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Interdire le salafisme, disent-ils

28 mars 2018

Le dernier crime commis par un terroriste présumé [mais assassin en tout état de cause] à Trèbes, une petite commune près de Carcassonne, a ravivé les polémiques sur la « radicalisation » et le salafisme dont certains demandent l’interdiction parce qu’il fournirait l’idéologie par laquelle les criminels justifieraient leurs actes.

Je ne vais pas me lancer dans une discussion théorique, ni sur la « radicalisation », ni sur le salafisme. Par contre, j’entends bien qu’on nous dit que ces criminels, qualifiés de terroristes, agissent au nom ou se revendiquent de l’organisation Etat Islamique ou Daesh.

Le terme salafisme renvoie à différents courants de la pensée islamique dont le point commun est de prôner un retour à ce que serait « l’Islam des origines ».   Personnellement, je ne vois pas trop le rapport entre maintes expressions du salafisme, et encore moins les Frères Musulmans qui appartiennent à un courant différent, et Daesh.

Pour ce qu’on peut en savoir, Daesh est une organisation dont les adhérents se situent plutôt dans le sillage du wahhabisme, la doctrine salafiste en vigueur en Arabie Saoudite. Les financements de Daesh, et d’autres organisations du même genre actives en Syrie, en provenance d’Arabie Saoudite n’ont pu échapper à personne hormis ceux qui font des affaires avec la monarchie des Saoud.

Ces derniers sont en gros les mêmes, comme par exemple l’ancien premier ministre français Manuel Valls, qui pointent du doigt avec insistance le salafisme qu’ils accuseraient presque de tous les maux. M. Valls est même allé jusqu’à suggérer l’interdiction du salafisme, une demande également formulée par Nicolas Dupont-Aignan, celui qui avait fait alliance avec le front National entre les deux tours du dernier scrutin présidentiel… Dans un esprit semblable, Mme Le Pen propose de faire « la guerre au salafisme« .

C’est pourtant bien le salafisme wahhabite, dans sa version d’exportation et pro-active, qui anime la plupart des terroristes « islamiques » ou « islamistes » comme on voudra.

En ce qui concerne les différents attentats perpétrés en France, on aimerait quand même en savoir un peu plus sur l’état d’avancement des enquêtes qui portent toutes sur des délinquants connus auparavant des services de police. Des personnes par ailleurs le plus souvent peu instruites et donc peu susceptibles d’assimiler une doctrine quelque peu élaborée. Parce que l’affirmation salafiste d’un retour aux origines est à la fois le point d’arrivée et de départ d’un cheminement intellectuel et spirituel.

Mais pourquoi donc ce wahhabisme, à priori à usage unique pour les gens de la péninsule arabique, s’est-il propagé dans différents pays arabes et musulmans, voire même, de manière marginale, dans des communautés musulmanes en Occident?

Le prince héritier Mohammed bin Salman, nouvel « homme fort » de la monarchie saoudienne a répondu clairement à la question dans un entretien accordé le 22 mars dernier au Washington Post alors qu’il était en visite officielle dans la capitale des Etats Unis.

Interrogé sur le financement de la diffusion par l’Arabie Saoudite du wahhabisme, la foi qui est dominante dans le royaume et que certains ont accusé d’être une source du terrorisme dans le monde, Mohammed a répondu que les investissements pour financer des mosquées et des écoles religieuses [madrassat] à l’étranger avaient leur origine dans la Guerre Froide quand les alliés [c’est-à-dire les puissances occidentales: Etats Unis, France et Royaume Uni principalement, NdT] demandèrent à l’Arabie Saoudite d’utiliser ses ressources pour empêcher l’Union Soviétique de prendre pied dans les pays musulmans.

Les gouvernements saoudiens successifs ont perdu de vue cette entreprise, dit-il, et maintenant « nous devons tout reprendre. » Les subventions viennent maintenant largement de « fondations » établies en Arabie Saoudite, dit-il, plutôt que du gouvernement.

 

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Octobre 2015: Manuel Valls et le prince Mohammed bin Salman à Riyad

Malgré cette franche déclaration, inutile d’espérer voir le gouvernement français ou d’autres membres de la nomenklatura hexagonale dénoncer directement la responsabilité de Riyad dans la promotion d’une idéologie violente. Cette relation est pourtant connue, énoncée dans les médias et même constatée par le Parlement Européen en 2013. Sans conséquence aucune, pas même symbolique, pour la monarchie saoudienne.

Macron visits Riyadh as Saudi-Iran tensions soar

Novembre 2017: Emmanuel Macron et le prince Mohammed bin Salman à Riyad

Normal, puisque les puissances occidentales, celles-là mêmes qui vont jusqu’à faire la guerre pour répandre l’esprit des Lumières, sont aussi responsables de cet état de fait ainsi que l’a rappelé le prince héritier d’Arabie; et que l’Arabie Saoudite est un gros pourvoyeur de contrats civils et militaires pour les industries des grandes puissances occidentales.

Une délégation saoudienne en visite à Jérusalem

22 juillet 2016

Ceux qui observent les événements en Syrie constatent généralement le soutien apporté par l’Occident aux forces qu’on appelle communément « djihadistes », c’est-à-dire l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL ou Daesh) et al Qaïda.

Ce soutien habituellement éludé par la grande presse, à quelques exceptions près, n’a cependant pas manqué d’être relevé suite à l’assassinat par décapitation en Syrie d’un enfant (présenté comme un soi-disant enfant soldat d’une milice palestinienne pro-gouvernementale) par des combattants appartenant à une organisation soutenue par les Etats Unis ainsi que l’a reconnu le Pentagone.

On évoque par contre moins souvent le soutien apporté aux « djihadistes » par le régime sioniste, un soutien qui est particulièrement apparent dans la région du Golan et qui ne se borne pas comme certains le croient à une aide médicale.

Ce soutien de l’entité sioniste aux « djihadistes » en Syrie est bien entendu cohérent avec celui qu’apportent les pays occidentaux mais il l’est aussi avec la politique de la monarchie saoudienne qui est leur principal parrain dans la région.

Et en effet, le régime sioniste comme l’Arabie Saoudite ont un intérêt commun à affaiblir l’axe qui réunit le Hezbollah, la Syrie et l’Iran et à essayer d’éliminer le dernier régime qui se réclame du nationalisme arabe

Cette communauté d’intérêt s’est traduite par un certain nombre de signaux adressés au régime sioniste par le biais de la presse saoudienne, puis de rencontres discrètes et lus tard ouvertes sur des thématiques non directement politiques et dans des pays tiers.

 Nous sommes aujourd’hui arrivés à un stade avancé du rapprochement entre la monarchie saoudienne et le régime sioniste puisqu’une délégation saoudienne dirigée par un ancien officier supérieur de l’armée et ancien diplomate vient de séjourner dans l’entité sioniste où elle a pu rencontrer un carde du ministère des affaires étrangères et quelques députés d’opposition.

Le but de la visite était, selon ce qu’en ont dit certains députés de l’entité sioniste, d’encourager un dialogue chez les parlementaires autour de l’initiative arabe de paix.

Un prétexte qui laisse perplexe. En effet, si c’était là le véritable objectif de la visite, il aurait fallu que les rencontres ne se limitent pas à quelques députés d’une opposition marginale.

Par ailleurs, le simple fait que cette visite ait eu lieu adresse au régime sioniste le signal que le rapprochement se fera de toute façon puisqu’elle n’a pas été assortie de contreparties. En tout cas pas des contreparties en relation avec les droits du peuple palestinien.

 

Un ancien Général saoudien séjourne en Israël et rencontre le Directeur Général pour le Moyen-Orient du ministère des affaires étrangères

Pendant ce voyage des plus inhabituels, le Général en retraite Anwar Eshki a également rencontré un groupe de membres de la Knesset pour encourager le dialogue en Israël sur l’initiative arabe de paix.

Par Barak Ravid, Haaretz (Sionistan)  22 juillet 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le Général en retraite saoudien a visité Israël cette semaine et a rencontré le Directeur général du ministère des Affaires étrangères Dore Gold et le Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires, le Général-Major. Yoav Mordechai.

Eshki, qui conduisait une délégation d’universitaires et d’hommes d’affaires saoudiens a aussi rencontré un groupe de membres de la Knesset pour encourager le dialogue en Israël sur l’initiative arabe de paix.

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L’ex général saoudien Anwar Eshki à la rencontre de députés sionistes

Eshki a occupé des fonctions importantes dans l’armée saoudienne et au ministère des affaires étrangères et il dirige actuellement un institut de recherche. On ignore son degré de proximité avec les responsables du gouvernement de Ryad et du palais royal. Même si ce n’était pas une visite officielle, elle était des plus inhabituelles car Eshki ne pouvait pas s’être rendu en Israël dans l’approbation du gouvernement saoudien.

Eski et Gold avaient participé à une manifestation conjointe médiatisée dans un institut de recherche à Washington en juin 2015 après plusieurs rencontres en privé dans des contextes universitaires l’année qui avait précédé. Gold avait assisté à cette manifestation quelques jours avant d’assumer le rôle de Directeur-général au ministère des affaires étrangères.

Eshki et sa délégation sont arrivées en Israël en début de semaine. Ils ont aussi rencontré le Président palestinien Mahmoud Abbas et d’autres hauts responsables du gouvernement de Ramallah.

Leurs rencontres avec les deux officiels israéliens – Gold et Mordechai – n’ont pas eu lieu dans un bureau du gouvernement mais à l’hôtel King David à Jérusalem.

L’ancien Général et les délégués ont rencontré vendredi des députés d’opposition. La rencontre a été organisée par le député du Meretz Esawi Freige et elle a vu la participation des députés Michael Rozin, du même parti, de Ksenia Svetlova et Omer Bar-Lev de l’Union Sioniste. Freige a déclaré à Haaretz que les délégués avaient aussi rencontré mardi le président de Yash Atid, Yair Lapid. Il a dit que Lapid voulait que deux membres de son parti, les députés Jacob Perry et Ofer Shelah assistent à la réunion de vendredi mais que àa n’a pas marché à cause de problèmes d’agendas.

Freige, Svetlova et Rozin ont déclaré lors de conversations avec Haaretz que Eshki et les délégués avaient voulu rencontrer des parlementaires israéliens afin d’encourager le dialogue en Israêl sur l’initiative arabe de paix. Ils ont ajouté que pendant la réunion de vendredi, les membres de la Knesset avaient proposé qu’Eshki invite les députés israéliens qui soutiennent l’initiative à une réunion en Arabie Saoudite. « Les Saoudiens veulent s’ouvrir à Israël, » a déclaré Freige. « C’est une étape stratégique pour eux. Ils disent qu’ils veulent poursuivre de que l’ancien président égyptien Anouar Sadate avait commencé. Ils veulent se rapprocher d’Israël. C’est tout à fait évident. »

Pendant la réunion, le général saoudien en retraite a parlé aux députés de sa relation avec Gold, observant que le Directeur-Général du ministère des affaires étrangères avait écrit un livre anti-saoudien intitulé « Le royaume de la haine » il y a une dizaine d’années. Eshki a dit aux membres de la  Knesset que, au cours d’une de leurs rencontres, Gold avait présenté des excuses pour ses accusations contre l’Arabie Saoudite et avait dit qu’une partie de ce qu’il avait écrit était faux et il avait souligné qu’il souhaitait renforcer les relations entre les deux pays.

Daesh, d’où vient l’argent?

10 mars 2016

La récente remise d’une décoration, la Légion d’Honneur, à Mohammed ben Nayef prince héritier et ministre de l’intérieur saoudien, par le président François Hollande a fait grincer quelques dents en dépit de la discrétion dont l’Elysée a entouré cette remise de médaille.

C’est que l’Arabie Saoudite n’a pas exactement le genre de régime qu’est supposé honorer un gouvernement socialiste et un président élu sur la base de valeurs de gauche.

Et il est vrai que l’Arabie Saoudite non seulement  ne ressemble ni de près ni de loin à ce qu’on appelle démocratie, mais c’est aussi un pays où la peine de mort est appliquée à grande échelle et pour des motifs qui peuvent laisser perplexes au terme de procédures qu’on a du mal à qualifier de justice.

Certains ont pointé le rôle de l’Arabie Saoudite, et d’autres monarchies de la région, dans la déstabilisation de la Syrie et, plus précisément, dans l’encouragement des factions dites djihadistes, c’est-à-dire d’organisations considérées de manière quasi unanime comme terroristes, qu’elles s’appellent al Qaïda (avec le Front al Nosra, sa branche syrienne) ou Etat Islamique en Irak et au Levant (ou Etat Islamique ou Daessh).

Ce dernier point est d’autant plus sensible que la guerre contre le terrorisme s’est longtemps résumée dans le discours à la guerre contre al Qaïda (concrètement ce sont l’Afghanistan et l’Irak qui ont été écrasés) avant que l’EIIL soit défini comme la menace N°1.

Or, il s’avère que les monarchies du Golfe, Arabie Saoudite en tête, ont financé et financent encore l’Etat Islamique.

Cette affirmation n’est pas une simple lubie de ma part. En effet, comme on peut le lire dans l’article que je vous propose, les autorités britanniques elles-mêmes admettent un tel financement, du moins dans les débuts de l’Etat Islamique. Cette restriction aux débuts de l’organisation terroriste n’est cependant pas acceptée par certains spécialistes  de la région qui soutiennent que cette aide financière continue et qu’on ne saurait expliquer autrement que le « califat » ne soit pas déjà en faillite.

Un élément qui donne du poids à leurs assertions est le refus du gouvernement britannique de coopérer pleinement au travail d’une commission d’enquête parlementaire qui cherche à faire la lumière sur cette question.

L’effondrement des revenus pétroliers signifie que l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL – Daesh) dépend de l’argent des pays du Golfe.

Les attaques de la coalition sur les installations pétrolières de l’EIIL ont sans doute réduit ses revenus de 40 %, mais les experts disent que la dépendance de l’EIIL à l’égard du pétrole a été surestimée.

Par Patrick Wintour, The Guardian (UK), 8 mars 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

L‘effondrement des revenus pétroliers de l’EIIL l’ont probablement rendu plus dépendant des dons alloués par les riche pays du Golfe et des profits tirés des marchés des changes étrangers, a-t-on pu entendre à la première commission d’enquête britannique sur les finances de l’organisation terroriste.

Les attaques de la coalition rassemblée par les Américains sur les installations et les convois pétroliers de l’EIIL auraient réduit ses revenus de plus d’un tiers dans un contexte où les fiances de l’organisations deviennent un des principaux fronts dans la bataille pour la vaincre en Irak et en Syrie.

Le gouvernement britannique est réticent à coopérer avec la commission d’enquête parlementaire qu’il n’a pas autorisée à auditionner un cadre supérieur du ministère de la défense qui joue un rôle capital dans la supervision des visant à saper les financements de l’EIIL.

Mais le ministre des affaires étrangères Tobias Ellwood a déclaré que des progrès avaient été accomplis même si la connaissance des finances opaques de l’organisation restait lacunaire et dépendante des découvertes des services de renseignements.

Il a assuré que les revenus pétroliers du régime [de l’EIIL] étaient en voie d’effondrement et il a même laissé entendre que le quartier général de l’organisation à Raqqa pourrait imploser si et quand l’armée irakienne aura repris Mossoul.

Mais des experts ont déclaré devant la commission que le gouvernement britannique surestimait sans doute énormément l’importance des revenus pétroliers et sous-estimait l’ampleur de la dépendance de l’EIIL à l’égard de donateurs étrangers des pays du Golfe ou sa manipulation du système bancaire irakien.

Luay al-Khatteeb de l’Iraq Energy Institute a soutenu que le coût de la conduite de la guerre pour l’EIIL devait être si élevé et ses revenus pétroliers si limités qu’il doit nécessairement avoir accès à des dons financiers massifs.

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Luay al-Khatteeb

En outré, il a été déclaré devant la commission qu’il était possible que l’EIIL gagne environ 25 millions de dollars par an au moyen d’opérations sur le marché des changes, un chiffre que conteste le ministère des affaires étrangères.

Le gouvernement britannique estime que 40 % des revenus de l’EIIL proviennent du pétrole 40 % de l’extorsion, des taxes et de l’économie monétaire locale, et les 20 % restants de sources comme la vente des antiquités et les dons. Il affirme que les revenus pétroliers ont maintenant diminué de 40 %, ce qui représente une baisse de 20 % du total des rentrées d’argent de l’EIIL.

Al Khatteeb a dit à la commission que les évaluations du gouvernement britannique surestiment probablement l’importance du pétrole. Il a laissé entendre que l’EIIL avait sans doute réussi à tirer de substantiels revenus du pétrole pendant à peine quelques mois en 2014 quand il produisait 70 000 barils par jour pour une valeur d’environ 500 millions de dollars sur une année.

Le chiffre actuel doit être plus proche des 200 millions de dollars du fait des attaques contre ses infrastructures pétrolières, de la baisse des prix du pétrole et de la faible qualité du brut syrien, ce qui signifie qu’il produit au mieux 20 000 ou 30 000 barils par jour cédés contre guère plus de dix dollars chacun.

“Cette histoire d’un califat financé par le pétrole suppose une production bien supérieure, de l’ordre de 40 000 barils par jour ou un prix beaucoup plus élevé du pétrole de l’EIIL, autour de 30 dollars le baril, » a déclaré al-Khatteeb à la commission. Il était même possible, a-t-il suggéré, que l’EIIL soit maintenant un importateur net de pétrole pour faire fonctionner les camions et les Humvees fournis par les Américains qu’il a pris à l’armée irakienne..

Les revenus de la fiscalité et de l’extorsion sur les deux millions de personnes sous son autorité, dont la plupart gagnent moins de 110 dollars par mois, rapporte peut-être le mêmemontant surtout si on prend en compte le coût entrainé par l’administration de son  territoire.

Al-Khatteeb a déclaré devant la commission: “Soit ces combattants sont contents d’accepter une diminution substantielle de leurs soldes du fait de la baisse des revenus de l’EIIL, ou une autre source de financement  non prise en compte permet de continuer à leur donner satisfaction.

“C’est une conclusion raisonnable compte tenu de la surestimation des revenus pétroliers de l’EIIL, d’une assiette fiscale faible et de plus en plus étroite ainsi que des faibles prix auxquels l’EIIL effectue ses ventes d’antiquités sur la marché noir.

 «Certains se demanderont peut-être jusque à quel niveau les Arabes du Golfe ont continué à financer le califat. Il est certain que l’EIIL a pu s’appuyer sur d’autres sources de revenus entre janvier 2015, moment où l’économie de Raqqa s’est effondrée et mi- janvier 2016 quand les forces de l’Etat Islamique ont été en capacité de lancer une nouvelle offensive d’envergure en Syrie. L’argent vient de quelque part. »

Le gouvernement britannique a en effet reconnu que des pays du Golfe ont finance l’EIIL à ses débuts, disant cependant être certain que de tels financements étatiques ont maintenant cessé. Mais Dan Chugg, un expert du ministère des affaires étrangères, a reconnu devant la commission parlementaire que cette assurance avait une valeur limitée.

Chugg a déclaré: « Avec certains de ces pays, il est difficile de savoir ce qui est financement gouvernemental et ce qui ne l’est pas quand vous avez affaire à des familles royales, des princes très riches et ce genre de choses. »

Une autre source possible de revenus pour l’EIIL vient de ses transactions sur les marché des changes à l’étranger où une partie du milliard de dollars saisi dans les coffres des banques irakiennes a été négociée pour le profit.

David Butter, un chercheur associé au thinktank Chatham House soutient que l’EIIL fait passer des fonds d’une frontière à l’autre et tire profit des fluctuations des taux de change et d’un réseau informel d’agents de change connu sous le nom de « hawala. »

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Margaret Thatcher sortant de Chatham House

Butter a déclaré devant la commission : « Les système de ventes aux enchères de devises étrangères par la banque centrale irakienne doit faire l’objet d’une enquête fouillée. »

Les membres de l’EIIL, a déclaré Butter, ont effectué des mouvements d’argent entre banques en Irak et en Jordanie pour exploiter les déséquilibres sur les marchés monétaires.

 «Alors quand le gouvernement irakien procède à ses adjudications régulière de devises étrangères, l’argent de l’EIIL est injecté dans ce système et il peut obtenir une marge sur les écarts entre les différents taux de change là-bas et ramener l’argent dans son territoire via les agents hawala, » a expliqué Butter. «C’est de cette manière que l’argent circule au Moyen Orient.»

Le ministère des affaires étrangères a soutenu que ces sources de profit étaient peu probables pour trois raisons. L’EIIL aperdu ses réserves de liquidités d’abord à Mossoul puis, depuis octobre, dans les bombardements de la coalition, dont ceux sur la banque centrale de cette ville, qui ont fait partir en fumée des centaines de millions de dollars. Des pressions sur la Banque Nationale Irakienne ont aussi débouché sur des règlements plus stricts et le licenciement d’agents qui agissaient peut-être pour le compte de l’EIIL dans les ventes aux enchères de devises.

L’espoir mis dans une faillite de l’EIIL est exagéré a-t-il été dit devant la commission d’enquête, mais une diminution de ses ressources peut signifier un changement avec le passage d’une armée permanente qui mène une guerre territoriale sur deux fronts à une structure plus lâche dans le style d’une franchise d’al Qaïda qui entreprend des attentats terroristes à Damas et à Bagdad.

La Syrie et la stratégie saoudienne d’embrasement régional

26 octobre 2013

Dans l’article que je vous propose, Vijay Prashad essaye de situer les développements de la situation en Syrie dans leur contexte régional en insistant sur le rôle de l’Arabie Saoudite.

Selon lui, les milices se l’Etat Islamique d’Irak et du Levant (EIIL) sont désormais en position absolument dominante dans les rangs de l’opposition armée au régime syrien.

Si la situation militaire est pour l’instant relativement figée entre l’opposition armée d’une part et les forces gouvernementales d’autre part, cela ne signifie pas que les choses ne peuvent pas bouger.

Cette impasse ne saurait en effet durer éternellement et deux chemins semblent possibles pour en sortir, chacun d’entre eux ayant des implications différentes.

Le premier chemin est celui de la négociation sous les auspices de l’ONU entre les autorités en place et le(s) opposition(s). C’est le chemin que semble commander la sagesse même si on sait qu’il faudra du temps avant qu’une telle négociation aboutisse, en admettant cependant qu’elle commence puisque si le gouvernement syrien souffle le chaud et le froid sur cette question, l’opposition regroupée dans la Coalition au nom à rallonge (qu’on appellera CNS par commodité) se fait tirer l’oreille et fixe un préalable inacceptable pour les autorités de Damas, à savoir la démission du président Bachar al-Assad.

Le deuxième chemin est celui de l’aggravation de la guerre par son extension à l’Irak et au Liban.

C’est ce chemin qu’a choisi l’EIIL en accord semble-t-il avec l’Arabie Saoudite (ou à son instigation. Et l’EIIL a déjà entrepris de concrétiser cette option stratégique par des actions militaires visant à s’assurer le contrôle de la route Bagdad – Beyrouth, ce qui lui permettrait de faire circuler dans de bonnes conditions armes et combattants dans les deux sens.

Les choix de l’EIIL ont parfaitement été compris par l’armée syrienne qui entend au contraire s’assurer le contrôle complet de la frontière avec le Liban tandis que l’armée irakienne a pour l’instant mis en échec la tentative de l’EIIL de prendre le contrôle du segment irakien de la route Bagdad – Beyrouth.

L’inclusion de l’Irak dans la guerre livrée par l’EIIL est déjà chose faite tandis que celle du Liban devrait bientôt commencer, les signes avant coureurs en étant les affrontements à Tripoli et dans les villages libanais frontaliers avec la Syrie.

Le corridor d’al Qaïda à travers la Syrie

par Vijay Prashad, The Hidu (Inde) 25 octobre 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

Ce n’est plus l’Armée Syrienne Libre, mais l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL) qui constitue une menace sérieuse pour le régime d’Assad

Mardi soir, des kamikazes et des hommes armés ont attaqué des points de contrôle irakiens le long de la route N°11, qui relie Bagdad à la Syrie via Ramadi. Ils ont déclenché des explosions au poste de contrôle de Routba ainsi qu’à d’autres checkpoints un peu à l’ouest de Ramadi. Trente-sept personnes ont été tuées dans ces attaques, en majorité des membres des services de sécurité. La route N°11 est la route du sud de l’Irak vers la Syrie. L’autre route qui relie Bagdad à la Syrie est l’autoroute N°12, qui passe au nord de Ramadi dans les villes de Anan et Rawah, le long de l’Euphrate et dans la ville syrienne de Raqqa. La semaine dernière, des combattants de l’Etat Islamique d’Irak et du Levant (EIIL) ont attaqué les villes de Anan et Rawah, détruisant un pont et essayant de détruire des pylônes électriques. L’armée irakienne a pu contrer l’attaque de l’EIIL sur Rawa, et a ainsi déjoué la tentative de l’EIIL de s’emparer des villes qui lui auraient permis de contrôler l’autoroute N°12. Le vice-Premier ministre Saleh Iraq al-Mutlaq a déclaré que l’attaque de la semaine dernière était une «tentative désespérée d’al-Qaïda [EIIL] pour s’implanter en Irak. » Il semble probable que l’EIIL a décidé d’essayer de prendre le contrôle de l’autoroute N°11 après que son attaque sur la route N°12 a été repoussée.

route syrie

La route qui relie l’Irak au Liban via Raqqa est partiellement sous contrôle de l’EIIL

Le mois dernier, l’EIIL a obtenu des succès remarquables. Son opération, baptisée Elimination de l’Impureté, a expulsé ou absorbé les unités de l’Armée Syrienne Libre tout au long du flanc nord de la Syrie. La ville d’Azaz à la frontière syro-turque est aux mains de l’EIIl depuis un mois. A partir d’avril, l’EIIL a commencé à attirer à lui toutes les factiosn salafistes plus petites, dont le Jabhat al Nosra (non sans heurts) et des éléments d’Ahrar el Cham (dont le chef Abou Obeida al’Binnishi avait été tué par l’EIIL en septembre). Un nouveau rapport de l’International Crisis Group daté du 17 octobre observe que l’EIIL est désormais «l’organisation la plus puissante dans le nord et l’est de la Syrie et profitait de son contrôle sur les champs pétroliers.» L’analyste Aymenn Jawad al-Tamimi affirme que l’EIIL ne peut être délogé de ses places fortes dans le nord et l’est de la Syrie par aucune coalition de l’ASL et de ses alliés. De fait, dans les derniers mois, l’EIIL a gravement affaibli le potentiel militaire de l’ASL, après avoir tué en juillet Kamal Hamami, un de ses plus importants chefs de bataillons, et avoir attiré à lui nombre de ses combattants locaux. L’Armée Syrienne Libre ne représente plus une véritable menace pour le gouvernement syrien.

Une situation déplorable

La principale voix séculière du soulèvement en Syrie, Yassin al Haj Saleh, qui vivait dans la clandestinité dans son pays pendant la guerre civile, s’est enfui à l’étranger le 12 octobre. Dans sa lettre ouverte, «Adieu à la Syrie, pour un certain temps», M. Saleh écrit que sa ville d’origine, Raqqa, est passée sous le contrôle des «spectres qui hantaient notre enfance, les ogres.» La situation à Raqqa, écrit M. Saleh, est déplorable. C’était dur de voir «des étrangers l’opprimer et tenir en main le destin de sa population, confisquant les biens publics, détruisant une statue d’Haroun al-Rachid ou profanant une église, arrêtant des gens qui disparaissent ensuite dans leurs prisons.

Le départ de Syrie de M. Saleh indique que les choses ont empiré par rapport à l’été dernier quand le chercheur Yasser Munif s’était rendu dans le nord du pays et avait constaté qu’à Raqqa, «les gens sont de plus en plus critiques à l’égard de l’EIIL et d’al-Nosra.» Il semble que cet espace laissé à la critique interne de l’EIIL est manitenant plus restreint. Les affiches qui promeuvent les vues de l’EIIL abondent à Raqqa, laissant entendre une mise en sourdine des rivalités entre les diverses factions islamistes. Comme l’observe el-Tamimi, dans les manifestations publiques les bannières de l’EIIL et du jabhatal Nosra flottaient côte à côte.

En juillet 2013, l’EIIL avait organisé une évasion massive à la prison irakienne d’Abou Ghraib, libérant 500 détenus. L’EIIL avait eu recours à des voitures piégées, des kamikazes et des miliciens pour cette opération. L’EIIl avait ensuite dirigé ces combattants vers la frontière irako-syrienne dans le but d’essayer de prendre le contrôle des points de passage frontaliers dans le cadre de leur projet d’établir un corridor pour relier Ramadi en Irak à Tripoli dans le nord Liban (un affrontement dans cette ville a causé la mort d’un garçon de13 ans le 23 octobre). Les attaques de la nuit du 22 octobre s’inscrivaient dans ce scénario.

L’EIIL et sa forme de radicalisme sont un produit du financement de la rébellion par le Qatar et l’Arabie Saoudite. L’argent des Arabes du Golfe ainsi que des combattants étrangers et un groupe de combattants Syriens motivés ont donné l’avantage à l’EIIL. Dans le même temps, tandis que l’argent du Qatar et de l’Arabie saoudite a permis à leur client de dominer les autres rebelles sur le champ de bataille, l’influence de ces deux monarchies a empêché l’unification des rangs et le développement d’un agenda par les dirigeants de la rébellion. En trois ans, la Coalition Nationale des Forces Syriennes Révolutionnaires et d’Opposition (CNS) a été incapable de formuler un programme clair pour la Syrie. Cette absence [de programme] n’est pas dû à un manque d’imagination, mais à la subordination du CNS aux rivalités mesquines entre ses bienfaiteurs Arabes du Golfe. Le CNS s’était mis lui même dans l’impasse quand il avait en fin de compte laissé faire une révolution de palais pour écarter Mo’az al-Khatib de son poste [de leader du CNS]. Après d’intenses luttes intestines, le CNS avait finalement désigné Ahmad Saleh Touma en qualité de premier ministre. Ghassan Hitto avait démissionné car on le voyait comme trop proche du Qatar dont l’étoile commençait à pâlir. Le président actuel est Ahmad Jarba, qui a des liens étroits avec la monarchie saoudienne. Vers la fin septembre, les islamistes ont rejeté le CNS. Abdul Qader Saleh, le chef de la Brigade Tawhid [unicité de Dieu] d’Alep, a fait savoir qu’ils [les islamistes] envisageaient de former une alliance islamique (al-tahaluf al-islami). Le chercheur Aron Lund considère que les islamistes ne sont pas allés au delà d’une simple proposition. La marque des rivalités entre Arabes du Golfe traverse profondément la coalition.

L’agenda saoudien

Malgré les gains obtenus par l’EIIL dans le nord de la Syrie, l’agenda de l’Arabie Saoudite pour la Syrie est bloqué. En l’absence d’intervention militaire étrangère, l’EIIL sera incapable de renverser le régime en place à Damas. – c’est une des raisons pour lesquelles l’EIIL a décidé de s’emparer des postes frontaliers (avec l’Irak, la Turquie et le Liban). Une confrontation dangereuse va probablement avoir lieu dans la région de la Ghouta occidentale près de Damas, mais elle ne débouchera sur aucun gain stratégique significatif pour quiconque. Ce sera un bain de sang sans résultat substantiel, comme une bonne partie de ce qui se passe maintenant dans cette guerre. Incapable d’avancer dans le centre du pays, l’EIIL revendique les marges de la Syrie. L’Arabie Saoudite s’attendait à ce que les Etats Unis bombardent la Syrie en septembre, ce qui aurait affaibli le pouvoir d’Assad et permis à ses clients de prendre le pouvoir (l’Arabie Saoudite est aussi déçue par l’acceptation par les Etats Unis de l’ouverture iranienne pour des discussions). La route de Damas semblant fermée, l’EIIL s’est adonné avec plus de force à la violence nihiliste dans les régions qu’il contrôle – pas vraiment le résultat espéré par l’Arabie Saoudite. C’est la raison pour laquelle le Prince Bandar bin Sultan, qui assure la liaison avec les rebelles, a parlé de réévaluer la relation de l’Arabie Saoudite avec les USA, et c’est aussi la raison qui a conduit l’Arabie Saoudite à refuser d’occuper le siège qu’elle venait tout juste d’obtenir au Conseil de Sécurité de l’ONU. L’Arabie Saoudite avait soutenu les Talibans dans les années 1990 avec l’idée que ce mouvement modérerait son idéologie avec le temps. Il n’en fut rien. Il semble que la monarchie veuille faire encore le même pari, en dépit d’un précédent défavorable.

Le type de violence qui a éclaté la nuit du 22 octobre est devenue chose courante en Irak, avec plusieurs milliers de morts cette année (presque 500 rien que pour ce mois). La guerre en Syrie, bloquée dans une impasse douloureuse, s’est déplacée vers l’Irak, un pays déjà affligé par la guerre et la dévastation dans son histoire récente. Ici, les «visages qui se durcissent sous un masque de tristesse» comme l’écrit le poète Syrien Adonis, regardent les civilisations s’effondrer pour de vulgaires desseins géopolitiques. L’ombre d’al Qaïda s’installe sur l’Irak et la Syrie, durcissant encore plus les traits des Syriens et des Irakiens ordinaires. Le moment du lancement d’une offensive générale de l’EIIL au Liban se rapproche nécessairement ainsi que le donnent à penser les affrontements à Tripoli et dans les villes frontalières. Les discussions pour un cessez-le-feu et les négociations à Genève sont fort éloignées dans la désolation qui est venue envelopper les routes qui relient Beyrouth à Bagdad, un trajet qui aurait pu être fait assez tranquillement il y a un siècle mais qui connaît aujourd’hui la tourmente des fusils et de la frustration.

(Vijay Prashad est titulaire de la chaire Edward Saïd à l’Université Américaine de Beyrouth, Liban)

Par ici la monnaie: journalistes arabes pour une attaque américaine en Syrie

8 septembre 2013

Je vous reproduis un billet d’As’ad AbuKhalil, cet intellectuel américano-libanais qui anime le blog Angry Arab.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, As’ad AbuKhalil qui est né en 1960 au Liban est aujourd’hui professeur  de science politique à l’université de Californie. Résolument pro-palestinien et plutôt panarabe, quoique hostile aux nationalismes, il se déclare athée et dénonce fréquemment les pseudo savants musulmans qui pondent ce qu’il appelle des fatwawas sur toutes sortes de sujets fort éloignés de la vie spirituelle.

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As’ad AbuKhalil

Il est bien sûr parfaitement informé de ce qui se passe sur la scène arabe (du moins au Proche Orient) grâce à un balayage méthodique de la presse anglophone, arabophone et même francophone ainsi que grâce à tout un réseau de contacts au Proche Orient  et dans le monde. Il a bien sûr une très bonne connaissance de l’histoire de l’Orient arabe, une connaissance indispensable pour la lecture du présent.

Marxiste, il rejette aussi farouchement l’idéologie du Baath et donc l’unique régime qui s’en revendique encore. Un des rares grands hommes politiques arabes qui trouve grâce à ses yeux est le colonel égyptien Nasser même s’il  sait les limites de celui qui a porté haut les couleurs du nationalisme arabe.

Hostile au baathisme comme je l’ai dit, Il dénonce depuis des années sur son blog le régime syrien.

Mais il critique aussi fermement les mouvements d’opposition armée au régime syrien. Non pas qu’il considère que la lutte armée contre les autorités de Damas soit illégitime, mais parce qu’il estime que cette opposition armée se livre à des actes de barbarie contre des militaires prisonniers mais aussi contre des civils et que ces actes sont justifiés et suscités par un discours sectaire virulent et omniprésent dans les rangs de l’opposition armée.

Cette vision sectaire n’est bien entendu pas vraiment vendable en Occident où on se plait à représenter l’opposition syrienne (du moins la Coalition au nom à rallonge) comme engagée pour la démocratie.

Et cette image d’une opposition syrienne armée mais démocratique, face à un dictateur à peine moins cruel qu’Adolf Hitler, des journalistes arabes se chargent aussi de la véhiculer.

Selon Angry Arab, tous ces journalistes sans exception émargent auprès de la monarchie saoudienne ou du Qatar.

Les partisans d’un bombardement de la Syrie par les Etats Unis : un commentaire sur leurs motivations

As’ad AbuKhalil 8 septembre 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

Les motivations des Arabes qui sont pour un bombardement de la Syrie par l’OTAN sont variées : ceux que vous voyez dans les médias (en Orient ou en Occident) sont tous un par un bénéficiaires d’argent saoudien ou qatari : chacune de ces personnes (y compris certains qu’on voit sur Democracy Now… croyez le ou pas) est un propagandiste rémunéré pour le compte de la famille royale saoudienne. Tous les journalistes arabes qu’on voir dans les médias américaines sont sans exception des propagandistes rémunérés pour le compte de la famille royale saoudienne (quelques uns émargent auprès de la famille royale qatarie). Vous seriez surpris de savoir combien de hauts responsables de l’opposition syrienne sont d’anciens partisans du régime. Je pensais au cas d’un universitaire libanais en France qui s’est soudainement retrouvé à soutenir l’Armée Syrienne Libre et a signé des pétitions en faveur du bombardement du Liban [Angry Arab voulait dire Syrie] par les Etats Unis. Cet homme doit être d’autant plus actif qu’il se sent coupable et – vous avez deviné – il travaille pour l’appareil de propagande saoudien. Cet homme, je viens juste de l’apprendre, avait travaillé avec Asma al-Assad et avait participé à la préparation d’une de ses visites en France.  C’est un vilain petit monde que ces gens.

Propagande sur la Syrie: nouvelle variation sur les gentils et les méchants

14 juillet 2013

On ne sait pas trop comment va évoluer le conflit en Syrie. Certes, les forces gouvernementales semblent avoir repris la main sur le terrain et infliger de sérieux revers aux forces d’opposition.

Et sur le plan politique intérieur, Bachar al-Assad vient de montrer qu’il avait les coudées franches puisqu’il a a été en capacité de faire d’importants changements de personnel dans les parti Baath, le parti auquel son pouvoir est adossé.

Enfin, certains de ses ennemis jurés sont en grande difficulté, comme le premier ministre Turc Recep Tayyip Erdogan voire même ont été éliminés de la scène politique comme l’émir du Qatar où le président Egyptien Mohamed Morsi.

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Ceci dit, les Etats Unis et l’Arabie Saoudite n’ont pas renoncé à nuire à la Syrie et Barack Obama vient même d’annoncer que Washington respecterait son engagement de livrer des armes à l’opposition syrienne.

Pour surmonter les réticences exprimées par une partie de la classe politique aux Etats Unis, le discours public sur la Syrie été rectifié et les armes promises sont destinées aux rebelles modérés qu’on sait maintenant bien identifier puisqu’ils s’affrontent par les armes avec les « extrémistes ».

Comme le relève Moon of Alabama, ces affrontements relèvent plus de querelles locales que de divergences sur le fond.

Syrie: les insurgés « modérés”

Moon Of Alabama (USA) 13 juillet 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

Il est bien connu que les insurgés syriens ont reçu, avec l’aide des Etats Unis, de nombreuses nouvelles armes provenant de divers pays arabes:

Salim Idriss, chef du commandement militaire de l’Armée Syrienne Libre (ASL) a déclaré que les nouvelles armes ont permis à l’armée rebelle de «détruire plus de 90 véhicules blindés du régime syrien. »

Mais même ces nouvelles armes ne sont pas assez pour eux. Avec leurs soutiens arabes et «occidentaux», ils  continuent à faire pression pour plus d’armes. Obama semble être prêt à livrer plus d’armes :

Le président Barack Obama a dit vendredi au roi d’Arabie Saoudite  qu’il s’est engagé à apporter le soutien des Etats Unis aux rebelles syriens qui attendent les livraisons d’armes légères qui ont été bloquées à Washington.

Le Congrès a bloqué pour l’instant toute livraison officielle d’armes américaines. Pour amener certains leaders parlementaires à changer d’opinion, la guerre en Syrie doit maintenant être redéfinie. Sur la partie gauche de la scène, voici venir maintenant le «rebelle modéré.» Au lieu de demander des armes pour combattre le «dictateur sanguinaire », le «rebelle modéré» demandera désormais des armes pour combattre les «dangereux terroristes » qui ont été ses partenaires depuis le début.

Nous lisons en effet maintenant que les Talibans pakistanais montent une succursale en Syrie et on peut voir certains insurgés lever un gigantesque “drapeau Taliban” blanc à la frontière syro-turque. Soudain, nous avons de plus en plus d’informations sur les conflits entre les insurgés «modérés» et les «terroristes» :

Kamal Hamami, le commandant de l’Armée Syrienne Libre tués jeudi dans la province côtière de Lattaquié, sortait juste d’une réunion avec d’autres membres de l’organisation sur l’approvisionnement en armes.

La semaine dernière, des membres de l’Etat Islamique ont été accusés d’avoir décapité deux combattants de l’Armée Syrienne Libre et d’avoir laissé leurs têtes coupées à côté d’une poubelle dans un square de Dana, une ville tenue par les rebelles dans la province d’Idlib près de la frontière turque. Une attaque qui était intervenue après des affrontements qui avaient éclaté lors d’une manifestation contre l’Etat islamique, causant  la mort de 13 personnes.

Récemment, un combattant de la région, Abou al-Haytham,a affirmé que la dispute entre rebelles a commencé quant un combattant étranger membre de l’Etat Islamique a violé un garçon – « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase» dit-il – et les officiers de l’Armée Syrienne Libre s’étaient plaints.

Au moins quelques unes de ces histoires sont fausses. Mais elles vont servir pour une nouvelle poussée en vue d’armer les insurgés «modérés.»

Mais on a quelques raisons de douter que quelques affrontements localisés entre quelques factions motivées par le pillage témoignent d’une fracture importante entre les diverses organisations d’insurgés :

En dépit de frictions plus nombreuses, les factions modérées et les groupes djihadistes continuent à se coordonner sur le terrain, observe Charles Lister, analyste au IHS Jane’s Terrorism and Insurgency Center. Il  affirme que cela ne va sans doute pas changer même si l’ASL peut exploiter l’assassinat pour en tirer un bénéfice politique.

“Les forces modérées pourraient s’en servir de sorte à montrer à l’occident qu’elles sont disposées à rompre les relations avec les djihadistes afin d’obtenir plus d’aide occidentale,” dit-il.  «La réalité est très différente pour les officiers sur le terrain.»

Ces groupes travaillent ensemble depuis le début de l’insurrection.  Si les Syriens étaient en majorité plus modérés au début, il y avait quand même des extrémistes religieux qui baptisaient leurs bataillons du nom de guerriers sunnites historiques. Leurs différences avec les djihadistes étrangers qui combattent en Syrie sont moindres qu’avec la population syrienne en général. Le type tristement célèbre qui a été filmé en train de manger le poumon d’un soldat Syrien mort ? Un combattant local «modéré » de l’Armée Syrienne Libre. Est-il supposé recevoir plus d’armes parce qu’il affronte aussi d’autres djihadistes par rapport à sa part du butin ?

Laisser entendre qu’il y a les «bons» insurgés «modérés » est un procédé cousu de fil blanc. S’il existe  des différences idéologiques entre les diverses organisations, elles sont de l’ordre de la nuance. Par ailleurs, tout renforcement de l’armement de n’importe quel groupe d’insurgés donnera lieu à un renforcement de l’armement du régime et ne fera que coûter plus de vies et plus de sang.

Pourquoi le Hezbollah s’est-il engagé militairement en Syrie?

29 mai 2013

On a déjà évoqué ici la participation du Hezbollah aux combats en Syrie pour conclure que le rôle du Hezbollah était somme toute marginal, limité surtout à l’encadrement de communautés villageoises libanaises situées en territoire syrien et à la protection du mausolée de Sayyida Zeinab à Damas.

Il va bien sûr de soi que le Hezbollah ne reste pas les bras croisés devant les agissements des miliciens «rebelles» qui sévissent à l’intérieur du Liban, dans les secteurs limitrophes de la Syrie.

Les choses ont changé depuis, et le Hezbollah est directement engagé dans les combats aux côtés de l’armée syrienne.

Les raisons de ce changement sont explicitées dans l’article, signalé par Nidal, que je vous propose.

Et ces raisons n’ont rien à voir avec 1) une haine du Hezbollah pour les sentiments printaniers (et démocratiques) qui animeraient l’opposition armée en Syrie 2) une affinité de type sectaire qui n’existe que dans l’esprit de ceux qui ne connaissent pas ce que sont traditionnellement les rapports entre chiites et alaouites. Et qui ignorent au passage le fait que les relations entre le Hezbollah et le gouvernement syrien n’ont pas toujours été au beau fixe.

Non, le Hezbollah a une approche stratégique rationnelle et il a compris que la Résistance jouait sa survie en Syrie.

L’article ne le dit pas, mais l’affaiblissement, voire la disparition de l’axe de la résistance au régime sioniste qui résulterait d’une défaite du régime syrien est souhaitée par les monarchies arabes de l’Atlantique au Golfe persique car elles sont impatientes de normaliser complètement leurs relations avec Tel Aviv.

C’est aussi le sens de la dernière proposition de John Kerry consistant à acheter, avec l’argent des autres pour l’essentiel, le renoncement des palestiniens à leurs droits.

 

Les Limites du Hezbollah en Syrie

 Par Wafiq Qanso, Al-Akhbar (Liban) 29 mai 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le rôle du Hezbollah en Syrie devenant de plus en plus prononcé, Al-Akhbar examine les limites de son intervention militaire, s’interrogeant sur jusqu’où il ira pour défendre la Résistance.

Il est par exemple peu probable que nous verrons des clips YouTube avec des combattants du Hezbollah dans des régions reculées et lointaines de Syrie comme Raqqa ou Hasakah. Le Hezbollah est conscient de ses limites dans un pays vaste comme la Syrie dont le contrôle requiert une armée nombreuse dont le parti ne dispose pas.

Les opérations de combat du Hezbollah en Syrie sont en conséquence proportionnelles à la menace immédiate. Selon des sources informées, sa stratégie globale consiste à «sauvegarder la Résistance et protéger ses voies d’approvisionnement.»

Le parti s’est donc jeté dans la bataille, de crainte que des groupes takfiristes soient sur le point de prendre le contrôle des provinces syriennes riveraines du Liban, coupent également l’autoroute vers l’aéroport de Damas, ce qui créerait une «zone tampon» autour de ses bastions de la vallée de la Bekaa et couperait ses lignes d’approvisionnement. Comme le couteau se rapprochant très près de la gorge de la résistance, le Hezbollah a considéré n’avoir d’autre choix que de s’impliquer directement dans le conflit.

L’imminence du danger à la frontière nord-est du Liban coïncidait avec ce qui apparaît comme une convergence d’intérêts entre les acteurs arabes, régionaux et internationaux, dont Israël, en vue de renverser le régime de Bachar al-Assad.

De fait, compte tenu du retrait actuel de l’Egypte des affaires de la région, l’Arabie Saoudite, et le Qatar dans une certaine mesure – aspirent à dominer la région du Levant.

Dans le même temps, il est hors de doute que les Etats Unis et l’Europe désirent renverser le régime syrien, en raison notamment de son soutien à la Résistance libanaise et de son alliance avec Téhéran.

Les sources d’Al-Akhbar soulignent que le Hezbollah ne combat pas pour le compte du régime, mais à ses côtés, et seulement tant que la bataille sert à la protection des intérêts stratégiques du parti. Selon nos sources, «Tout d’abord, le Hezbollah ne se serait pas impliqué, même à Qussayr, si le régime n’était pas fort et ne jouissait pas d’un large soutien populaire.»

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Al Qussayr occupe un emplacement stratégique aussi bien pour le Hezbollah que pour l’opposition armée au régime syrien qui reçoit argent et armes via la ville libanaise d’Arsal

C’est sans doute cette cohésion qui a empêché des défections d’ampleur dans l’armée qui aurait sinon adopté une posture de neutralité dans la lutte pour renverser le président Syrien.

Il importe d’observer ici que l’administration des Etats Uni est dans l’impasse sur cette question. D’un côté l’administration US préférerait que l’armée se détache d’Assad. Mais d’un autre côté, l’administration ne veut pas voir une réédition de l’Irak, avec le démantèlement catastrophique des forces armées.

.Il est certain qu’aucune des factions de l’opposition n’est en mesure d’imposer son contrôle sur le terrain, tandis que le poids du Front al-Nosra et d’autres organisations liées à al Qaïda devient alarmant. 

Compte tenu des fortes divisions au sein de l’opposition syrienne et de la mission presque impossible d’unifier ses factions dispersées, l’administration US est de plus en plus convaincue qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise. Ce qui ne veut cependant pas dire que la sortie de crise est en vue, où que la proposition de conférence Genève 2 réussira à faire cesser le conflit. 

D’une part, les acteurs régionaux misent toujours sur un changement de régime. Cependant, les progrès accomplis par l’armée syrienne sur le terrain – en particulier dans des secteurs  cruciaux comme Deraa et Qussayr, ainsi que les préparatifs en vue de déloger les rebelles d’Alep, pourraient s’avérer être un tournant dans le cours d’une guerre qui dure depuis deux ans. 

Une conséquence de cette évolution sera peut-être que les diverses parties reconsidéreront leurs calculs et attitudes d’une manière qui – ayant finalement désespéré de l’option militaire – favorisera en fin de compte une solution politique.

Réunion des vrais amis de la Syrie le 29 mai à Téhéran

26 mai 2013

La France a été et reste très en pointe dans la démarche consistant à fédérer les énergies pour renverser le président Syrien Bachar al-Assad.

L’aspect le plus visible de cette démarche a été la mise en place du groupe des « amis de la Syrie » ou « du peuple syrien », soit une masse de pays supposés incarner une volonté internationale, en réalité un alibi pour couvrir les agissements d’une clique d’Etats voyous emmenée par le gouvernement français sous les couleurs de l’UMP puis du PS.

L’action française a fait long feu comme l’a montré la dernière réunion à Amman des « amis » de la Syrie, rassemblant péniblement onze Etats participants et une opposition syrienne à qui il a fallu tirer l’oreille pour qu’elle daigne être présente.

On rappellera qu’en juillet 2012, c’est une centaine de pays qui étaient présents à la réunion des « amis » de la Syrie qui se tenait à Paris.

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L’heure de gloire de Laurent Fabius en juillet 2012 à Paris

L’échec sur le plan diplomatique est patent pour Laurent Fabius qui n’en reste pas moins arrogant comme au premier jour.

Dans quelques jours, le 29 mai, une autre réunion des amis de la Syrie va se tenir mais à Téhéran et à l’invitation des autorités iraniennes.

Une quarantaine de pays devraient être représentés dont la Russie et la Chine. Le sultanat d’Oman a confirmé sa participation tandis que des invitations ont été adressées au Qatar, à la Turquie et à l’Arabie Saoudite.

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Téhéran août 2012: les représentants de 30 pays discutent de la situation en Syrie

On peut supposer que le royaume wahhabite sera présent parce que, et c’est quelque chose qui est négligé par vos journaux, l’Arabie Saoudite fait partie d’un groupe de contact sur la Syrie dans lequel elle est associée à l’Iran, à la Turquie et à l’Egypte. La création de ce groupe en mars 2012 s’était d’ailleurs faite à l’initiative de Mohamed Morsi, le président Egyptien.

Le gouvernement iranien est optimiste sur le succès de cette nouvelle réunion des vrais amis de la Syrie et sur les  progrès auxquels elle pourrait permettre d’aboutir.

Et n’oublions pas que dès le début, l’Iran a plaidé pour une résolution pacifique de la crise syrienne et, à cette fin, a pris langue et gardé contact avec toutes les parties.

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L’un est à gauche et l’autre à droite (du moins sur la photo)

A comparer avec le comportement barbare des deux énarques qui se sont succédé à la tête du Quai d’Orsay.

La Syrie victime de l’amour wahhabite

20 mai 2013

Ce n’est pas un sujet vraiment abordé par la presse française. C’est sans doute pour cette raison qu’on n’entend pas ces féministes officielles, si promptes à plaider le droit des femmes en Afghanistan ou même en Russie (cas des ‘pussy riot’) pour justifier l’ingérence étrangère.

Or, dans les difficultés que subissent les Syriens, il y a ce drame particulier que vivent des jeunes filles poussées par la misère à épouser de riches ressortissants des pays du Golfe, toujours beaucoup plus âgés qu’elles, voire franchement vieux.

Il s’agit d’une forme d’exploitation qu’on peut assimiler à de la prostitution même si elle se fait en principe avec le consentement des jeunes filles et de leurs familles et avec l’imprimatur de « religieux » dûment stipendiés.

Et pourquoi n’en parle-t-on pas ?

Simplement parce que ces agissements ne sont pas du fait du gouvernement syrien, ni même des horribles shabiha, ces miliciens pro Assad à côté desquels les membres de la SS font figure de doux agneaux, mais de réseaux qui agissent parmi les réfugiés Syriens pour une clientèle qui vient de ces pays qui s’impatientent de voir la démocratie fleurir en Syrie.

En attendant, ces mécènes cueillent d’autres fleurs…

 

Adolescentes vendues, les oubliées de l’exil syrien

Dans la misère, des familles de réfugiés en Jordanie marient leurs filles pour de l’argent à de riches Saoudiens

Ces mariages qui impliquent des filles mineures se terminent généralement rapidement par un divorce

Par David Alandete à Ammán, El Pais (Espagne) 19 mai 2013 traduit de l’espagnol par Djazaïri 

Dégoûtée et sans le vouloir en réalité Rim s’est mariée à l’âge de 16 ans le 6 février avec un Saoudien de 70 ans qui avait versé un peu d’argent à sa famille pour le mariage. Entre les larmes, son seul soulagement était que son mari se lasserait bientôt d’elle, et la répudierait en demandant le divorce. C’est qui s’est passé, après deux mois de vie commune. L’annulation du mariage est tombée par téléphone, et elle n’a même pas eu besoin d’être présente. Elle est rentrée libre auprès de sa famille. Mais pas pour longtemps. Elle est maintenant demandée par un autre Saoudien,  de 47 ans celui là qui est prêt aussi  à payer. Elle espère répéter ce cycle, ne voulant pas être mariée à des hommes très âgés. Mais elle le fait, dit-elle, avec résignation, pour que sa famille puisse payer le loyer et acheter de la nourriture. Ce sont des réfugiés Syriens en Jordanie, après avoir fui une guerre qui dure depuis plus de deux ans et a déplacé 1,5 millions de personnes . Beaucoup d’entre eux sont dans la misère. 

La Jordanie est le pays qui accueille le plus de réfugiés Syriens, 532 000. Parmi eux, 382 400 vivent hors des camps de réfugiés, hôtes gênants dans un pays qui a ses propres problèmes économiques et est incapable de les absorber et de les intégrer dans sa société. La Jordanie ne peut pas leur donner de permis de travail parce que le chômage dans le pays atteint déjà les 12,8 %. En situation de nécessité, de nombreuses familles syriennes se sont retrouvées poussées à des pratiques qui seraient considérées dans les pays occidentaux comme proches de la traite des mineurs ou de la prostitution. Et même si dans des cas comme celui de Rim il existe un acte de mariage, délivré par un religieux, qui dans certains cas peut être valable du point de vue religieux, cet acte n’a aucune valeur juridique pour les autorités jordaniennes. 

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Les réfugiés Syriens se répartissent pour l’essentiel sur le territoire de la Grande Syrie

«Mon ex-mari ne me plaisait pas, je ne le nie pas,» dit Rim qui préfère ne pas faire connaître son nom de famille. Couverte du voile islamique, elle semble beaucoup plus jeune qu’elle ne le dit. Elle espère un jour retourner en Syrie et se marier avec son cousin, un jeune de 22 ans qui vit à Homs. «J’ai dû me sacrifier pour aider ma famille. Mon frère est petit, il a besoin de nourriture infantile et de couches.» Elle assure que son ex-mari l’a bien traitée pendant les six premières semaines de leur mariage. «Il disait qu’il m’aimait, que nous étions mariés pour toujours,» se souvient-elle sans cacher son dégoût. Puis elle a refusé d’obéir à certaines de ses demandes sexuelles. «Alors il s’est lassé. Il a commencé à me crier après. Il me frappait. Finalement, il a appelé ma famille pour qu’elle me reprenne et il est reparti en Arabie Saoudite, à Djeddah,» dit-elle. Pour le divorce, il a rencontré le religieux et tous deux ont informé Rim par téléphone qu’elle était libre. 

Le cas de Rim n’est pas exceptionnel à Amman. C’est par une de ses connaissances qui avait connu le sort qu’elle était allée trouver la marieuse qui a arrangé son mariage. Sa famiile avait besoin d’argent, et vite. En Syrie, son père avait rejoint l’Armée Syrienne Libre (ASL) pour lutter contre le régime de bachar al-Assad, mais il a été blessé. Il y a neuf mois, après la destruction de leur maison dans une attaque, il a décidé de quitter Homs où il habitait pour aller en Jordanie avec sa femme et ses quatre enfants de deux à seize ans. L’x mari de Rim avait promis à la famille 2 000 dinars (2 200 euros) pour se marier avec elle, mais il n’a finalement payé que la moitié.

 «C’est très triste. Je n’aurais jamais imaginé devoir faire ça. Ce n’est pas ce que je voulais pour ma fille,» dit la mère, Qamar, âgée de 36 ans. «Je veux toujours qu’elle épouse son cousin, qu’elle ait de véritables noces avec une robe blanche. Mais la vie ici est misérable. Nous devons de l’argent au propriétaire et au supermarché. Nous ne pouvons pas travailler. C’est douloureux. Chaque nuit, son père et moi, nous pleurons. Ça fait deux semaines maintenant que nous songeons à rentrer en Syrie, mais ça nous fait peur.» Qamar a essayé de gagner un peu d’argent en préparant et en vendant de la nourriture chez elle, mais elle dit que ce commerce ne marche pas parce qu’elle doit s’occuper de son mari et du plus petit de ses enfants. A ce jour, Rim est la seule source de revenus pour la maisonnée. 

Il y a déjà 1,5 million de personnes déplacées par le conflit syrien [sans compter les déplacés de l’intérieur, NdT]. La Jordanie est le pays qui a accueilli le plus de réfugiés mais la pression sociale de cette diaspora menace d’ébranler le pays. En Jordanie, l’âge légal du mariage est à 18 ans..

Dans le jargon des marieuses, les riches époux du Golfe Persique sont appelés des «donateurs .» C’est ainsi qu’en parle Hala Ali, 27 ans, elle aussi réfugiés Syrienne à Amman. Divorcée et mère de trois enfants, elle touche 50 dinars pour présenter les jeunes filles aux «donateurs.» Si finalement il y a mariage, elle empoche 400 dinars. Variable selon l’âge et le physique, le prix que touche une famille pour une épouse vierge peut aller jusqu’à 7 000 dinars. Les divorcées se dévaluent dans ce marché et atteignent au maximum 4 000 dinars.

«Les ‘donateurs’ disent qu’ils veulent aider la population syrienne et ils offrent de l’argent. Ce qu’ils exigent, c’est une fiancée, [‘novia’ qu’on peut aussi traduire par petite amie]» dit sarcastiquement cette marieuse.  Elle soutient qu’en Syrie, il est possible et même normal de marier des filles à partir de 13 ans avec l’accord de la famille ou du tribunal. «Ces filles se marient  avec un acte de mariage et ne deviennent  donc pas des prostituées. Elles obtiennent ainsi de l’argent et payent le loyer,» dit-elle. Mais ces mariages se font en Jordanie où l’âge légal est de 18 ans. Et les parties contractantes savent que le divorce est juste au tournant. « Qu’est-ce- que j’en sais ? Ce n’est pas de ma responsabilité. Je mets en contact l’épouse et l’époux. Et ce n’est pas légal ? Si les deux parties sont consentantes ! Et d’ailleurs, est-ce que c’est légal ce qui nous est arrivé en Syrie ?» 

Les autorités jordaniennes sont récemment allées devant le Conseil de Sécurité de l’ONU pour exposer le problème que posent ces réfugiés à sa population de 6,1 millions d’âmes. Ils apportent avec eux des problèmes de santé publique, comme de nouvelles poussées de tuberculose et, comme dans le cas présenté, les pratiques répréhensibles et gênantes. « Dans de telles situations en Jordanie, quelqu’un doit déposer plainte pour que l’Etat puisse agir,» explique Anmar Al Hmoud, coordonnateur du comité spécial du gouvernement jordanien pour les réfugiés Syriens. «Ce dont on a vraiment besoin ici, c’est d’une solution pacifique au conflit en Syrie pour que ces gens puissent finalement regagner leurs foyers,» ajoute-t-il.

Cette solution semble cependant s’éloigner de plus en plus chaque jour, avec des informations sur la violence et la mort qui arrivent chaque jour de Homs et du reste de la Syrie. En deux ans et deux mois de guerre, on compté déjà plus de 80 000 morts. Le pays est saigné par les affrontements et l’exode massif. «Cela ne se terminera que si Bachar tombe,» déclare Qamar, la mère de Rim. «Nous rentrerons alors dans notre pays même si c’est pour vivre dans les décombres» 

Le Qatar, grand argentier de la « révolution » syrienne

17 mai 2013

Le Qatar n’a pas d’intentions «cachées» dans son soutien à l’opposition armée au régime de Damas.

C’est du moins ce qu’affirme le chef de la diplomatie de ce petit pays (très) riche mais victime de sa naïveté et de la pureté de ses intentions en faveur du peuple syrien.

Et c’est au nom de ces intentions pures que cet émirat a dépensé en deux ans entre 1 et 3 milliards de dollars pour soutenir ceux qui agissent militairement et politiquement pour évincer Bachar al-Assad, le chef de l’Etat syrien.

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Le Qatar soutient aussi les révoltés du Trocadéro

Je vous mets au défi de me citer un exemple d’une révolution dans n’importe quel pays qui a bénéficié de telles largesses en si peu de temps, qui plus est.

 D’autant que le Qatar n’est pas le seul gouvernement à mettre la main à la poche, vu que la Syrie compte de nombreux «amis» parmi les nations révolutionnaires que sont  la Turquie (révolution kémaliste), l’Arabie Saoudite (révolution wahabbite), la France (révolutions de 1789, 1830, 1848 et révolution nationale du Maréchal Pétain) pour s’en tenir à quelques exemples.

L’article que je vous propose nous apprend même que les monarchies du Qatar et d’Arabie Saoudite rivalisent de générosité auprès des «rebelles» Syriens. 

Et que l’Arabie Saoudite représente en quelque sorte la voix de la modération !? 

On aura tout vu ! 

Autant de raisons de souhaiter la défaite de cette prétendue révolution qui comporte même des cannibales dans ses rangs.

Le Qatar finance la révolte syrienne avec de l’argent et des armes

par Roula Khalaf and Abigail Fielding Smith, Financial Times (UK) 16 mai 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le riche Etat gazier du Qatar a dépensé jusqu’à trois milliards de dollars ces deux dernières années pour soutenir la rébellion en Syrie, loin devant n’importe quel autre gouvernement, mais il est maintenant dépassé par l’Arabie Saoudite en tant que premier pourvoyeur d’armes pour les rebelles.

Le coût de l’intervention du Qatar, sa dernière action de soutien à une révolte arabe, ne représente qu’une petite partie de son portefeuille d’investissements à l’international. Mais son appui financier à la révolution qui s’est transformée en cruelle guerre civile éclipse le soutien qu’apporte l’Occident à l’opposition.

Le petit Etat à l’appétit gargantuesque est le plus important donateur pour l’opposition politique, dédommageant généreusement les transfuges (une estimation l’évalue à 50 000 dollars par an pour un transfuge et sa famille), et il fournit une grande quantité d’aide humanitaire.

En septembre, de nombreux rebelles de la province syrienne d’Alep ont reçu un versement exceptionnel de 150 dollars de la part du Qatar. Des sources proches du gouvernement qatari disent que la dépense totale a atteint pas moins de 3 milliards de dollars, tandis que des sources rebelles et diplomatiques parlent d’un montant d’un milliard de dollars au maximum.

Pour le Qatar, qui détient les troisièmes plus importantes réserves de gaz naturel au monde, l’intervention en Syrie s’inscrit dans une recherché agressive de reconnaissance international et est simplement la dernière étape de sa démarche pour se positionner comme un acteur régional de premier plan, et vient après son soutien aux rebelles Libyens qui ont renversé Mouammar Kadhafi en 2011.

Selon le Stockholm International Peace Research Institute qui étudie les transferts d’armes, le Qatar a été le principal fournisseur d’armes à l’opposition syrienne, avec plus de 70 avions cargo militaires qui se sont posés en Turquie entre avril 2012 et mars de cette année.

Mais même si son approche est plus guidée par le pragmatisme et l’opportunisme  que par l’idéologie, le Qatar s’est retrouvé impliqué dans la situation politique très polarisée de la région, s’attirant des critiques acerbes. «On ne peut pas acheter une révolution» affirme un homme d’affaires de l’opposition.

Le soutien du Qatar aux mouvements islamistes dans le monde arabe, qui l’a mis en porte à faux avec les autres Etats du Golfe, a nourri une rivalité avec l’Arabie Saoudite. Hamad bin Khalifa al-Thani, émir régnant du Qatar, “veut être le (Gamal) Abdelnasser islamiste du monde arabe, » déclare un politicien Arabe, en référence au panarabisme flamboyant et passionné de l’ancien leader panarabe.

L’intervention du Qatar est devenue l’objet d’une attention de plus en plus forte. Ses rivaux dans la région soutiennent qu’il utilise sa puissance financière simplement pour s’acheter une influence future et qu’il a fini par fragmenter l’opposition syrienne. C’est dans ce contexte que l’Arabie Saoudite qui jusqu’à présent avait apporté un soutien plus mesuré et réfléchi aux rebelles Syriens a accru son implication.

Les tensions récentes au sujet de l’élection d’un premier ministre par intérim de l’opposition qui a obtenu le soutien des Frères Musulmans Syriens a aussi amené l’Arabie Saoudite à resserrer ses liens avec l’opposition politique, une tâche qu’elle avait en grande partie laissée entre les mains du Qatar.

La relégation du Qatar à la deuxième place en matière de fourniture d’armes résulte des inquiétudes en Occident et dans certains pays arabes de voir les armes fournies échouer entre les mais du Jabhat al-Nosra, une organisation liée à al Qaïda.

Des diplomates disant aussi que les Qataris ont eu du mal à assurer un approvisionnement régulier en armement, chose que les Saoudiens ont été en mesure de faire via leurs réseaux plus développés.

Une route d’acheminement d’armes en Syrie passant par la frontière jordanienne a ouvert ces derniers mois. Le gouvernement jordanien. Le gouvernement jordanien qui est terrifié à la perspective de voir les djihadistes en position dominante chez son voisin a été réticent à autoriser les livraisons saoudiennes.

La réticence de l’Occident à intervenir avec plus de force en Syrie a eu pour conséquence de placer les opposants à Bachar al-Assad dans la dépendance du soutien du Qatar, de l’Arabie saoudite et de la Turquie, quoique depuis l’an dernier, les Emirats Arabes Unis et la Jordanie ont rejoint le club des soutiens aux rebelles en tant que partenaires mineurs.

Khalid al-Attiyah,, le chef de la diplomatie du Qatar, qui est chargé de la politique syrienne, a rejeté les rumeurs sur une rivalité avec les Saoudiens et a démenti les allégations selon lesquelles le soutien qatari  aux rebelles a divisé l’opposition syrienne et affaibli les institutions naissantes.

Dans un entretien accordé au Financial Times, il a affirmé que tout ce qu’a entrepris le Qatar l’a été en conjonction avec le groups des pays occidentaux et arabes amis de la Syrie, pas seul. «Notre problème au Qatar, c’est que nous n’avons pas d’agenda caché, alors les gens nous en fixent un,» a-t-il dit.


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