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L’incursion de l’armée turque en Syrie, un témoignage des bonnes relations de la Turquie avec l’Etat Islamique (Daesh)

22 février 2015

La presse se fait l’écho de la récente opération de l’armée turque pour évacuer des soldats qui se retrouvaient encerclés par l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL, Daesh) dans le mausolée où est inhumé un ancien chef militaire seldjoukide, grand-père du fondateur de la dynastie ottomane.

L'armé turque a démoli le mausolée après avoir retiré la dépouille de Süleyman Chah

L’armée turque a démoli le mausolée après avoir retiré la dépouille de Süleyman Chah

Ce qui est étonnant, et que la presse ne semble pas relever, c’est que les forces turques aient pu pénétrer en plein territoire contrôlé par l’EIIL sans rencontrer aucune opposition.

On dira que le déploiement de forces était plutôt dissuasif ; plus de 80 véhicules blindés en tout et près de 700 soldats.

Mais cette dissuasion était-elle vraiment destinée à calmer les ardeurs des miliciens de l’EIIL ?

Non, si on en croit Elijah Magnier, cité dans l’article ci-dessous par le blogueur Moon of Alabama, Pour Magnier, l’entrée de l’armée turque s’est faite avec le plein accord de l’EIIL qui a laissé libre passage, Le convoi turc est d’ailleurs passé par un poste frontière tenu par les miliciens de Daesh dont le drapeau flottait tout à fait « normalement ».

NB : Elijah Magnier est le correspondant de guerre du journal jordanien Al RAI.

Alors qui était visé par ce déploiement de force ?

La réponse se trouve dans la nature des équipements mis en œuvre par l’armée turque avec en particulier la mobilisation d’avions radars dont le rôle est de détecter la présence d’aéronefs hostiles et de guider les avions amis sur un théâtre de combat aérien.

La seule force hostile qui aurait pu déployer des aéronefs, avions ou hélicoptères, est bien entendu l’armée syrienne, pas Daesh.

Quel prix la Turquie a-t-elle dû payer pour libérer les otages de l’Etat Islamique au mausolée du Chah ?

Moon of Alabama 22 février 2015 traduit de l’anglais par Djazaïri

La nuit dernière, environ 700 soldats turcs lourdement armés ont pénétré en Syrie et ont évacué quelque 40 de leurs camarades. Ces derniers veillaient sur la tombe de Süleyman Chah, un chef militaire de l’émir seldjoukide du 12ème siècle.

Situation du mausolée de Süleyman Chah

Situation du mausolée de Süleyman Chah

L’emplacement de la tombe était considéré comme une enclave turque depuis un accord passé en 1921 avec l’administration coloniale française du Levant :

Pendant l’opération qui a été lancée dans la nuit du 21 février, des avions radars (AWACS), des hélicoptères militaires et des drones étaient mobilisés tandis que 39 tanks et 57 véhicules blindés traversaient la frontière avec des équipes de soutien des forces spéciales turques. Les vidéos en direct ainsi que d’autres informations obtenues sur place étaient traitées dans une salle d’opérations au siège de l’état-major.

Sans avoir à s’engager dans des combats, les troupes turques ont quitté la Syrie dans la matinée du 22 février après avoir fait exploser le mausolée pour éviter qu’il serve de base aux militants de l’EIIL.

Davutoğlu a annoncé dans une série de tweets le 22 février que le contenu du mausolée avait été « temporairement » emmené en Turquie et que l’armée turque « prenait le contrôle d’une zone dans la région d’Ashma en Syrie, en hissant nos couleurs, où Süleyman Chah sera transféré plus tard. »

Alors, la Turquie veut voler plus de territoire syrien près de sa frontière pour y déposer les restes du Chah. Pourquoi devrait-ce être considéré comme quelque chose de légal ?

Mais revenons aux raisons de l’évacuation. Les soldats chargés de la tombe, à seulement 40 kilomètres de la frontière turque, étaient encerclés par des combattants de l’Etat Islamique. En temps normal, la garde était relevée touts les trois ou quatre semaines, mais les soldats turcs qui viennent d’être évacués étaient sur place depuis 11 mois. Ils étaient en pratique des otages de l’Etat Islamique. Alors pourquoi l’Etat Islamique les a-t-il laissés partir ?

Il est très peu probable que l’opération turque n’ait pas été connue de l’Etat Islamique. La Turquie a mis en œuvre près de 100 véhicules blindés. Avec des combattants de l’Etat Islamique présents dans tout le sud de la Turquie, la concentration de cette force près de la frontière ne sera pas passée inaperçue. Deux jours auparavant, la Turquie avait informé de l’opération le YPG kurde qui combat l’Etat Islamique dans le secteur. Quand les troupes sont entrées en Syrie, elles ont été filmées passant près d’un grand drapeau de l’Etat Islamique au poste frontière.

L’Etat Islamique n’aime pas les tombeaux. Il a démoli des centaines de tombeaux historiques dans les zones qu’il contrôle en Syrie et en Irak. Il n’a pas touché à la tombe de Süleyman Chah mais a gardé les troupes qui la surveillaient sous son contrôle. L’Etat Islamique devait savoir que les Turcs venaient pour évacuer les soldats et la dépouille mais il n’a rien fait pour s’y opposer, Comment est-ce possible ?

Comme l’observe Elijah Magnier (correspondant de guerre d’ Al Raï, journal jordanien)

Nous pouvons l’affirmer avec force : L’organisation « Etat Islamique » a autorisé une armée membre de l’OTAN à entrer dans son territoire et lui a donné libre passage.

En effet. Ce qui m’amène à cette question :

Qu’est-ce que la Turquie a donné à l’Etat Islamique pour obtenir la libération des otages du mausolée de Süleyman Chah sans avoir à livrer un seul combat ?

La Turquie a déjà un accord de libre échange et des facilités bilatérales pour les touristes [les touristes sont les « djihadistes » NdT]  avec l’Etat Islamique. Une entente a dû se faire sur quelque chose d’autre et de plus précieux pour l’Etat Islamique en échange du retour des otages. Ques-ce que c’est ?

Les Etats Unis veulent coopérer avec la Turquie pour entraîner des combattants syriens à affronter l’Etat Islamique. Il serait assez important d’avoir une réponse à la question précédente avant de continuer à explorer cette voie.

Islamo-fascisme et responsabilités de l’Islam de France: aux sources de la « pensée » de Manuel Valls

17 février 2015

Les attentats de Paris, la marche « républicaine » du 11 janvier, les tout récents attentats de Copenhague et enfin la profanation d’un cimetière juif en Alsace mettent au centre du débat politique français les questions de l’Islam et de l’antisémitisme.

Peu importe si la profanation du cimetière juif est probablement plus le fait d’adolescents désoeuvrés qui s’approprient ainsi un territoire sinon ignoré d’eux et des camarades du même âge, et surtout si ces sales gosses ne sont pas musulmans.

Le président Hollande qui s’est déplacé pour faire part de son indignation devant cette profanation n’a curieusement pas insisté sur la nécessité de renforcer l’éducation à la laïcité. Il est vrai qu’un tel propos aurait été plutôt mal venu dans un département où le régime de la laïcité ne s’applique pas sauf pour la religion musulmane!

De toute façon, cet incident effectivement déplorable  sera exploité jusqu’à la corde et finira par abonder le discours sur les Musulmans et le nouvel antisémitisme, une thématique en quelque sorte théorisée par le premier ministre Manuel Valls sous l’appellation d’islamo-fascisme .

On voit bien l’intérêt de cette notion d’islamo-fascisme qui renvoie à une menace de nature non seulement sécuritaire mais politique pour la démocratie française et même européenne et justifie un rassemblement de tous ceux qui veulent protéger les libertés publiques. Un autre avantage de cette notion est qu’elle fait le lien avec ceux qui, en terre d’Islam, l’utilisent pour populariser et faire comprendre en Occident leur combat contre les mouvements politiques islamistes.

Ces confusions sont dangereuses parce qu’elles ne font finalement que convoquer à chaque fois l’imaginaire politique occidental et interdisent l’analyse concrète des réalités politiques des pays concernés.

Je fais partie des gens qui estiment qu’on ne doit pas dire n’importe quoi au prétexte que tel ou tel argument sert la cause à laquelle on adhère. C’est ce qu’on appelle de la propagande et je la laisse à ceux qui ont un avantage à en tirer. Je considère notamment qu’on n’a pas besoin de qualifier de manière erronée l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL – Daesh) ou al Qaïda de mouvements fascistes (islamo-fascistes) pour rejeter leurs thèses et leurs procédés.

Si on en revient à ce terme d’islamo-fascisme, il faut bien garder en mémoire son origine dans les milieux néo-conservateurs américains et sa reprise par leurs homologues européens tels Bernard-Botul-Henri Lévy, Caroline Fourest ou Geert Wilders.

La nouveauté, c’est que le terme est aujourd’hui repris par le premier ministre d’un gouvernement français réputé de gauche, ce qui est un signe à la fois d’un grave déficit de culture historique et politique chez Manuel Valls et de l’adhésion de ce dernier à la vision néo-conservatrice de l’Islam et des Musulmans.

Mme Valls n'a probablement aucune influence sur son choix de costumes et de cravates

Mme Valls n’a probablement aucune influence sur son choix de costumes et de cravates. malheureusement.

Le premier ministre ne s’est par ailleurs pas borné à appeler à la lutte « dans l’unité » contre l’islamo-fascisme puisque dans cette unité, il met cependant à part les Musulmans : «

Il faut une rupture. Il faut que l’islam de France assume, prenne totalement ses responsabilités», a réclamé le premier ministre. «C’est ce que demande d’ailleurs l’immense majorité de nos compatriotes musulmans qui n’en peuvent plus d’être confondus avec cette terreur», a-t-il conclu.

Les choses sont dites : dans la France qui ne connaît pas de communauté, les Musulmans doivent prendre leurs responsabilités en tant que tels (il est en outre question d’un Islam « de France » ).

Nous avons là aussi un mécanisme de pensée, en contradiction avec la laïcité, élaboré par les néo conservateurs qui semblent décidément plus inspirer Manuel Valls que Louis Blanc ou Jean Jaurès,

La doctrine d’action qu’on devine chez Manuel Valls est clairement exposée par David P. Goldman, un spécialiste de la finance (et de musicologie) mais aussi essayiste néo-conservateur influent aux Etats Unis. Comme tous les néo conservateurs, croyants ou non, David P. Goldman inscrit sa réflexion dans une perspective « judéo-chrétienne », juive en réalité mais l’oxymore du judéo-christianisme est un passe-partout idéologique efficace. Comme un certain nombre d’intellectuels néo-conservateurs, David P. Goldman a fait un passage par l’extrême gauche avant de s’orienter vers l’extrême droite.

David P. Goldman: virer Obama améliorera l'économie

David P. Goldman: virer Obama améliorera l’économie

Je doute que Manuel Valls adhère à la radicalité de ce qui est proposé mais il est clair qu’il en assume l’esprit.

Il est par contre certain que le chef du gouvernement « socialiste » s’en inspire consciemment.

Beaucoup trop « d’hommes les plus recherchés »

par David P. Goldman, PJ Media (USA)15 février 2015 traduit de l’anglais par Djazaïri

Les autorités danoises affirment avoir arrêté l’auteur des coups de feu à la synagogue de Copenhague ; son nom n’a pas encore été divulgué [c’est fait depuis], mais c’était une personne « connue des services de sécurité, » rapporte Der Spiegel ce matin. Les Danois ont refusé de donner plus d’informations. Nous avons probablement une répétition du modèle parisien : des terroristes que les services de sécurité surveillaient et qu’ils utilisaient peut-être comme informateurs sont soudain passés à l’action et ont commis des atrocités.

Il semble que les méthodes employée par les services de sécurité européens pour contrôler les djihadistes soient tombées en panne. Quelque 8 000 ressortissants français combattent pour l’Etat Islamique en Irak et au levant (EIIL, Daesh) ou dans d’autres organisations djihadistes, selon une estimation du gouvernement français. Après quelques centaines de milliers de morts en Syrie et en Irak et la désintégration de la Libye et du Yémen, un très grand nombre de jeunes Musulmans sont prêts à sacrifier leurs vies.

Les services de sécurité contrôlent les terroristes potentiels en exerçant un chantage sur de petits délinquants qui évoluent à la frange des organisations djihadistes pour en faire des informateurs. Comme il y a un large chevauchement entre le milieu criminel musulman et les organisations terroristes, cette stratégie a été efficace ces quinze dernières années. Le roman de John Le Carré et le film de Philip Seymour Hoffman qui en a été tiré « Un homme très recherché » décrit assez bien cette approche.

Peu de jeunes Musulmans plongent directement dans la violence : ils rejoignent des bandes, ils fréquentent des mosquées radicales, ils fréquentent des salons de discussion (chat rooms) djihadistes sur internet, se signalant ainsi aux autorités.

Les services de sécurité les menacent de la prison, d’expulser des membres de leurs familles et ainsi de suite pour les contraindre à coopérer. Cette approche marche jusqu’à un certain point, c’est-à-dire quand le sujet sous surveillance cesse de tenir compte des conséquences [de ses actions]. Comme John Schindler l’avait observé dans le blog XX Committee, il n’y a pas eu un « échec du renseignement » à Paris : le problème était que les services de sécurité étaient débordés. Un officiel d’un service de sécurité européen qui s’exprime sous un pseudonyme a fait la même observation récemment sur Asia Times Online.

La leçon de Copenhague est la même que celle de Paris : la fragile paix civile que les gouvernements européens ont maintenue avec leurs communautés immigrées musulmanes nécessite une révision fondamentale. Par le passé, les services de sécurité européens ont laissé les djihadistes monter en pression tout en éliminant discrètement les tueurs potentiels. Cette approche a échoué. L’alternative consiste à serrer la vis aux communautés musulmanes. J’ai ainsi soutenu le mois dernier sur Asia Times :

Les moyens par lesquels la France, ou n’importe quelle autre nation, pourrait défaire les terroristes sont évidents : contraindre la majorité des Musulmans français à se tourner contre les terroristes, les autorités françaises devant les amener à craindre l’Etat français plus qu’ils ne craignent les terroristes.

C’est un sale boulot qui  nécessite de nombreuses expulsions, de retraits de la nationalité française et d’autres menaces qui toucheront inévitablement beaucoup d’individus qui n’ont aucun lien direct avec le terrorisme. A court terme, ça pourrait conduire à plus de radicalisation. Tout le projet de l’intégration comme antidote à l’extrémisme tomberait à l’eau. Ce serait une fort coûteux mais, au bout du compte, il réussirait : la plupart des Musulmans français veulent simplement rester en France et gagner leur vie.

Il ne suffit plus de patrouiller au bord du marécage et de tuer les moustiques avec un chasse-mouches. Il n’y a pas d’autre alternative que l’assèchement du marécage.

L’opposition syrienne achète son lait en Libye et ses armes… où ça au fait?

1 novembre 2013

On savait que de prétendus «djihadistes» sont venus de divers pays d’Europe pour faire le coup de feu en Syrie et participer ainsi à la tentative de renverser le pouvoir de Bachar al-Assad.

On n’avait par contre pour l’instant eu aucune information sur l’organisation non étatique en Europe d’un trafic d’armes  à destination de ceux qui combattent l’armée gouvernementale.

Eh bien c’est chose faite et ce n’est personne d’autre qu’un imam dont le rôle a été mis en évidence.

Cet imam est un Suédois d’origine syrienne et n’est nullement un marginal mais quelqu’un qui a pignon sur rue dans son pays d’adoption.

Et l’organisation qui a servi de paravent à ses opérations d’achat et de transfert d’armes est une association à but humanitaire, la Commission pour la Protection des Civils.

Le plus beau est que ces opérations de type militaire conduites à partir du sol d’un pays européen, membre de l’UE, n’avaient pas de caractère vraiment secret, ainsi que l’observe un spécialiste de ces questions.

On notera la défense plutôt molle de l’actuel président de cette association qui prétend que son organisation n’a pas acheté d’armes en Libye mais du… lait.

C’est normal, la production de lait en Libye s’élevait à 224 000 tonnes en 2009 (dont près de 30 % de lait de brebis) contre 2 974 000 tonnes pour la Suède (100 % lait de vache).

Production mondiale de lait

Production mondiale de lait

On note une fois de plus le sens logique remarquable qui caractérise les prétendus rebelles en Syrie.

Un imam Suédois achemine clandestinement des armes en Syrie

The Local (Suède) 31 octobre 2013

Un imam Suédois a acheminé clandestinement de grandes quantités d’armes destinées aux rebelles en Syrie, un délit passible de quatre ans de prison.

Des sources ont déclaré à Sveriges Radio (SR) que l’homme d’origine syrienne était l’un des principaux fournisseurs d’armes ses rebelles et qu’il livrait des armes depuis 18 mois dans ce pays déchiré par la guerre civile.

Selon SR, le fournisseur d’armes présumé qui se nomme Haytham Rahmeh aurait acheté des armes principalement en Libye, mais aurait aussi fait des achats en Bosnie-Herzégovine. Les armes ont ensuite été transportés à travers la Turquie puis livrées aux rebelles en Syrie.

Haytham Rahmeh est membre du Conseil National Syrien

Haytham Rahmeh est membre du Conseil National Syrien

Raphaël Lefèvre, un chercheur de l’Université de Cambridge qui a interviewé Rahmeh, a déclaré sur SR que Rahmeh a été souvent vu auprès de l’opposition syrienne et ne s’est pas caché d’envoyer des armes aux rebelles via une organisation appelée Commission pour la Protection des Civils.

« L’envoi d’armes en Syrie par cette organisation n’est pas un secret », a dit Lefèvre sur SR.

Rahmeh a officié pendant plusieurs années en tant qu’imam à la mosquée de Stockholm qui se trouve près de Medborgarplatsen, en centre ville. Il a aussi été président le l’organisation européenne des imams avant de tourner son attention vers l’assistance aux rebelles Syriens.

Thomas Tjäder, un expert en matière de sécurité à l’Agence Suédoise pour la Non Prolifération et le Contrôle des Exportations (Inspektionen för strategiska produkter – ISP) a expliqué que la contrebande d’armes en Syrie était une infraction à la réglementation suédoise sur le contrôle des armes et était passible d’une peine pouvant aller jusqu’à quatre ans de prison.

La loi s’applique à tous les citoyens Suédois ainsi qu’aux étrangers en séjour régulier, que les armes aient transité par la Suède ou pas, a déclaré Tjäder sur SR. L’embargo de l’Union Européenne sur les armes pour la Syrie implique de veiller à son application au niveau des Etats, a-t-il expliqué, voulant dire ainsi que c’était à la Suède d’enquêter sur d’éventuelles infractions.

Nazir Hakim, président de la Commission pour la Protection des Civils a confirmé que Rahmeh avait collecté des fonds pour l’organisation et qu’une partie de l’argent avait servi à acheter des armes. Il a cependant affirmé que les armes avaient été achetées en Syrie et non importées de Libye.

«Nous avons acheté deux cargaisons de lait en Libye» a-t-il dit sur SR.

SR a cependant cité plusieurs sources qui affirment que l’organisation a importé des armes de Libye.

La route de la Turquie reste ouverte pour ceux qui veulent combattre en Syrie

31 octobre 2013

L’article que je vous propose évoque le transit par la Turquie de combattants qu’on qualifie de «djihadistes» et qui veulent rejoindre les milices qui combattent le régime syrien.

Ce que montre l’article, c’est que ce transit est organisé avec des hommes qui assurent l’acheminement et le contrôle des futures recrues, pour détecter la présence d’espions éventuels, s’appuyant pour cela sur tout un réseau de planques en Turquie, notamment le long de la frontière syro-turque.

L’article n’affirme pas que le gouvernement turc participe à cet acheminement de combattants étrangers, mais suggère qu’il ferme au minimum les yeux.

On retiendra les pauvres arguments de la police turque pour justifier son incapacité à endiguer l’entrée en Syrie de voyageurs à qui on ne peut rien reprocher du fait que leurs papiers sont en règle!

Ce qui est certain par contre, c’est que les autorités turques ont perdu le contrôle d’un phénomène qu’elles ont tout fait au départ pour encourager.

Et que certaines agglomérations du sud-est du pays sont désormais sous le contrôles des milices djihadistes de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Comme je l’écrivais tantôt, des lendemains douloureux attendent le gouvernement turc quand la crise syrienne sera terminée (et peut-être même avant) et ce, quelle que soit l’issue de cette crise, que Bachar al-Assad reste en place ou pas.

Les recrues d’al Qaïda pénètrent en Syrie à partir de leurs planques en Turquie

Des djihadistes étrangers – dont des Britanniques – affluent en Syrie pour rejoindre al Qaïda à partir de planques en Turquie

par Ruth Sherlock, The Daily Telegraph (UK) 31 octobre 2013

Des centaines de recrues d’Al-Qaïda sont accueillies dans des centres d’hébergement dans le sud de la Turquie, avant d’être transférées clandestinement vers la frontière pour mener le « djihad » en Syrie, a appris le Daily Telegraph.

syria rebels

Le réseau de planques permet à un flux régulier de combattants étrangers – dont des britanniques et des Australiens – de participer à la guerre civile en Syrie, selon plusieurs personnes impliquées dans le dispositif.

Ces djihadistes étrangers ont largement éclipsé l’aile «modérée» des rebelles de l’Armée Syrienne Libre (ASL) qui a le soutien de l’Occident. La capacité d’al Qaïda à utiliser le territoire turc va soulever des interrogations sur le rôle que joue ce pays membre de l’OTAN dans la guerre civile en Syrie.

La Turquie soutient les rebelles depuis le début – et on supposait que son gouvernement partageait les préoccupations occidentales au sujet d’al Qaïda. Mais des spécialistes disent qu’on craint de plus en plus le risque que la Turquie puisse avoir perdu le contrôle des mouvements des nouvelles recrues d’al Qaïda – voire même qu’elle ferme les yeux.

«Chaque jour arrivent des moudjahidine de toutes nationalités,» déclare Abu Abdulrahma, un bénévole Jordanien qui supervise le flux de combattants étrangers. Il gère un réseau de centres d’accueil dans le sud de la Turquie pour les volontaires qui souhaitent rejoindre la branche d’al Qaïda en Syrie, connue sous l’appellation d’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Il s’exprimait depuis une planque d’al Qaïda, au moyen du compte Skype d’un intermédiaire tout en étant écouté par des volontaires de plusieurs pays, dont la Grande Bretagne.

Une fois que le volontaire est arrivé en Turquie, il y a des «procédures» avant qu’il puisse rejoindre al Qaïda, explique Abu Abdulrahman: «Si vous voulez entrer [dans al Qaïda], vous devez être un bon musulman. Nous devons enquêter pour être sûrs que vous n’êtes pas un espion. Si vous êtes étranger, quelqu’un de notre réseau doit vous recommander,» dit-il.

Ces planques sont en général des appartements loués sous de faux noms dans des villages proches de la frontière turque avec la Syrie. Les recrues doivent parfois attendre des semaines avant d’être autorisées à franchir la frontière. Les logements sont aussi utilisés comme lieux de repos pour les combattants d’al Qaïda qui reviennent du front syrien.

Il y peut-être 10 000 combattants étrangers en ce moment en Syrie, selon des experts. Certains sont des vétérans endurcis par la guerre en Irak, d’autres sont des jeunes «des bleus du djihad» et une part significative d’entre eux vient de pays occidentaux.

Abu Abdullah, un volontaire Australien, dit être parti pour aller combattre en Syrie parce qu’un «mode de vie occidental est contre l’Islam», Il a aussi été révulsé par les atrocités commises par le régime du président Bachar al-Assad.

« Quand vous voyez des femmes et des enfants – n’importe quel être humain – être abattus ou violés ou tués devant leurs pères et leurs familles, tout simplement parce qu’ils prient Dieu [Allah], vous devez être ému par leur humanité. Le prophète Muhammad a dit que si une partie du corps est blessée, alors le reste du le corps ne peut connaître le repos. Si une seule personne est blessée et si quelque chose va contre l’Islam, nous avons le devoir de réagir.»

Mais Abu Abdullah hésite quand il essaye de se rappeler un passage du Coran [justifiant ses dires, NdT]: «Je suis désolé, je ne suis pas le plus compétent des musulmans. Dieu, pardonne-moi pour cela « , dit-il.

Charles Lister, d’IHS Jane’s, un consultant défense, déclare: «Il existe de fortes présomptions sur le fait que le nombre de djihadistes en Syrie est en augmentation. Si on examine par exemple la nature de la présence de l’EIIL, l’aire géographique de présence des étrangers est en expansion. Ce qui a probablement un rapport avec la facilité avec laquelle les recrues peuvent traverser la frontière.»

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Un autre analyste dit que la Turquie «ferme les yeux» devant le nombre de combattants étrangers qui entrent en Syrie via son territoire, y compris en passant par Antakya, la capitale de la province limitrophe de Hatay. Le résultat, ajoute-t-il, est que les djihadistes sont devenus une épine dans le pied de la Turquie, ayant pris de facto le contrôle de villes et de villages proches de la frontière.

Les officiels Turcs contestent ces affirmations avec véhémence et mettent l’influx de combattants à l’échec de la communauté internationale à mettre fin à la guerre en Syrie. «Nous n’avons jamais été laxistes sur ce problème. Nous ne tolérons pas la présence d’extrémistes et d’éléments terroristes sur notre sol,» déclare un officiel Turc. «Si des djihadistes sont passés [par notre territoire], c’est à notre insu et hors de notre contrôle. La présence d’extrémistes en Syrie est un motif de préoccupation pour la Turquie et d’autres pays – et la raison pour laquelle le nombre de djihadistes en Syrie continue de croître en Syrie tient à l’échec de la communauté internationale à résoudre la crise actuelle.»

Cet officiel appelle les pays étrangers à ne pas «pointer seulement la responsabilité» de la Turquie et à oeuvrer à renforcer la surveillance de leurs citoyens qui pourraient vouloir aller en Syrie: «Sauf si on nous donne des informations sur l’appartenance de ces gens à al Qaïda, à une organisation terroriste, sur quelle base juridique pouvons nous les stopper s’ils voyagent avec un passeport valide?»

La police turque essaye de fermer les planques d’al Qaïda en faisant des descentes dans les appartements où des renseignements ont signalé une présence d’al Qaïda. Et les autorités turques ont commencé à améliorer la qualité des contrôles à la frontière. Mais avec plus de 800 kilomètres de frontières communes entre la Turquie et la Syrie, et avec le grand nombre de djihadistes étrangers qui arrivent dans le pays, les autorités ont été pour l’instant incapables de couper le robinet. Si la police arrête quelqu’un, elle ne peut pas l’incarcérer ni le renvoyer dans son pays d’origine parce qu’il est difficile de prouver qu’il est membre de l’EIIL, jubile un djihadiste.

Dans la ville frontalière de Kilis, à trois heures de route d’Antakya, les djihadistes se sentent suffisamment à l’aise pour siroter le café dans les halls d’hôtels en discutant tranquillement avec leurs collègues. Cette semaine, le Telegraph a discuté avec un membre de l’EIIL dans uns de ces hôtels, Que la Turquie le veuille ou pas, «elle a été très bonne avec nous,» dit en clignant de l’oeil le djihadiste qui souhaite rester anonyme.

Une solution négociée en Syrie signerait l’échec stratégique d’Erdogan

27 décembre 2012

L’actuelle mission de Lakhdar Brahimi à Damas, avant un déplacement à Moscou, où il rejoindra peut-être le vice ministre syrien des affaires étrangères syrien serait un signe fort, selon le journaliste turc Semih Idiz, qu’une solution négociée à la crise syrienne serait en vue.

Semih Idiz

Semih Idiz

Selon Semih Idiz, les gouvernements russe et américain seraient tombés d’accord sur une formule de transition sous la direction de l’actuel chef de l’Etat dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale.

Tous les obstacles ne sont cependant pas levés, que ce soient ceux que représentent les irrédentistes qui ne rêvent que de prendre le pouvoir par la force et de pendre haut et court Bachar al Assad ou celui que représente le positionnement de la Turquie.

Semih Idiz exhorte donc son gouvernement à abandonner sa vision idéologique pour adopter une position pragmatique en phase avec les choix des grandes puissances puisque son pays n’est plus au cœur du jeu diplomatique et n’est pas loin de devenir un partenaire encombrant pour les Etats Unis.

Si le scénario envisagé par Semih Idiz se concrétise, ce serait un grave échec pour la diplomatie de la Turquie qui pourrait être le dindon de la farce.

En effet, après avoir incité et aidé à ravager la Syrie, la Turquie se retrouverait avec un voisin devenu hostile (et il n’y a aucune raison de penser qu’une bonne partie de l’opposition actuelle au régime syrien ne restera pas ou ne deviendra pas hostile à une Turquie qui aura montré son impuissance) après s’être brouillée avec ses voisins irakien et iranien.

Au passage, les Américains ont manœuvré subtilement pour que le gouvernement turc implore la mise en place de batteries antimissiles Patriot qui, sil elles auraient été d’un intérêt limité en cas de conflit ouvert avec la Syrie, seront par contre un atout important pour tout conflit armé d’ampleur qui opposerait les Etats Unis et/ou le régime sioniste à l’Iran.

La Turquie d’Erdogan rêvait de jouer dans la cour des grands, le dénouement de la crise syrienne lui rappellera peut-être son statut de simple pion pour Washington.

La Turquie ne doit pas devenir une force obstructive en Syrie

Par Semih Idiz, Hürriyet (Turquie) 27 décembre 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Quand on examine les dernières tentatives pour une solution à la crise syrienne, il est évident que la mission actuellement effectuée par Lakhdar Brahimi, l’émissaire conjoint de l’ONU et de la Ligue Arabe pour la Syrie, ne peut, de par sa nature même, être du goût d’Ankara. En fait, des sources au ministère des affaires étrangères en on fait savoir assez par des fuites dans la presse pour corroborer cette idée.

Lakhdar Brahimi et le vice ministre syrien des affaires étrangères Faisal Mekdad le 24 décembre à Damas

Lakhdar Brahimi et le vice ministre syrien des affaires étrangères Faisal Mekdad le 24 décembre à Damas

Comme je l’avais observé précédemment dans cette rubrique, Ankara en est venu progressivement, quoique avec réticence, à accepter que des éléments du régime actuel soient incorporés dans tout gouvernement de transition post-Assad. L’idée que Assad lui-même devrait faire partie de toute formule de règlement reste cependant exclue [par Ankara].

D’un autre côté, les informations dans la presse indiquent que la mission actuelle de Brahimi consiste à convaincre les parties syriennes à accepter un plan négocié par les russes et les américains qui prévoit un maintien au pouvoir d’Assad jusque en 2014, à la tête d’un gouvernement  de transition sur une base élargie, même si son mandat ne sera pas renouvelé après cette date.

Le principal aspect ici, n’est pas que ce plan envisage le maintien au pouvoir d’Assad jusqu’en 2014, ce qui est quelque chose d’évidemment difficile à avaler pour les tenants d’une ligne dure dans l’opposition syrienne, ceux qui ont transformé la crise en Syrie en guerre sectaire.

L’aspect principal est que Washington et Moscou se sont mis suffisamment d’accord entre eux pour être en mesure de proposer un plan de règlement commun.

J’ai soutenu en maintes occasions ici que tout règlement de la crise syrienne nécessitera forcément la coopération de ces deux membres permanents du Conseil de Sécurité. La rencontre de Dublin début décembre entre le ministre des affaires étrangères Lavrov et  la Secrétaire d’Etat Clinton avait semblé à l‘époque n’avoir débouché que sur un minimum d’accord sur la Syrie. La mission actuelle de Brahimi indique toutefois qu’on ne savait pas toute l’histoire.

Même si la Russie et les Etats Unis ont des intérêts stratégiques concurrents au Moyen Orient, un fait qui a été visible même pendant la crise syrienne, il existe des inquiétudes communes qui ont contraint finalement ces deux puissances à coopérer. La Russie avait fait valoir dès le début que la Syrie allait devenir un défouloir pour des djihadistes étrangers de toutes appartenances et avait en parie justifié ainsi son appui au régime Assad.

Washington, pour sa part, avait démarré avec une position voisine de celle de la Turquie, en entretenant un discours proche de celui d’Ankara, et avait donc considéré l’opposition syrienne comme une force unie résistant à un dictateur impitoyable et luttant pour la démocratie et les droits de l’homme.

Même si c’est sans aucun doute vrai pour certains éléments de l’opposition, le profil d’une partie des combattants anti-Assad indique clairement que leur objectif final ne peut pas être la démocratie ou les droits de l’homme mais d’une manière ou d’une autre, un régime théocratique sunnite et dictatorial sous la direction des Frères Musulmans.

C’est à l’évidence la raison pour laquelle Washington est intervenu pour élargi la base de l’opposition syrienne, avec l’idée d’isoler les éléments djihadistes, que ces derniers soient basés en Syrie ou ailleurs. Le soutien qu’apporte la Turquie à l’opposition dirigée majoritairement par des sunnites concerne cependant des éléments qui pourraient être considérés comme douteux aussi bien par Moscou que par Washington.

Plus encore, cependant, la mission de Brahimi montre une dois de plus que la Turquie n’est plus au centre des démarches diplomatiques visant à résoudre la crise en Syrie. Au contraire, elle se situe de telle sorte qu’elle pourrait à un moment être considérée comme une force d’obstruction essayant d’empêcher un accord qui ne correspond pas à la façon dont le gouvernement Erdogan voit l’avenir de la Syrie.

Le premier ministre Erdogan et le ministre des affaires étrangères Davutoğlu doivent cependant comprendre que l’avenir de la Syrie ne sera probablement pas modelé selon la vision idéologique qu’ils partagent, mais qu’il sera plus certainement basé sur des facteurs objectifs qui sont le résultat de la coopération entre les puissances incontournables du Conseil de Sécurité.

Washington et Moscou l’ont apparemment compris. Il serait temps qu’Ankara en fasse de même.

L’Algérie partie prenante d’une intervention militaire au Mali?

30 octobre 2012

La crise au Mali donne lieu à de grandes manœuvres diplomatiques qui pourraient déboucher sur une intervention militaire d’Etats membres de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’OTAN en fait qui non seulement assurera la véritable direction des opérations mais en dictera l’objectif politique.

La nature de cet objectif reste mystérieuse car si on peut tomber d’accord pour dire que le Mali doit recouvrer son unité territoriale, il n’est pas du tout sûr qu’il y parvienne avec l’aide des pompiers pyromanes français ou américains.

C’est que la crise au Mali ne concerne pas que la partie nord du pays, elle touche également la partie méridionale qui est aussi la plus peuplée et celle qui donne le ton politiquement.

Avant tout processus de réunification, qu’il se fasse par la voie militaire ou autrement, il importe donc d’engager un processus politique qui permette de définir la relation qu’entretiendront les différentes régions du Mali dans le cadre d’un Etat unitaire.

Parce que si le mouvement touareg a dores et déjà fait savoir qu’il renonçait à une indépendance qui lui a de toute façon immédiatement été confisquée par ceux qui se présentent comme des émules d’al Qaïda, il n’empêche que la réalité sur le terrain montre que si ces « djihadistes » ont un comportement abject, il en va de même de l’armée malienne.

C’est cette réalité dont ne veulent pas tenir compte les autorités des pays occidentaux et que leurs medias tendent à ignorer superbement à la différence d’un Boulkindi COULDIATI qui écrit dans Le Pays, un journal burkinabé.

Le magazine Jeune Afrique parle aussi de ces huit ou neuf civils qui ont été massacrés récemment par l’armée malienne alors qu’ils étaient en chemin vers la Mauritanie.

En langue française, c’est à peu près tout ce que méritent ces pauvres bougres, de simples pasteurs éleveurs qui n’avaient que le tort d’être des Touareg

Il va donc sans dire qu’une intervention militaire serait pour le moins prématurée, si tant est même qu’elle ait une quelconque utilité, et qu’elle risquerait de plonger un peu plus la région dans le chaos.

On dit que Hillary Clinton s’est déplacée à Alger pour persuader le gouvernement algérien de s’ impliquer dans une telle opération militaire.

Incroyable, je lui ai demandé sa main et elle a dit oui!

Elle aurait obtenu ce qu’elle voulait nous dit le journal La Croix selon qui l’armée algérienne, sans intervenir directement, participera à la planification des opérations militaires de reconquête du nord Mali.

Si c’était le cas, ce serait une erreur de plus à mettre à l’actif de la diplomatie algérienne qui n’en finit pas de céder sur des questions qui la regardent pourtant plus que n’importe quel politicien américain ou parisien.

Curieusement, le journal algérien L’Expression nous chante apparemment une chanson très différente sur l’issue des discussions entre Mme Clinton et les autorités d’Alger. on comprend cependant que les Etats Unis attendent de l’Armée nationale Populaire qu’elle agisse en tant que force supplétive des Etats Unis dans la région.

De quoi flatter l’ego national avec un prétendu «axe Alger-Washington» par opposition bien entendu à un axe Paris-Washington.

Un sous-texte qui semble donc confirmer les informations du journal La Croix.

A Alger comme dans d’autres pays arabes, on aime à se bercer d’illusions…

Sarcelles, Strasbourg et la construction du discours islamophobe « légitime »

8 octobre 2012

Les évènements s’enchaînent avec une régularité métronomique.

Qu’on en juge, la prétendue bande annonce d’un film islamophobe puis des caricatures publiées par Charlie Hebdo provoquent, ou servent de prétexte à des manifestations et des troubles dans un certain nombre de pays musulmans, et voilà qu’un micro rassemblement de Musulmans à Paris est cerné par des forces de gendarmerie qui créent facilement le surnombre.

On a là l’amorce du premier débat sur l’Islam en France depuis l’élection présidentielle avec en parallèle l’éclosion d’un œuf couvé depuis un certain temps, la loi antiterroriste co-écrite apparemment par Manuel Valls et Claude Guéant suite aux crimes perpétrés par (ou attribués à) Mohamed Merah à Toulouse et Montauban.

Suit un discours musclé du ministre de l’intérieur lors de l’inauguration d’une mosquée à Strasbourg. Le simple fait que ce type, tout ministre qu’il soit, ait pu tenir les propos qu’il a tenus en ce lieu en dit long sur l’état de déconsidération dans lequel se trouvent les Musulmans en France.

Et en bruit de fond, bien entendu, résonne presque en continu le verbe vénéneux de Marine Le Pen et de Jean-François Copé avec la mise en avant de thématiques chères à toute une frange de nos élites, de droite et parfois de gauche, sur le racisme anti-blanc, qui sont autant d’appels en réalité à la guerre ethnique.  Sous réserve bien sûr que cette guerre soit menée par la police et la gendarmerie au nom des petits blancs privés de pains au chocolat par la faute du Ramadan.

Et maintenant, nous avons le coup de filet sur une prétendue cellule terroriste/djihadiste qui serait l’auteur d’un attentat contre une épicerie casher à Sarcelles en région parisienne en septembre 2012.

Cet attentat avait consisté en la projection d’une grenade (dont rien n’est dit sur la provenance alors que c’est elle qui a permis de remonter aux auteurs) à l’intérieur de ce magasin, n’occasionnant fort heureusement qu’un blessé léger.

Ce qui est absolument frappant, si on en reste à l’individu qui est présenté comme le principal animateur de la présumée cellule terroriste, c’est que les magistrats semblent le connaître par cœur.

En effet :

L’homme « s’était rasé la barbe en arrivant à Strasbourg » – où il séjournait ces derniers jours -, signe d’un prochain « passage à l’acte », [ ??; note de Djazaïri] a indiqué le procureur de Strasbourg Patrick Poirret. Selon ce dernier, Jérémie Louis-Sidney voulait « finir en martyr ».

Et :

Corroborant cette hypothèse, le testament du délinquant a été trouvé après sa mort. Au cours des perquisitions, samedi, « une liste d’associations israélites de la région parisienne » a également été découverte, selon le procureur de Paris.

On ne nous dit rien sur les ressources de ce Jérémie Louis-Sidney qui pourtant avait au moins deux domiciles, un à Cannes et l’autre à Strasbourg et qui faisait donc pas mal de déplacements, sans oublier ceux qui le ramenaient en région parisienne d’où il était originaire.

Tout cela a pourtant un coût.

On n’a, en tout cas pour l’instant, pas parlé d’arsenal digne de ce nom, l’arme la plus redoutable étant le « Smith & Wesson » de calibre 357 que possédait Jérémie Louis-Sidney et dont il a vidé le barillet en tirant sur les agents venus l’arrêter dont l’un n’a dû son salut qu’à son équipement de protection.

Mais il voulait mourir en martyr nous dit-on. Et il ne nous dira certes pas le contraire.

Comme si tous les délinquants qui avaient résisté imprudemment à la police avaient derrière la tête l’idée de mourir en martyr. Peut-être était-ce là l’idée de Jacques Mesrine au fond ?

Ici, on nous refait le coup des jeunes auto-radicalisés comme Mohamed Merah. Mais outre que Merah ne s’était pas auto-radicalisé, ce n’est certainement pas le cas non plus de ces prétendus djihadistes qui étaient d’une certaine manière déjà radicalisés avant leur entrée dans la religion musulmane. Je les suppose plus auto-islamisés qu’auto-radicalisés.

Nous sommes en fait en présence d’une bande de pieds nickelés, en moins drôles il est vrai, capables de commettre des actes dangereux sans doute mais qu’il faudra bien des efforts d’agit-prop pour en faire une «menace de radicaux» comme veut le faire croire le ministère de l’intérieur. Remarquez que le chef de l’Etat n’est pas en reste dans la surenchère à l’alerte terroriste. A croire qu’il y a comme qui dirait une sorte de compétition sur ce sujet.

La menace pour la sécurité des biens et des personnes existe, c’est certain, mais exactement comme avec toutes les bandes de délinquants un peu organisées que la police a pour charge de surveiller et de neutraliser. La cible choisie, toute symbolique qu’on puisse la considérer, a surtout pour caractéristique de se situer dans l’environnement quasi-immédiat des délinquants, signe à la fois d’amateurisme et de bêtise insigne.

Menace sur la sécurité nationale ou les institutions du pays, faut donc quand même pas pousser, fort heureusement.

Ce qui est vraiment significatif dans cette opération, ce ne sont pas les interpellations elles-mêmes, ni la mort d’un des auteurs présumés de l’attentat contre le commerce juif, mais le discours qu’alimente cette action policière.

Et dans l’ensemble du discours sur l’Islam, qui est souvent, mais pas toujours, un discours sur l’islam  «radical» Manuel Valls intervient aujourd’hui avec sa propre partition plus propre à rassembler à gauche que les misérables pains au chocolat de Jean-François Copé :

Opération antiterroriste: Manuel Valls dénonce l’antisémitisme

Pains au chocolat, antisémitisme, terrorisme, à droite, comme à gauche, les Musulmans sont cernés et se retrouvent au centre du débat politique et médiatique, exactement comme le souhaitent la droite et l’extrême droite, il faut bien le dire.

Et la prochaine sommation, qui viendra de la gauche consistera à nous demander de battre collectivement notre coulpe en matière d’antisémitisme et d’admettre que l’antisionisme de nombre d’entre nous n’est qu’un faux nez pour notre profond et ancien antisémitisme que le Dr Valls va entreprendre d’extirper de nos cerveaux.

On aimerait quand même entendre sur ce dossier la voix de Mme Christiane Taubira, la Garde des Sceaux qui est franchement inaudible sur un dossier qui la concerne aussi.

La bataille d’Alep vue par un journaliste irakien

25 septembre 2012

J’espère que personne n’a traduit cet article parce qu’il est long et qu’en ce moment j’ai beaucoup de boulot.

Ghaith Abdul-Ahad est un journaliste Irakien qui a couvert diverses zones de conflit et qui couvre actuellement les affrontements en Syrie.

Il a pu circuler de la frontière turque à Alep, au contact de ceux qui combattent les forces gouvernementales, dont des étrangers de toutes origines.

Certains de ces combattants étrangers sont des idéalistes sans expérience de la guerre, tandis que d’autres se sont aguerris sur d’autres théâtres d’opérations.

On peut bien sûr supposer que des mercenaires ou des membres de forces étrangères se trouvent parmi eux.

Ce qu’on retient aussi de ce long article, c’est qu’à Alep tout du moins, la bataille est perdue pour les milices qui s’opposent à l’armée gouvernementale.

Et que seuls les Syriens doivent être tenus dans l’ignorance de ce fait.

Bien entendu, l’issue de la bataille d’Alep ne signifie pas que la crise en Syrie est en passe d’être résolue car la solution sera forcément politique sur la base de principes acceptés par toutes les parties au conflit.

Et c’est là que l’issue de cette bataille pourrait jouer un rôle important, en influant par exemple sur l’attitude des forces d’opposition et pourquoi pas en induisant une recomposition de ces dernières. La condition étant que l’opposition irréductible au régime cesse d’agir en fonction de ce qu’elle croit être les attentes de ses tuteurs étrangers et que l’hypothèse d’une intervention militaire étrangère soit définitivement écartée.

On verra bien.

Sinon l’article recèle un ou deux morceaux d’anthologie, comme les propos de cet ancien militaire Jordanien d’origine palestinienne qui explique tranquillement que 50 % des problèmes de la Palestine viennent de l’entité sioniste et les 50 % restants du gouvernement syrien qui a « détruit le monde arabe. »

Et ça, c’est quand même fort de café de la part de quelqu’un qui a servi une monarchie qui a longtemps prétendu s’approprier la Cisjordanie, qui est responsable du fameux «Septembre noir» et que, par méfiance, les armées syrienne et égyptienne avaient évité de mettre dans la confidence de leurs projets d’offensive contre l’entité sioniste en octobre 1973.

Des propos qui nous donnent une idée du genre de cinglés auxquels et confronté le gouvernement syrien.

Syrie : les combattants étrangers qui rejoignent la guerre contre Bachar al-Assad

Des vétérans du djihad en Irak, au Yémen et en Afghanistan rejoignent des idéalistes étrangers inexpérimentés sur la ligne de front à Alep

Par Ghaith Abdul-Ahad The Guardian (UK), 23 septembre 2012

‘’Soldats! Soldats! ‘’L’homme avait craché son avertissement tout en courant, deux balles d’un tireur d’élite de l’armée gouvernementale soulevaient la poussière du chemin de terre derrière lui.

C’était suffisant pour Abou Omar al-Tchétchène. Son groupe hétéroclite de combattants étrangers, connu sous le nom de «frères Muhadjiroun », était tapi à l’entrée d’un immeuble incendié dans le quartier de l’université d’Alep. L’un des frères – un Turc – gisait sans vie au coin de la rue et un deuxième frère se trouvait à côté de lui, grièvement blessé et incapable de bouger. Le tireur d’élite les empêchait de se porter à son secours.

Abu Omar donna un ordre en arabe, aussitôt traduit dans un murmure de langues différentes – tchétchène, tadjik, turc, français, dialecte saoudien, ourdou – et les hommes se retirèrent en bon ordre en file indienne, se frayant un chemin entre des tas de détritus fumants et de bouteilles plastique tordues en direction d’une maison derrière la ligne de front où d’autres combattants s’étaient rassemblés.

Leur superviseur Syrien restait debout seul dans la rue, tenant deux radios, une qui hurlait en tchétchène et l’autre en arabe. Deux hommes s’étaient portés volontaires pour rester et essayer de ramener le jeune blessé.

Les combattants se sont assis à l’extérieur de la maison à l’ombre des arbres, serrant leurs fusils et discutant de la guerre. Parmi eux se trouvait un Saoudien mince, vêtu d’un T-shirt noir et sale et d’un bonnet de prière, qui conversait dans un anglais parfait avec un Turc assis à côté de lui. Il était arrivé la semaine précédente et était curieux de savoir comment on parlait du djihad à l’étranger.

 «Que disent sur nous les agences de presse étrangères et le monde extérieur ? » avait-il demandé. «Sont-ils au courant des combats à Alep ? Savent-ils que nous sommes ici ?»

Des centaines de combattants étrangers ont afflué en Syrie pour participer à la guerre contre le régime de Bachar al-Assad. Certains sont des idéalistes naïfs animés d’une vision romantique de la révolution ou d’une haine contre les Assads. D’autres sont des djihadistes vétérans d’Irak, du Yémen et d’Afghanistan.

Pour aller faire la guerre dans ces ays, les combattants étrangers devaient franchir des frontières avec de faux passeports et échapper aux services secrets. La ligne de front syrienne est plus facile à atteindre par un vol confortable vers le sud-est de la Turquie puis un passage de la frontière à pied.

Selon le Saoudien, le passage de la Turquie à la petite ville syrienne d’Atmeh a été facile. Là, dans un paysage vallonné parsemé d’oliviers, les recrues ont été réceptionnées par un Syrien qui dirige un camp djihadiste puis organisés en unités de combat. Chaque équipe s’est vue assigner un arabophone et a subi une formation de base de 10 jours, dont l’objectif n’était pas de leur apprendre à tirer, mais d’apprendre à communiquer et à travailler ensemble.

Les combattants ont ensuite été répartis entre les différentes organisations djihadistes, y compris Ahrar al-Sham («les hommes libres de la Syrie») et Jabhat al-Nusra («le Front de l’aide du peuple du Levant»). Certains, comme les Tchétchènes Abou Omar, ont été autorisés à former leurs propres unités et simplement désignés comme les Muhajiroun, ou «immigrés». Les Syriens se référer aux étrangers sous l’appellation collective de « frères turcs ».

L’hétérogénéité  de la capacité au combat chez ces hommes était une évidence immédiate. Les Tchétchènes étaient plus âgés, plus grands, plus costauds et portait des bottes de randonnée et des pantalons de combat. Ils portaient leurs armes avec confiance et se tenaient à l’écart des autres, fonctionnant comme un unité soudée à l’intérieur d’une unité plus large. Un des Turcs était un ancien soldat qui portait sangle et équipement de style occidental, tandis que les trois Tadjiks et le Pakistanais étaient à l’évidence des pauvres. Leurs pantalons étaient trop courts, leurs chaussures vieilles et déchirées.

Les hommes étaient aussi secrets, notamment dans leurs relations avec l’Armée Syrienne Libre. Quand les Syriens leur ont demandé d’où ils venaient, un francophone blond a répondu qu’ils étaient Marocains, les Tchétchènes ont dit qu’ils étaient Turcs et les Tadjiks ont dit qu’ils étaient Afghans. Sur les marches d’une école réquisitionnée, derrière fragile barricade de tôle ondulée et un tonneau, un groupe de Libyens était assis et se plaignait du manque de munitions. Ils étaient arrivés la veille et avait déjà perdu l’un des leurs tombé sous le feu d’une mitrailleuse de l’armée syrienne. « C’est une révolution faible, très faible. Nous sommes dans sa deuxième année et ils n’ont toujours pas assez d’armes et de munitions, » se plaignait un des Libyens.

A l’intérieur de l’école, il y avait un Jordanien qui allait souvent sur la ligne de front avec son fusil belge pour lequel il n’avait que onze cartouches. C’était un ancien officier, laïque et bien rasé de l’armés jordanienne [le journaliste déduit du fait qu’il était bien rasé que cet homme était ‘secular’, non pratiquant, non croyant ou laïque selon le contexte,  NdT] qui vivait en Europe de l’Est où in gérait une affaire d’import-export. Il était venu à Alep sans dire à sa femme et à ses enfants où il se rendait.

 «C’est mon devoir, » disait-il. «A l’origine, je suis de Palestine. Je sais ce que ce régime [syrien] a fait aux Palestiniens, bombarder des camps au Liban, assassiner des commandants. La moitié des souffrances de notre nation sont à cause d’Israël et l’autre moitié à cause du régime syrien.

 «Beaucoup d’hommes Arabes que je connais veulent venir et combattre. Certains manquent de moyens, d’autres d’énergie, mais tant de gens détestent ce régime. Pendant 20 ans, ce régime a détruit le monde arabe.»

Si certains des combattants à Alep étaient inexpérimentés, d’autres comme Abu Salam al Faluji se vantaient d’une expérience extraordinaire. Abu Salam, un robuste Irakien avec un keffieh noir enroulé autour de la tête, a déclaré avoir combattu les Américains à Falloujah, quand il était un jeune homme. Plus tard, il a rejoint al-Qaïda en Irak et passé des années à combattre dans différentes villes avant de passer en Syrie pour échapper à une arrestation. En ce moment, il commande une des unités de Muhajiroun.

Je l’avais trouvé alors qu’il observait une discussion animée entre deux comandants Syriens sur la manière de défendre une ligne de front au bord de l’effondrement.

L’attaque gouvernementale avait commencé comme prévu, et des obus de mortier explosaient dans les rues voisines, le bruit du tir des mitrailleuses se répercutant entre les immeubles. Les mortiers martelaient durement les murs, provoquant une petite pluie d’éclats et de chute de verre, mais Abu Salam restait là, impassible. Un Syrien, haletant, expliquait avoir tiré trois fois sur le tank, mais que la roquette du RPG n’était pas partie.

«Ne dis pas qu’elle n’est pas partie, » l’a admonesté Abu Salam. « Dis que tu ne sais pas comment tirer avec. Nous nous servions des mêmes RPGs contre les Américains et nous détruisions des tanks Abrams. Qu’est-ce qu’un T72 par rapport à un Abrams ?

«Notre boulot est de nous concentrer sur les engins explosifs improvisés (IED) et les tireurs embusqués, » a-t-il dit à l’assemblée. Il faut des tireurs au sommet de tous ces toits et des IEDs au sol. On les traque dans les ruelles et puis on utilise les mitrailleuses et les RPGs aux angles de rues.

 «Le problème, ce n’st pas les munitions, c’est l’expérience,» m’a-t-il expliqué hors de portée de voix des rebelles. «Si nous étions en train de combattre les Américains, nous serions tous morts en ce moment. Ils nous auraient tués avec leurs drones sans même avoir besoin d’envoyer un tank.

«Les rebelles sont courageux, mais ils ne savent même pas la différence entre une balle de Kalashnikov et une balle de fusil de précision. Ce qui affaiblit le moral des hommes.

 «Ils n’ont aucun leadership et pas d’expérience, » dit-il. «Des types courageux vont à l’attaque, mais ceux qui sont sur les lignes arrière se retirent les laissant à découvert. C’est le chaos. Ce matin, les frères Turcs qui avaient combattu toute la nuit se sont endormis à l’aube avec une ligne de Syriens derrière eux pour les protéger. A leur réveil, les Syriens étaient partis et les tireurs d’élite de l’armée avaient avancé. Maintenant, c’est trop tard. L’armée a pénétré dans les rues et va nous déborder.»

Il semblait aborder la perspective d’une défaite avec nonchalance.

«Il est évident que l’armée syrienne est en train de gagner cette bataille, mais nous ne le leur dirons pas [aux rebelles]. Nous ne voulons pas leur casser le moral. Nous leur disons que nous devons tenir ici aussi longtemps que Dieu nous en donnera la force et peut-être fera-t-il en sorte qu’une de ces puissances étrangères vienne en aide aux Syriens.»

L’ironie d’une situation qui voit djihadistes et Américains – ennemis jurés de ces dix dernières années – se retrouver combattant à nouveau du même côté n’a pas échappé à Abu Salam.

Avancer

Abou Omar, le commandant tchétchène, a donné ordre à ses hommes d’avancer pour essayer de reprendre leurs positions perdues autour de l’Université des sciences.

Les soldats syriens avaient arrêté leur avance et retiré leur blindé, ne laissant que les tireurs d’élite. Une voiture criblée de balles était toujours en feu, une carcasse de bus qui se trouvait à quelques mètres était encore fumante, et des flammes orange et de la fumée noire sortaient du premier étage d’un immeuble.

Mais trois des hommes d’Abou Omar ont été cloués au sol par des tireurs d’élite, tandis qu’un autre qui s’était mis debout pour tirer sur le tank avec un RPG s’est retrouvé criblé de balles.

Deux Tchétchènes étaient déjà dans le milieu de la place. Ils se sont cachés derrière un muret de pierre tandis que des balles criblaient le bord du muret. Abou Omar a discuté en arabe classique fortement accentué avec un officier syrien sur la façon de sauver ses hommes. Une colonne de Syriens a gravi un immeuble et a essayé de tirer sur le sniper.

Au bout d’une heure, la fusillade a diminué et les deux hommes ont couru à travers la ruelle. Ils zigzaguaient et sont tombés à terre. L’un d’eux était trapu, son T-shirt gris déchirés et couvert d’une tache de sang. Un petit éclat d’obus était fiché dans le côté gauche de sa poitrine. Il l’a extrait avec ses doigts et l’a passé à ses amis pour qu’ils l’examinent. Puis il a souri.

Dans un arabe approximatif, le Tchétchène a expliqué comment c’est arrivé.

 «Pendant une ou deux heurs, nous étions là-bas, mais le sniper nous tirait trop dessus,» dit-il. «Nous nous sommes déplacés sur la gauche et le frère est allé dans la rue. C’est là que le sniper l’a tué. Il n’y a pas de tristesse, ni de peur, le frère est un martyr,» dit-il avant de citer un verset du Coran.

Mais Abu Omar était en colère. Il y avait 40 muhadjiroun quelques jours avant, mais à la fin des combats de ce jour, ils n’étaient plus que 30. Ils avaient perdu 10 hommes en deux jours.

Cette nuit, il a lancé un ultimatum aux chefs rebelles Syriens. S’ils n’avaient pas rassemblé un grand nombre d’hommes pour couvrir leurs arrières, les Muhajiroun feraient leur paquetage et s’en iraient.

Les renforts ne se sont pas matérialisés, alors les Tchétchènes sont partis dans la nuit.

«Qu’ils partent, » fulminait un commandant Syrien le lendemain. «je ne leur avais pas dit ‘topez là’ et venez combattre pour le djihad et prendre la responsabilité de cette ligne de front.»

Bab al Hawa

Quelques jours après, au poste frontière de Bab al Hawa, un affrontement couvait entre les rebelles Syriens  et les djihadistes.

Des combattants de la brigade Farouk – l’une des unités les mieux équipées et les plus disciplinées de l’ASL – dormaient sur l’herbe, à l’ombre d’une grand arche de béton. Les combattants portaient des uniformes militaires verts et des T-shirts arborant des insignes de la brigade – un exploit dans la confusion de la révolution. Ils avaient beaucoup de chars et de véhicules blindés capturés à l’armée syrienne, stationnés à l’abri près du poste frontière.

Non loin, un groupe de 20 combattants du djihad s’étaient rassemblés en cercle autour d’un égyptien costaud avec une barbe argentée tombant sur sa poitrine.

« Vous êtes en confrontés à deux armées d’apostats», disait l’Egyptien à ces hommes, parlant ainsi de l’armée syrienne et l’Armée Syrienne Libre. « Lorsque vous aurez terminé avec une armée, vous commencerez avec l’autre. »

La confrontation a commencé il ya quelques semaines, lorsque les djihadistes étrangers, qui ont joué un rôle majeur dans la défaite des forces gouvernementales au poste frontière, ont hissé le drapeau noir d’al-Qaida, orné du sceau du prophète, sur le poste frontière.

 La brigade Farouk avait exigé que le drapeau soit ramené de peur qu’il contrarie les Turcs et mette en péril une voie d’approvisionnement vitale pour les rebelles. Un combattant barbu de la brigade Farouk, lui-même salafiste, a expliqué avoir plaidé auprès des djihadistes, en leur disant que leur présence amènerait l’OTAN à cesser ses envois de matériel. «Ils m’ont dit qu’ils étaient là pour arrêter l’Otan », a-t-il dit.

Les rebelles leur ont donné un ultimatum pour évacuer, et les djihadistes s’étaient mis en position d’attaque sur les collines pierreuses qui surplombent le poste frontière, cernant les combattants de la brigade Farouq. qui à leur tour ont menacé d’utiliser leurs véhicules blindés.

J’ai parlé avec le commandant régional de la brigade Farouk, un jeune lieutenant musclé de la province méridionale de Deraa nommé Abdullah Abu Zaid. « Je ne laisserai pas propager l’idéologie takfirie [l’acte d’accuser les autres musulmans d’apostasie] m’a-t-il dit dans son camp militaire à quelques kilomètres du poste frontière. «Ni maintenant, ni après. L’Islam que nous avons eu pendant ce régime a été défiguré l’Islam et ce qu’ils nous apportent est aussi défiguré. L’Islam dont nous avons besoin est un islam civil et pas l’Islam takfiri».

Les djihadistes, a-t-il dit, ont pillé et volé les populations locales et exigé de l’argent auprès d’entreprises locales contre protection, afin de ne pas voler leur marchandise. «J’ai réussi à les arrêter », a-t-il dit, « et je ne laisserai pas prendre de l’ampleur ici. »

Plus tard dans la journée, il a lancé un ultimatum à leur commandant, un Syrien dit Abou Mohamad al Abssi, pour qu’il quitte la région avec ses djihadistes étrangers sous peine d’être tué.

J’ai rencontré Abou Mohamad, un médecin qui s’exprime par monosyllabes, le lendemain. Il a souligné qu’il luttait contre le régime depuis 1992, alors que la l’Armée Syrienne Libre est constituée d’officiers qui ont fait défection et qui servaient le régime encore récemment. Le printemps arabe a été, dit-il, un résultat de la ferveur islamique.

 «Nous n’abandonnerons jamais nos positions ici,» dit-il d’une voix calme. «Si Du=ieu le veut, nous vaincrons.»

Quelques jours plus tard, le corps d’Abou Mohamad était retrouvé dans un fossé. Il avait été enlevé et tué.

Bosnie, 1992-95

Plusieurs centaines de moudjahidine de pays aussi divers que la Turquie, l’Algérie, l’Arabie Saoudite,  la Syrie et le Russie étaient arrivés en Bosnie centrale pour aider les Musulmans de Bosnie à prendre le dessus sur les Serbes

Tchétchénie, 1994-96

Des Saoudiens et des Jordaniens figurent parmi les centaines d’hommes qui affluent pour rejoindre les séparatistes tchétchènes dans leur lutte contre l’armée russe.

Afghanistan, 1999-

L’est de l’Afghanistan,  terrain de chasse originel des moudjahidine pendant la guerre contre les Soviétiques, est devenu le foyer d’al Qaïda à la fin des années 1990 – un centre logistique et d’entraînement pour des djihadistes venus d’au moins une dizaine de pays du Moyen Orient , d’Asie centrale et d’Europe.

Irak 2003-

Des milliers de combattants étrangers ont afflué en Irak pour s’attaquer aux Américains. La majorité veanit d’Arabie, d’autres venaient de Syrie, de Jordanie et du Yémen, entre autres

Syrie, 2012 –

Tchétchènes,  Pakistanais, Libyens, Saoudiens – la composition des unités combattantes étrangères en Syrie est exotique

Mort d’un pseudo djihadiste Espagnol dans un attentat suicide en Syrie

9 septembre 2012

Les preuves de l’importance de la présence de combattants étrangers en Syrie s’accumulent ainsi que celles du caractère peu démocratique de la mission qu’ils exécutent et qu’on leur a assigné.

Le tout dans un silence assourdissant de Laurent Fabius ou de François Hollande qui se sont d’ailleurs trouvés une autre mission de bienfaisance, celle qui consiste à prendre la tête d’une campagne pour de nouvelles sanctions contre l’Iran.

Ces politiciens français prônent, dit-on, la laïcité et même une morale laïque dans leur pays. Pourtant leurs actes de politique étrangère, pour s’en tenir à ce domaine, nous disent que leurs mobiles sont immoraux et s’inscrivent aussi dans des agendas communautaristes.

A leur manière, ce sont des fanatiques toujours prêts à faire couler le sang. A ce propos je vous renvoie au papier de John Pilger qui suivra celui-ci.

 Je vous avais déjà parlé d’un habitant de Ceuta, enclave espagnole au Maroc, qui avait trouvé la mort en allant lutter au nom de la démocratie contre le ‘‘tyran’’ Bachar al-Assad. Un type qui avait fait des milliers de kilomètres pour son « djihad » alors qu’il aurait pu sans se déplacer lutter pour ramener Ceuta dans le Dar al Islam. Je dirai donc: puisse-t-il rôtir en enfer.

En fait, ce sont (au moins) trois habitants de Ceuta qui étaient partis pour libérer Jérusalem Alep. La police espagnole vient juste de retrouver la trace de l’un d’entre eux dans une vidéo où il explique comment il va se faire exploser dans un camion précipité contre un casernement de l’armée syrienne (et pas l’armée de Bachar al-Assad comme l’écrit le journal espagnol, parce que la propagande se niche aussi dans ces petits détails de vocabulaire).

Identification du chauffeur de taxi de Ceuta mort dans un attentat suicide en Syrie

Par Ángeles Escrivá | Joaquín Manso, El Mundo (Espagne) 7 septembre 2012 traduit de l’espagnol par Djazaïri

Les forces de sécurité ont identifié avec un niveau élevé de certitude le chauffeur de taxi de Ceuta, Rachid Hassein Mohamed dans une vidéo où on le voit raconter devant la caméra comment il a préparé un attentat qu’il réalisera par la suite en étant copilote d’un camion chargé d’explosifs qui ira s’encastrer contre une caserne de l’armée de Bachar al-Assad à Idlib, «causant de nombreuses pertes,» selon le commentaire de l’enregistrement.

Les enquêteurs sont convaincus qu’il s’agit de lui, en attendant une confirmation irréfutable qu’ils attendent dans les prochains jours.

Des sources proches du dossier ont expliqué à notre journal que, en dépit du fait que son visage apparaisse flouté sur les images, l’identification de l’islamiste espagnol a été rendue possible grâce à une cicatrice très caractéristique qu’on peut voir sur son bras, et parce qu’on a procédé à une reconnaissance vocale et que les premiers examens acoustiques de la police scientifique suggèrent que c’est bien la voix de Rachid Hassein.

En outre, dans la vidéo, l’auteur de l’attentat suicide se présente sous le pseudonyme Abou Moussab, le même que celui sous lequel Rachid était connu dans le quartier de Prince Philippe à Ceuta.

Par ailleurs, la date indiquée pour l’attentat, début juin, coïncide approximativement avec celle du jour où sa famille a été informée de sa mort.

Le quartier Prince Philippe à Ceuta

Rachid Hassein est le premier des trois habitants de Ceuta proches du courant salafiste qui ont participé au cours des derniers mois à des attentats suicide en Syrie.

Une première: Robert Fisk autorisé par le gouvernement syrien à rencontrer des prisonniers faits par l’armée

2 septembre 2012

Message liminaire à Louise : j’espère qu’il n’a pas déjà été traduit !

Le journaliste Anglais Robert Fisk a eu la permission de rencontrer des détenus dans une prison syrienne.

En soi, c’est un évènement qui en dit long sur le souhait des autorités syriennes d’établir des canaux de communication avec l’opinion occidentale. Et le fait que ce soit Robert Fisk, un reporter très connu qui n’a jamais caché son antipathie pour le régime de Damas, qui ait obtenu ce privilège exceptionnel pour un journaliste est très significatif.

Bien sûr, Robert Fisk n’est pas dupe de ce que lui racontent les détenus qu’il a rencontrés (quatre alors qu’on lui proposait d’en rencontrer encore d’autres) mais on peut néanmoins retenir certaines choses.

Par exemple que les détenus avec qui il a pu parler, s’ils ont sans doute fait l’objet de mauvais traitements sur une durée plus ou moins longue (ou courte) ne semblent pas avoir été torturés. Ce qui ne signifie bien sûr pas que d’autres prisonniers n’ont pas fait et ne continuent pas à faire l’objet de sévices.

Et que les prisonniers ont pu être entendus, sur requête du journaliste, hors la présence du personnel pénitentiaire, l’hypothèse d’un dispositif d’écoute étant exclue puisque les entretiens se sont déroulés dans le bureau du directeur de la prison qui ne s’attendait pas à en être «chassé.»

Et puis, j’ai été personnellement bien intéressé par le cas de ce Franco-Algérien rencontré par Robert Fisk. Nous voyons là encore quelqu’un en situation professionnelle précaire, mais avec femme et enfants, qui plaque tout pour aller guerroyer sur le chemin de Dieu en Syrie.

Il est vrai que ces grenouilles de bassin à ablutions ont souvent l’habitude de vivre d’aides sociales ou carrément de se reposer sur les revenus de leurs épouses.

Pas en Palestine le djihad? lui demande ingénument le journaliste.

Eh non, il paraît que c’est un peu compliqué de passer la frontière pour entrer en Palestine occupée.

Il reste que ce quadragénaire, arrivé en France si on comprend bien, à l’âge adulte, a été soldat dans l’armée française.

Il a donc tout à fait le profil des pseudo-djihadistes qui travaillent avec les services secrets pour des motivations qui tiennent à un cocktail qui mêle des convictions sans doute rudimentaires à un espoir de gros gain financier.

En langage laïco-assimilationniste, on appelle ce genre de personnes des mercenaires. 

La seule question qui se pose est l’identité de son employeur : les services français ? ceux du Qatar ? une fondation wahhabite ?

La route de Syrie, du djihad à la prison

Un journaliste occidental a obtenu pour la première fois l’accès aux prisonniers détenus par l’armée d’Assad.

Par Robert Fisk, The Independent (UK) 2 septembre 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Ils sont entrés dans la pièce un par un, la tête basse et les mains croisées sur le devant, comme s’ils avaient l’habitude d’être menottés. Dans une des prisons militaires les plus redoutées de Syrie, ils ont raconté l’histoire extraordinaire de l’aide qu’ils ont apporté à l’opposition armée au régime de Bachar al-Assad. L’un était un Franc-Algérien d’une quarantaine d’années, un homme de petite taille,  dos voûté et longue barbe ; un autre était Turc, avec ce qui avait l’air d’être un œil au beurre noir, qui a parlé de de son entraînement dans un camp taliban à la frontière pakistano-afghane. Un prisonnier Syrien a décrit la manière dont il a aidé deux kamikazes à commettre un attentat à l’explosif meurtrier au centre de Damas, tandis qu’un mufti a parlé de ses vaines tentatives pour unifier les factions en guerre contre le régime syrien.

Compte tenu du caractère sans précédent de notre accès  à une prison syrienne de haute sécurité, nos rencontres avec ces quatre hommes – leurs geôliers avaient d’autres détenus à notre disposition pour une interview – ont été une expérience glaçante qui donne à réfléchir. Deux d’entre eux ont fait clairement allusion au traitement brutal qu’ils ont subi immédiatement après leur arrestation. Il a fallu dix minutes pour persuader le gouverneur de la prison militaire, un général entre deux âges aux cheveux grisonnants  dans son treillis militaire –  et son officier du renseignement en bras de chemise de quitter la pièce pendant nos conversations. Nous avons refusé des demandes ultérieures des autorités syriennes pour accéder aux enregistrements des entretiens.

Chose incroyable, ils ont quitté leur bureau de sorte à ce que nous puissions être seuls pour parler avec leurs captifs.

Deux de ces hommes ont parlé de leur recrutement pas des prédicateurs islamistes, un autre de la façon dont les chaînes satellitaires arabes l’ont convaincu de se rendre en Syrie pour faire le djihad. Ce sont les récits que les autorités syriennes voulaient évidemment que nous entendions, mais les prisonniers – qui ont dû dire la même chose lors de leurs interrogatoires – étaient vraiment désireux de nous parler, ne serait-ce que pour rencontrer des occidentaux et nous alerter de leur présence après des mois de captivité. Le Franco-Algérien a englouti la boîte de poulet-frites que nous lui avions donnée. Un des Syriens avait reconnu qu’il était maintenu constamment en confinement solitaire.

Nous avons promis aux quatre détenus que nous donnerions leurs noms et les précisions utiles à la Croix Rouge Internationale.

Mohamed Amin Ali al-Abdullah, 26 ans, était en quatrième année de faculté de médecine dans la ville de Deir Ez-Zor, une ville du nord de la Syrie. Fils d’une «simple» famille paysanne de Lattaquié, il était assis dans le fauteuil du gouverneur de la prison vêtu d’une chemise à rayures bleus et d’un pantalon propres – qui lui ont été donnés, dit-il, par les autorités – et nous a dit avoir rencontré des «problèmes psychologiques» pendant sa deuxième année d’études. Il a fondu en larmes à deux reprises pendant notre conversation. Il a expliqué avoir suivi une prescription médicale mais avoir aussi accepté l’aide d’un «cheikh» qui lui avait suggéré de lire certains passages du Coran. « C’était une manière de pénétrer dans ma personnalité, et de temps en temps, il me donnait des disques sur la cause salafiste, surtout des discours de cheikhs saoudiens comme Ibn Baz et Ibn Ottaimin. Par la suite, il m’avait donné des vidéos qui rejetaient toutes les autres sectes de l’Islam et qui attaquaient les soufis et les chiites. Le «cheikh» avait été incarcéré pendant un an mais il trjoignit plus tard Mohamed comme colocataire à Damas. «Il me montrait alors des vidéos d’opérations de djihadistes contre l’OTAN et les Américains en Afghanistan.»

Quand le soulèvement débuta en Syrie l’an dernier, Mohamed explique que le «cheikh» et deux autres hommes lui avaient conseillé de participer à des manifestations contre le régime. «Quand les prières du vendredi étaient terminées, l’un d’entre nous se plaçait au milieu de la foule pour crier des slogans au sujet de l’injustice et de la mauvaise situation ; les quatre autres se mettaient dans les coins et criaient ‘Allahu Akbar’ [Dieu es grand] pour encourager la foule à faire de même.»

Vers cette époque, explique Mohamed, il a été présenté à un salafiste nommé « Al-Hajer » qui lui avait demandé son aide pour un soutien logistique et médical à son mouvement – cacher des hommes recherchés par les autorités et trouver des refuges sûrs.» Al-Hajer avait commencé » à fréquenter le domicile de Mohamed, «et il m’avait proposé une forme [de rituel] d’allégeance, vous serrez les mains de cet homme et vous lui dites que vous le reconnaissez comme un chef auquel vous allez obéir, et que vous suivrez le djihad dans jamais lui poser de question.»  Al-hajer avait ramené des étrangers au domicile de Mohamed.

«Ils m’ont mis dans leur cercle. J’avais laissé ma raison ‘ailleurs’ à cette époque et puis j’ai compris que ce groupe faisait partie d’al Qaïda. Le 10 avril de cette année, l’un d’entre eux m’a demandé d’aller avec lui dans une voiture. Je suis allé dans un endroit où j’ai vu des cylindres de 2,5 m de hauteur, avec des compartiments pour les remplir d’explosifs.

Ils étaient une dizaine là-dedans. Je ne sais pas pourquoi ils ont fait appel à moi – peut-être pour m’amener à m’impliquer. Il y avait un palestinien et un Jordanien qui étaient les auteurs de l’attentat suicide et trois Irakiens. Nous étions partis en voiture devant les deux kamikazes. Je ne savais pas où ils allaient se faire exploser, mais 15 minutes après être rentré chez moi il y a eu une très forte explosion. J’ai compris la catastrophe quand j’ai regardé la télévision et que j’ai vu que la bombe avait explosé dans une rue bondée dans le quartier de Bazzaz ; il y avait des maisons démolies par les bombes et toutes les victimes étaient des gens de la classe moyenne et des pauvres. J’étais tellement désolé.

Par la suite, un des salafistes demandera à Mohamed d’aller voir sa mère à l’hôpital – parce qu’il était docteur et que le salafiste aurait été reconnu – mais les services secrets syriens l’attendaient. «Je leur ai dit très franchement : ‘je suis content d’être arrêté – c’est mieux que de participer à une telle organisation ou d’avoir un rôle dans d’autres effusions de sang.’ Je ne sais pas commenet j’ai pu me retrouver avec ces gens. Je me suis mis moi-même dans une ’benne à  ordures.’ Maintenant, je veux écrire un livre pour dire aux gens de qui m’est arrivé pour qu’ils ne fassent pas comme moi. Mais on ne m’a pas donné de stylo et de papier.»

Mohamed a vu son père, un instituteur, sa mère et une de ses sœurs il y a eux mois. Nous lui avons demandé s’il avait été maltraité. «Un seul jour, » a-t-il dit. «Ce n’était pas de la torture.» Nous lui avons demandé pourquoi il y avait deux marques foncées sur un de ses poignets. «J’ai glissé aux toilettes,» a-t-il dit.

Jamel Amer al-Khodoud [un nom qui ne sonne pas algérien, sans doute un pseudo, NdT], un Algérien dont la femme et les enfants vivent à Marseille et qui a servi dans le 1er régiment de transport de l’armée française, est un homme de 48 ans plus discret et son histoire assez pathétique de la quête du djihad – encouragée par les informations d’al Jazeera sur la souffrance des Musulmans en Syrie, dit-il – qui laisse un homme quelque peu désillusionné. Né à Blida, il avait émigré en France mais, quoique parlant le français couramment, il n’avait qu’une vie de petits boulots et de chômage puis, «après une longue hésitation, j’ai décidé d’aller en Turquie pour aider les réfugiés Syriens.»

Il était, dit-il, un «salafiste modéré, » mais dans les camps en Turquie, il a rencontré un cheikh Libyen, de nombreux Tunisiens et un imam Yémenite « qui m’ont donné des leçons sur le djihad.» Il a franchi la frontière avec un fusil de chasse et, avec d’autres hommes, il a attaqué des barrages de l’armée et dormi dans des maisons abandonnées et dans une mosquée dans les montagnes au-dessus de Lattaquié. Entraîné avec de l’armement français, il n’avait jamais tiré avec un Kalashnikov – on lui avait permis de tirer trois cartouches sur une pierre pour d’entraîner, dit-il – mais après quelques semaines de misère où il a découvert que le djihad en Syrie n’était pas pour lui, il a résolu de retourner en Turquie pour rentrer en France. «Ce que j’avais vu à lé télévision, je ne l’avais pas vu en Syrie. »

Capturé par des villageois soupçonneux, il a été emmené dans une ville (probablement Alep) et puis transféré par hélicoptère à Damas. Pourquoi n’a-t-il pas choisi la Palestine plutôt que la Syrie pour son djihad, lui avons-nous demandé. «Un ami palestinien m’avait dit que son peuple avait plus besoin d’argent que d’hommes,» a-t-il répondu.  «En plus, c’est une frontière difficile à  franchir.» Quand je lui ai demandé s’il avait été maltraité en captivité, il a répondu : «Dieu merci, je vais bien.» A la même question il a fait la même réponse.

Un imam Syrien – de la mosquée Khadija al-Khobra à Damas – au visage sombre et émacié, nous a parlé de sa rencontre cette année à damas avec quatre «groupes de militants» qui avaient des objectifs religieux et nationalistes différents et de ses tentatives pour les unifier avant de décougvrir que c’étaient des voleurs, des assassins, des violeurs plutôt que des djihadistes. C’est du moins ce que dit cheikh Ahmed Ghalibo. Emaillant la conversation avec les noms de ces hommes ; le cheikh a expliqué qu’il avait été atterré par la façon dont ces groupes avaient liquidé ceux qui étaient en désaccord avec eux, parfois sur la base de simples soupçons, «découpant les cadavres, les décapitant et les jetant dans les égouts. Il a dit avoir été témoin de sept meurtres de ce genre ; de fait, faire disparaître les corps dans les égouts est quelque chose de courant à Damas.

Sachant qu’il était mufti de la mosquée al-Khobra et apparemment au courant qu’il avait rencontré les quatre dirigeants extrémistes, le police syrienne a arrêté Ahmed Ghalibo le 25 avril de cette année. Il nous a dit avoir fait des aveux complets parce que «ces militants ne sont pas une ‘Armée Libre’», et il a inisté pour dire qu’il a été très bien traité par ceux qui l’ont interrogé, il a condamné l’émir du Qatar pour avoir ourdi la révolution en Syrie et affirmé qu’il pensait qu’il serait relâché «parce que je me suis repenti.»

Cuma Öztürk vient de la ville de Gaziantep au sud-est de la Turquie, et il dit être entré en Syrie après s’être entraîné plusieurs mois dans un camp taliban à la frontière pakistano-afghane. Il ne sait parler ni pachto, ni arabe mais il a laissé derrière lui sa femme, Mayuda, enceinte, et leur fille âgée de trois ans à  Gaziantep pour aller à Damas. Il ne parlait que vaguement de djihad mais explique qu’on lui avait demandé de mettre en place une route de «contrebande » entre la Turquie et la capitale syrienne qui aurait aussi permis de faire passer des hommes à travers la frontière. Il a été arrêté alors qu’il se trouvait à Alep pour les obsèques de sa belle-mère. «Je regrette tout ce qui m’est arrivé, » dit-il avec tristesse ; il est bien traité «maintenant.» Il nous a demandé de faire connaître sa présence en prison aux autorités turques.

Quand nos quatre heures trente d’entretien se sont achevées, nous avons appelé le gouverneur de la prison à permettre aux détenus d’avoir plus de contacts avec leurs familles, une requête que son sourire fatigué nous a donné à comprendre comme n’étant pas de son ressort. Nous avons aussi demandé un stylo et du papier pour Mohamed al-Abdullah et nous avons parlé – sans succès cependant – de lé nécessité d’appliquer le droit international aux détenus.

Les prisonniers ont serré la main du gouverneur de la prison de manière assez amicale, même si peu de sentiments amènes semblaient passer entre eux et l’homme des services secrets en bras de chemise. Chaque prisonnier est retourné dans sa cellule dans la même posture que celle qu’il avait à l’arrivée dans le bureau du gouverneur – tête basse, les yeux regardant le sol.


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