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Le chef de la diplomatie brésilienne à l’Occident: ‘Quand respecterez-vous le droit international?’

6 février 2013

Je vous propose un article du genre plutôt rare dans la grande presse en Occident. En effet, en dépit de son nom, le quotidien espagnol (catalan) La Vanguardia n’est pas du tout l’organe d’un obscur parti d’extrême gauche (ou droite) ni un représentant le la presse alternative.

Diffusée nationalement, La Vanguardia est en fait le journal le plus vendu en Catalogne et se positionne politiquement au centre droit.

Quand je dis que cet article est rare, je veux dire par là qu’il s’attaque ouvertement à ce qu’on peut appeler la suffisance des puissances occidentales, une suffisance que le correspondant du journal catalan qui a couvert la conférence de Munich sur la sécurité résume dans ce qu’il qualifie de monologue.

Fait rare, l’article de Rafael Poch nous livre essentiellement l’analyse d’un diplomate Iranien sur le dossier de la «menace» que poserait le programme nucléaire de son pays sans lui opposer à aucun moment d’arguments qui émaneraient par exemple du gouvernement espagnol, de celui des Etats Unis sans bien entendu parler de l’entité sioniste.

Ce qui veut dire que le journaliste considère le point de vue iranien comme sensé, surtout si on veut bien se souvenir qu’il critique le fameux monologue de l’Occident.

Je dirai quand même que le clou de cet article, c’est débord la restitution d’une partie de la participation du ministre Brésilien des affaires étrangères aux débats qui se permet de demander à un «expert» Occidental quand les pays occidentaux se décideront à respecter le droit international.

Des propos qui, sauf erreur de ma part, n’ont été repris par aucun autre journal.

 La menace iranienne dans le monologue de Munich

Téhéran pourrait sortir du Traité de Non Prolifération nucléaire si ses installations sont attaquées

Par Rafael Poch, La Vanguardia (Espagne) 5 février 2013 traduit de l’espagnol par Djazaïri

La présence d’une poignée d’invités venus des pays en voie de développement parmi les 500 participants euratlantiques qui dominent l’évènement est ce qui sauve de l’inutilité complète ce monologue qu’est chaque année la conférence sur la sécurité qui s’est achevée dimanche à Munich.

 «L’Irak et l’Afghanistan démontrent les limites de l’action militaire occidentale et l’urgence de l’alternative représentée par la diplomatie et la coopération,» a expliqué samedi le ministre Brésilien des affaires étrangères, Antonio de Aguiar Patriota.

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Antonio de Aguiar Patriota

Cette observation élémentaire a été contestée par l’animateur du débat, un expert Australien, qui a demandé : «Les BRICS, Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), c’est-à-dire les grandes puissances émergentes, se comporteront-ils conformément aux normes internationales ?»

Patriota a répondu : «je vous renvoie la question : quand respecterez-vous le droit international ?» Aucun sujet ne résume mieux ce malentendu que celui du danger nucléaire iranien..

L’opinion publique occidentale croit que l’Iran a un programme d’armement atomique, qu’elle n’autorise pas l’accès de son territoire aux inspecteurs de l’Agence Internatonale de l’Energie Atomique (AIEA) et qu’elle est la plus grande menace à la sécurité du Moyen orient et qu’elle mérite d’être sanctionnée, encerclée militairement et attaquée.

La vérité est qu’il n’existe pas le moindre indice d’un programme nucléaire militaire et que la doctrine nucléaire de l’Iran se résume à une fatwa de son leader religieux, Ali Khamenei, qui affirme que tout usage d’armes de destruction massive est «un péché énorme et impardonnable» et à la proposition depuis des dizaines d’années d’un Moyen Orient qui serait une «région dénucléarisée» à laquelle s’opposent Israël, seule puissance nucléaire dans la région, et ses parrains occidentaux.

Cent mille Iraniens ont péri du fait des armes chimiques utilisées par Saddam Hussein dans une guerre contre l’Iran qui avait le soutien des puissances occidentales dans les années 1980, a expliqué Ali Asghar Soltanieh l’ambassadeur d’Iran auprès de l’AIEA.

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Ali Asghar Soltanieh exhorte les sionistes à signer le TNP

Evidemment, tout pays qui maîtrise le cycle de l’uranium est techniquement proche d’une capacité nucléaire militaire, mais l’Iran n’en est qu’un exemple parmi tant d’autres. Y a-t-il un danger particulier ?

Israël a attaqué l’Egypte en 1956 et en 1967. Et aussi le Liban en 1982 et en 2006. La liste des agressions militaires menées par l’autre adversaire de l’Iran, les Etats Unis, est impressionnante. Tous deux possèdent des armes nucléaires et l’Iran n’a agressé personne dans son histoire récente.

Dans la pire des hypothèses, absolument plausible, son ambition nucléaire se situerait à l’avenir dans le sillage des étapes franchies par s’autres pays, Israël une fois encore, mais aussi l’Inde et le Pakistan, sans conséquences, ni sanctions.

Ces dernières années, l’Iran a accepté de nombreuses inspections de l’AIEA dans ses établissements scientifiques et militaires, au total 7500 Jours/ personne, avec 16 sites contrôlés rien qu’en 2011 et près de cent visites impromptues (annoncées seulement deux heures à l’avance), sans que les appareils et les détecteurs employés aient pu déceler le moindre indice que ce qui se fait dans le domaine du nucléaire en Iran ait un caractère militaire, déclare Soltanieh.

L’AIEA est dominée par les puissances occidentales, notamment les Etats Unis qui veulent modifier son mandat pour la transformer en «une agence d’espionnage sans restriction aucune relativement à la sécurité nationale de certains Etats membres, en majorité des pays en voie de  développement,» explique l’ambassadeur.

La majorité des experts en sécurité de l’AIEA qui ont accès aux informations confidentielles et sont rémunérés par leurs pays d’origine sont Etatsuniens.

La direction de l’AIEA n’a pour l’instant pas condamné les menaces israéliennes continuelles d’attaquer des sites nucléaires en Iran. Quand Israël avait bombardé en Syrie, l’AIEA avait demandé à inspecter les endroits bombardés au lieu de demander des explications à l’agresseur, déclare l’ambassadeur.

Les pressions pour que l’Iran abandonne un programme nucléaire qu’il définit comme civil sont extraordinaires et comprennent des sanctions économiques, de menaces d’attaques militaires contre ses installations nucléaires et «l’assassinat barbare de savants atomistes,» explique Soltanieh.

Quelles seraient les conséquences d’une attaque militaire contre les sites nucléaires iraniens ?: «En plus d’une forte réaction contre l’agresseur, notre gouvernement subira d’énormes pressions internes pour installer les centrifugeuses dans des lieux plus sûrs, le parlement obligerait probablement à l’arrêt de toutes les inspections de l’AIEA et même, dans le pire des scénarios à sortir du TNP,» déclare l’ambassadeur.

Pourquoi le cessez-le-feu ne tiendra pas en Syrie

12 avril 2012

Les hostilités semblent s’être arrêtées ce matin en Syrie. Maintenant, la question est de savoir si le cessez-le-feu va tenir, permettant ainsi l’amorce d’une solution politique.

Rien n’est moins sûr et il est probable que le cessez-le-feu ne tiendra pas bien longtemps parce que ni l‘opposition armée, ni les pays de l’OTAN n’y ont un quelconque intérêt.

Leur intérêt est effectivement que la situation continue à se dégrader et que le pays s’enfonce complètement dans la guerre civile et devienne une proie facile pour une intervention qui se ferait selon une variante du modèle libyen puisqu’une des puissances étrangères intervenantes, la Turquie, partage  plusieurs centaines de kilomètres de frontières terrestres avec la Syrie.

L’opposition armée étant globalement neutralisée ou dominée en Syrie même, l’étincelle de départ se produira probablement à la frontière syro-turque car, ainsi que l’explique clairement Pepe Escobar, les rebelles et autres mercenaires ou soldats étrangers lancent leurs attaques à partir du territoire de la Turquie qui leur offre un sanctuaire à quelques mètres seulement du territoire syrien.

NB : l’idéal serait cependant que je doive faire mon mea culpa pour cause de cessez-le-feu durable

Que se passe-t-il à la frontière syro-turque?

par Pepe Escobar, Asia Times (Hong-Kong) 11 avril 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Il y a une vidéo qu’on pourrait intituler assez librement « Terroristes du côte turc de la frontière tirant du côté syrien », ce qui résume assez précisément ce qui se passe dans cet actuel point chaud géopolitique extrêmement volatile.

La voix qui commente dit, “C’est la frontière syro-turque, et c’est une opération de l’Armée Syrienne Libre [ASL]… La porte [celle qui se situe du côté syrien de la frontière où se trouve le point de contrôle va être prise.»

Ce qui veut dire que la Turquie abrite l’ASL à seulement quelques mètres – et non à des kilomètres – du territoire syrien. Après avoir accueilli un centre de contrôle et de commandement de l’OTAN à Iskenderun il y a plusieurs mois maintenant – un fait déjà signalé par Asia Times Online – la Turquie s’avance désormais juste à la frontière, permettant un aller et retour de guerilleros/mercenaires lourdement armés pour attaquer un Etat souverain.

Imaginez un scénario semblable se produire, par exemple, à la frontière des Etats Unis avec le Mexique, en Arizona ou au Texas.

On peut le voir comme une interprétation très particulière par Ankara des « refuges de protection » et des «corridors humanitaires» tels qu’ils sont mis en avant par le principal modèle proposé pour un changement de régime en Syrie : un rapport du Saban Center de la Brookings Institution rédigé par l’habituel de pro-Israël d’abord et avant tout et «d’experts» du Moyen orient affiliés au Qatar.

Alors attendez-vous à voir un film aux conséquences innombrables; l’ASL attaquant un poste frontalier syrien, tuant des soldats avant de se replier sous une pluie de projectiles qui troucheront inévitablement un camp de réfugiés Syriens tout proche.

L’escalade à la frontière illustre crûment le scenario plus large: la guerre civile.

Le ministre Turc des affaires étrangères Ahmet Davutoglu – avec sa fameuse politique de « zéro problème avec nos voisins » – a dû brusquement interrompre son voyage en Chine pour rentrer en Turquie à cause de l’escalade à la frontière. Ce serait très éclairant de savoir comment la direction politique de pékin lui a fait savoir que les trucs d’agents provocateurs de la Turquie revenaient à jouer avec le feu.

L’escalade à la frontière prouve aussi que l’OTAN n’est pas du tout intéressée par la réussite du cessez-le-feu présenté généralement comme le plan de Kofi Annan (c’est en fait uenversion diluée des plans de la Russie et de la Chine). Les problèmes vont continuer à s’aggraver – comme le suggère un reportage de Russian TV.

Il est évident qu’un gouvernement souverain – la Syrie dans le cas présent – doit exiger des garanties écrites que les opposants armés se conformeront au cessez-le-feu d’Annan.

La raison la plus importante pour laquelle ils ne le feront pas – et ils l’ont souligné publiquement – n’est pas seulement que l’ASL et les guérillas dissidentes continuerons à être armés par le Qatar et la monarchie saoudienne, et renforcés par des « rebelles » Libyens envoyés en Syrie ; c’est que deux membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, la Grande Bretagne et la France – ont également leurs forces spéciales sur le terrain, engagées dans la formation, le enseignement et des opérations de combat.

La question à mille milliards de livres turques est de savoir si Ankara ira plus loin et mettra vraiment en place les « zones refuges », ce qui reviendra à une implication directe dans la guerre civile syrienne, c’est-à-dire une déclaration de guerre contre Damas. C’est exactement ce que l’ASL implorait les Turcs de faire.

Mais même cela serait insuffisant pour renverser le régime de Bachar al-Assad.

Quant à l’appareil policier et militaire d’Assad, il serait bien inspiré de ne pas se laisser provoquer à aller vers une orgie de tortures, d’exécutions sommaires et de bombardements d’artillerie – car ce sont les conditions nécessaires pour le maintien du soutien diplomatique des principaux membres du BRICS, la Russie et la Chine. Une fois encore, les Syriens ordinaires, pris entre deux feux, seront les tragiques perdants.

 

Syrie: la Turquie de retour dans son rôle de pièce du système hégémonique mondial

10 avril 2012

On s’est interrogé, entre autres sur ce blog, sur les orientations diplomatiques de la Turquie.

En effet, après l’agression sioniste contre gaza fin 2008 début 2009 puis après l’interception sanglante de la flottille humanitaire pour Gaza, les prises de position du gouvernement d’Ankara avaient suscité beaucoup d’attentes.

Ces attentes s’étaient concrétisées par un certain nombre de mesures prises par Ankara à l’encontre de l’Etat sioniste, sans cependant aller vers la rupture complète. Par ailleurs, la Turquie s’attelait à jouer un rôle médiateur entre l’Iran et les puissances occidentales qui lui contestent son droit à l’exploitation pacifique de l’énergie nucléaire. A cette époque, la Turquie s’était d’ailleurs rapprochée du BRIC, ce club qui réunit un certain nombre de pays « émergents » : le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (l’adjonction de l’Afrique du Sud entraînera une modification de l’acronyme en BRICS).

Ce rapprochement semblait correspondre à une nécessité stratégique de la Turquie en recherche d’une zone d’appui pour son expansion économique au Proche Orient et de bonnes relations avec le voisin iranien qui se trouve aussi être un important fournisseur de gaz et de pétrole pour la Turquie.

Le prétendu «printemps arabe» en a décidé autrement car il a été l’occasion d’un retour en force des Etats Unis et de l’Occident dans la région. Epaulées par l’Arabie Saoudite et le Qatar, les puissances liguées dans l’OTAN ont d’abord organisé la transition politique en Tunisie et en Egypte, puis éliminé dans le sang le régime libyen.

Après un temps d’hésitation, le gouvernement turc a considéré qu’il avait là une belle carte à jouer susceptible de satisfaire à la fois ses intérêts économiques et de renforcer le caractère stratégique de sa vieille alliance avec Washington.

Et c’est décidément en tant qu’agent de Washington que se comportent désormais le premier ministre Turc Recep Teyyip Erdogan et son ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoglu. Cet aspect est tout à fait apparent dans la gestion de la crise syrienne où le gouvernement turc a brutalement tourné le dos au régime syrien et encouragé la sédition dans ce pays.

Or, la Turquie aurait certainement pu jouer un véritable rôle de médiation, une médiation que les Occidentaux et leurs alliés wahabites se sont cependant ingéniés à rendre impossible.

Pis, la Turquie cherche maintenant la confrontation directe avec le gouvernement syrien au prétexte d’un incident frontalier qui tombe trop à point nommé pour ne pas être suspect (notons l’excellent timing entre MM. Erdogan et Annan). En passant, il faut quand même remarquer que la frontière syro-turque n’a jamais été fermée !

M. Erdogan parle maintenant ouvertement de zones tampons pour protéger les civils, une éventualité que les autorités turques rejetaient il y a peu de temps encore. 

Preuve que les choix ne se font pas à Ankara mais à Washington et dans les couloirs de l’OTAN à Bruxelles.

Reste que ces choix ne font pas l’unanimité dans la classe politique turque et sans doute dans le gouvernement turc lui-même et que M. Erdogan et son pays pourraient payer cher une aventure militaire en Syrie.

Non pas que la Turquie et ses partenaires de l’OTAN ne puissent pas vaincre l’armée syrienne. Mais si on voit mal l’armée syrienne tenir en échec durablement l’OTAN, on peut quand même supposer que les choses ne se passeraient pas aussi simplement qu’en Libye et qu’une éventuelle implication militaire turque plus directe ne serait pas sans conséquences pour la place de la Turquie dans le paysage régional, sans parler des répercussions en Turquie même où une l’ingérence dans les affaires du pays voisin ne fait pas vraiment l’unanimité.

Et si on en croit l’article que je vous propose, la Turquie a peut-être manqué une occasion de participer activement aux affaires du monde en jouant autre chose que le rôle de supplétif des Etats unis et des monarchies du Golfe, une pièce du système hégémonique mondial piloté depuis Washington.

Les questions de politique internationale se dressent entre la Turquie et le BRICS

par Aydin Albayrak, Zaman (Turquie) 8 avril 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

L’économie turque connaît une croissance rapide qui avait amené nombre d’observateurs à penser qu’elle se traduirait par une invitation à rejoindre les quatre plus importants marchés émergents dans un club très fermé. Cette invitation ne s’est pas concrétisée.

La croissance de l’économie turque a été de 8,5 % en 2011 et de 8,9 % en 2010. Ces chiffres placent la Turquie devant n’importe quel autre pays de l’Union Européenne et de l’Organisation pour le Développement Economique en Europe (OCDE) en termes de croissance économique ces deux dernières années, observait le 2 avril Ali Babacan, vice premier ministre chargé de l’économie. Mais c’est l’Afrique du Sud, et pas la Turquie, qui a été conviée à devenir membre du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). Le BRIC est un acronyme forgé il y a dix ans par Jim O’Neill, un cadre de Goldman Sachs, pour regrouper les plus importants marchés émergents de l’économie mondiale. On considère que le BRICS, que O’Neill préfère maintenant appeler « marchés en croissance » pour les distinguer de marchés en moindre émergence, est appelé à domine de plus en plus l’économie mondiale. Leurs économies deviendront en effet les plus puissantes vers 2050, soutient O’Neill. Cette prédiction n’est pas sans fondement vu que leurs Produits Intérieurs Bruts (PIB) sont passés de 3 trilliards de dollars à 13,5 trillards ces dix dernières années.

Donc, en tant qu’économie émergente avec un poids politique, ayant connu une croissance économique moyenne annuelle de 5,4 % ces dix dernières années, la Turquie était considérée comme certains comme un candidat très probable à une entrée dans le club BRIC. Klaus Schwab, le fondateur du Forum Economique Mondial, avait proposé il y a quelques années sue la Turquie, avec sa compétitivité en constante amélioration, soit également incluse dans le BRIC, ce qui aurait donné l’acronyme T-BRIC. Mais avec l’admission dans le groupe de l’Afrique du Sud en 2011, l’acronyme constitué des initiales de chaque pays est maintenant BRICS [S pour South Africa].

L’économie n’est pas le seul critère pour être invité dans le club BRICS selon certains analystes qui pensent que la politique internationale est aussi prise en compte. Selon le Dr Süleyman Yaşar, professeur d’économie à l’université d’Istanbul et éditorialiste pour le journal Sabah, on s’attendait à ce que la Turquie soit admise dans le groupe avant l’Afrique du Sud dont l’économie est moins importante et qui a un taux de chômage de 20 %. Mais Yaşar a observé, dans un entretien accordé à Sunday Zaman, qu’aucun pays du BRIC n’est membre de l’OTAN, alors que la Turquie en fait partie et est en outre, liée à l’Europe par une union douanière et que le pays est un proche allié des Etats Unis dans la région.

Ce sont précisément ces points qui semblent faire obstacle à une admission de la Turquie dans le BRICS,” a-t-il commenté.

L’argument semble être solide. Le PIB de la Turquie était de 772,2 milliards de dollars en 2011, et de 731 milliards en 2010, tandis que celui de l’Afrique du Sud approchait de 430 milliards de dollars l’an dernier, et de 364 milliards l’année d’avant. L’économie turque se situe au 17ème rang mondial et celle de l’Afrique du Sud au 27ème rang. Et selon une étude de l’économiste Esen Çağlar de l’ Economic Policy Research Foundation of Turkey (TEPAV), la Turquie pourrait bondir à la 13ème place des économies mondiales si elle réussissait à accroître le taux d’activité des femmes et à augmenter la productivité du travail de 33 %. Le BRICS n’a pas choisi non plus d’inviter la Corée du Sud et le Mexique, deux géants parmi les marchés émergeants avec de très bonnes perspectives économiques, car la Corée du Sud est un proche allié des Etats Unis et que le Mexique est associé aux USA dans NAFTA.

Il est significatif de constater qu’aucun des pays du BRICS, qui ensemble représentent le quart de la richesse mondiale, n’est étroitement associé aux “maîtres actuels » du monde. En fait, au quatrième sommet du BRICS qui a réuni les chefs d’Etat en Inde le 29 mars, le BRICS a non seulement blâmé l’Occident pour la crise financière que subit le monde, et appelé à des réformes pour des institutions internationales comme le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale et le Conseil de Sécurité des Nations Unies, mais il a aussi souligné que le dialogue était le seul moyen de résoudre la crise en Syrie et avec l’Iran. Il est donc évident que la position politique dy BRICS n’est pas en accord avec celle de l’Occident et que c’est au côté de l’occident que la Turquie choisit généralement d’agir.

Ali Rıza Sandalcılar, professeur d’économie à l’université Recep Tayyip Erdoğan de Rize partage également l’opinion qu’un choix politique est pris en compte. «le point de vue général est que le BRICS renvoie à des performances économiques, mais ce n’est en réalité pas le cas, » a-t-il dit au Sunday Zaman. « Au tout début, il se peut que les considérations étaient purement économiques, mais maintenant les orientations prises par le BRICS ont aussi des motivations politiques.»

C’est le professeur Birol Akgün, spécialiste des relations internationales à l’ Institute of Strategic Thinking qui a sans doute le mieux décrit le dilemme de la Turquie à l’égard du BRICS. « Quoique la Turquie cherche à impulser un changement dans certaines institutions internationales importantes comme le FMI, pour avoir une meilleure représentation des pays en développement, et a une communauté d’intérêts avec les pays du BRICS, » explique Akgün, « elle est bien intégrée dans les grandes institutions du monde occidental [NdT : Conseil de l’Europe, OTAN, OCDE]. C’est précisément pour cette raison, considère Akgïn, que ce n’est pas si facile pour la Turquie de devenir membre du BRICS. « Pour l’heure, la Turquie pourrait être impliquée dans le BRICS à titre consultatif, mais n’a pas besoin d’en faire partie, » a-t-il déclaré au Sunday Zaman.

La Turquie est perçue comme une pièce du système hégémonique occidental, et quand vous faites quelque chose pour attirer la Turquie de votre côté, vous ébranlez l’équilibre mondial des forces. Observant que le leitmotiv de la Chine est harmonie et développement, « la Chine se garderait bien de déranger qui que ce soit en invitant la Turquie à rejoindre le BRICS, » explique Akgün.

Les cinq pays du BRICS représentent 45 % de la population mondiale, un quart des terres émergées et un quart de l’économie mondiale. Entre 2008 et 2010, les pays du BRICS qui ont traversé la crise financière beaucoup mieux que le monde développé, ont, par leur PIB, contribué à 50 % de la croissance économique mondiale. Le BRICS veut faire passer les échanges commerciaux entre membres de 320 milliards à 500 milliards de dollars vers 2015, et des indications tendent à renforcer les affirmations selon lesquelles le BRICS représente l’avenir de l’économie au moment où les pays développés sont en récession du fait de la crise économique.

L’Iran, clef de la stratégie de développement de l’Inde

30 mars 2012

 Les Etats Unis, ainsi que l’Union Européenne, déploient une vaste stratégie d’étranglement économique de l’Iran pour sommer ce pays, non pas de stopper le développement d’un programme nucléaire militaire, mais d’accepter de placer son programme nucléaire sous la tutelle de l’Occident.

Ce qui reviendrait pour l’Iran à accepter une autre autorité que la sienne sur son territoire.

Des républiques bananières peuvent certes accepter ce genre de choses, mais pas l’Iran

Dans cette stratégie d’étranglement, les Etats Unis se distinguent par leur posture agressive puisqu’ils menacent de sanctions les entreprises et même les Etats qui ne respecteraient pas leurs exigences dont celle de l’arrêt des importations de pétrole iranien.

Certains pays ont obtempéré ou obtenu des dérogations à condition de montrer leur obéissance en réduisant ou en s’engageant à réduire leurs importations.

Mais ce genre de choses est beaucoup plus difficile à obtenir de la part de pays comme ceux qui appartiennent au groupe du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).

Si on s’arrête sur le cas de l’Inde, non seulement les entreprises de ce pays se montrent particulièrement enthousiastes devant les perspectives offertes par le marché iranien, avec règlement au moins partiel en roupie, la monnaie indienne (un petit coup de canif au dollar), mais le gouvernement indien considère l’Iran comme un partenaire absolument stratégique sur un long terme qui verrait l’économie de l’Inde rayonner sur toute l’Asie Centrale.

Et justement, vu l’obstacle constitué par le frère ennemi pakistanais, l’Iran avec ses ports, ses routes et ses voies ferrées est la porte d’entrée idéale vers l’Asie Centrale et, plus tard, vers la Russie et l’Europe orientale.

D’où une opposition de l’Inde aux manœuvres américaine qui se fonde sur une prise en considération de ses intérêts en tant que nation en plein développement et en recherche de partenaires régionaux.

C’est la vision à long terme de l’Inde conte celle à court terme des Etats Unis (pressés de satisfaire les quatre volontés du gang de Tel Aviv).

Pourquoi l’Inde cherche à développer son commerce avec l’Iran

La création du Pakistan a coupé l’Inde des vieilles routes commerciales vers l’Asie Centrale et au-delà. L’Inde voit l’Iran comme un moyen de se reconnecter à  ces routes. malgré les sanctions américaines.

par Rebecca Byerly, The Christian Science Monitor (USA) 29 mars 2012

Alors que les USA isolent l’Iran en poussant les autres pays à réduire leurs achats de pétrole et d’autres marchandises auprès de la République Islamique, l’Inde est en train de construire de nouvelles relations commerciales là-bas, considérant que c’est par l’Iran que passe le chemin pour construire l’influence dont elle a besoin en Afghanistan et en Asie Centrale.

Avant la partition, le sous-continent indien avait des relations politiques et commerciales avec l’Asie Centrale et, par delà, avec la Russie et l’Europe. La création du Pakistan a coupé l’accès de l’Inde à la région et l’Inde voit depuis longtemps l’Iran comme une modalité de contournement.

Le gouvernement indien accueille cette semaine 14 pays pour une conférence visant à bâtir un nouveau réseau de transport, le Corridor International Nord-Sud qui passera par les ports, les routes et les chemins de fer iraniens. Le projet vise à relier l’Inde à certaines parties de l’Europe en moitié moins de temps qu’avec les routes commerciales actuelles qui passent par le canal de Suez en Egypte.

La conférence sur le transport intervient trois semaines après le retour d’Iran d’une délégation commercial soutenue par le gouvernement et l’annonce de nouvelles possibilités d’échanges commerciaux. Et la semaine dernière, des groupements d’exportateurs indiens ont déclaré que l’Iran avait fait de nouveaux achats d’aliments pour bétail et était en demande de blé, de sucre et de thé – le tout au moment même où les Etats Unis incitent l’Inde à réduire ses relations avec l’Iran.

Le rapprochement de l’Inde avec l’Iran crée un dilemme pour les USA. Alors que Washington s’est fait le champion de l’ascension de l’Inde en tant que puissance régionale et a salué son aide en Afghanistan, le programme nucléaire iranien demeure une priorité parmi ses préoccupations ne matière de politique étrangère.

La Secrétaire d’Etat Hillary Clinton a déclaré au Congrès lors d’une audition parlementaire en février que les Etats Unis avaient des discussions «très  intenses et très franches» avec l’Iran et d’autres pays comme la Chine et la Turquie pour qu’ils arrêtent leurs importations de pétrole iranien.

Mais les responsables Indiens sont restés réticents. Compte tenu de la position géopolitique de l’Inde vis-à-vis le l’Iran, de ses intérêts économiques et sécuritaires en Afghanistan, et de ses relations commerciales tumultueuses avec un Pakistan doté de l’arme atomique, l’Inde voit l’Iran comme un partenaire à long terme essentiel.

«Les Etats Unis ne considèrent que les avantages à court terme, explique le général Dipankar Banerjee, chercheur à l’Institute of Peace and Conflict Studies. «Nous comprenons l’intérêt qu’ont les Etats Unis à faire en sorte que l’Iran renonce à l’arme atomique, mais nous devons tenir compte des intérêts stratégiques de l’Inde qui consistent à avoir la sécurité et les échanges commerciaux dans la région après le retrait des forces américaines d’Afghanistan en 2014.»

Aves des réserves minérales inexploitées estimées à 300 milliards de dollars en Afghanistan, une route commerciale stable à travers ce pays apporterait les ressources nécessaires au développement économique de l’Inde. Banerjee pense qu’elle aiderait aussi à stabiliser l’économie afghane et ferait tampon contre la radicalisation.

En dehors du commerce, l’Inde a signé à un accord pour former les forces de sécurité afghanes en Inde et a fourni deux milliards de dollars d’aide au développement depuis la chute des Talibans. L’Inde a récemment utilisé pour la première fois  le port de Chabahar au sud-est de l’Iran qu’elle a contribué à aménager il y a une dizaine d’années – pour le transit de 100 000 tonnes de blé vers l’Afghanistan dans le cadre de l’aide humanitaire apportée à ce pays ravagé par la guerre.

Cependant, le développement économique et la stabilisation de l’Afghanistan dépendent de bien d’autres choses que l’implication de l’Inde et des difficultés créées par les sanctions US contre l’Iran.

 «Les sanctions contre l’Iran sont un facteur de complication dans la stratégie économique indienne à l’égard de l’Afghanistan. Mais elles ne son pas, même en faisant preuve de beaucoup d’imagination, le seul facteur de complication,» affirme Ellen Laipson, présidente et directrice du Stimson Center, un centre d’étude des politiques publiques sis à Washington.

Iran: tout le monde doit-il payer pour complaire à Tel Aviv?

28 mars 2012

Les Etats Unis jouent gros dans leur bras de fer avec l’Iran. 

Pour complaire au gang de Tel Aviv, eux et leurs alliés habituels (Canada, France, Grande Bretagne…), ont décidé d’infliger à l’Iran des sanctions économiques unilatérales, c’est-à-dire non prévues par des résolutions de l’ONU.

Le but est d’asphyxier l’économie iranienne pour provoquer par exemple des émeutes qui précipiteraient un changement de régime à Téhéran, ou encore affaiblir suffisamment ce pays pour qu’une intervention militaire s’effectue de manière plus aisée.

Cette stratégie a réussi au moins deux fois par le passé: contre l’Irak du président Saddam Hussein et contre le Chili de M. Salvador Allende  qui lui aussi avait subi un embargo commercial et financier de la part des mêmes qui menacent aujourd’hui l’Iran.

Les Etats Unis et les complices déjà cités ont notamment décidé d’interdire aux pays tiers l’achat de pétrole iranien sous peine de sanctions.

En dépit de jérémiades de certains pays comme la Grèce et l’Espagne, l’Occident a décidé de marcher au pas de l’oie et de ne plus importer de pétrole iranien d’ici quelques mois. Certains pays ont obtenu des dérogations sous réserve de diminuer sensiblement leurs importations en provenance  du pays mis sous embargo..

Mais tout le monde n’est pas prêt à obtempérer..

Si la Grèce et l’Italie ne peuvent pas refuser grand-chose à l’Oncle Sam, il en va différemment de pays comme la Chine, le Brésil ou l’Inde.

Ces deux pays viennent, avec les autres membres du BRICS, de faire savoir qu’ils n’étaient pas obligés d’appliquer les sanctions unilatérales décidées par les USA et l’UE.

C’est ce que j’appelle un camouflet pour la diplomatie des Etats Unis.

Cette prise de position ne signifie cependant pas que ces pays importeront toujours autant voire plus de pétrole iranien pour la simple raison qu’une partie de leur commerce se fait par le biais d’entreprises privées qui, elles, peuvent craindre le risque d’être sanctionnées par les Etats Unis.

D’autre part, si les pays du BRICS se disent imperméables aux menaces de sanctions, ils ne seraient sans doute pas complètement fermés à des contreparties politiques et commerciales que pourraient leur offrir les Etats Unis en échange de leur complaisance.

Dans un cas comme dans l’autre, le prix politique à payer par les Etats Unis sera élevé sans que le pour autant entraîner une baisse du prix de l’essence à la pompe à Chicago ou à San Francisco.

Pour conclure, je ne résiste pas à l’envie de parler d’une des conséquences cocasses des sanctions de l’UE et des USA. En effet, l’interdiction de traiter avec le système bancaire iranien et l’expulsion de l’Iran de systèmes d’échanges interbancaires fait que des compagnies européennes qui doivent de l’argent à l’Iran ne savent plus comment payer ce qu’elles doivent dans les délais contractuels (ce qui concerne aussi les contrats en cours de résiliation).

Le pétrolier anglo-néerlandais Shell se trouve précisément dans cette situation en ce moment…

Or, en cas de non paiement, la partie contractante iranienne pourra bien sûr exiger des pénalités, en passant éventuellement par les juridictions internationales compétentes.

Ces dernières ne pourront que donner raison à la partie iranienne puisque les sanctions décidées par l’UE et les USA ne correspondent à aucune résolution de l’ONU et sont postérieures à la signature des contrats…

Les BRICS ne sont pas ‘obligés’ de suivre les sanctions des USA contre l’Iran

PTI, The Hindu (Inde) 28 mars 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

L’Inde, la Chine et les autres pays du BRICS ont déclaré aujourd’hui qu’ils ne rompraient pas leurs relations commerciales avec le pays riche en pétrole qu’est l’Iran qui fait face à des sanctions des Etats Unis contre son programme nucléaire.

Cette question a été soumise à discussion lors d’une rencontre des ministres du commerce du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique su Sud (BRICS), à la veille d’un sommet du BRICS à New Delhi.

“Oui, la question a été discutée. Tous les membres du BRICS sont membres du Conseil de Sécurité de l’ONU. Nous respectons les résolutions de l’ONU… en même temps, les résolutions de l’ONU n’interdisent à aucun pays de se livrer à du commerce portant sur des produits essentiels et sur ce qui est nécessaire pour le bien des hommes, » a déclaré le ministre du commerce et de l’industrie Anand Sharma qui s’exprimait au cours d’une conférence de presse tenue en commun avec les autres ministres du commerce du BRICS.

Le ministre Chinois du commerce, Chen Deming, a déclaré que son pays n’est “pas obligé de respecter les lois et règlements internes de n’importe quel pays.»

M. Shama a expliqué que l’Iran est une source d’énergie importante, ajoutant que la montée en flèche des prix du pétrole a pesé sur les finances indiennes. « Nous regardons donc les choses de manière très pragmatique et nous restons dans le champ d’application de la résolution de l’ONU.»

L’Inde importe 12 % de son pétrole d’Iran tandis que la Chine dépend du brut iranien à hauteur de 20 % de ses besoins.

M. Deming a dit que la hausse des prix du pétrole “affecterait négativement” le BRICS ainsi que l’économie mondiale.

Les Etats Unis et les principaux pays européens ont imposé des sanctions à l’économie iranienne en raison du programme nucléaire de Téhéran.

L’Europe en guerre contre l’Iran

26 janvier 2012

J’ignore si Pepe Escobar est le meilleur analyste de la situation géopolitique en Asie et dans le Pipelineistan mondial, mais ce qui est sûr, c’est que ses papiers sont souvent intéressants.

Pepe Escobar prend en effet de la distance, dans l’espace, c’est—dire qu’il cherche à comprendre comment les faits s’imbriquent au niveau mondial, et dans le temps en s’intéressant aux effets et évolutions à moyen et long terme. Une compréhension qui ne peut se faire qu’en prenant en compte aussi le passé.

Pepe Escobar ne nous parle guère d’idéologies quand il traite des évolutions stratégiques ; démocratie, droits de l’homme, dictature… Tout cela est bel et bien bien et intéressant mais, comme le disait Karl Marx en son temps, en dernière instance ce sont les rapports de production qui sont déterminants. Ces rapports définissent de fait un système de production dont le fonctionnement concret dépend aussi de l’évolution des techniques, celles là même qu’il génère et promeut, et de conditions bassement matérielles que sont la disponibilité de matières premières dont le gaz et surtout le pétrole  qui servent à nourrir le système en énergie.

Ces matières premières énergétiques sont la clef de la puissance, soit qu’on les possède, soit qu’on les contrôle. En fait, c’est ce dernier aspect qui est de loin le plus décisif et, ainsi que nous l’explique Pepe Escobar, les Etats Unis et l’Occident confrontés à la montée de nouvelles puissances de rang mondial, ont entrepris patiemment de s’adjuger, de gré ou de force, non pas l’accès à ce pétrole et à ce gaz mais son contrôle pour disposer d’un atout absolument décisif pour le maintien de leur hégémonie.

C’est ce qui s’est joué en Libye, ce qui se joue maintenant en Iran et les évènements de Syrie s’inscrivent, que les Syriens le veuillent ou non, dans ce contexte.

 

L’Europe en guerre avec l’Iran

par Pepe Escobar, Asia Times 25 janvier 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Personne n’a jamais perdu d’argent en pariant sur la stupidité des politiciens de l’Union Européenne (UE).  Et si vous êtes trader de pétrole, réjouissez-vous en vous rendant à la banque ; comme prévu, les ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne – emboitant docilement le pas de l’administration Obama – ont donné leur feu vert à un embargo complet sur le pétrole iranien.

 

L’embargo s’applique non seulement aux nouveaux contrats, mais aussi aux contrats en cours – qui seront annulés le 1er juillet – et comprend des sanctions additionnelles qui visent la banque centrale iranienne et les exportations de dérivés pétroliers vers l’UE.

Il est toujours très important de rappeler que l’embargo – une déclaration de guerre économique de facto – a été proposé avec force d’abord par le « libérateur » néo-napoléonien de la Libye, le président Français Nicolas Sarkozy. L’excuse officielle pour cette guerre économique sont « les inquiétudes de plus en plus grandes quant au programme nucléaire iranien. »

 

Les avertissements de Moscou, enjoignant l’UE de cesser d’agir une fois encore comme un simple pion en se tirer elle-même une balle dans le pied. Les Russes savent tout ce qu’il y a à savoir sur les horribles effets en retour que pourrait avoir cet embargo.

 

L’UE défend sa stratégie – ou sa guerre économique – comme étant la seule manière d’éviter le «chaos au Moyen Orient». Pourtant, la guerre économique pourrait bien finir par allumer l’étincelle de la guerre ouverte qu’elle cherche en théorie à éviter, c’est-à-dire de tout un ensemble de conséquences inattendues qu’elle porte en elle.

 

Ce qui nous emmène tout directement au drame du détroit d’Ormuz. Téhéran a à maintes reprises affirmé qu’elle fermerait Ormuz seulement si – et il faut le répéter – l’Iran est empêchée d’exporter son pétrole. Ce qui représenterait un coup mortel contre son économie – entièrement dépendante des exportations pétrolières – sans parler de son régime contrôlé par le Guide Suprême, l’ayatollah Ali Khamenei Le changement de régime est le véritable agenda de Washington et de ses caniches européens (voir Le mythe d’un ‘Iran isolé’, Asia Times Online, 19 janvier – mais on ne peut pas le dire clairement à l’opinion publique internationale.

 

Les traces de mes larmes

 

Sur les cinq plus gros importateurs de pétrole iranien quatre se trouvent en Asie; deux sont membres du BRICS (l’Inde et la Chine), plus les allies des USA que sont la Corée du Sud et le Japon. On peut affirmer sans se tromper que tous ces importateurs devraient vivement reprocher aux Américains/Européens leurs provocations (en fait certains le font déjà) si l’Iran envisageait de bloquer le détroit d’Ormuz, où y activait des mines.

 

L’UE importe pour sa part environ 600 000 barils de pétrole iranien par jour, soit 25 % des exportations quotidiennes de l’Iran. Le plus gros importateur est l’Italie. D’autres gros clients sont l’Espagne et la Grèce. Tous ces pays du Club Med, c’est un euphémisme, sont actuellement enfoncés dans de profondes difficultés économiques.

L’UE insiste pour broder sur sa soi-disant “double approche” sur l’Iran. Dépouillée de son vernis propagandiste, la double approche se résume en pratique à « taisez-vous, pliez devant nos sanctions, cessez d’enrichir de l’uranium et venez négocier selon nos conditions. »

 

Alors quand la chef de la diplomatie européenne – la prodigieusement insignifiante Catherine Ashton – pérore sur la « validité de la double approche, » les diplomates sérieux dans tout le monde en voie de développement ne peur l’interpréter que pour ce qu’elle est ; une blague qui n’est pas exactement de nature à inciter l’Iran à renouer les négociations avec le groupe de contact sur l’Iran (les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité plus l’Allemagne).

Pendant ce temps, le maître des caniches européens – l’administration Obama – exerce toutes sortes de pressions sur les puissances asiatiques pour qu’elles arrêtent d’acheter du pétrole iranien. On peut rêver. Pour tous ces pays – y compris le Japon et la Corée du Sud – les affaires vont continuer normalement ; ils ont besoi du pétrole iranien encore plus que l’Occident.

Même BP – pollueur notoire du Golfe du Mexique – a demandé à l’administration Obama d’être exemptée des sanctions. Une demande qui a tout ç voir avec un chapitre essentiel du Pipelineistan – le développement de l’immense champ gazier de Shah Deniz II en Azerbaïdjan.

L’Europe ne peut en aucune façon bénéficier du gaz de la mer caspienne sans un investissement énorme de 22 milliards de dollars pour développer Shah Deniz II dont 10 % des parts sont détenues par l’Iran. Shah Deniz II serait essentiel pour alimenter le pipeline Nabucco, si jamais il voit le jour. Nabucco contourne l’’allié stratégique de l’Iran qu’est la Russie –  il se trouve que cette dernière garde la mainmise sur l’approvisionnement en gaz de l’Europe, ce dont les Européens se plaignent constamment à Bruxelles.

 

Si l’Iran le bloque, l’affaire est enterrée Nous avons donc une situation post-surréaliste du géant pétrolier britannique – avec BP implorant pour que les USA la dispensent de sanctions parce que la sécurité énergétique de l’Europe serait fragilisée. La Grande Bretagne qui se trouve aussi être un ennemi implacable u régime de Téhéran s’en remet cependant toujours à l’Iran pour «sauver» l’Europe des griffes de Gazprom.  Un imbroglio total.

La City ne dort jamais

Le but du jeu en Iran sera toujours un changement de régime parce que ce que le rêve qui fait remuer la queue de Washington et de ses caniches européens est de mettre la main sur les fabuleuses réserves pétrolières (12,7 % des réserves mondiales) et sur les ressources en gaz de l’Iran.  Et le fait est que ces ressources profitent de plus en plus au réseau qui vise à assurer la sécurité énergétique de l’Asie – et non à l’Occident.

Les énormes gisements d’Azadegan Nord et Sud – 23 milliards de barils – sont exploités par – qui d’autre? – la Chine et sont tous deux développés par la China National Petroleum Corporation qui prévoit d’investir 8,4 milliards de dollars dans les dix années à venir. Même chose pour le gisement de Yadavaran qui est développé par la China Petroleum & Chemical Corporation et qui dans quatre ans produira près de 200 000 barils par jour. Et tout ça, en omettant de seulement mentionner le plus grand gisement gazier au monde – South Pars dont l’Iran possède une grande partie au côté du Qatar.

Et puis il y a le front crucial du pétrodollar. Dominique Strauss-Kahn (DSK), , peu avant sa démission force du poste de directeur général du Fonds Monétaire International à cause d’un scandale sexuel, insistait pour mettre un terme au rôle du dollar US en tant que monnaie de réserve internationale, proposant de le remplacer par les Droits de Tirage Spéciaux (DTS), la monnaie virtuelle du FMI à partir d’un panier qui inclut le dollar US, l’euro, le yen, le yuan et la livre sterling.

Ce qui est déjà en train de se produire, par d’autres moyens. Pour la gouverne de celui qui somnole à la barre de l’axe Washington/Bruxelles, la Chine et l’Inde contournent déjà les sanctions euro-américaines contre l’Iran.

Trois membres du BRICS (la Chine, l’inde et la Russie) plus le Japon et l’Iran – un puissant mix des plus grands producteurs et consommateurs mondiaux d’énergie – sont déjà en train de commercer, ou sur le point de le faire, dans leurs propres monnaies. La Russie et l’Iran viennent de commencer à commercer en roubles et en rials. Toutes ces puissances ont des accords bilatéraux – qui vont inexorablement évoluer vers la multilatéralité; ce qui se traduit par un lent déclin du dollar en tant que monnaie de réserve au niveau mondial, avec les répercussions sismiques que cela implique.

C’est comme si un monde stupéfait était en train de regarder un rituel d’hara-kiri exécuté auralenti par l’Occident sous la domination de Washington.

Il y a aussi le fruit prometteur en cette année du Dragon pie – les bourses monétaires internationales libellées en yuan à la City de Londres. Pékin le veut – et la City le veut aussi. Téhéran vend déjà du pétrole à pékin en yuan. Pensez à l’Iran se servant de la bourse monétaire de Londres pour utiliser ses yuans et ainsi continuer à accéder aux marchés mondiaux – peu importerait alors l’avalanche des sanctions ou l’embargo par l’US/USA.

 A l’évidence, les acteurs de la City sont conscients que bourse de « libre échange » en yuan à Londres peut jouer à l’avantage de l’Iran ; mais à la différence de ces imbéciles de Bruxelles, les filous de la City savent que les affaires sont les affaires.


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