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Massacres et propagande en Syrie, un article d’Alex Thomson sur la tuerie d’Aqrab

16 décembre 2012

En matière politique, il existe à n’en pas douter toute une variété de militants qu’on peut qualifier d’islamistes, certains parmi eux pouvant être considérés, ou se considérant, comme modérés.

Il faut entendre par «modérés » des mouvements ou des personnes qui admettent la pluralité des opinions et la liberté de leur expression.

Et sans entrer dans les détails, il n’est pas du tout sûr qu’on puisse considérer comme identiques des mouvements comme Ennahda en Tunisie ou la confrérie des Frères Musulmans en Egypte.

Peut-on pour autant dire avec Riad Seif, que Le Figaro nous présente comme «l’inspirateur » de la Coalition nationale, l’organisation d’opposition, censée représenter le peuple syrien, que «Les islamistes syriens sont connus pour leur modération» ?

Au vu de ce qui se passe sur le terrain, c’est vraiment difficile à croire, sauf à admettre que l’essentiel des militants armés qui opèrent en Syrie ne sont pas syriens.

De toute façon, pour Riad Seif, Jabhat al-Nosra, l’organisation armée la plus active sur le terrain syrien, n’est en rien une organisation extrémiste et ses membres « ne font de mal à personne. 

A une question du Figaro sur l’absence d’expression de compassion de la part de Moaz al-Khatib, à l’égard de la centaine de victimes alaouites d’ un massacre perpétré dans le village d’Aqrab, Riad Seif répond :

Il n’y a jamais eu de massacres commis par les sunnites contre les alaouites. Et il est très probable que ce sont les chabihas (miliciens pro-régime, NDLR) eux-mêmes qui aient commis ce massacre à Aqrab. Je connais Moaz al-Khatib depuis des années, et sa philosophie c’est la paix entre les communautés.

S’il n’y avait pas eu cette question, j’aurais eu du mal à savoir qu’un massacre avait été perpétré contre des alaouites dans un village syrien.

J’ignore si l’information a été diffusée largement au début, mais elle l’est on ne peu plus parcimonieusement en ce moment.

Quand je pense qu’un blogueur lyonnais ose parler de la propagande du régime syrien, comme si cette dernière avait un quelconque impact sur les médias en France !

Tandis que la propagande de l’opposition syrienne est reçue 5 sur 5 et c’est pourquoi la presse internationale a retenu que ce sont les forces gouvernementales qui sont responsables du massacre d’Aqrab.

On a en fait peu de certitudes sur ce qui s’est passé à Aqrab et on n’est même pas sûr de la réalité d’un massacre ainsi que le signale le titre du papier que je vous propose.

Il n’en reste pas moins que l’article d’Alex Thomson qui s’est rendu sur place et a rencontré des témoins nous donne une version des faits très différente de celle que nous offre la propagande, qu’elle émane de l’opposition syrienne ou des officines dépendant des gouvernements occidentaux.

Et, comme le dit un commentateur syro-arménien, le travail de vérité d’Alex Thomson est malheureusement inutile car il se retrouve face à un déferlement propagandiste qui fonctionne 24/24 et 7 jours sur 7.

Y a-t-il eu un massacre dans la ville syrienne d’Aqrab?

Par Alex Thomson, Channel 4 (UK) 14 décembre 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Pour atteindre Aqrab, il faut pénétrer profondément dans les terres ingrates du centre de la Syrie, où bon nombre des pires atrocités de la guerre ont eu lieu.

Ce n’est pas un voyage qu’on entreprend à la légère, et il nous a fallu 24 heures de préparatifs intenses pour être en mesure de rouler vers l’ouest en partant du chef lieu de la province, Hama.

Malgré tout ça, il nous avait fallu une escorte embarquée, et nous avions dû passer de véhicule d’escorte en véhicule d’escorte à travers la mosaïque de villages des plaines fertiles du centre du pays.

La connaissance du terrain fait la différence entre la vie et la mort dans une région où tourner au mauvais endroit peut vouloir dire rencontrer les mauvaises personnes qui trouvent sur vous les mauvais papiers – avec des conséquences qui ne sont que trop souvent fatales.

C’est pourquoi il nous a fallu plus d’une heure pour un trajet d’environ une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau. Enfin, à l’approche d’un autre éperon rocheux, elle était en vue : Aqrab.

Récits de témoins oculaires

C’est une petite agglomération, et nous étions à peu plus d’un kilomètre. Des maisons basses, une ville très compacte peuplée de 9 000 sunnites et 2 000 alaouites. Trois hauts minarets perçaient le ciel de l’hiver qui est rude ici.

Ce qui suit est une série de récits de témoins oculaires dont les versions contredisent presque entièrement la version des évènements survenus ici qui a été propagée dans le monde par les sites internet de la propagande rebelle.

Nous ne disons pas que ce qui suit est la vérité. Mais nous sommes en mesure de dire que c’est le premier article résultant de constatations indépendantes à Aqrab par le premier journaliste étranger à s’être rendu sur place.

Nous avons interviewé nos trois principaux témoins oculaires en trois endroits différents. Aucun d’entre eux ne pouvait être informé de notre arrivée soudaine, et aucun ne connaissait non plus l’identité des deux autres témoins oculaires.

Ce qui est frappant, c’est que leurs récits se recoupent entièrement, dans les moindres détails. Et leurs versions sont de plus étayées par au moins une douzaine de témoignages d’autres alaouites qui avaient fui Aqrab.

 Hayat Youseh est à l’abri chez des parents dans un village situé à quelque distance d’Aqrab.

Hayet Youseh est alaouite. C'est dire qu'elle détient une parcelle du pouvoir en Syrie

Hayet Youseh est alaouite. C’est dire qu’elle détient une parcelle du pouvoir en Syrie

Son mari est toujours là-bas. Et son fils de 18 ans, Ali Ibrahim, a subi une fracture de la jambe qui est restée sans soins pendant 12 jours.

Ali al-Hosin a bientôt 16 ans et est manifestement traumatisé. Il dit que ses deux parents et 23 membres de sa famille élargie sont toujours pris au piège à Aqrab.

Madlyan Hosin est également au bord des larmes. Elle dit que ses quatre oncles et tantes sont toujours là-bas et que deux de ses tantes sont enceintes.

Pas des “Syriens normaux”

Tous les trois sont d’accord – comme le sont les rebelles – pour dire que les rebelles ont attaqué Aqrab le dimanche 2 Décembre. Madlyan déclare: «Ils avaient de longues barbes. C’était difficile de comprendre ce qu’ils disaient. Ils n’étaient pas habillés comme des Syriens normaux. « 

Je lui demande de préciser et elle est catégorique : leur arabe n’était pas un parler syrien.

Le jeune Ali nous a dit: «Ils avaient tous de grandes barbes et ils étaient arrivés dans quatre ou cinq voitures, de la direction d’Al-Houla. »

Ils soulignent tous, de même que tous ceux que nous avons rencontré, que les rebelles de l’Armée syrienne libre (FSA) ont parqué environ 500 civils alaouites dans une grande maison rouge à deux étages appartenant à un homme d’affaires nommé Abou Ismail.

Ils disent ensuite qu’ils ont été détenus – environ 500 hommes, femmes et enfants – dans ce bâtiment jusqu’aux premières heures du mardi 11 Décembre. Neuf jours.

Ils dissent que pendant tout ce temps, ils n’ont pratiquement pas eu de nourriture et que des femmes frappaient leurs propres enfants pour essayer de les faire s’arrêter de pleurer. Quand il pleuvait, ils passaient des chiffons par la fenêtre pour les mouiller et boire l’humidité.

Hayat précise que les rebelles ont dit à tout le monde: «Nous sommes vos frères d’Al-Houla et d’Al-Rastan, vos frères musulmans. Nous n’allons pas vous faire de mal. « 

Ces deux villes sont des bastions rebelles. Al-Houla, à seulement huit kilomètres de distance, a été le théâtre en mai d’un tristement célèbre massacre de 108 civils, en majorité des femmes et des enfants.

Boucliers humains?

Ils disent [les 3 témoins] que les rebelles voulaient prendre les femmes et les enfants d’al-Houla pour les utiliser comme boucliers humains contre les bombardements des forces gouvernementales, et qu’ils croyaient qu’ils allaient tuer les hommes restants.

Ils sont d’accord pour dire que la situation a atteint son paroxysme quand une délégation de villageois a été envoyée le lundi à 16 heures pour sortir de l’impasse. Cette délégation comprenait un officier de l’armée en retraite, Hamid Azzudin, l’imam sunnite de la ville, Cheikh Sayid Hawash, et aussi Hashab, le maire de la ville.

Quand ils sont arrivés, les prisonniers n’ont pas voulu les laisser repartir. Comme l’explique Ali : «Une fois qu’ils sont entrés dans la maison, nous avons simplement dit : ‘Nous partons tous ensemble, hommes, femmes et enfants – ou nous mourrons ensemble.»

Il semble que les négociations entre ces anciens et les rebelles ont duré environ quatre heures, pour se terminer en impasse vers 20 heures, lundi soir.

À ce moment, des tirs ont éclaté, les rebelles tirant à travers les fenêtres et criant qu’ils avaient piégé la maison. Les témoins oculaires disent que les tirs ont cessé vers minuit, après quoi un accord a été conclu. Dans un chaos nocturne de cris et de tirs intermittents d’armes à feu, trois véhicules  ont emmené environ 70 des prisonniers en  sécurité dans le village le plus proche à un peu plus d’un kilomètre de là.

Cependant, il semble qu’un quatrième véhicule a conduit un certain nombre de prisonniers à Al-Houla, où deux d’entre eux – une femme non identifiée et un garçon – ont été soignés pour des blessures dans un hôpital de campagne rebelle.

La femme et le garçon ont accusé des milices pro-gouvernementales d’avoir fait les gens prisonniers, selon les sites internet rebelles, et c’est cette version des évènements qui a fait le tour du monde.

Jusqu’à présent

Nos témoins, cependant, ont été interrogés indépendamment les uns des autres et sont prêts à donner leurs noms et à se montrer aux télévisions internationales.

Curieusement, les sites rebelles disent que le bâtiment abritant les prisonniers qui étaient restés sur place, a été complètement détruit par l’artillerie et des frappes aériennes gouvernementales mardi. Nous avons pourtant vu et filmé le bâtiment dans lequel des témoins oculaires ont dit avoir été emprisonnés, et il semble intact – tout comme le reste du village.

Une autre observation curieuse. Si vous sélectionnez les sites rebelles et leurs vidéos sur YouTube  à partir du 2décembre, il semble n’y être fait  aucune mention d’un grand nombre d’Alaouites détenus dans le village. Une omission inhabituelle pour ce qui pourrait sans doute être  un énorme coup de propagande.

Un autre aspect curieux est que leur version des faits n’explique pas pourquoi les fonctionnaires du gouvernement à Hama se sont démenés pour négocier la libération des prisonniers, des blessés et, de fait, la restitution des cadavres bloqués dans une situation qui est toujours dans l’impasse en ce moment comme ils le reconnaissent.

Il y encore autre chose à considérer. Invariablement, quand il y a un massacre, les rebelles présentent  les corps sur YouTube et font tout un tohu bohu sur le sujet. Si le gouvernement avait vraiment commis le massacre de 250 personnes appartenant à la même secte alaouite que le président Assad, YouTube fourmillerait de vidéos rebelles, avec des cadavres, des funérailles, du carnage. Vous pouvez en être certain. Pourtant, vérifiez sur YouTube – il n’est pas le moindre bout de vidéo pour étayer leur version.

Les deux camps parlent de ce qui pourrait être le plus grand massacre d’alaouites commis pendant cette guerre. Les alaouites sont évidemment de la même secte que le président Bachar al-Assad. Les rebelles ont fait connaître leur version des évènements en affirmant qu’entre 200 et 250 personnes ont été ruées quand le gouvernement a bombardé cette maison [ou les alaouites étaient retenus] mardi.

Craignant pour leurs vies, les fonctionnaires du gouvernement refusent de s’exprimer devant les cameras, mais ils sont convaincus qu’un grand massacre s’est produit ici après la libération de quelques chanceux en début de matinée mardi.

Un organisme peut dénouer la dispute sur les évènements, et c’est le Croissant Rouge qui a pu accéder aux prisonniers pendant les neuf jours de blocage. Il sait avec certitude si c’était une milice pro gouvernementale ou des rebelles qui détenaient ces gens. La situation reste cependant dangereuse et le Croissant Rouge ne s’est pas exprimé pour l’instant.

Sur la Syrie, précédé de quelques mots sur Mohamed Merah et le nouvel antisémitisme

10 juillet 2012

Il y a beaucoup de choses à dire sur l’actualité du moment. Par exemple sur l’enregistrement attribué à Mohamed Merah diffusé par TF1. Outre le moment plus qu’opportun de cette diffusion avec les prétendus incidents antisémites de Villeurbanne et dans un train et tout le tohu-bohu fait par le Nouvel Observateur, Manuel Valls et le CRIF à l’unisson, on ne peut qu’être étonné par la teneur des propos de Merah, passé du statut de relégué du système scolaire à celui de diplômé en sociologie politique de l’université du Mirail.

L’enregistrement, à l’authenticité douteuse,  diffusé par TF1 a sans doute moins à voir avec la tuerie de Toulouse  en elle-même qu’avec la campagne en cours pour démontrer l’existence d’un nouvel antisémitisme caractéristique des jeunes de confession musulmane. Et ce nouvel antisémitisme, n’est rien d’autre que la dénonciation ferme et résolue du sionisme.

Bon, mais il faut choisir alors je vais vous parler encore de la Syrie…

Le régime syrien doit faire face en effet non seulement aux assauts de bandes armées financées par les monarchies (démocratiques) du Golfe mais aussi à un tir de barrage médiatique exécuté par une presse occidentale qui n’a au fond rien à envier à celles des dictatures.

La différence étant que dans les dictatures, les lecteurs se méfient d’instinct de ce que racontent leurs journaux.

Il en va bien entendu autrement dans les démocraties libérales avancées où l’impératif altruiste est toujours prêt à déclencher les forces du bien.

L’unanimisme médiatique dans le cas de la Syrie n’est donc pas pour surprendre.

Il existe pourtant quelques voix dissonantes. On a déjà évoqué ici celle du commentateur Anglais Peter Hitchens, on peut ajouter celle de Russ Baker.

Russ Baker s’exprime essentiellement sur son propre site. C’est cependant un journaliste chevronné bien connu qui a collaboré avec des journaux comme le Sunday Times, Der Spiegel, le Washington Post ou encore la Frankfurter Allgemeine-Zeitung. Russ Baker a cependant considéré qu’il était difficilement possible d’exercer correctement son métier dans ce qu’on appelle aux Etats Unis les «corporate media», les organes d’information aux mains de l’industrie et de la finance.

C’est donc en journaliste libre qu’il donne son point de vue sur l’information relative à la situation en Syrie.

Tout ce qu’ils nous disent sur la Syrie…est-il faux ?

par Russ Baker, WhoWhatWhy (USA) 8 juillet 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Vendredi, nous avons lu dans le New York Times et ailleurs qu’un des plus importants soutiens et alliés du régime du président Syrien Bachar al-Assad avait fait défection. L’impression laissée par cette information est que le gouvernement de M. Assad est en voie d’effondrement, ce qui donne de la crédibilité à ceux qui poussent Assad à céder le pouvoir.

Mais ce que les médias ne signalent pas est que le général de brigade Manaf Tlass n’a pas fait directement défection du cercle rapproché d’Assad. Il était déjà tombé en disgrâce au début de la révolte et avait perdu son commandement en mai 2011 – il y a 14 mois. Si vous aviez eu cet élément d’information complémentaire, vous auriez interprété les articles de presse de manière complètement différente.

Quand un élément factuel qui contredit une impression d’ensemble est absent d’un reportage, le reportage en tant que tel est alors presque sans valeur.

Il en va de même des reportages sur des évènements horribles sans vérification factuelle ni enquête de terrain. Vous vous souvenez du massacre de Houla ? Qui l’a perpétré ?

Houla Whoops 

Les médias nous ont dit que plus de 100 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été sauvagement massacrés à bout portant dans le village de Houla en mai dernier. La tuerie, rapportée dans le monde entier, avait été attribuée à une milice loyale à Assad, les Shabiha. Voici un exemple tiré su site web de la BBC : 

Des survivants du massacre dans la région de Houla en Syrie ont parlé à la BBC de leur stupeur et de leur effroi quand les forces du régime sont entrées dans leurs maisons et ont tué leurs familles…
La plupart des témoins qui se sont exprimés auprès de la BBC ont dit qu’ils pensaient que l’armée et des miliciens shabiha étaient responsables.
 
 «Nous étions à la maison, ils sont entrés, les shabiha et les forces de sécurité, ils sont venus avec des kalashnikovs et des pistolets automatiques, » a déclaré un survivant, Rasha Abdul Razaq.

Par la suite, des informations sorties au compte gouttes ont mis en doute cette version, d’autant que les personnes tuées étaient en majorité elles-mêmes en faveur d’Assad. Le reportage de la BBC ne nous dit pas qui était Rasha et n’a donné aucune preuve qu’elle était vraiment présent sur place ni, si elle était sur place, qu’elle avait des éléments quelconques pour affirmer que les tueurs étaient identifiables par leur affiliation. La BBC a cité une autre source qui n’a donné aucun nom. Malgré la faiblesse de son matériel, le récit de la BBC a été repris dans le monde entier pour devenir peut-être la version définitive des évènements. 

Vous n’avez donc sans doute pas eu connaissance d’un article de la Frankfurter Allgemeine-Zeitung, un bon vieux et sérieux journal allemand pour lequel j’ai écrit par le passé. Ce journal a publié il y a un mois un article d’un de ses correspondants qui a recueilli des témoignages oculaires de personnes dont il dit qu’elles sont allées dans la région de Houla. Le correspondant, Rainer Hermann dit que ces témoins oculaires étaient des opposants à Assad ont néanmoins constaté que les partisans du gouvernement n’étaient pas responsables du massacre. 

Les sources de Hermann décrivent les évènements de la manière suivante : des rebelles anti-Assad ont attaqué des barrages routiers de l’armée disposés aux abords immédiats de Houla pour protéger contre les milices sunnites les villages qui sont affiliés en majorité à la secte alaouite d’Assad. Les soldats postés aux barrages mis en grande difficulté ont alors appelé du renfort, ce qui a débouché sur une bataille de 90 minutes qui a vu les deux camps subir de lourdes pertes.

C’est dans ce laps de temps que des miliciens non identifiés sont entrés dans Houla. 

Comme Hermann l’écrivait le 7 juin : 

 « Selon des témoins oculaires… ceux qui ont été tués étaient presque exclusivement de familles appartenant aux minorités chiites et alaouites de Houla. Plusieurs dizaines de membres d’une même famille ont été massacrés, c’étaient des convertis de l’Islam sunnite à l’islam chiite. Des membres de la famille Shomaliya, des Alaouites, ont aussi été tués tout comme la famille d’un membre sunnite du parlement syrien qui est considéré comme un collaborateur. Juste après le massacre, les auteurs auraient filmé leurs victimes pour les présenter comme des victimes sunnites dans des vidéos postées sur internet.
… «Leurs constatations contredisent les allégations des rebelles qui ont accusé les miliciens shabiha proches du régime.»

Ainsi, Hermann a apparemment été en mesure de faire quelque chose dont la plupart des journalistes occidentaux ont été incapables: trouver des opposants à  Assad qui sont néanmoins prêts à fournir des témoignages qui ne servent pas leurs propres intérêts.

Leurs histoires d’affrontements intercommunautaires est plus logique que celle qui a fait le tour du monde et a transformé de nombreuses personnes qui ne prêtaient pas grande attention à la situation en partisans d’une déposition d’Assad. Mais tout le monde doit néanmoins donner des précisions de sorte à ce que nous puissions être en mesure de déterminer ce qui est vrai.

Presque tous les récits dans les articles des grands médias ont la caractéristique d’émaner de l’opposition et presque tous imputent tous les maux au régime et presque tous observent en avertissement que les informations « n’on pu être vérifiées de manière indépendante.»

Parlons Turquie

Bien que le journalisme classique se targue d’être « objectif » et de ne pas prendre parti, je ne me souviens pas avoir beaucoup entendu parler du point de vue du régime syrien, en dehors des démentis généraux et peu convaincants après des informations sur les méfaits du régime. On a presque l’impression que le gouvernement syrien ne veut pas être entendu.

Mais il s’avère que ce n’est pas le cas.

Avec le voisin turc de la Syrie de plus en plus en pointe pour que l’OTAN renverse Assad, il est intéressant de voir qu’un journal turc a coulu savoir ce que le dirigeant syrien avait à dire :

Dans un entretien accordé au journal turc Cumhuriyet, Bachar al-Assad a adressé une critique extraordinairement intéressante du premier ministre Turc Recep Tayyip Erdogan. Une version traduite en anglais par l’agence syrienne de presse SANA montre Assad mettant en avant sa bonne volonté à l’égard du peuple turc dans la première partie de lentretien avant de soulever des questions sur les motivations de l’alliance qui cherche à le renverser : 

Assad: …. Aujourd’hui Erdogan versee des larmes hypocrites pour le peuple syrien. Pourquoi n’a-t-il pas pleuré sur ceux qui ont été tués dans certains pays du Golfe alors que ce sont des gens innocents, pacifiques et désarmés ? Pourquoi ne parle-t-il pas de la démocratie dans certains pays du Golfe ?
 
Le journaliste: Quel pays?
Assad: Le Qatar, par exemple. Pourquoi n’a-t-il rien fait après l’incident du Mavi Marmara à part gesticuler ?Pourquoi a-t-il défié israêl avant de soudain accepter de déployer le bouclier antimissile en Turquie ? L’a-t-il déployé pour protéger la Turquie de l’attaque d’un pays hostile ? Les Etats Unis ont-ils construit ces bases pour leur propre protection dans cette région ? Quel pays de la régionest en mesure de menacer l’Amérique? Aucun.

Pas besoin d’être un admirateur d’Assad (et qui l’est ?) pour trouver de l’intérêt à lire ses propos. Entendre, pratiquement pour la première fois, l’autre partie sonne un choc salutaire – qui me rappelle une règle qu’on nous enseignait à l’école de journalisme mais dont entendait plus parler par la suite, sauf sous ses aspects les plus superficiels ; Pour découvrir ce qui se passe vraiment, faites un véritable effort pour parler avec les deux camps.

Rien qu’Hillary, Tout le temps

Alors que les médias occidentaux ignorent purement et simplement les déclarations des dirigeants Syriens, ils fonctionnent comme une image inversée de l’agence de presse syrienne officielle, publiant un flot continu de déclarations des dirigeants qui veulent la chute d’Assad. Par exemple, à nouveau dans le New York Times, les propos souvent repris de Mme Clinton sur Tlass.

Plus tard, lors d’une conférence de presse, Mme Clinton a déclaré que la nouvelle de la défection du général Tlass et d’autres officiers supérieurs était un signal très fort  de la fin prochaine du régime Assad. Elle a présenté le général Tlass comme un allié de longue date et très proche du régime » de M. Assad et de son père.

On a donc une Hillary Clinton qui veut présenter de manière distordue l’évènement Tlass et une presse qui n’est que trop heureuse de la suivre.

Il y a de plus en plus de preuves que nous, Américains, sommes trompés par notre gouvernement sans que les élus du peuple ne pipent le moindre mort dans la presse à ce sujet. C’est une situation qui, n’est malheureusement pas vraiment une information nouvelle.

Journalistes envoyés à la mort en Syrie (ou de l’art consommé de la propagande)

8 juin 2012

En Syrie, la propagande occidentale bat son plein sur le mode qui lui est caractéristique et que nous avons vu à l’œuvre tout récemment en Libye et, il y a quelques années de cela, en Yougoslavie. Les massacres sont effectués avec un timing d’une rigueur impressionnante, de sorte à coïncider avec des échéances diplomatiques sensées prendre en charge l’indignation de l’opinion.

 Une indignation à laquelle n’ont pas droit, ça va de soi ,les Pakistanais ou les Afghans écrasés sous les bombes des bienfaiteurs US. Pas plus que les Palestiniens de Gaza en 2008-2009 où les Libanais en 2006. Pourtant vous ne trouverez pas un seul pays occidental qui ne se dit pas ami du Liban…

Dans la guerre de propagande, la mort de journalistes peut-être une bonne affaire et les opposants armés au gouvernement syrien l’ont bien compris qui n’hésitent pas à conduire des journalistes européens vers ce qui aurait dû être leur mort assurée.

C’est la mésaventure qui est effectivement arrivée à Alex Thomson, un journaliste de la chaîne de télévision anglaise Channel 4 et qu’il relate dans son blog.

Envoyés à la mort dans un no man’s land syrien ?

Par Alex Thomson, Channel 4 (UK) 8 juin 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Debout devant l’hôtel Safir à Homs pendant que les 4X4 blancs de l’ONU attendaient,  l’officier Irlandais  responsable est arrivé et nous adit : « Les règles habituelles Ales, OK ? Nous ne sommes pas responsables de bous, les gars. Si vous êtes dans les problèmes, on vous laissera, OK ? Vous êtes autonomes.»

 «Ouais – pas de problème Mark. C’est compris.»

Je dis toujours ça, façon de croire qu’on ne se trouvera jamais devant une telle éventualité.

Seulement deux véhicules de l’ONU plus la voiture blanche de la police locale marquée « Protocole » comme escorte, nous allons vers le sud à travers des quartiers paisibles de Homs non touchés par la guerre.

Dix minutes à peine après avoir quitté la ville par le sud, et on dit adieu au protocole. Le dernier point de contrôle de l’armée syrienne est tout droit sur l’autoroute du sud vers Damas.

Nous allons vers l’est – il n’y a qu’à suivre la direction vers laquelle pointe la tourelle du blindé à côté duquel est garée la voiture du protocole pour se faire une idée.

Il y a toujours cette petite boule dans l’estomac quand on circule dans les no man’s lands désertés, mais c’est la rase campagne, sans signes de combats.

Maintenant, les premières motocyclettes nous approchent et nous arrivons au premier checkpoint de l’Armée Syrienne Libre.

Après une longue demi-heure de pistes à travers des oliveraies, nous arrivons à al Qusayr et la prévisible scène de foule.

L’ONU s’installe pour une longue réunion aves les chefs civils et militaires locaux. A mes yeux, ça ressemble beaucoup à une «chouhra» afghane. Tout le monde est sur des coussins autour de la salle, les jambes croisées, sauf qu’on sert du café turc au lieu du thé.

Nous nous mettons en place pour filmer à l’extérieur. Il fait chaud, des femmes et des garçons nous apportent des oranges et des chaises. Des fragments d’obus nous sont montrés pour que nous les filmions. Ils nous expliquent que les bombardements reprendront dès notre départ – une affirmation qui par nature restera non vérifiée, quoiqu’il y ait certainement d’importants dégâts causés par des obus dans certaines parties de la ville.

Nous passons donc le temps, en attendant que l’ONU se déplace – ils sont bien sûr notre seul moyen de franchir les lignes avec un minimum de sécurité.

Mais le temps se traîne. Le délai qui nous est imparti tire à sa fin. Et il y a ce type vraiment casse pieds qui prétend être des « services de renseignements rebelles » et qui n’arrive pas à accepter que nous ayons un visa du gouvernement.

Dans son esprit, les journalistes étrangers sont des gens passés clandestinement et illégalement par le Liban et point final. On ne correspond pas à son profil.

Lui est ses camarades rendent aussi les choses difficiles à notre chauffeur et à notre traducteur – leurs pièces d’identité établies à Damas et notre camionnette immatriculée à Damas n’arrangent pas nos affaires.

C’est nouveau [pour nous]. Hostile. Ce n’est pas comme à Homs ou à Houla et pourtant la réunion avec l’ONU se traîne dans la chaleur de l’après-midi.

Nous décidons de demander une escorte pour prendre le chemin sûr par lequel nous sommes venus. Les deux camps, les deux checkpoints se souviendront de notre véhicule.

Envoyés à la mort ?

Soudain, quatre hommes dans une voiture noire nous invitent à les suivre. Nous partons derrière eux.

On nous emmène par une autre route. Emmenés en fait dans une zone où on tire à vue. Invités par l’Armée Syrienne Libre à suivre une route qui est bloquée au milieu d’un no man’s land.

A ce moment, il a eu le sifflement d’un projectile et un des plus lents demi-tours que j’ai jamais connus pour foncer vers l’accotement le plus proche pour nous couvrir.

Une autre impasse

Il n’y avait pas d’autre choix que de rebrousser chemin sur le champ de tir et de le traverser pour reprendre la route par laquelle on nous avait emmenés.

Comme on s’y attendait, la voiture noire qui nous avait conduits dans le piège était là. Ils ont démarré dès que nous sommes réapparus.

Je dis tout net que les rebelles ont fait en sorte que nous soyons tués par l’armée syrienne. La mort de journalistes est mauvaise pour Damas.

Ma conviction n’a fait que se renforcer une demi-heure plus tard quand nos quatre amis dans la même voiture cabossée ont fait soudain irruption depuis une rue latérale pour nous empêcher de rejoindre les véhicules de l’ONU à l’avant.

Les observateurs de l’ONU sont revenus vers nous pour constater que nous étions entourés de miliciens hurlant et ils ont quitté la ville.

Nous avons finalement pu partir aussi et sur la bonne route pour le retour à Damas.

Dans une guerre où ils égorgent des bébés jusqu’à l’os, qu’est-ce que ça peut bien faire d’envoyer une minibus plein de journaliste dans une zone où on tue ?

Ca n’avait rien de personnel.

Syrie: un massacre revendiqué

5 juin 2012

Comme je vous le disais il y a quelques jours, je suis persuadé que le massacre perpétré à Houla est l’oeuvre des forces hostiles au gouvernement de Bachar al-Assad et non de l’armée syrienne ou de milices fidèles au régime.

Ma conviction est renforcée par l’information suivante que vous trouverez difficilement en langue française, du moins pour l’instant sauf sur La Voisx de la Russie:

Un groupe islamiste radical Front Al-Nusra a revendiqué le massacre de treize personnes dont les corps avaient été retrouvés dans l’est de la Syrie la semaine dernière.
Les chefs du groupe ont mis en ligne une déclaration dans laquelle ils affirment avoir capturé treize agents des services de sécurité syriens dans la province de Deir Ezzor. Après les avoir interrogés, les islamistes les ont décapités.
Les autorités syriennes ont à plusieurs reprises dénoncé l’existence de groupes armés parmi l’opposition. Damas suppose que ce sont ces groupes-là qui ont organisé le massacre d’Houla du 25 mai dernier.

Comme le rappelle la Chicago Tribune qui traite aussi de cette information, 

Les militants [de l’opposition] avaient alors déclaré que les morts étaient des déserteurs de l’armée tués par les forces du président Bachar al-Assad., mais le Front Al-Nusra, une organisation militante qui a revendiqué plusieurs attentats récents, a indiqué que les morts étaient des membres des services de sécurité.

Les 13 corps d’hommes ligotés et décapités avaient été découverts par des observateurs de l’ONU à 50 kilomètres de Deir ez-Zor.


Il n’y a pas de soulèvement populaire en Syrie

31 mai 2012

 John R. Bradley est un observateur Britannique de la scène politique du Proche Orient. Sa notice biographique nous indique un parcours assez typique de l’élite britannique avec une formation entre autres à l’University College de Londres et à Oxford.

M. Bradley publie souvent dans des organes de presse comme The Spectator, The Jewish Chronicle ou The Daily Mail comme pour l’article que je vous propose. Politiquement, il semble être un conservateur de type traditionnel, pas un néoconservateur.

Son analyse du « printemps arabe » le range aussi parmi les sceptiques, sauf qu’il a du mal à admettre que son pays et les pays alliés au sien (France, Etats Unis etc.) ont agi en connaissance de cause pour  empêcher les « révolutions » d’aller jusqu’au bout en Tunisie et en Egypte et en ont carrément fomenté en Libye et en Syrie.

M. Bradley n’arrive en effet pas à comprendre pourquoi son pays soutient des tendances politiques rétrogrades contre le gouvernement syrien qui, malgré bien des tares, assure le respect de toutes les confessions. Pour l’auteur de l’article, l’Occident soutient en Syrie un soulèvement populaire imaginaire.

Je refuse cependant de mettre, comme il le fait, dans le même sac le parti En-Nahda en Tunisie et les sectaires que les forces de l’OTAN ont aidés à éliminer Kadhafi ou ceux qui dominent la rébellion en Syrie. Entre En-Nahda et les autres, il y a plus que des nuances et un contexte intérieur et régional bien différent.

Il est par contre vrai que l’issue des évolutions en cours en Tunisie et en Egypte est des plus incertaines comme dans n’importe quel processus politique de cette ampleur.

Les autorités syriennes font en réalité face à un conglomérat redoutable de candidats à la dictature et, surtout, d’une des versions les plus sectaires des Frères Musulmans et d’autres groupes appartenant à la mouvance « salafiste ».Tous sont fortement inféodés aux monarchies pétrolières, à l’Arabie saoudite en particulier.

M. Bradley devrait savoir que si ces « islamistes » sont rigoristes en matière de mœurs et de littéralisme doctrinal, ils sont par contre libéraux en matière économique et flexibles devant le problème posé par le régime sioniste.

Et c’est tout ce qui importe.

Oui, la Syrie est une tragédie, mais ce serait folie pour la Grande Bretagne d’intervenir

par John Bradley, The Daily Mail (UK) 29 mai 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

 La spirale de la mort continue en Syrie Depuis plus d’un an, Depuis plus d’un an maintenant, ce malheureux pays arabe est en proie à la sauvagerie avec la contestation du régime autoritaire du président Bachar al-Assad par des insurgés.

La brutalité des deux côtés s’est traduite par un catalogue de plus en plus fourni d’atrocités qui provoquent chez la population syrienne une crainte de plus en plus forte de voir le pays sombrer dans la guerre civile.

Ces inquiétudes n’ont fait que s’exacerber avec les informations dur le massacre commis dans la ville de Houla où on dit que plus de 100 civils ont été massacrés la semaine dernière par les forces gouvernementales.

Parmi les tués, se trouvaient pas moins de 40 enfants et 34 femmes.

Dimanche dernier, le Conseil de Sécurité de l’ONU – réuni en urgence – a condamné à nouveau fermement Assad et a réitéré ses appels à un cessez-le-feu entre les autorités et les rebelles.

Ici, en Grande Bretagne, le ministre des affaires étrangères William Hague s’en est non seulement pris à Assad dans les termes les plus vigoureux, mais a aussi exigé une pression internationale pour provoquer sa chute. Hier, la Grande Bretagne – et d’autres puissances occidentales – ont annoncé l’expulsion des diplomates Syriens en poste chez elles.

Même l’idée d’une intervention militaire occidentale contre Assad n’a pas été écartée.

Aux Etats Unis, le général Martin E. Dempsey, chef de l’état-major interarmes, a indiqué que des troupes américaines pourraient être envoyées pour aider les rebelles. « Il y a toujours une option militaire, » a-t-il dit. Hague lui-même s’est livré à de bruyantes rodomontades ces derniers jours.

L’expression de l’indignation au sujet de Houla et les menaces subséquentes d’action militaire, tout cela s’accorde avec le schéma narratif occidental conventionnel de la crise syrienne, dans lequel Assad est dépeint comme un tyran sanguinaire et les rebelles comme des combattants héroïques de la liberté qui essayent de délivrer le peuple syrien de l’oppression.

Cette image a été soigneusement cultivée par le camp anti-Assad qui s’est montré maître dans la propagande manipulatrice destinée à de crédules politiciens Occidentaux, aux chaînes de télévision et aux organisations militantes.

Mais la vérité sur la violence en Syrie est beaucoup plus complexe que ce que voudraient nous faire croire les ennemis d’Assad.

Bien sûr, ces effusions de sang meurtrières doivent être condamnées et il est certain qu’une tragédie humaine est en cours. Le régime Assad est à l’évidence repoussant et ses actions indéfendables, ce qui fait qu’un authentique et pacifique soulèvement populaire ne peut être que justifié et compréhensible.

Cependant, contrairement à ce que Hague pourrait soutenir, nous sommes devant tout à fait autre chose qu’une confrontation directe entre une dictature et un peuple.

Si le soulèvement avait commencé par des manifestations pacifiques de Syriens ordinaires, la notion simpliste du bon contre le méchant ne reflète plus la réalité.

Même au niveau le plus élémentaire, cous ne savons pas ce qui s’est réellement passé à Houla. ‘La vérité est la première victime de la guerre’ dit sagement le vieil adage.et tout ce que nous avons pour le moment, ce sont les affirmations des deux camps.

Les rebelles accusent Assad tandis que le régime du président conteste fermement et absolument toute responsabilité dans la tuerie, soulignant le fait que la plupart des victimes semblent avoir été tuées à bout portant, à un moment où les forces gouvernementales se servaient de mortiers de gros calibre contre les rebelles.

Propagande pour se convaincre soi-même ? Peut-être, mais dans ces phases les plus sombres des conflits, les histoires d’atrocités ont souvent été exagérées et exploitées.

Rien qu’en février par exemple, juste avant un vote décisif à l’ONU sur des sanctions contre la Syrie, on nous avait dit que plus de 200 civils avaient été tués par les forces d’Assad pendant le bombardement meurtrier de Homs, un bastion rebelle.,

Mais il s’est avéré par la suite que le vrai bilan des victimes était de 55 morts.

En outre, on devrait reconnaître que les rebelles sont accusés d’actes de barbarie qui n’ont rien à envier à ceux du régime d’Assad.

Ces derniers mois, ils ont été accusés d’une série d’attaques terroristes cruelles dans les grandes villes, dont des attaques à la voiture piégée et des attentats suicide. De leur côté, ils affirment que ces attentats étaient l’œuvre d’Assad. Mais qui peut savoir la vérité ?

Cette sombre image d’une violence mutuellement meurtrière fait qu’il est absurde pour Hague de prétendre qu’il s’agit simplement d’un combat moral entre la bassesse du régime d’Assad et la noblesse de ses opposants.

Le fait est qu’il n’y a pas de soulèvement du peuple syrien contre le gouvernement. Pas plus qu’il n’y a eu de manifestations d’ampleur contre la présidence d’Assad dans les deux plus grandes villes du pays, Alep et Damas, où les seules manifestations massives à s’être tenues avaient été en faveur du président.

Certains essayent d’expliquer l’absence de manifestations massives en soutenant que c’est la nature tyrannique du régime qui les empêche, mais ça ne résiste pas à l’examen. En Egypte, la police, l’armée et les services de sécurité du président Moubarak étaient bien plus puissants que ceux d’Assad dans la Syrie d’aujourd’hui, elles n’avaient pourtant pas pu empêcher les énormes manifestations populaires..

Il n’y a rien eu de ce genre en Syrie, parce que la réalité est que l’opposition ne représente pas la volonté de la population. En fait, elle est une force majoritairement islamiste qui veut mettre un terme à l’attachement d’Assad à un régime sécularisé sous lequel – à côté de toutes les tares du régime – les drois des minorités religieuses sont respectés.

L’instance de coordination de l’opposition, le Conseil National Syrien (CNS) est dominé par la ligne dure des Frères Musulmans qui militent pour l’imposition de la charia. Le CNS est puissamment soutenu par des djihadistes armés sur le terrain qui veulent créer un Etat islamique anti-occidental en Syrie.

Ces zélotes ont obtenu armes et soutien financier auprès des régimes musulmans fondamentalistes d’Arabie Saoudite et du Qatar car tous deux veulent promouvoir un islamisme ultraconservateur dans toute la région.

Il est grotesque que notre propre ministre des affaires étrangères considère de notre devoir de prendre fait et cause pour ces fanatiques en Syrie qui n’éprouvent d’intérêt ni pour la négociation, ni pour la démocratie.

Hague est tout simplement dans l’erreur s’il pense que nous avons quoi que ce soit à gagner d’une intervention dans ce pays.

La position britannique est marquée par l’hypocrisie. Hague fulmine au sujet des droits de l’homme en Syrie parce que cette affaire domine l’actualité internationale, mais ne dit pourtant rien sur les violations des libertés en Arabie Saoudite, simplement parce que ce pays se trouve être notre allié riche en pétrole.

Il critique la Russie pour son soutien à Assad mais reste silencieux sur le soutien apporté par le Qatar à des djihadistes meurtriers.

Nos politiciens ne semblent pas non plus avoir tiré une quelconque leçon du soi-disant printemps arabe qu’ils présentaient enthousiastes l’an dernier comme un triomphe sur la dictature. Les choses ne se sont guère passées ainsi.

Dans presque tous les pays où le printemps arabe a prévalu, le résultat a été plus d’oppression, plus de paralysie économique et plus d’autocratie religieuse.

Ainsi, en Tunisie, le pays qui était auparavant le plus sécularisé et progressiste du monde arabe, des bandes de voyous salafistes arpentent désormais les rues, menaçant les femmes qui ne portent pas le voile et incendiant des magasins qui osent vendre de l’alcool. Au Yémen, al Qaïda contrôle maintenant d’importantes zones au sud du pays, tandis qu’en Egypte, le premier tour de l’élection présidentielle a débouché sur un duel entre un islamiste tenant de la ligne dure et un ancien sbire de Moubarak – pas vraiment la victoire de la démocratie qui avait été promise au peuple égyptien au plus fort de la révolution.

Tout cela explique en bonne partie pourquoi la population syrienne a majoritairement refusé de soutenir les rebelles. Elle voit ce qui s’es passé ailleurs au Moyen Orient et elle en tremble.

Assad a peut-être du sang d’enfants sur les mains, mais aux yeux de la majorité de son peuple, il offre au moins une certaine stabilité et un certain progrès économique, alors que la perspective d’un pouvoir djihadiste dignifie puritanisme et paralysie.

Il serait scandaleux de sacrifier la vie de soldats Britanniques dans ce conflit dans lequel nous n’avons aucun intérêt national.

Trop de vies ont déjà été perdues dans des aventures idéologiques en Afghanistan et en Irak. Mais le coût de ces deux guerres ne sera rien à côté ds terribles conséquences d’une intervention en Syrie

Même si nos forces réussissaient à expulser Assad du pouvoir, nous serions entraînés dans un bourbier sanglant au moment où nous tenterions de discuter d’un accord entre les factions en guerre.

Notre intervention en Libye a bien pu déposer un tyran – mais seulement au prix de la mise au pouvoir de milices islamiques meurtrières et de la dégradation de l’infrastructure de cette nation. Les dégâts que nous causerions en Syrie seraient encore plus grands.

Dans tous les cas, en cette période de coupes sombres dans le budget militaire, nous ne sommes tout simplement pas en mesure d’intervenir – alors la rhétorique agressive de Hague est  de toute façon à peine autre chose qu’une simple posture.

John R. Bradley est l’auteur de After The Arab Spring : How Islamists Hijacked tje Middle East Revolts (Palgrave Macmillan)

Sang, larmes et propagande en Syrie

29 mai 2012

La récente tuerie de Houla en Syrie a légitimement suscité une très forte émotion dans le monde compte tenu du nombre et de la nature des victimes: des civils dont de nombreux enfants.

Comme l’indique le journal L’Humanité, « Houla pourrait changer la donne diplomatique ».

De fait la France par exemple, vient de décider l’expulsion de l’ambassadrice de Syrie à Paris, et l‘Australie a pris une décision semblable.

 Il est pourtant de plus en plus clair que cette tuerie n’est pas l’oeuvre du gouvernement syrien mais très probablement des tueurs qui se sont engagés dans une lutte sans merci contre les autorités, appelant même des forces étrangères à venir bombarder leur pays.

Le massacre intervient à un moment des plus opportuns, à la veille d’une visite de Kofi Annan, envoyé spécial pour la Syrie de l’ONU et de la Ligue Arabe et au lendemain de l’investiture de François Hollande à la tête de l’Etat français.Si ce dernier hésitait à rejoindre le camp atlantiste et a imposé ses vues sur l’Afghanistan, ce n’aura été que pour sauter à pieds joints dans le piège syrien.

Pour emporter la conviction, la BBC a par exemple cru utile de présenter une photo de victimes d’un massacre perpétré en Irak occupé par les Etats Unis. Que je sache, le gouvernement français n’en a pas pour autant expulsé l’ambassadeur US à Paris. La BBC aurait publié cette photo par …méprise, bernée par « l’opposition « syrienne.

On nous a dit dans un premier temps que les victimes de Houla avaient été tuées par des tirs d’armes lourdes, ce qui impliquait quasi obligatoirement les troupes syriennes qui sont les seules à en disposer.

On apprend pourtant que, loin d’avoir été victimes de tirs indiscriminés d’artillerie ou de blindés, la plupart des civils de Houla ont été assassinées de sang froid dans leurs maisons.

La vérité complète se fera peut-être jour, mais comme en Libye ou ailleurs, ce n’est pas la vérité qui guidera l’action des Etats Unis et de leurs amis de l’OTAN.


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