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Des manifestations au Maroc? Circulez, y’a rien à voir.

24 octobre 2011

Je n’avais pas vraiment l’intention de parler de la situation politique au Maroc car l’actualité de ce pays, appartenant comme l’Algérie à l’ancienne sphère coloniale française, est habituellement largement couverte par la presse française et francophone.

Mais pas toujours, puisque nos media semblent tarder à parler des manifestations qui viennent de se dérouler dans plusieurs grandes villes du royaume.

Ces manifestations ont eu lieu à l’appel du mouvement d’opposition du 20 février et dénoncent les prochaines élections parlementaires qui doivent se tenir dans ce pays. La police est intervenue et des coups de matraque ont été distribués.

Nous n’en sommes pas à la répression qu’ont connu ou connaissent encore d’autres pays arabes, mais il semble que les choses ne soient pas si consensuelles qu’on veut bien le dire dans cet Etat du Maghreb.

L’absence ou la rareté de la couverture médiatique de ce qui se passe à Casablanca ou à Safi nous montre d’abord que les opposants Marocains ne disposent pas du soutien dont bénéficient d’autres opposants dans d’autres pays arabes. 

On voit mal par exemple MM. Sarkozy et Bernard-Botul-Henri Lévy convoquer une réunion à Paris pour tenter d’unifier l’opposition marocaine. M. Lévy n’a semble-t-il même pas envisagé d’inviter certains responsables de l’opposition à boire le thé avec lui dans le riad qu’il possède au pays de l’arganier.

Pourtant la manifestation de Rabat avait de quoi piquer l’intérêt d’une presse occidentale qui s’est étendue sur le message que les images de la mort de Mouammar Kadhafi constituait pour un autre dirigeant Arabe, le président Syrien Bachar al-Assad pour être précis.

Et justement les manifestants de Rabat arboraient des photos du corps du dirigeant Libyen tout en scandant «C’est ce qui arrive aux despotes.»

Sauf erreur de ma part, ces manifestants ne parlaient pas du président al-Assad.

Les Marocains contestent les élections, violence dans la capitale

Par Souhail Karam, Reuters, 23 octobre 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

 Rabat – Des milliers de Marocains ont manifesté dans les villes du pays ce dimanche, appelant à un boycott des élections législatives anticipées du mois prochain dont le résultat sera décisif pour l’avenir des réformes élaborées par le palais royal.

Ces manifestations sont les dernières en date d’une série de manifestations du mouvement d’opposition du 20 février dominé par la jeunesse, inspiré par les soulèvements qui ont renversé les dirigeants en Tunisie et en Egypte, pour exiger une monarchie parlementaire et la punition des officiels accusés de corruption.

Dans la capitale Rabat, un journaliste de Reuters a vu des dizaines de policiers anti-émeute frappant à coup de matraque et à coups de pieds des manifestants qui s’étaient rassemblés devant le siège du parlement, au terme d’une marche qui avait rassemblé environ 3 000 personnes.

Un élu local de la mairie de Casablanca, la plus grande ville du pays, a déclaré qu’environ 8 000 personnes ont pris part à une manifestation semblable dans cette ville. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans d’autres villes comme à Fez et à Tanger.

“Ces manifestations nationales avait pour mot d’ordre commun un appel au boycott des élections législatives du 25 novembre,” explique Omar Radi, un militant du comité local du mouvement du 20 février à Rabat.

“Il est évident que ces élections remettront au pouvoir les mêmes personnages qui pillent les richesses du pays depuis des années et ont pris en otage l’avenir de la population marocaine, » ajoute-t-il.

Dans des discours récents, le roi Mohamed a promis que les élections seraient honnêtes et transparentes. La principale force d’opposition le Parti de la Justice et du Développement (PJD) a critiqué la législation électorale récemment adoptée parce qu’elle ne fait pas assez pour prévenir l’achat de votes.

En vertu des réformes approuvées par referendum en juillet, le roi Mohamed cèdera certains de ses pouvoirs à des responsables élus mais aura toujours le dernier mot pour les décisions stratégiques. Le nouveau gouvernement élaborera des lois consacrant une nouvelle constitution.

En mars, le monarque âgé de 48 ans avait réagi promptement aux manifestations inspirées par la contestation en Tunisie et en Egypte, et avait promis une limitation de ses pouvoirs via des changements constitutionnels. Le scrutin parlementaire prévu en septembre 2012 avait été convoqué de manière anticipée.

Mais les manifestants de Rabat, rejoints pour la première fois cette semaine par des centaines de diplômés au chômage, scandaient « Les élections sont une mascarade, on ne se fera pas avoir cette fois. »

“L’argent et le pouvoir doivent être séparés,” lisait-on sur une pancarte portée par les manifestants, tandis que de nombreux autres brandissaient des photos du corps de Mouammar Kadhafi, le dirigeant déposé et tué en Libye, avec cette légende : «C’est ce qui arrive aux despotes.»

La charte propose par le roi avait reçu un soutien presque unanime lors d’un referendum tenu en juillet dont ses détracteurs avaient dit qu’il avait été trop précipité pour permettre un véritable débat.

Des élections parlementaires ont lieu au Maroc depuis près de cinquante ans et sont souvent considérées comme une mise en scène de façade destine aux allies occidentaux de la monarchie. Le roi et une élite secrète proche de la cour nommaient le gouvernement et  prenaient les décisions politiques importantes.

Leur mainmise sur le pouvoir a été facilitée par un fort taux d’analphabétisme et la déférence bien ancrée à l’égard d’une dynastie qui dit descendre du prophète Mohamed et contrôle les media.

Le ministère de l’intérieur a recouru à une tactique où se mêlent la répression et le diviser pour régner afin de mater la dissidence politique. Ce qui a conduit de nombreux Marocains à se désintéresser de la politique : le taux de participation au dernier scrutin législatif avait été officiellement de 37 %.

Libye: l’OTAN fournit les bombes, la « gauche » française fournit l’idéologie – un texte de Pierre Lévy

7 octobre 2011
Je reprends in extenso cet article de Pierre Lévy (rien à voir avec Botul-Henri Lévy) paru le 28 septembre 2011 dans Le Grand Soir parce que j’ai l’impression qu’il n’a pas eu l’écho qu’il mérite.
Donc je serais satisfait si ce blog peut contribuer, très modestement je ne me fais pas d’illusion, à sa diffusion.

NB: ce texte est disponible traduit par Diana Johnstone en anglais ici sous un titre plus percutant  Libya: NATO Provides the Bombs; The French « Left » Provides the Ideology (Libye: l’OTAN fournit les bombes, la « gauche » française fournit l’idéologie).

Contre la banalisation et la normalisation de l’ingérence

par Pierre LEVY, Le Grand Soir (France) 28 septembre 2011

En avril dernier, Ignacio Ramonet proposait dans (les colonnes de Mémoire des Luttes) un texte intitulé « Libye, le juste et l’injuste ». La guerre avait été lancée quelques semaines plus tôt, inaugurée par des appareils français qui, les premiers, eurent l’honneur de déverser leurs bombes sur Tripoli. Ce 19 mars, « une onde de fierté parcourt l’Elysée » rapportait alors Le Monde  [1]. A ce moment, les experts et commentateurs n’en doutaient pas : en quelques jours, quelques semaines au plus, le pays serait débarrassé du « tyran » grâce à au soulèvement populaire attendu, facilité par le coup de pouce aérien de la coalition, tout cela illuminé par la sage aura de Bernard-Henri Lévy.

Dans son texte, Ignacio Ramonet prenait certes ses distances avec l’OTAN. Il n’en estimait pas moins, dès sa première phrase : « Les insurgés libyens méritent l’aide de tous les démocrates ». Dieu soit loué, certains démocrates n’ont pas lésiné sur l’aide : en cinq mois, plus de 15 000 sorties aériennes ont permis d’offrir quelques milliers de tonnes de bombes, sans parler des missiles dernière génération, des forces spéciales terrestres sous forme d’instructeurs – un cadeau en principe prohibé, mais quand on aime, on ne compte pas. Seule comptait l’issue : victoire Total.

Le jeu de mots est certes facile ; il est cependant inévitable, notamment depuis que Libération [2] a révélé la lettre aux termes de laquelle le Conseil national de transition (CNT) s’était engagé à accorder 35% des concessions du pays au groupe pétrolier « en échange » (c’est le terme employé) de l’engagement militaire français (un document qui a naturellement fait l’objet d’un démenti précipité du Quai d’Orsay). Noble cause que celle du combat pour la liberté des peuples. Au demeurant, cela n’a pas échappé à l’auteur, qui note, à la fin de son article : « L’odeur de pétrole de toute cette affaire empeste ».

Certes. Mais pour autant, il reprend à son compte l’approche d’ensemble des dirigeants occidentaux et des médias qui leur sont liés. En particulier le schéma qui analyse le soulèvement libyen comme partie prenante du « printemps arabe ». Or une telle approche globalisante fait fi de chaque réalité nationale. En l’espèce, elle induit même un contresens.

En Tunisie puis en Egypte, les mouvements populaires, qui n’étaient certes pas réductibles l’un à l’autre, ont cependant revêtu d’importants points communs. Sur le plan intérieur, la mobilisation a vu converger les classes populaires et ce qu’il est convenu d’appeler les « classes moyennes », dans un mouvement dont les exigences sociales étaient inséparables des objectifs démocratiques ; dans chacun de ces deux pays, les luttes et grèves ouvrières des dernières années – durement réprimées – ont constitué un terreau essentiel au développement du mouvement, le tout sur fond d’une pauvreté massive.

Sur le plan extérieur, Zine el-Abidine Ben Ali comme Hosni Moubarak étaient sans conteste des marionnettes du camp occidental, dont ils ont toujours été partie intégrante, tant géopolitiquement, économiquement, qu’idéologiquement.

Fort différente était la situation libyenne. Sur le plan social, tout d’abord : le pays était, de très loin, le plus avancé d’Afrique selon le critère de l’Indice de développement humain (IDH). Il est à cet égard saisissant de compulser les statistiques fournies par le PNUD [3], que cela concerne l’espérance de vie (74,5 ans – avant la guerre, s’entend), l’éradication de l’analphabétisme, la place des femmes, l’accès à la santé, à l’éducation. Les subventions au niveau de vie et à la protection sociale étaient très substantielles. Point n’est besoin de faire partie du fan-club de Mouammar Kadhafi pour rappeler cela.

Par ailleurs, de par son histoire, ce dernier peut difficilement être assimilé à ses deux anciens voisins. Certes, Ignacio Ramonet note avec raison que, depuis le tournant des années 2000, il impulsa un rapprochement progressif avec les Occidentaux. Dans la dernière période, ceux-ci lui déroulèrent le tapis rouge, business oblige. Ils ne l’ont cependant jamais considéré comme « faisant partie de la famille » : trop imprévisible, et surtout n’ayant pas abandonné un discours de tonalité « tiers-mondiste », en particulier au sein de l’Union africaine au sein de laquelle il jouait un rôle tout particulier.

Pour autant, les privatisations et libéralisations mises en route ces dernières années n’ont pas été sans conséquences en termes de classe : une certaine catégorie de la population s’est enrichie, parfois considérablement, en même temps qu’elle intégrait l’idéologie libérale. Une partie de ceux-là même à qui le « Guide » avait confié la « modernisation » du pays, et les contacts privilégiés avec la haute finance mondiale (et son arrière-plan universitaire, notamment aux Etats-Unis) en sont venus à estimer que, dans ce contexte, le dirigeant historique était plus un obstacle qu’un atout pour l’achèvement du processus. Une partie des classes moyennes et de la jeunesse aisée, particulièrement à Benghazi pour des raisons historiques, a donc constitué une base sociale à la rébellion – une rébellion qui fut, dès le début, armée, et non pas constituée de foules pacifiques.

Les innombrables reportages et entretiens avec la jeunesse « anti-Kadhafi » étaient à cet égard édifiants. Le Monde [4] citait ainsi ces jeunes femmes aisées qui criaient « pas de lait pour nos enfants, mais des armes pour nos frères ». Un slogan qui eût probablement stupéfié les manifestants égyptiens. Et qui illustre en tout cas l’absurdité d’une analyse globalisante.

Bref, une absence de revendications sociales, voire une exigence de « plus de liberté économique » ; des appels – pas systématiques, mais fréquents cependant, et qui se confirment aujourd’hui – à une application plus stricte de la « loi islamique » ; des chefs du CNT étroitement liés au monde des affaires occidental, voire formés par lui ; et un mouvement qui n’a pu l’emporter que par la grâce des bombardements otaniens – tout cela ne s’appelle pas précisément une révolution. Symboliquement, le « nouveau » drapeau libyen est l’ancien oriflamme de l’ex-roi Idris Ier, renversé en 1969. Dès lors, le terme qui vient à l’esprit serait plutôt une contre-révolution.

Si on retient cette hypothèse – ne serait-ce qu’au titre du débat – alors l’optique change quelque peu. Cela ne signifie certes pas que les insurgés décidés à liquider Mouammar Kadhafi soient tous des agents occidentaux : beaucoup sont certainement sincères. Mais nombres de Chouans aussi l’étaient, lors des guerres de Vendée. Nombre d’entre eux furent cependant massacrés – parfois aveuglément, mais à bon droit si l’on voulait sauver la jeune Révolution.

En matière de « massacres », du reste, il ne semble pas que les protégés des puissances alliées aient beaucoup à apprendre, c’est le moins qu’on puisse dire. Cela vaut en particulier pour les véritables pogroms qui se sont déroulés – et se déroulent peut-être toujours – à l’encontre des civils à peau noire. Présentés comme des « bavures » par les médias occidentaux faute d’avoir pu être totalement passés sous silence, il semble bien que leur ampleur dépasse très largement ce qui nous fut montré. Surtout, ils témoignent d’un racisme de classe, puisque, Libyens ou immigrés, les Noirs formaient les gros bataillons de ce qu’on pourrait appeler, au sens large, la classe ouvrière, peu en odeur de sainteté parmi les insurgés, en Cyrénaïque particulièrement.

Pour autant, la « protection des civils » n’est pas seulement un sommet d’hypocrisie de la part des dirigeants occidentaux. Elle constitue surtout le chausse-pied de l’ingérence, en absolue contradiction avec le principe fondateur de la Charte des Nations unies : la souveraineté et l’égalité en droit de chaque Etat.

C’est ce principe éminemment progressiste que défendent à bon droit les dirigeants cubains, vénézuéliens et bien d’autres latino-américains, au grand dam de l’auteur. Ce dernier dénonce ainsi l’« énorme erreur historique » qu’aurait constitué leur refus de prendre parti en faveur des rebelles. En adoptant cette attitude, ils apportent au contraire la plus grande contribution qui se puisse imaginer à l’émancipation sociale et politique des peuples. Il est vrai qu’en matière d’ingérence, l’historique sollicitude des Yankee à l’égard de leurs voisins du sud les a vaccinés.

Caracas, La Havane, et d’autres sont accusés par Ramonet de pratiquer une « Realpolitik » selon laquelle les Etats agissent en fonction de leurs intérêts. Heureusement qu’il en est ainsi ! Car l’intérêt d’Etat du Venezuela, de Cuba, et des pays latino-américains (et tout particulièrement des progressistes) est bien de se défendre contre la « légalisation » de l’ingérence qui n’a d’autre objet que de justifier l’immixtion des puissances impériales dans les affaires des autres.

Ignacio Ramonet loue donc la résolution onusienne 1793 autorisant l’emploi de la force contre Tripoli. Il voit dans l’aval préalable de la Ligue arabe un surcroît de légitimité à ce texte. Singulière approche : cette organisation, dont l’inféodation étroite aux Occidentaux n’est pas un secret, ne s’était pas jusqu’à présent illustrée par son engagement concret en faveur de la liberté des peuples (et du peuple palestinien en particulier). Dominée par des poids lourds aussi progressistes que l’Arabie saoudite, elle est un référent incontestable dès lors qu’il s’agit de promouvoir la démocratie…

L’auteur ajoute que « des puissances musulmanes au départ réticentes, comme la Turquie, ont fini par participer à l’opération ». Faut-il comprendre qu’une puissance musulmane a une légitimité toute particulière pour bénir le vol des Rafale et autres Mirage ? Voilà, en tout cas, qui fera plaisir aux Kurdes.

Enfin, pour achever de fustiger Chavez, Castro ou Correa, Ramonet rappelle que « de nombreux dirigeants latino-américains (avaient)dénoncé, à juste titre, la passivité ou la complicité de grandes démocraties occidentales devant les violations commises contre la population civile, entre 1970 et 1990, par les dictatures militaires au Chili, Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay ».

Rappelons à cet égard ce que l’auteur sait mieux que quiconque : en fait de « passivité » ou de « complicité » des « démocraties occidentales », c’est en réalité à l’instigation directe de celles-ci, et avec leur concours actif, que les coups d’Etat sanglants ont été menés à bien. Pour autant, l’on ne sache pas qu’à l’époque, les démocrates de ces pays aient sollicité des raids aériens sur Santiago, ou l’envoi de commandos à Buenos-Aires. C’est par eux-mêmes – et jamais de l’extérieur – que les peuples se libèrent.

Au-delà du cas libyen, c’est bien ce point, le plus essentiel, qui mérite débat entre tous ceux qui se reconnaissent dans le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes – ce qu’on appelait jadis l’anti-impérialisme. Jadis ? En fait jusqu’à ce que la chute de l’URSS et du pacte de Varsovie ouvre la voie à la reconquête de la totalité de la planète par le capitalisme, ses dominations et ses rivalités impériales. Et ne laisse d’autres choix aux pays que de s’aligner sur les canons (au sens religieux) des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de l’économie de marché – trois termes devenus synonymes ; ou de se placer sous le feu des canons (au sens militaire) des gendarmes planétaires autoproclamés toute honte bue « communauté internationale ».

A cet égard, on peut évoquer une scène qui se déroula à Bruxelles, lors du sommet européen des 24 et 25 mars dernier. Il est près d’une heure du matin. Le président français déboule dans la salle de presse. Interrogé sur les bombardements engagés cinq jours plus tôt, il jubile : « C’est un moment historique. (…) ce qui se passe en Libye crée de la jurisprudence (…) c’est un tournant majeur de la politique étrangère de la France, de l’Europe et du monde ».

Nicolas Sarkozy dévoilait là en réalité ce qui est probablement l’objectif le moins visible, mais le plus lourd, de la guerre engagée. Le matin même, le conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU qualifiait également d’« historique » la résolution mettant en œuvre la « responsabilité de protéger », pour la première fois depuis l’adoption de ce redoutable principe en 2005. Edward Luck poursuivait : « Peut-être notre attaque contre Kadhafi (sic !) est-elle un avertissement à d’autres régimes » [5].

Certes, en matière d’ingérence armée contre un Etat souverain, ladite « communauté internationale » (à géométrie variable) n’en est pas à son coup d’essai. Mais c’est la première fois que le Conseil de sécurité de l’ONU donne son feu vert explicite, et que le secrétaire général de celle-ci, Ban Ki-moon, joue un rôle actif dans le déclenchement des hostilités. Il faut bien mesurer la portée d’une telle situation : la mise en cause brutale de la souveraineté des Etats légalisée – à défaut d’être légitime. Les oligarchies planétaires dominantes, qui ont pour horizon ultime une « gouvernance mondiale » sans frontière ont ainsi marqué un point considérable : l’interventionnisme (« préventif », précise même M. Luck) peut être désormais la règle.

Cette conception, qui contredit explicitement la Charte des Nations unies, constitue une bombe à retardement : elle sape le fondement même sur lequel celle-ci avait été écrite et pourrait signifier un véritable retour à la barbarie dans l’ordre des relations internationale.

Car la défense sans compromis du principe de non-ingérence ne relève en rien d’un culte intégriste, archaïque et obtus, mais d’abord d’une raison de principe : c’est à chaque peuple, et à lui seul, de déterminer les choix qui conditionnent son avenir, faute de quoi c’est la notion même de politique qui est vidée de son sens – et ce, quels que soient les chemins dramatiques que celle-ci doit parfois affronter.

Il en va de l’ingérence exactement comme de la torture : en principe, les gens civilisés sont contre l’emploi de cette dernière – mais il se trouve toujours quelqu’un pour affirmer qu’« en des cas extrêmes », on doit pouvoir faire une exception (« pour éviter des attentats meurtriers » disait-on lors des « événements » d’Algérie ; pour « éviter le massacre de civils », justifie-t-on aujourd’hui à l’Elysée et ailleurs). Or tout le prouve : dès lors qu’on admet une exception, on en admet dix, puis cent, car on a accepté le débat sordide qui met en balance les souffrances infligées à un supplicié et les gains qu’on en attend, toujours présentés sous un jour humaniste. Il en va de même avec le respect de la souveraineté : une seule exception mène à l’éradication de la règle.

Il n’y a aucune – aucune ! – circonstance qui justifie l’ingérence. Quand bien même Nicolas Sarkozy mènerait une politique totalement contraire aux intérêts de son pays et de son peuple (hypothèse absurde, bien sûr), cela ne justifierait en rien que les avions libyens – ou bengalais, ou ghanéens – ne descendent en piqué sur les Champs-Élysées.

A cet égard, on reste perplexe devant l’affirmation selon laquelle « l’Union européenne a une responsabilité spécifique. Pas seulement militaire. Elle doit penser à la prochaine étape de consolidation des nouvelles démocraties qui surgissent dans cette région si proche ». Force est de constater que Ramonet reprend mot pour mot les ambitions affichées par Bruxelles. Passons sur le « pas seulement militaire » qui signifie, si les mots ont un sens, que l’UE serait fondée à intervenir aussi militairement. Mais cette « responsabilité spécifique » dont ne cessent de se réclamer les dirigeants européens, qui donc leur aurait confiée ? La « bienveillance » qui échoirait naturellement au voisinage et à la puissance ? Voilà précisément la caractérisation même d’un empire – fût-il ici en gestation.

On ne peut s’empêcher de penser au discours que tint à Strasbourg l’actuel président de la République – c’était en janvier 2007, il était en campagne et entendait confirmer son engagement d’« Européen convaincu ». Il exaltait alors « le rêve brisé de Charlemagne et celui du Saint Empire, les Croisades, le grand schisme entre l’Orient et l’Occident, la gloire déchue de Louis XIV et celle de Napoléon (…) » ; dès lors, poursuivait Nicolas Sarkozy, « l’Europe est aujourd’hui la seule force capable (…) de porter un projet de civilisation ». Et de conclure : « je veux être le président d’une France qui engagera la Méditerranée sur la voie de sa réunification (sic !) après douze siècles de division et de déchirements (…). L’Amérique et la Chine ont déjà commencé la conquête de l’Afrique. Jusqu’à quand l’Europe attendra-t-elle pour construire l’Afrique de demain ? Pendant que l’Europe hésite, les autres avancent ».

Ne voulant pas être en reste, Dominique Strauss-Kahn appelait de ses vœux, à peu près à la même époque, une Europe « allant des glaces de l’Arctique au nord jusqu’aux sables du Sahara au sud (…) et cette Europe, si elle continue d’exister, aura, je crois, reconstitué la Méditerranée comme mer intérieure, et aura reconquis l’espace que les Romains, ou Napoléon plus récemment, ont tenté de constituer  ». Du reste, la plus haute distinction que décerne l’UE a été baptisée « prix Charlemagne » – indice de ce que fut l’intégration européenne dès son origine, et n’a jamais cessé d’être : un projet nécessairement d’essence impériale et ultralibérale.

Le débat ne porte donc pas sur le point de savoir si le colonel Kadhafi est un enfant de chœur exclusivement préoccupé du bonheur des peuples, mais bien sur ce qui pourrait caractériser le monde de demain : le libre choix de chaque peuple de déterminer son avenir, ou la banalisation et la normalisation de l’ingérence, fût-ce sous les oripeaux des « droits de l’Homme » ?

Car il faut rappeler une évidence : l’ingérence n’a jamais été, et ne sera jamais, que l’ingérence des forts chez les faibles. Le respect de la souveraineté est aux relations internationales ce que l’égalité devant le scrutin – un homme, une voix – est à la citoyenneté : certes pas une garantie absolue, loin s’en faut, mais bien un atout substantiel contre la loi de la jungle. Celle-là même qui pourrait bien s’instaurer demain sur la scène mondiale.

Et si tout cela parait trop abstrait, l’on peut revenir à l’histoire récente de la Libye. Après avoir été pendant des années soumis à l’embargo et traité en paria, le colonel Kadhafi a opéré le rapprochement évoqué ci-dessus avec l’Ouest, ce qui s’est notamment concrétisé, en décembre 2003, par le renoncement officiel à tout programme d’armement nucléaire en échange de garanties de non-agression promises notamment par Washington. Force est de mesurer, huit ans plus tard, ce que valait cet engagement : il a été tenu jusqu’au jour où l’on a estimé qu’on avait des raisons de le piétiner. Du coup, aux quatre coins du globe, chacun est à même de mesurer ce que vaut la parole des puissants, et quel prix ils accordent au respect des engagements souscrits.

Les dirigeants de la RPDC (Corée du Nord) se sont ainsi félicités publiquement de ne pas avoir cédé aux pressions visant à leur faire abandonner leur programme nucléaire. Ils ont eu raison. Il serait logique qu’à Téhéran, à Caracas, à Minsk et dans bien d’autres capitales encore, on tire également les conséquences qui s’imposent. Ce serait même parfaitement légitime.

A peine quelques mois avant la Libye, il y eut la Côte d’Ivoire – autre fierté sarkozienne : déjà le Conseil de sécurité de l’ONU y avait béni la politique de la canonnière, au seul prétexte de l’irrégularité alléguée d’une élection – une première !

Et déjà les Occidentaux briquent leurs armes (militaires et idéologiques) pour de prochaines aventures. Ainsi « Paddy » Ashdown – qui fut notamment Haut Représentant de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine pendant quatre ans… – vient-il de confier au Times [6] qu’il convenait désormais d’adopter et de s’habituer au « modèle libyen » d’intervention, par opposition au « modèle irakien » d’invasion massive, qui a montré ses insuffisances.

Pour sa part, le secrétaire général de l’OTAN, plaidait, le 5 septembre, pour que les Européens intègrent mieux leurs moyens militaires en cette période de restrictions budgétaires. Car, pour Anders Fogh Rasmussen, « comme l’a prouvé la Libye, on ne peut pas savoir où arrivera la prochaine crise, mais elle arrivera ». Voilà qui a au moins le mérite de la clarté.

A cette lumière, est-il bien raisonnable d’analyser la crise syrienne comme le soulèvement d’un peuple contre le « tyranneau » Bachar El-Assad ? Il n’est pas interdit de penser au contraire que ce dernier est en réalité « le suivant » sur la liste des chancelleries occidentales. Dès lors, n’y a-t-il rien de plus urgent, au regard même de la cause de l’émancipation des peuples, que de s’aligner, fut-ce involontairement, sur ces dernières ?

Eu égard aux engagements d’Ignacio Ramonet, on ne lui fera pas l’injure de l’assimiler à la « gauche », qui a depuis longtemps renoncé à lamémoire des luttes. Mais force est de constater qu’il se situe en l’espèce dans la foulée de cette dernière qui a sans hésiter choisi son camp dans l’affaire libyenne. Ce qui illustre une nouvelle fois ce triste paradoxe de notre époque : les forces du capital mondialisé et de l’impérialisme revigoré trouvent désormais l’essentiel de leurs munitions idéologiques à « gauche » – des « droits de l’Homme » à l’immigration, de l’écologie au mondialisme (qui est l’exact contraire de l’internationalisme). Mais cela est un autre débat.

Quoique.

Pierre Lévy

Libye: la ville de Tawergha enfin libérée de ses habitants par les « rebelles » de Sarkozy

11 septembre 2011

Il y a un mot de la langue française qui est fichtrement mal employé depuis quelques temps, c’’est le mot « révolutionnaire » appliqué aux prétendus rebelles qui sont entrés dans la capitale libyenne sous les auspices de l’OTAN et qui assiègent en ce moment certaines villes irrédentistes comme Beni Walid ou Syrte. Villes que l’OTAN bombarde d’ailleurs copieusement car les fameux « rebelles » n’ont jamais emporté le moindre succès militaire sans que l’OTAN mette sérieusement la main à la pâte.

Et force est de dire que plus on en apprend sur ces révolutionnaires, plus on les trouve abjects. Ce qui n’a rien d’étonnant quand on voit qui les soutient : les militants tiers-mondistes «Fidel» Sarkozy et  «Che» Cameron, les princes « rouges » du Qatar et d’Arabie Saoudite, sans oublier  le grand émancipateur, « Nelson Botula » Henri-Lévy.

L’article que je vous propose s’inscrit dans le sillage d’autres  informations qui émergent sur la mentalité des cinglés que l’OTAN a chargé d’apporter la démocratie en Libye.

Vous me direz que c’est une preuve de la liberté d’informer. Certes, il est difficile dans un monde « globalisé » comme on dit de tout mettre sous le boisseau et les journalistes n’ont pas forcément tous perdu leur professionnalisme.

Mais pour que des informations comme celles-ci puissent paraître, il faut le plus souvent respecter certaines conditions : la première est qu’il faut donner la raison des agissements des criminels, en faisant éventuellement comprendre que ce n’est pas une bonne raison, mais  sans souligner ce fait que ce n’est pas une bonne raison. Un lecteur peu attentif retiendra qu’il y a une rationalité compréhensible dans la démarche des « rebelles ».

La deuxième condition est de charger l’autre camp de crimes encore plus abjects ; des crimes dont on attend bien entendu les preuves.

Et puis admirez le procédé : une ville qui était comme toute autre ville la ville de ses habitants est devenue par la magie d’un titre « la ville de Kadhafi. » Après tout, si c’était la ville de Kadhafi, tout est donc permis…

Personnellement, je ne peux que souhaiter la défaite de ces prétendus rebelles. De la même manière, je ne peux que souhaiter la comparution devant un tribunal des dirigeants politiques qui leur ont permis de commettre leurs exactions et dont les armes, avions, navires de guerre, ont semé mort et destruction en Libye.

Un de ces dirigeants vient de commémorer en son palais présidentiel les attentats du 11 septembre 2001 à New York. Il n’a vraiment honte de rien, lui dont les armes ont tué et continuent à tuer  bien plus de personnes en Libye.

D’ailleurs, vous ne trouverez rien dans la presse française sur ce crime de guerre commis à Tawergha.

La ville fantôme de Kadhafi après le retrait des loyalistes

Andrew Gilligan visite les lieux  qui semblent être ceux des premières grandes représailles contre les partisans du régime de Kadhafi

Par Andreew Gilligan à Tawergha, The Telegraph (UK) 11 septembre 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

Jusqu’au  mois dernier, la ville de Tawergha abritait 10 000 civils.

Mais à l’heure du crépuscule la semaine dernière, les immeubles d’habitation s’étirent noirs et morts, au loin, et les seuls êtres à se mouvoir sont des moutons.

Ce secteur pro Kadhafi a été vide de sa population, vandalisé et partiellement incendié par les forces rebelles. Le Sunday Telegraph a été le premier à visiter les lieux de ce qui semble avoir été les premières représailles majeures contre des partisans de l’ancien régime.

“Nous leur avions donné trente jours pour partir,” explique Abdul el-Mutalib Fatateth, l’officier qui commande la garnison rebelle à Tawergha, tandis que ses soldats jouent au baby-foot devant un immeuble d’habitation vide. « Nous avions dit que s’ils ne partaient pas, ils seraient pris par la force et emprisonnés. Tous sans exception sont partis et nous ne leur permettrons jamais de revenir. »

Les habitants de Tawergha et leurs voisins de Misurata, à une trentaine de kilometers plus loin, étaient dans des camps opposes pendant la révolution libyenne. Tandis que les habitants de Misurata assiégée luttaient courageusement pour sauver leur ville des forces e Kadhafi qui l’encerclaient, certains des obus d’artillerie qui leur tombaient dessus venaient de Tawergha.

“Nous leur avions demandé de ne pas nous combattre, parce qu’ils sont nos frères mais ils avaient continué à le faire, » affirme M. Fatateth. Mais il semble reconnaître que les habitants de la ville avaient été pris entre deux feux puisqu’il explique que « Kadhafi prenait les gens de Tawergha et s’en servait comme boucliers humains quand ses troupes approchaient de Misurata. »

Les rebelles disent que des civils volontaires de Tawergha étaient avec les soldats de Kadhafi quand ils ont pillé des dizaines de maisons à Misurata en mars. Il y a aussi des allégations, impossibles à vérifier, de viols et d’autres exactions commis par des gens de Tawergha.

Quelle que soit la vérité, il n’y aura sans doute guère de place pour la réconciliation dans ce coin de la nouvelle Libye. Pour la première fois dans [la couverture médiatique de] la révolution libyenne, nous avons pu voir un grand nombre de maisons et pratiquement chaque boutique, systématiquement saccagés, pillés ou incendiés.

Même l’hôpital local a été saccagé. Les lits ont été tirés hors des chambres et lacérés. Les vitres des fenêtres et des portes ont été cassées. Les médicaments, les ordonnanciers et les feuilles d’imprimante ont été éparpillés dans les couloirs, et les médecins et les infirmières ont disparu avec tous les autres.

A l’extérieur, il faut faire attention à ne pas marcher sur une des mines anti-personnel qui jonchent le trottoir.

L’explication de tout ça se trouve dans les drapeaux verts de Kadhafi qui flottent encore devant de nombreux  appartements. Il est hors de doute que cette ville était un soutien du régime. Mais ce soutien semble s’être exprimé à différents niveaux.

Certaines des maisons ont apparemment servi à combattre, et ont des impacts de balles sur les murs. Par contre, la majorité des propriétés pillées ou vandalisées n’en avaient aucun.

M. Fatateth assure que certaines avaient été investies par des miliciens pro Kadhafi après la fuite des civils et que deux jours de bataille avaient suivi avec les forces rebelles les 10 et 11 août.

Et comme souvent en Libye, il y a aussi un soubassement raciste. Beaucoup d’habitants de Tawergha, quoique n’étant pas des immigrés ni de ces mercenaires Africains de Kadhafi dont on parle tant, sont des descendants d’esclaves, et ont la peau plus foncée que beaucoup de Libyens.

Au bord de la route qui mène à Tawergha, la brigade de Misurata a peint un slogan qui dit  » la brigade de nettoyage des esclaves [et] des peaux noires ».

“Nous avons rencontré des habitants de Tawergha en détention, emmenés de chez eux simplement pour être de Tawergha, » explique Diana Eltahawy, une enquêtrice d’Amnesty International qui se trouve actuellement en Libye. « Ils nous ont dit avoir été forcés de s’agenouiller et avoir été frappé avec des bâtons. »

Même la fuite n’est, semble-t-il, pas suffisante pour se sauver. Des gens de Tawergha ont été arrêtés à des barrages routiers, pris dans des hôpitaux ou arrêtés dans la rue. « Ils ont vraiment peur. Ils n’ont nulle part où aller, » déclare Mme Eltahawy.

Amnesty dit avoir vu le 29 août un patient originaire de Tawergha emmené de l’hôpital central de Tripoli par trois hommes, dont un armé, pour « interrogatoire à Misurata ». Amnnesty a aussi appris qu’au moins deux personnes originaires de Tawergha avaient disparu après avoir été emmenés d’hôpitaux de Tripoli pour interrogatoire. Un contrôleur aérien de 45 ans et son oncle ont été arrêtés par des rebelles armés alors qu’ils faisaient des courses dans le quartier Firnaj de Tripoli le 28 août.

Ils avaient été emmenés dans les quartiers du Conseil Militaire à l’aéroport de Mitiga, tout près de la capitale à l’est.. Ces hommes ont déclaré à Amnesty avoir été frappés à coups de crosse de fusil et reçu des menaces de mort. Tous deux ont été détenus plusieurs jours à Mitiga et sont toujours prisonniers à Tripoli.

Beaucoup d’habitants de Tawergha se terrent maintenant dans des campements de fortune près de Tripoli. Mais même là-bas, ils ne sont pas en sûreté. Dans un camp, un groupe d’hommes armés a fait irruption et a arrêté une dizaine d’habitants de Tawergha. Leur sort reste inconnu. Une autre femme du camp dit que son mari a quitté le camp pour aller faire une course au centre de la capitale il y a une semaine. Elle ne l’a pas revu depuis.

“Si nous retournons à Tawergha, nous serons à la merci de la brigade de Misurata,” explique un des réfugiés qui refuse qu’on donne son nom. « Quand ils sont entrés dans notre ville à mi-Ramadan [mi-août] et l’ont bombardée, nous nous sommes enfuis avec seulement nos vêtements sur le dos. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de nos maisons et nos biens. Je suis maintenant ici dans ce camp, mon fils est malade et j’ai trop peur pour aller à l’hôpital en ville. Je ne sais pas ce qui va nous arriver maintenant. »

Les exactions des rebelles ne sont rien en comparaison de celles du régime. Les gens qui ont vu les squelettes calcinés de prisonniers, massacrés à la mitrailleuse pendant la retraite de la brigade Khamis de Kadhafi ou qui ont assisté aux bombardements indiscriminés sur Misurata n’oublieront pas ces scènes de si tôt.

Mais les vieilles habitudes répressives des Libyens pourraient bien se réveiller spontanément..

Et ce n’est pas la première fois que des civils pro Kadhafi ont souffert de représailles. En juillet, alors que les rebelles quadrillaient les montagnes du Nefousa, le village de Gawalish a subi un sort tout à fait similaire. Beaucoup de ses habitants, des retraités et de jeunes enfants ne pouvaient tout simplement pas avoir participé à une quelconque action militaire pour le régime.

Dans la ville fantôme de Tawergha, on éprouve peu de sympathie pour la situation critique des victimes.

Selon M. Fatateth, “Le conseil militaire va decider de ce qui se passera pour les habitations. Mais les habitants de Tawergha devront passer sur nos cadavres pour revenir. »

Ibrahim al-Halbous,, un aute chef rebelle local, le dit encore plus simplement.

«Tawergha n’existe plus,» dit-il.

Les « rebelles » massacrent à Tripoli. Chose promise, chose due.

25 août 2011

Les massacres que M. Bernard-Botul-Henri Lévy entendait prévenir en Libye sont en train de se produire. Personne ne pourra feindre d’être surpris car Mustapha Abdeljalil, leader du Conseil de National de Transition les avait annoncés clairement et en toute franchise.

Et les forces liguées contre la Libye au nom des principes humanitaires savaient parfaitement aux côtés de qui elles faisaient tonner leurs armes.

Cette dépêche de l’Associated Press nous donne un petit aperçu des aptitudes criminelles des amis de M. Bernard-Henri-Lévy. J’ai envie d’écrire que qui se ressemble s’assemble.

Notez bien comment l’Associated Press, qui ne peut éviter de retransmettre l’info obtenue par ses équipes de terrain fait son possible pour, si ce n’est disculper les tueurs « rebelles », presque renvoyer dos à dos ces criminels et le gouvernement de M. Kadhafi.

Appréciez par exemple ce passage : « On n’a pas de certitude sur l’identité des morts mais il s’agit, selon toute probabilité ». Quelle est la différence entre ne pas être certain et être pratiquement sûr ? Oui, ce sont des termes qui s’opposent.

Un peu plus loin, on peut lire qu’un des morts avait au poignet une pièce d’étoffe verte, la couleur du drapeau de la Libye de Kadhafi. N’importe qui sait que le port d’une pièce de tissu de couleur verte au poignet est très courant dans tout le Maghreb et sans doute en d’autres terres musulmanes. Pas besoin d’adhérer à l’idéologie de Kadhafi pour ce faire.

Ce cadavre au bout d’étoffe verte donne d’ailleurs une autre occasion d’insinuation à l’Associated Press qui constate que ce corps a la peau nettement plus foncée que le Libyen moyen,  ce qui donne l’occasion de rappeler, sans preuve d’aucune sorte, que Kadhafi avait recruté des « combattants » d’Afrique subsaharienne.

D’ailleurs, même si Kadhafi l’avait fait, en quoi cette pratique différait-elle par exemple de ce qu’on appelle en France la Légion Etrangère ?

Et l’Associated Press signale-t-elle la présence aux côtés des «rebelles» de nombreux mercenaires venus d’Europe à bord de leurs avions de combat et de leurs navires de guerre?

Aux atrocités commises par les rebelles, l’Associated Press oppose, pour la forme, des atrocités commises, selon le commandement « rebelle » par les troupes de M. Kadhafi. Je dis pour la forme parce qu’aucune élément de preuve n’est apporté. Et que par contre, les « rebelles » se sont gardé d’accuser les soldats de M. Kadhafi d’avoir commis ces assassinats.

Des cadavres évoquent le spectre de tueries de masse en Libye

Par Paul Schemm, AP Seattle Post Intelligencer (USA) 25 août 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

Cadavres de civils en décomposition. Beaucoup sont ligotés mains dans le dos.

Tripoli, Libye – Les cadavres sont éparpillés sur une place gazonnée près de Bab al Azizia, le quartier général de Mouammar Kadhafi. Ils sont étendus sur des parcelles de verdure, comme s’ils faisaient la sieste affalés sous des tentes. Certains d’entre eux ont les poignets entravés pas des liens en plastique. On n’a pas de certitude sur l’identité des morts mais il s’agit, selon toute probabilité, de militants  qui avaient mis en place un village de tentes impromptu en solidarité avec Kadhafi à proximité de son quartier général, au mépris de la campagne de bombardement de l’OTAN.

Il est impossible de savoir qui les a tués, mais cette découverte renvoie au spectre inquiétant de tueries en masse de non combattants, de prisonniers et de blessés.

Entre Bab al Azizia, prise par les rebelles ce mardi, et le bastion de Kadhafi dans le quartier d’Abou Salim, où les combats faisaient rage jeudi, les journalistes d’Associated Press ont vu une vingtaine de cadavres jeudi. Cinq ou six se trouvaient dans un rond-point, sous des tentes qui abritaient des militants et arboraient les drapeaux de nombreuses nations africaines. Un mort avait une perfusion à un bras, un autre cadavre était complètement carbonisé, sans jambes.

Au moins dix autres cadavres ont été trouvés dans une zone herbeuse et un canal non loin. Plusieurs des tués sont mains liées dans le dos et ont été reçu des  balles dans la tête. Un cadavre vêtu d’une blouse de médecin hospitalier a été découvert dans le canal. Les corps étaient gonflés.

Un des morts avait une pièce d’étoffe d’un vert de couleur vive, la couleur nationale de la Libye de Kadhafi nouée à son poignet. Cet homme avait un teint de peau plus foncé que celui de la majorité des Libyens. Kadhafi avait recruté des combattants d’Afrique subsaharienne,

D’après le conseil militaire rebelle de Misrata, une ville portuaire de l’ouest, des prisonniers détenus par les forces de Kadhafi dans la base aérienne de Metiga ont été enfermés et des grenades ont été jetées dans leurs cellules. Le conseil dit que les rebelles ont récupéré pour l’instant 13 corps sévèrement brûlés

Le régime de Kadhafi détenait des milliers de prisonniers politiques.

Lettre ouverte de 200 personnalités africaines contre l’intervention de l’OTAN en Libye

24 août 2011
200 intellectuels et personnalités du continent africain viennent de signer une lettre dans laquelle ils dénoncent le caractère illégal des agissements de l’OTAN en Libye.

Mais, vous l’aurez compris, aucun de ces intellectuels n’arrive à la cheville de Bernard-Botul-Henri Lévy. Ce n’e sont jamais qu’un ramassis d’écrivains et d’universitaires dont aucun ne sera jamais invité ni sur RTL, ni sur France 2, ni sur TF1. Aucun de vos journaux ne parle d’ailleurs de ces 200 sous-fifres.

Ce Chris Landsberg par exemple, quels titres peut-il bien faire valoir devant l’agrégation de Bernard-Botul-Henri Lévy ? Pfff ! Ce n’est qu’un petit docteur de l’université d’Oxford (c’est ou ça ?). Et puis il n’a écrit que quelques bouquins dont aucun n’atteindra le succès public de ceux qu’a écrits M. Bernard-Botul-Henri Lévy !

Et ce Wally Serote ? Quelqu’un qui a vécu une enfance privilégiée dans un township, à comparer avec l’enfance douloureuse (mais source d’inspiration féconde) qu’a vécue par Bernard-Botul-Henri Lévy ? D’ailleurs rien de ce que ce Serote a écrit ne peut sans doute se comparer au bloc note de M. Bernard-Botul-Henri Lévy. Effectivement quel talent poétique !

Parce que pour parler de liberté et de droits des gens, il faut quand même avoir certaines qualifications et certaines références qu’on ne trouve pour l’instant qu’en certains endroits très précis du monde.

Plus sérieusement, encore un signe que les Occidentaux n’auront bientôt plus que la force pour maintenir une présence consistante en Afrique.

Plus de 200 intellectuels Africains affirment que le bombardement de la Libye par l’OTAN est illégal et entre dans le cadre d’une recolonisation du continent.

Par LIVHUWANI MAMMBURU, Business Day (Afrique du Sud) 24 août 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

Un groupe de personnalités africaines a publié une déclaration pour avertir que l’Afrique était sur le point d’être recolonisée au moment où l’OTAN poursuit son soutien aux rebelles Libyens.

S’exprimant aujourd’hui devant les media à Johannesburg, ces personnalités ont rendu publique une lettre déplorant « le détournement du Conseil de Sécurité de l’ONU pour s’engager dans une diplomatie militarisée afin d’obtenir un changement de régime en Libye » et la « marginalisation de l’Union Africaine. »

Le chef du département de science politique de l’université de Johannesburg, le professeur Chris Landsberg a parlé au nom du groupe et dit que l’OTAN a violé le droit international.

“L’OTAN s’est ouvertement donné le droit de chercher à atteindre l’objectif d’un changement de régime et donc de recourir à la force et à d’autres moyens pour renverser le gouvernement de Libye, des objectifs qui sont en contradiction avec les décisions du Conseil de Sécurité de l’ONU, » a déclaré Landsberg.

La lettre a été signée par plus de 200 importantes personnalités africaines dont l’ancien président de l’African National Congress Thabo Mbeki, le professeur Shadrack Gutto de l’université d’Afrique du Sud, l’ancien ministre des services de renseignements Ronnie Kasrils, le professeur Chris Landsberg, chef du département de science politique de l’université de Johannesburg, le professeur Mahmood Mamdani de l’université de Columbia, l’ancien vice-ministre des affaires étrangères Aziz Pahad, l’écrivain et poète Wally Serote et de nombreux autres Africains influents.

Serote a déclaré que la feuille de route de l’Union Africaine reste la seule voie vers la paix pour le people libyen.

“L’Union Africaine est pour la paix, la démocratie et la liberté pour tous les peoples. C’est ce rôle que l’Union Africaine veut toujours jouer que ce soit en Côte d’Ivoire, au Soudan, en Libye ou dans n’importe quel autre pays du continent, c’est le but de l’Union Africaine. Elle a un plan à mettre en place, » a affirmé Serote.

On ne sait pas avec certitude si les dirigeants de l’Union Africaine ont approché les rebelles Libyens ou le gouvernement pour connaître leurs points de vue avant de faire la déclaration.

Le dirigeant Libyen Mouammar Kadhafi, à la tête du pays depuis 42 ans, voit son pouvoir sur le point de s’effondrer après des mois de bombardements aériens de l’OTAN qui ont provoqué la fuite de la majeure partie de ses troupes alors que les forces rebelles prenaient le contrôle de la capitale avec l’assaut spectaculaire sur le QG de Bab al-Azizia hier.

Kadhafi lui-même est resté insaisissable. Il a été vu la dernière fois il y a deux mois.

Les combattants rebelles ont fêté l’évènement sur la place Verte rebaptisée place des martyrs par les rebelles à Tripoli hier, a signalé Reuters.


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