoins, même les Révisionnistes furent autorisés à poursuivre leurs activités politiques en Allemagne. Les membres de l’organisation de jeunesse du mouvement révisionnistes, «Brit Trumpeldor» (à propose de laquelle Schechtman rapporte qu’elle «s’adaptait à certaines caractéristiques du régime nazi») était la seule organisation non fasciste en Allemagne à être autorisée par les nazis à porter un uniforme.

Miliciens du Betar à Berlin en 1936

Miliciens du Betar à Berlin en 1936

Ce furent finalement des membres de l’Irgoun qui, dans leur intention de collaborer avec le fascisme allemand un an et demi après le début de la deuxième guerre mondiale ((à un moment où le massacre des Juifs dans la Pologne occupée avait déjà commence) allèrent jusqu’à faire aux autorités fascistes une offre incroyable de coopération. (L’Irgoun qui s’était séparée de la Haganah avant de la rallier à nouveau en 1948, a fait partie intégrante de l’Etat d’Israël depuis  lors ; son vieux leader Menahem Begin a été premier ministre d’Israël de 1967 à 1970 et est actuellement à la tête du groupe parlementaire du Likoud au parlement israélien).

Quelques mois avant cette offre de coopération de janvier 1941, une scission était intervenue entre la faction de l’Irgoun minoritaire alors qui soutenait la Grande Bretagne en guerre contre l’Allemagne nazie et au groupe de ceux qui, à l’intérieur de l’Irgoun, étaient opposés à une telle politique pro-britannique. Abraham Stern, un membre du comité de l’Irgoun, joua un rôle déterminant dans ce dernier groupe qui avait le soutien, à l’époque, de la majorité des membres de l’Irgoun. C’est par des militants antibritanniques de ce groupe que fut faite  la proposition de collaboration de l’Irgoun [avec le nazisme, NdT].

La nature de cette proposition est consignée dans un document dont le texte intégral est encore secret.  Il est évoqué  dans un rapport de l’attaché naval de l’ambassade d’Allemagne en Turquie – un fonctionnaire qui était chargé de missions secrètes là-bas. Le rapport, qui est toujours enfermé dans des archives en Grande Bretagne parle de contacts que l’attaché avait eu avec des émissaires de «l’Irgoun Zvai Leumi (Organisation Militaire Nationale – OMN).» Un mémorandum daté du 11 janvier 1941 parle des «Lignes Fondamentales de la Proposition» de l’Irgoun «concernant la solution de la question juive en Europe et la participation active de l’OMN aux côtés de l’Allemagne.»

On lit ce qui suit dans cette note :

Il est souvent dit dans les discours et les déclarations des plus importants responsables politiques de l’Allemagne Nationale Socialiste qu’un Ordre Nouveau en Europe a pour condition préalable la solution radicale de la question juive par l’évacuation («Judenreines Europa»)

Evacuer les masses juives d’Europe est une pré condition pour résoudre la question juive ; mais elle ne peut être rendue possible et complète que par l’installation de ces masses dans la patrie du peuple juif, la Palestine, et par l’établissement d’un Etat juif dans ses frontières historiques.

Après avoir confirmé de la sorte la convergence fondamentale des vus du sionisme et du fascisme, les militants de l’Irgoun proposaient une alliance avec leur organisation ainsi que l’indique la suite du document :

Cette manière de résoudre le problème juif et donc d’en faire résulter la libération du peuple juif une fois pour toutes, est l’objectif de l’activité politique et des années de lutte du mouvement juif de libération : l’Organisation Militaire Nationale (Irgun Zvai Leumi) en Palestine.

L’OMN qui est bien au fait des bonnes dispositions du gouvernement  et des autorités du Reich allemand à l’égard de l’action sioniste en Allemagne et à l’égard des plans sionistes d’émigration [il faut signaler à ce sujet la coopération entre fascistes et sionistes entre 1933 et 1939 – K.P.] – est d’opinion que :

1     Une communauté d’intérêts pourrait exister entre l’instauration d’un ordre nouveau en Europe en conformité avec la conception allemande et les véritables aspirations nationales du peuple juif telles qu’elles sont incarnées par l’OMN.

 2. La coopération entre la nouvelle Allemagne et une nation hébraïque renaissante (völkisch –nationalen – Hebräertum) serait possible et

3 L’établissement de l’Etat juif historique sur une base nationale et totalitaire et lié par traité avec le Reich allemand serait dans l’intérêt du maintien et du renforcement de la future position de puissance de l’Allemagne au Proche Orient.

Ce qui était proposé était donc ni plus ni moins que l’établissement d’un Etat fasciste juif en Palestine qui serait l’allié du fascisme allemand !

«Sur la base de ces considérations, l’OMN en Palestine propose de prendre activement par à la guerre au côté de l’Allemagne, dès lors que les aspirations nationales susmentionnées du mouvement de libération sont reconnues par le gouvernement du Reich allemand.»  Après avoir ainsi proposé de participer activement avec le fascisme allemand au combat contre le bloc antihitlérien, les sionistes de l’Irgoun poursuivaient en précisant un peu plus leur proposition dans le document :

Cette offre de l’OMN dont la validité concerne les niveaux politique, militaires et du renseignement, à l’intérieur et aussi, selon certains documents préparatoires, à l’extérieur de la Palestine, était conditionnée par la formation militaire et l’organisation de la main d’œuvre juive en Europe sous la direction et le commandement de l’OMN. Ces unités militaires prendraient part aux combats pour conquérir la Palestine en cas de constitution d’un tel front.

La participation indirecte du mouvement israélien de libération à l’instauration d’un Ordre Nouveau en Europe, déjà dans sa phase préparatoire, serait associée à une solution radicale et positive du problème juif en Europe en conformité avec les aspirations nationales susmentionnées du peuple juif. Ce qui renforcerait  de manière exceptionnelle la base morale de l’Ordre Nouveau aux yeux du monde entier.

La coopération du mouvement israélien de libération serait aussi dans la ligne d’un des récents discours du Chancelier du Reich Allemand dans lequel Hitler soulignait que toutes les combinaisons et toutes les alliances pouvaient être envisagées dans le but d’isoler l’Angleterre et de la vaincre.

Il est inutile de commenter plus avant ce document étonnant. On doit seulement ajouter que ce sont l’antisémitisme et le travail de liquidation qui avait déjà commencé pour éliminer les Juifs Européens qui avaient empêché le fascisme allemand d’accepter cette proposition d’alliance. Mais deux ans plus tard, l’Irgoun se lançait dans des attaques terroristes contre des institutions britanniques au Proche Orient, travaillant ainsi à l’affaiblissement de l’alliance contre Hitler dans son combat contre le fascisme allemand, un combat qui permettra aussi de secourir les Juifs Européens.

Conclusion

Chaque fois que la coopération entre les sionistes et les fascistes est révélée, les auteurs sionistes recourent à l’excuse toute prête selon laquelle les contacts avec les nazis n’avaient été noués que dans le seul but de sauver des Juifs. Alors même que certains faits mentionnés précédemment contredisent cette thèse, on peut poser les deux questions suivantes aux tenants de cette thèse : N’y avait-il vraiment aucun autre moyen de sauver les Juifs Européens ? Etait-ce le véritable motif des sionistes pour pactiser avec le diable ?

 On ne peut douter du fait que la seule possibilité pour empêcher le massacre de millions de Juifs (ainsi que d’éviter la seconde guerre mondiale qui a causé des millions de morts) consistait à renverser la dictature fasciste quand elle en était au tout début de sa phase de domination. Mais les dirigeants sionistes n’étaient pas intéressés par cette perspective – leur seul objectif étant d’augmenter le nombre de Juifs dans la population de la Palestine. Comme ils partageaient la vision anti-assimilationniste du nazisme concernant la race juive, ils ne considéraient pas la dictature fasciste comme une tragédie. Comme l’avait expliqué David Ben Gourion : «Ce que des années de propagande sioniste n’avaient pas pu faire, ce désastre l’avait réalisé en l’espace d’une nuit.»

Non seulement les chefs sionistes ne firent rien contre le fascisme, mais ils entreprirent des actions qui sabotèrent le front antifasciste (en empêchant un boycott économique avec leur accord Haavara).  En pratique, ils rejetèrent des tentatives pour sauver les Juifs Allemands dès lors qu’elles n’avaient pas pour but l’installation des Juifs en Palestine. L’exemple qui suit est celui de la conférence d’Evian : quand après 1933 la majorité des pays capitalistes refusa d’accueillir les réfugiés Juifs d’Allemagne, le président Américain Roosevelt appela à la réunion à Evian d’une conférence sur les réfugiés. Cette conférence se tint du 6 au 15 juin 1938 avec la participation de 32 pays capitalistes. La conférence échoua étant donné que les participants refusèrent d’accueillir les réfugiés Juifs. On aurait pu supposer que le mouvement sioniste, qui était aussi représenté à Evian, aurait essayé de faire pression sur les gouvernements pour qu’ils lèvent leurs restrictions. Mais les sionistes déposèrent au contraire une motion dès le début de la conférence pour demander l’admission d’1,2 million de Juifs en Palestine. Ils n’étaient pas intéressés par d’autres solutions et, comme l’écrira plus tard Christopher Sykes : «Ils avaient manifesté une indifférence hostile à l’égard de l’ensemble du processus dès le tout début… la vérité à ce propos est que la démarche tentée à Evian ne correspondait absolument pas à l’idée sioniste.»

Les dirigeants sionistes partagent donc la responsabilité de l’échec à secourir un plus grand nombre de Juifs Européens. On doit en toute justice se souvenir que les Juifs qui ont survécu à la monstrueuse domination du fascisme ont été sauvés par les soldats du bloc antihitlérien, et particulièrement à ceux de l’armée soviétique qui a consenti un terrible sacrifice pour vaincre la dictature fasciste.

Philip Roth s’attaque au tabou auquel ne touchera pas Charlie Hebdo

19 septembre 2012

Charlie Hebdo vient de publier de nouvelles caricatures représentant le prophète de l’Islam. Je ne vais pas gloser longtemps là-dessus parce que si de nombreux clients sont tombés dans le panneau en se ruant, dit-on, dans les kiosques pour s’en procurer un exemplaire, les commentateurs portent cette fois un jugement plus mitigé sur la politique éditoriale de ce magazine . J’écoutais en effet tout à l’heure sur France Info une petite brochette de commentateurs évoquer un coup marketing dénué de l’esprit de responsabilité qui doit caractériser la profession journalistique.

Mais Charlie Hebdo aurait tort de se gêner vu que c’est si facile de taper sur les Musulmans en France, une «communauté» [selon moi il n’y a pas ou pas encore de communauté musulmane], encore fortement marquée par l’appartenance au prolétariat voire par la pauvreté , objet du discours politique mais non représentée politiquement.

Le magazine a mis la barre très bas. Pour montrer son courage, je lui propose de mettre la barre très haut et de s’attaquer avec virulence et détermination aux véritables tabous de cette société, par exemple l’holocauste, l’Etat prétendu juif ou encore le rôle des dirigeants Juifs Français pendant l’occupation et sous le régime de Vichy (parce qu’il y avait les Juifs résistants avec de Gaulle et dans les maquis mais il y avait aussi les autres).

C’est pas demain la veille, parce que Charlie-Hebdo se retrouverait cloué au pilori et rapidement privé de ressources financières.

Un Juif américain aborde un sujet tabou : Israël

Par Matthew Hays, The Globe & Mail (Canada) 25 août 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Phillip Roth an parle comme d’un des moments les plus marquants de son enfance. C’était en 1978, et le cinéphile de 12 ans a regardait la cérémonie de remise des Oscars à la télévision quand VanessaRedgrave a dénoncé les «voyous sionistes» tout en acceptant son Oscar pour le meilleur second rôle féminin.

«Ce discours a eu un impact énorme sur moi», dit Roth, un cinéaste basé à Los Angeles (qui n’a pas de rapport avec le romancier du même nom). « C’était probablement la première fois que je réalisais qu’il y avait des gens, pas seulement des terroristes, qui étaient vraiment critiques  à l’égard d’Israël. » Le discours mémorable de Redgrave avait été accueilli par des huées et des sifflements lors de la cérémonie, et sa co- vedette dans Julia, Jane Fonda, avait reçu une standing ovation.

Philip B. Roth

Roth, qui a grandi dans une famille juive à Los Angeles, explique que les questions qui entourent la relation de la communauté juive américaine à Israël continuent de le fasciner – l’une d’entre elles en particulier. « Les Juifs américains ne sont pas vraiment autorisés à dire quoi que ce soit de critique sur Israël », soutient-il. « Si vous regardez la presse israélienne, il ya un débat vigoureux, qui se poursuit sans interruption. Les Israéliens sont autorisés à être très critiques envers Israël. Les Américains, semble-t-il, ne le sont pas. Parmi mes amis et ma famille, je pouvais trouver des gens qui étaient très ouverts sur tous les sujets imaginables, sauf quand on touchait à Israël et au Moyen-Orient. « 

Roth d’ajouter, «Quand le sujet arrivait sur Israël, c’était presque comme si la discussion était coupée. »

Ce constat a incité Roth à réaliser son propre documentaire à la première personne sur ce sujet ; le résultat est un mélange grisant de considérations personnelles et politiques. Les Confessions d’un Juif Honteux, qui sort en première mondiale ce weekend au Festival Mondial du Film de Montréal et traite de l’itinéraire de Roth dans sa confrontation avec l’écheveau complexe de liens personnels, historiques et politiques que la diaspora juive possède avec l’Etat d’Israël.

Rorh a interviewé un grand nombre de personnes pour son documentaire – de sa propre grand-mère à Phyllis Chesler, auteure du livre The New Anti-Semitism, dans lequel elle avertit de la montée inquiétante du préjugé antijuif au début du 21ème siècle. Les résultats sont fascinants et Roth prend soin de donner longuement la parole à ceux avec qui il est en désaccord.

Il reconnaît que certains l’ont critiqué pour avoir entrepris un tel projet. «Je suis un homosexuel qui enseigne le yoga à des apprenants tout nus à Los Angeles. Je ne suis jamais allé au Moyen Orient. Mais j’ai vraiment aimé l’idée que quelqu’un comme moi, qui n’a rien d’un spécialiste, puisse se pencher sur ces questions et les poser très franchement. Après tout, deux tiers des Juifs Américains ne sont jamais allés en Israël. Mais si nous nous interrogeons sur les relations et le soutien de notre gouvernement à Israël, nous sommes taxés de [Juifs] honteux.»

Au cours de ses recherches pour Confessions d’un Juif Honteux – qu’il appelle le fruit de «cinq ans de travail de l’amour» – il s’est découvert des affinités particulières avec une des personnalités historiques dont il retrace l’histoire. «Hannah Arendt, elle-même survivante des camps nazis [Hannah Arendt n’a jamais séjourné dans un camp nazi, note de Djazaïri], avait écrit des textes assez critiques du sionisme après le jugement d’Adolf Eichmann. Elle avait été alors accusée d’être une juive honteuse simplement parce qu’elle soutenait que la vision initiale du sionisme s’était égarée.

Vers la fin du film, Roth se retrouve plaidant pour une version de la solution controversée à un seul Etat dans lequel Israéliens et Palestiniens vivraient dans le même pays, avec une personne, un vote. Une des personnes qu’il interviewe conteste fermement cette idée en affirmant qu’un tel système signifierait un «suicide national pour Israël. »

Roth soutient que, «Tant que vous avez autant de colonies juives en Cisjoordanie, tant que vous donnez aux Russes et aux Américains et à d’autres immigrants autant d’incitations financières pour vivre là-bas, et tant que vous avez des palestiniens condamnés à la pauvreté qui vivent à côté d’eux, je pense que vous devez accorder à ces Palestiniens le même accès à la citoyenneté, mais si vous ne le faites pas, alors c’est vraiment comme l’apartheid.»

Et il concède qu’il y a une certaine ironie de voir Confessions of a Self-Hating Jew projeté en première mondiale au Canada où le gouvernement conservateur s’est avéré être un chaud partisan d’Israël.

«Je ne prétends pas que les sionistes vont entrer dans la salle de cinéma et que leur mentalité sera changée par mon film», dit Roth. « Mais nous devons en parler. Ces politiques de construction de nouvelles colonies en Cisjordanie: sont-elles vraiment dans l’intérêt d’Israël? N’ont-elles pas tout simplement créé une situation impossible?

Zizek et l’alliance nazis-sionistes

19 juillet 2012

En 2006, Sever Plocker, commentateur régulier dans les colonnes du Yediot Ahronot, ce journal de l’entité sioniste s’attaquait à Slavoj Zizek, un philosophe slovène qui a acquis une grande notoriété dans les milieux intellectuels du monde entier.

Zizek est ce qu’on peut appeler un philosophe éclectique dont la boussole semble avant tout être la liberté de pensée.

Mais ce qui motivait Sever Plocker, c’était le fait que Slavoj Zizek dans son dernier livre à l’époque se soit intéressé à l’antisémitisme et qu’il ait accordé une place centrale à la rencontre entre Adolf Eichmann et Feivel Polkes, un cadre de la Haganah.

Pour les béotiens, la Haganah c’est ce groupe terroriste juif qui deviendra l’armée de l’entité sioniste, cette fameuse Tsahal chère à nos journalistes.

Sever Plocker s’offusque de l’évocation de la rencontre entre les deux hommes qui n’eut pas lieu en Palestine comme prévu car l’officier allemand ne fut pas autorisé à rester à Haïfa plus de 24 heures (ce que Plocker omet de préciser), mais au Caire.

La rencontre n’aurait débouché sur rien selon Plocker, ce qui rendrait illégitime toute idée d’une accointance entre sionisme et nazisme. Il évoque cependant, sans développer l’objectif que s’était assigné la partie juive à cette rencontre. Ce que Plocker n’a pas développé, c’est semble-t-il le fameux accord de transfert dont vous trouverez les détails sur ce site sioniste. Il est d’ailleurs piquant de voir ce site sioniste excuser ses frères en idéologie pour avoir passé un accord avec les nazis car en 1933, la politique nazie, c’était surtout des mots et qu’on ne pouvait pas prévoir. C’est pourtant ce que les sionistes répètent à qui veut l’entendre : les puissances occidentales n’avaient pas agi assez tôt contre Adolf Hitler (et aujourd’hui contre l’Iran ou tout pays que les sionistes n’aiment pas).

Plocker omet aussi de nous signaler que les deux hommes s’étaient rencontrés en février de la même année 1937 à… Berlin.

Malheureusement pour Sever Plocker, les affinités entre sionisme et nazisme sont bien documentées. Et la guerre contre l’Allemagne nazie n’était pas terminée quand le ministre Britannique Lord Moyne a été assassiné en 1944 par des tueurs mandatés par Yitzhak Shamir auquel M. François Hollande a rendu récemment hommage !

Sever Plocker (à gauche) et Slavoj Zizek

Zizek et l’alliance nazis-sionistes

Les théories sans fondements d’intellectuels en vue bénéficient d’une grande attention internationale

Par Sever Plocker, Yediot Aharonot (Sionistan) 12 septembre 2006 traduit de l’anglais par Djazaïri

Quel a été l’évènement le plus important dans l’histoire de l’antisémitisme contemporain, l’évènement que « quiconque intéressé par l’étude de l’antisémitisme » doit garder en mémoire ? Le jour de l’inauguration d’Auschwitz ? Le jour où ce camp a été libéré ? Le jour où des intellectuels Juifs de haut niveau ont été tués par Staline ? Pas du tout.

La date décisive dans l’histoire de l’antisémitisme est le 26 septembre 1937. Ce jour là, Adolf Eichmann embarquait dans un train à Berlin pour se rendre en Palestine afin d’y rencontrer le militant clandestin de la Haganah Feivel Polkes et de discuter avec lui de « l’immigration en masse de Juifs Allemands en Palestine.»

La rencontre eut finalement lieu au Caire à cause de décrets de l’autorité mandataire britannique. Et pourtant, cet évènement reste apparemment comme le testament emblématique d’un intérêt commun aux Nazis et aux Juifs : mettre en œuvre un type de nettoyage ethnique qui changerait fondamentalement la proportion des groupes ethniques dans la population [de Palestine].

Et ce que vous avez là, c’est le fin du fin de la rencontre historique, et la clef pour comprendre le secret de l’Etat juif : La sombre alliance entre les Juifs et le nazisme.

Contrairement à la première impression, les mots qui précèdent n’ont pas été trouvés dans les discours prononcés par le président Iranien ; il se trouvent dans le nouveau livre d’un philosophe gauchiste en vogue, Slavoj Zizek, un des favoris du petit monde post-post-moderniste.

Le livre de 440 pages est intitulé « The Parallax View » et essaye de revivifier la pensée dialectique, qu’elle repose en paix. Toute une partie du livre est consacrée à « l’impasse de l’anti-antisémitisme.»

L’anti-antisémitisme, selon le Slovène Zizek, est un des plus graves dangers qui planent au-dessus de la liberté de penser partout où il sévit, parce qu’il ne permet pas – c’est ce que croit le philosophe – de critiquer sévèrement Israël sans être accusé d’antisémitisme.

Oui, c’est même arrivé à Slavoj lui-même, comme il l’observe dans son livre, mais un homme comme lui n’est pas disposé à capituler.

Il s’est libéré des chaînes de l’antisémitisme et dans son livre, on peut trouver les déclarations suivantes : le sionisme d’aujourd’hui, tel qu’il se manifeste dans la politique de l’Etat d’Israël, est déjà de l’antisémitisme et est basé sur des principes idéologiques antisémites.

Plus précisément : il est un fait que le sionisme est un des types de l’antisémitisme. Ce avec quoi on pourrait descendre en flamme le sionisme, c’est l’authentique esprit cosmopolite juif.  L’idée de créer un Etat nation juif homogène ne revient-elle pas à signer la fin du judaïsme ? Il n’est donc pas surprenant que les Nazis aient soutenu ce plan.

L’identification du sionisme à l’antisémitisme et au nazisme n’est pas le propre de Zizek. La comparaison avait été évoquée pendant les procès staliniens en Europe orientale dans les années 1940 et 1950 et dans les évènements de 1968 en Pologne.

Ce qui est surprenant dans la nouvelle mouture en verbiage philosophique de cette thèse sans fondement, livrée aux lecteurs fidèles de Zizek enrobée dans une phraséologie complexe au double et triple niveau de signification et recouverte de néologismes venimeux résultats de combinaisons surprenantes.

Israël est né dans le péché

Pourtant, derrière l’écran de fumée des expressions philosophiques et des citations sélectionnées, émerge une proposition familière : Israël est un pays né dans le péché et qui continue à exister par le crime.

 (Pour écarter tous les doutes, la « rencontre » mentionnée ci-dessus entre Eichmann et l’émissaire de la Haganah avait échoué lamentablement et n’avait débouché sur rien, a écrit le professeur Saul Friedlander dans son ouvrage classique, « L’Allemagne nazie et les Juifs.»

Du côté juif, l’objectif de la réunion était l’application d’un accord qui permettait à 20 000 Juifs aisés de sortir de l’Allemagne nazie une partie de leurs avoirs en payant une rançon).

Par le passé, Zizek ne prenait pas des positions aussi radicalement anti-Israël. Dans un recueil d’articles traduits en hébreu, il plaidait encore pour une solution à deux Etats et il écrivait que les Arabes devraient non seulement se réconcilier avec l’idée de l’existence de l’Etat d’Israël, mais aussi avec son existence en tant qu’Etat juif.

Cependant, dans le dernier article du recueil, Zizek exprimait déjà des vues plus dures, observant qu’en apparence Israël ne faisait que riposter aux attentats terroristes palestiniens, mais continuait en sous-main son entreprise «colonialiste.»

Dans un livre politique ultérieur, «Iraq, The Borrowed Kettle, » Zizek s’était déjà rapproché de l’idée d’un Etat binational [par opposition à une solution à deux Etats, NdT],  élevait la visite d’Eichmann en Palestine au niveau d’évènement crucial, et soutenait que la seule véritable fidélité à la mémoire de l’holocauste consistait à reconnaître l’injustice faite aux Palestiniens.

Un lecteur Israélien exaspéré pourrait bien alors demander : pourquoi perdre du temps à parler de ce

 Slavoj ZIzek? Pourquoi devrais-je me soucier de ce qu’il pense de nous ?

Voici ma réponse : Slavoj ZIzek est un intellectuel parmi les plus importants de ceux qui influent sue le discours idéologique et culturel dans le monde. Ses textes sont lus avec attention par ses partisans et les étudiants.

Il influe sur les perceptions d’étudiants, de professeurs et de membres de l’élite dans de nombreuses universités dans les pays développés et en développement.

Ce qui sonne aux oreilles d’Israéliens comme une combinaison d’absurdités et de mensonges résonne comme la parole d’un Dieu vivant dans l’univers intellectuel de 2006.


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