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La Syrie et les dangereux fantasmes de la diplomatie turque

29 avril 2012

J’avais déjà écrit que l’action du gouvernement turc en Syrie ne fait pas l’unanimité en Turquie et qu’elle inquiète la communauté Alevi, au moins une partie de la communauté arabe de Turquie et le principal parti d’opposition, le Parti Populaire Républicain (CHP).

L’article que je vous propose fait le point sur les motivations de l’opposition turque, cette dernière rappelant opportunément quelques règles élementaires de droit que les autorités turques, mais aussi françaises ou britanniques s’empressent d’enfreindre quand elles estiment que c’est leur intérêt.

Sauf que le CHP n’est pas du tout sûr que l’intérêt de la Turquie soit de prendre parti activement pour la sédition et la guerre civile en Syrie.

Parce que la Turquie en payera forcément le prix que ce soit par une entrée en guerre ou autrement. Il faut quand même rappeler que, contrairement à la Turquie, ni la France, ni la Grande Bretagne ou les Etats Unis n’ont de frontière avec la Syrie.

Dans sa critique de la politique étrangère actuelle du gouvernement turc, le responsable du CHP n’attire cependant pas directement l’attention sur le point qui est peut-être le plus lourd de menaces pour la stabilité régionale. Je veux parler de l’immixtion récente du gouvernement d’Ankara dans les affaires intérieures irakiennes en nouant une sorte de relation d’Etat à Etat avec le Kurdistan irakien.

Ce que le gouvernement turc refuserait de manière catégorique pour son propre Kurdistan !

On a presque l’impression que le gouvernement turc a reçu mandat de l’OTAN pour attiser le feu dans la région.

Quand je pense qu’il y a quelques mois encore, on espérait du rôle modérateur d’une Turquie entraînant par son dynamisme toute une région en même temps qu’elle aurait pu exercer des pressions sur le régime sioniste afin non seulement de lever le blocus de Gaza mais d’avancer vers une solution négociée !

Le rôle de la Turquie au Moyen-Orient « un fantasme dangereux« 

Par  İpek Yezdaniipek,  Hürriyet (Turquie)28 avril 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Faruk Loğoğlu , vice président du Parti Populaire Républicain (CHP), la  principale force d’opposition, a vivement critiqué le ministre Turc des affaires étrangères Ahmet Davutoğlu pour ses propos sur le rôle pionnier de la Turquie dans le nouveau Moyen orient, les qualifiant  de «fantasme dangereux.»

“Ca me fait seulement sourire. Je l’interprète comme un fantasme. Je n’y trouverais rien à redire si c’était un fantasme inoffensif, mais c’est un fantasme dangereux. Quand le ministre Turc des affaires étrangères, qui est incapable de conduire la politique étrangère de la Turquie,  dit que ‘nous allons être pionniers du changement au Moyen orient, »  il manque de respect aux nations arabes, a déclaré Loğoğlu à la presse le 27  avril. Le CHP organise une conférence internationale baptisée :

 «Saisons du changement : la marche des peuples arabes vers la liberté et la démocratie » les 28 et 29 avril à Istanbul. Les vide présidents du CHP, Loğoğlu and Gürsel Tekin, ont organisé une conférence de presse à Istanbul avant la conférence. Loğoğlu, un ambassadeur à la retraite, a critique sévèrement l’approche des affaires régionales par le parti au pouvoir.

«Ils doivent d’abord gérer la propre politique étrangère de la Turquie. Nous sommes hostiles à l’Arménie, nous avons des jours difficiles avec l’Iran et l’Irak, nous sommes au bord de la guerre avec la Syrie, nous échangeons des menaces avec Israël et nous menaçons la partie grecque de Chypre. Qu’est-ce qui est correct dans cette ligne de la politique étrangère ? »

Loğoğlu a aussi critiqué le gouvernement pour l’accueil en Turquie de l’Armée Syrienne Libre (ASL) d’opposition, affirmant qu’il était contraire au droit et aux règlements internationaux. « La Turquie a pris parti dès le premier jour dans l’affaire syrienne. Le gouvernement turxc a directement exclu le régime et s’est rangé du côté non seulement de personnalités politiques de l’opposition, mais aussi des chefs militaires de l’opposition. Faciliter l’action de l’aile militaire de l’opposition qui cherche à détruire le régime d’un pays est contraire au droit et aux règlements internationaux, » a déclaré Loğoğlu. Le parti de la Justice et du Développement (AKP) au pouvoir, entraîne la Turquie vers la guerre, a affirmé Loğoğlu. « Ce n’est pas à la Turquie d’attiser les conflits en Syrie en prenant parti. L’attitude du gouvernement [de l’AKP] est mauvaise. Elle est aussi contraire à de bonnes relations de voisinages, » a ajouté Loğoğlu.

La ligne officielle turque sur la Syrie contestée

26 février 2012

Je vous propose une dépêche de l’Agence France Presse qui, si elle a été intégralement reproduite (légèrement remaniée) dans le journal turc Cumhuriyet n’a pu semble-t-il se frayer un chemin en France que sur le journal La Dépêche.

Ce papier dit en substance que la ligne adoptée par les autorités d’Ankara à l’égard de la Syrie ne fait pas l’unanimité en Turquie et qu’elle est contestée aussi bien par des élus d’opposition que par l’universitaire Gökhan Bacik qui porte sa critique dans un journal proche du pouvoir.

Gökhan Bacik considère tout simplement que son pays a abattu toutes ses cartes trop vite et a agi « sans réfléchir » et n’a plus de moyen d’influer sur le régime syrien.

C’est exact, la seule chose que peut faire maintenant le gouvernement turc, c’est d’emboîter le pas à ses alliés de l’OTAN qui décideront pour elle ce que devra être son rôle, que ce dernier consiste simplement à être un sanctuaire pour l’opposition syrienne ou le fer de lance d’une action militaire contre la Syrie.

L’intransigeance turque à l’égard du régime de Damas contestée

AFP – La Dépêche (France) 23 février 2012

La Turquie a rompu net avec la Syrie face à la répression brutale de la contestation dans ce pays, mais elle aurait mieux fait de jouer les intermédiaires et maintenir le dialogue avec un régime qui résiste aux pressions internationales, affirment l’opposition et des commentateurs.

« La Turquie pourrait faire une percée importante en organisant une réunion à Istanbul avec l’opposition syrienne, les représentants de (Bachar) al-Assad, la Russie et l’Iran », déclare le leader de l’opposition, Kemal Kilicdaroglu, dans l’édition de jeudi du journal Hürriyet Daily News.

« Une intervention en Syrie pourrait bouleverser non seulement la Syrie mais aussi la Turquie, et provoquer de graves troubles au Proche-Orient », prévient le leader du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), qui ajoute: « Les gens se demandent si les acteurs mondiaux sont réellement du côté des droits de l’Homme ».

Avec la Syrie, pays qui partage une frontière de 900 km avec la Turquie, le gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan a été placé devant une équation difficile: il a fallu abandonner dix ans d’étroite coopération politique et économique avec le régime de Damas pour prendre la défense des milliers de victimes de la répression.

Dans un premier temps, la diplomatie turque s’est livrée à d’insistantes tractations avec le régime baasiste syrien, pour l’inciter à lancer des réformes.

En vain. Et en septembre, la Turquie a fermé la porte. Elle a grandement facilité l’organisation d’une opposition syrienne, a accueilli des déserteurs sur son sol, et s’est associée aux décisions et condamnations arabes.

Une attitude qui s’explique notamment par les liens qui unissent Ankara et Washington.

Les deux pays membres de l’Otan sont « sur la même longueur d’onde sur la Syrie et réclament le départ du président (Bachar) al-Assad », a affirmé un diplomate américain en poste à Ankara, sous couvert d’anonymat.

Mais cette politique ne fait pas l’unanimité.

« Les diatribes anti-régime du gouvernement donnent l’impression que la Turquie est favorable à une intervention (armée) contre notre voisin. Le gouvernement se trouve dans l’impasse, avec cette attitude qui va au delà de celle de certains Occidentaux », estime Faruk Logoglu, député du CHP.

M. Erdogan exclut l’éventualité d’une intervention armée, mais il s’attaque régulièrement et avec virulence à celui qu’il qualifiait hier d' »ami ».

« La Turquie a abattu toutes ses cartes en l’espace de quelques mois. Elle a agi dans la hâte, sans réfléchir », a indiqué à l’AFP l’universitaire Gökhan Bacik qui critique ouvertement la politique de son pays à l’égard de la Syrie, dans un article du journal pro-gouvernemental Today’s Zaman intitulé: « La Turquie a-t-elle raté son coup dans la crise syrienne ? »

« Pour l’instant le régime syrien n’est pas prêt de partir ou d’être renversé », affirme ce professeur de sciences politiques, qui regrette qu’Ankara n’ait pas conservé des « canaux de dialogue et de communication avec Damas ».

« Désormais », ajoute-t-il, « la Turquie n’a plus les moyens de peser sur le régime syrien ».

La ligne dure adoptée par Ankara à l’égard de Damas a aussi provoqué des tensions avec les alliés du régime syrien, dont l’Iran et le gouvernement irakien.

Comme l’Iran, l’Irak est gouverné par des chiites alors que la Turquie est largement sunnite. Et la Syrie est dirigée par la minorité alaouite, une branche du chiisme.

M. Erdogan, un ancien islamiste, a adopté une diplomatie plus autonome sur la Syrie, invitant notamment l’été dernier Assad à inclure au gouvernement des ministres issus des Frères musulmans islamistes en échange de son soutien au régime, avait affirmé à l’époque à l’AFP un diplomate occidental.

Le plan avait été refusé par Damas et démenti par Ankara.

Dans un autre éditorial de Today’s Zaman, le chroniqueur Sahin Alpay loue la « sympathie » turque à l’égard de l’opposition syrienne.

Mais il estime qu’Ankara doit « se tenir à l’écart de toute implication dans une intervention militaire unilatérale ou multilatérale, qui aboutirait sans doute, non seulement à une guerre civile en Syrie, mais à un conflit armé régional ».


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