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L’Etat Islamique en Irak et au Levant (Daesh), les Kurdes, la Turquie, et la lutte des classes

22 octobre 2014

Une lecture intéressante du positionnement de la Turquie à l’égard de la situation à sa frontière avec la Syrie où l’Etat Islamique (EI, Daesh) cherche à s’emparer de la ville de Kobané aux dépends des Kurdes syriens.

En effet, Adnan Khan dépasse la lecture commune qui privilégie soit l’angle religieux, soit l’angle ethnique pour nous donner à comprendre ce qui se joue réellement en Turquie : la reprise du bras de fer entre un gouvernement, d’inspiration islamiste, qui a a lancé le pays, avec un certain succès, dans une expansion économique de type capitaliste et une extrême gauche qui n’a pas renoncé à faire aboutir un projet socialiste par la voie révolutionnaire.

Il s’avère que cette extrême gauche comporte une forte représentation kurde sans pour autant qu’on puisse la caractériser sous l’angle ethnique ou culturel. Et cette extrême gauche se reconnaît dans le projet politique non ethnique porté par le Parti des Travailleurs du Kurdistan et le PYD qui assure la défense de Kobané.

On comprend mieux à la fois les réticences du gouvernement turc mais aussi la réaction d’hostilité d’une partie de la population turque à l’égard des régimes occidentaux, Etats Unis en tête.

 

Le vrai problème kurde de la Turquie

par Adnan Khan, The Globe and Mail (Canada) 22 octobre 2014 traduit de l’anglais par Djazaïri

Adnan Khan

Adnan Khan

Adnan Khan est un écrivain et photographe qui vit à Istanbul et à Islamabad

Il y a eu peu de manifestations de joie chez les Kurdes de Turquie lorsque l’aviation américaine a commencé à larguer des bombes sur l’État Islamique (EI, Daeeh) en Syrie. Leur réaction a été pour le moins surprenante: depuis des semaines, les Kurdes protestaient à Istanbul et dans le sud à majorité kurde de la Turquie contre le manque de soutien apporté à leurs compatriotes kurdes de Kobané, la ville assiégée en Syrie, juste de l’autre côté de la frontière.

Kobané était encerclée sur trois côtés, la seule voie de passage sûre pour y entrer ou en sortir étant celle vers la Turquie au nord. Mais l’armée turque a fermé la frontière. Les défenseurs de la ville, une milice kurde syrienne locale, la branche armée du Parti de l’Union Démocratique (PYD) ont sollicité une aide internationale. Quand les bombardements et les largages de matériel par les Américains ont enfin contribué à faire reculer les forces de l’Etat Islamique, les Kurdes ont probablement échappé au massacre.

L’intervention [américaine] aurait dû provoquer de la joie, mais la protestation a continué, les Kurdes s’en prenant à l’Etat Islamique et condamnant les actions de la Turquie. Encore plus significatif, les manifestants se sont déchaînés contre les Etats Unis et leurs alliés, dont le Canada, dénonçant l’impérialisme et le capitalisme occidentaux.

Les manifestants étaient en majorité des socialistes, d’une tendance virulente qui reste répandue dans la population kurde de Turquie. Leur colère ne découle pas d’un nationalisme ethnique mais d’une idéologie politique. Une révolution est en cours à Kobané, disent-ils, et tout le monde – l’Occident, l’Etat Islamique, les pays arabes, le gouvernement turc – tente de la faire échouer.

Leur version des faits est préoccupante. La Turquie a connu des années de violence politique après l’effondrement d’un processus de paix avec sa minorité kurde en 1993. L’es extrémistes de gauche, principalement des Kurdes favorables au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK interdit) étaient à la lutte contre les ultranationalistes turcs et les islamistes qui se faisaient appeler le Hezbollah turc. Le gouvernement de l’époque, fortement influencé par l’armée, était soupçonné de manipuler les islamistes et les nationalistes dans sa tentative pour écraser l’insurrection dirigée par le PKK.

Ce furent des jours sombres. Des milliers de Kurdes périrent et des centaines de milliers furent déplacés après que pas moins de 3 000 villages du sud-est du pays furent rasés par l’armée pour leur soutien présumé au PKK. « C’était comme une guerre des gangs, » affirme Tolga Baysal, un cinéaste d’Istanbul qui a vécu cette époque. « Le Hezbollah enlevait et assassinait des membres présumés dy PKK, le PKK faisait de même avec le Hezbollah. »

Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter. Un autre processus de paix avec les Kurdes est sur le point de capoter. Le Hezbollah turc est de retour, revigoré par ce qu’il perçoit comme un renouveau islamique en Irak et en Syrie, ainsi que les penchants conservateurs de l’actuel gouvernement turc. Kobané a donné une nouvelle énergie à une extrême gauche turque inspirée par le Parti d’Union Démoocratique qui a annoncé en septembre dernier qu’il allait instaurer la société socialiste parfaite à Kobané. Une fois encore, le gouvernement turc se tourne vers les ultra-nationalistes pour les contrer.

Selon le discours prédominant, la volonté kurde d’une auto-détermination sur une base culturelle et ethnique a été réveillée par les événements de Syrie. Mais c’est une simplification excessive. L’escalade du conflit a plus à voir avec l’idéologie politique – un socialisme radical en opposition avec le projet capitaliste turc en plein essor et le gouvernement enraciné dans l’islamisme politique qui le dirige.

En effet, le Parti de la Justice et du Développement (AKP) qui gouverne la Turquie a fait des avancées significatives ces dix dernières années en reconnaissant des droits culturels aux Kurdes. Beaucoup de travail reste à accomplir, mais il n’est plus illégal de se dire kurde ou de parler d’un espace nommé Kuridtan. Un nombre limité de chaînes de télévision kurdophones onr reçu l’autorisation d’émettre et d’importants projets de développement dans le sud-est ont amélioré la situation économique des Kurdes.

Mais le Parti de l’Union Démocratique et le PKK ont un projet beaucoup plus vaste que les militants m’avaient expliqué en 2006 quand j’avais visité leur base ses monts Qandil dans le Kurdistan irakien.

« La révolution commence avec le peuple, » m’avait-on dit. « C’est ce qui distingue notre socialisme de tout autre mouvement socialiste : l’action individuelle. Les gens doivent prendre en main leurs propres vies. Essayez d’imaginer ça : un pouvoir qui émane de la base, du peuple vers l’appareil de gouvernement d’une manière qui réduit le pouvoir de ce dernier à un rôle de coordination. C’est la vision du PKK. »

Pendant la semaine que j’avais passée avec les révolutionnaires, j’avais pu voir par moi-même ce à quoi pouvait ressembler leur utopie : une société organisée de manière rigide où tout était mis en commun, les rôles liés au genre étaient éliminés et les idéaux révolutionnaires étaient inculqués. Selon les dirigeants, ce n’était qu’un début.

« Notre mouvement est global, pas seulement limité à la région, » disaient-ils. « Mais nous nous concentrons sur le Moyen Orient comme point de départ. Nous changerons le paysage politique du Moyen Orient comme exemple pour le reste du monde. »

Maintenant, le projet révolutionnaire a trouvé son moment historique : le printemps Arabe. Dans le quartier majoritairement kurde ‘Okmeydani à Istanbul, tous les signes sont présents : des graffiti qui annoncent la résurgence du pouvoir populaire, des faucilles et des marteaux grossièrement dessinés avec de la peinture rouge vif, des portraits de Che Guevara à côté de ceux de révolutionnaires kurdes. « Kobané est notre Stalingrad, » affirme un slogan répandu.

« L’Etat Islamique n’est pas seul, » m’a dit un manifestant de gauche. « L’Etat Islamique attaque une révolution… Ce n’est pas une lutte contre l’Etat Islamique. C’est une lutte contre le système et ceux qui le soutiennent, dont l’Etat turc et toute une série d’autres : le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Angleterre, la France, les Etats Unis. On doit s’opposer à tous ces systèmes capitalistes et impérialistes. »

Pour le gouvernement turc, ce genre de ferveur menace de casser des années d’entreprise capitaliste et de ramener la Turquie à l’effusion de sang et à la ruine économique des années 1990. Dans son calcul, l’Etat Islamique est un moindre mal. L’extrême gauche turque, qui se trouve être kurde, est la boîte de Pandore – dont le couvercle doit être maintenu fermé à tout prix.

Kobane, une étape du plan de Washington pour détruire le régime syrien

20 octobre 2014

Ce qui se passe en ce moment en Syrie est d’une complexité inouïe tant les forces en présence sont nombreuses et les intérêts, même entre alliés ou présumés tels, contradictoires.

Les Etats Unis, on le sait, bombardent les positions de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL ou EI, Daesh) dans le secteur de Kobane (Ayn al-Arab) ville kurde que cette organisation assiège et ailleurs en Syrie, détruisant au passage des infrastructures économiques qui permettent aux civils de survivre.

Le régime syrien aurait consenti à ces frappes.. A mon avis, il n’avait guère le choix et il doit s’estimer bien heureux de ne pas être ciblé directement par les attaques aériennes américaines.

J’écris directement parce que je considère qu’en dernière analyse, derrière l’EIIL, c’est le gouvernement syrien qui est visé.

C’est ce que je suggérais dans un précédent post en observant que l’affaiblissement et l’élimination de l’EIIL n’était pour les Etats Unis que le prélude à une nouvelle phase de la guerre anti-Assad menée par Washington, une phase qui passe par le recrutement d’une armée de mercenaires.

Et aussi par un retournement d’alliances pour les Kurdes de Syrie qui étaient alliés jusqu’à présent avec le régime syrien.

On comprend mieux maintenant pourquoi les bombardements menés par l’aviation américaine sur les forces de l’EIIl à Kobane ont été dans un premier temps marqués par une efficacité plus que douteuse : l’EIIL a été en quelque sorte l’instrument des Etats Unis pour persuader les Kurdes syriens de revoir leur position.

Le largage par les Américains d’armes destinées aux miliciens du PYD semble confirmer le repositionnement des Kurdes dans une nouvelle phase de la stratégie américaine de lutte contre le régime syrien. Tout comme l’adoption par les USA et l’UE de nouvelles sanctions contre les régime syrien

Il va sans dire que tout cela n’augure rien de bon, ni pour la Syrie, ni pour la région à laquelle les Etats Unis et leurs alliés occidentaux semblent prêts à faire subir des années de violence et de chaos.

Qui sortira vainqueur de Kobane (‘Ayn-al-‘Arab) ?

The Angry Arab, 19 octobre 2014 traduit de l’anglais par Djazaïri

Ali, le correspondant en chef d’Angry Arab en Turquie m’a envoyé ce commentaire :

« Kobane : un coup gagnant pour les Etats Unis. Personne n’a encore attiré l’attention sur ce fait évident, mais à la vérité, qu’int gagné l’Etat Islamique (EI, Daesh) , la Turquie ou les Kurdes syriens avec l’attaque surprise de l’EI sur Kobane. A part que les Etats Unis ont fait avancer leur agenda politique sous le mot d’ordre d’Obama qui est « d’affaiblir et de détruire l’EI »…

Premièrement, l’EI n’obtiendra rien s’il s’empare complètement de la ville kurde assiégée. Kobane n’a pas d’intérêt stratégique si on la compare avec d’autres objectifs potentiels pour l’EI avant qu’il se lance dans la campagne contre Kobane le 15 septembre : le premier objectif potentiel était à l’évidence la ville d’Azaz, une ville frontalière avec la Turquie située au nord d’Alep et qui a eu un rôle crucial pour l’approvisionnement d’autres groupes armés actifs dans la Syrie du nord. L’EI était à la porte d’Azaz.

frontière syrie-turquie

Le second objectif potentiel était l’aéroport de Deir ezZor qui a été une base très importante pour le ravitaillement des troupes de l’armée syrienne présentes dans la ville assiégée. L’EI a lancé des attaques pour prendre cet aéroport mais avec de faibles effectifs comparées à l’attaque contre Kobane. Le troisième objectif potentiel était Hasakah au nord où les Kurdes contrôlent des puis de pétrole avec l’aide de facto de l’armée syrienne présente dans la ville. Kobane n’a pas de puits de pétrole, n’est pas une route logistique et l’EI contrôle déjà deux points de passage frontaliers dans la région. Il s’agit de Jarablus, à quelques kilomètres à l’ouest de Kobane et de Tall Abiad à l’est. Mais comme on le sait, l’EI a attaqué Kobane avec au moins 3 000 hommes avec un soutien d’artillerie, des tanks, des véhicules blindés, das canons anti-aériens montés sur des pick-ups. Et à cause de la résistance des miliciens kurdes du PYG et des frappes aériennes américaines, , l’EI payera un prix très élevé pour une ville sans importance particulière même s’il s’en empare complètement.

L'aéroport de Deir Ezzor a un usage mixte, civil et militaire

L’aéroport de Deir Ezzor a un usage mixte, civil et militaire

Deuxièmement, qu’a obtenu la Turquie quand on voit que les organes de presse occidentaux sont pleins de commentaires affirmant que la Turquie était derrière l’attaque de l’EI sur Kobane ? Erdogan est maintenant portraituré comme le ‘monstre derrière l’EI’ et un soulèvement kurde frappe soudain la Turquie et menace le soi-disant processus de paix. Et maintenant, le PYD de Syrie qui est affilié au PKK est en contact direct avec Washington, ce qui doit être un cauchemar pour Ankara.

Troisièmement, les Kurdes syriens qu se considèrent eux-mêmes comme « vainqueurs » étant donné que les Etats Unis les ont reconnus voient Kobane, la capitale de leur province de Rojava, tomber en ruines tandis que la majorité des civils ont fui vers la Turquie.

Les Etats Unis sont le seul gagnant, que vous le vouliez ou non… En effet, avec Kobane ils légitimisent leur opération contre l’EI aux niveaux international et régional, ils trouvent un ‘partenaire’ absolument stratégique avec les Kurdes de Turquie, et ils savent pouvoir librement dicter leur position au PYD… Avant l’offensive sur Kobane, Reuters avait révélé que les Etats Unis envisageaient d’armer les organisations kurdes de Syrie à la condition préalable qu’ils « rompent leur alliance avec Assad ». Et cette exigence n’est bien sûr pas nouvelle car, ainsi que l’a révélé Foreign Policy, Washington poussait les Kurdes en ce sens depuis plus de deux ans.

Maintenant, les rêves des Etats Unis se réalisent grâce à l’EI. Le résultat des discussions entre le PYD et les Etats Unis reste encore imprécis, mais alors que les Etats Unis accentuent leur campagne aérienne contre les cibles de l’EI dans et autour de Kobane, la chose évidente est que ce que les Etats Unis ont mis sur la table a été accepté, au moins en partie, par la délégation du PYD. Notez que juste après ces discussions directes, le leader du PYD Saleh Muslim s’est rendu au Kurdistan irakien et a participé à une réunion avec Barzani et avec des politiciens kurdes syriens soutenus par Barzani. Lors de cette réunion, le PYD a promis un « partage de pouvoir » avec les groupes soutenus par Barzani pour l’administration de Rojava.

Donc, selon mon opinion, la victoire des Kurdes sur l’EI avec l’aide des Etats Unis ne pourra que décevoir les espoirs des gens de gauche pour les droits des peuples du Moyen Orient.

PS : notez que l’hypocrisie sans limites des médias grand public. Premièrement, la ville de Salamiyya située dans l’est de la province de Hama est attaquée par l’EI mais il n’y a pas un seul reportage sur la situation dans cette ville. L’envoyé spécial de l’ONU dit que ‘Kobane pourrait être un autre Srebrenica’ mais qu’est-ce qui nous attend si l’EI prend cette ville qui est pleine de « kouffar’ (mécréants, la population de la ville est constituée d’Alaouites, de Chiites, d’Ismaéliens et de Duodécimains). Deuxièmement, c n’est pas la première attaque de l’EI sur des zones à peuplement kurde. L’EI et ses alliés de l’époque – considérés comme des modérés – avaient attaqué des villes kurdes en 2013, mais les femmes combattantes kurdes n’ont pas fait les unes, ou personne ne parlait du rôle de la Turquie. Les médias parlaient au contraire de « l’alliance cachée entre Assad et les Kurdes de Syrie. »

L’armée turque parie sur la défaite des milices kurdes en Syrie

6 octobre 2014

Le blogueur de Moon of Alabama suit avec attention les situations de crise et à cet effet il recourt essentiellement à des informations disponibles au grand public qu’il recoupe ainsi qu’à des informations « privées »qui remontent du terrain.

Il fait le point sur la situation militaire en Irak et en Syrie en apportant des éléments qui donnent à réfléchir.

La situation en Irak et en Syrie

Moon of Alabama, 5 octobre 2014 traduit de l’anglais par Djazaïri

Un état de la situation à partir de sources d’informations publiques et privées

Dans le nord-est de la Syrie, près de la frontière avec la Turquie, des combattants de l’Etat Islamique (EI) assiègent les combattants kurdes du YPG. Jusqu’à cet après-midi, les médias présents en Turquie pouvaient regarder juste de l’autre côté de la frontière et voir les blindés de l’EI encercler la ville de Kobane. Malgré ces cibles très visibles et facilement identifiables, il n’y a eu aucune frappe aérienne américaine pour contrer l ‘offensive de l’EI et l’armée turque a gardé la frontière fermée.

Ayn al-Arab (Kobane) prise en étau entre l'armée turque et les milices de l'Etat Islamique (Daesh)

Ayn al-Arab (Kobane) prise en étau entre l’armée turque et les milices de l’Etat Islamique (Daesh)

Un obus de mortier, très probablement tiré par l’Etat Islamique, a touché une maison du côté turc. L’armée a alors déclaré le secteur zone interdite et a commencé à évacuer le village. Il y a quelques mois, quand quelque mortier tiré par l’armée syrienne s’égarait de l’autre côté de la frontière et tombait dans des champs de légumes en Turquie, les Turcs ripostaient par des tirs d’artillerie. Il n’y a pas eu de réaction de ce genre quand le mortier de l’EI a frappé aujourd’hui.

Les médias présents dans la zone ont reçu l’ordre de partir et alors qu’ils s’en allaient, les vans qui transportaient les équipes de la BBC et de CNN se sont fait tirer dessus à coup e grenades lacrymogènes par les forces de sécurité turques. Deux vans ont eu leurs fenêtres arrières brisées avec des grenades lacrymogènes entrant dans les véhicules. Les Turcs n’avaient à l’évidence pas envie que les gens puissent savoir ce qui se passe en ce moment à Kobane. Ce soir, les médias kurdes ont rapporté des échanges de tirs à l’intérieur de la ville.

En Irak, l’EI a attaqué aujourd’hui la ville de Ramadi, capitale de la province d’Anbar, dont ils s’est saisi en grande partie. Les forces de sécurité irakiennes auraient quitté la ville.

L’EI contrôle désormais l’axe Hit, Ramadi, Fallojah et l’autoroute 1 entre Bagdad et la Jordanie et l’autoroute 12 entre Bagdad et la Syrie. La seule ville d’importance qui reste entre la zone contrôlée par l’EI à l’ouest e Bagdad et l’Aéroport International de Bagdad est Abou Ghraib où une présence significative de l’EI a déjà été signalée. Si l’EI était en capacité d’utiliser une partie de l’artillerie dont il s’est déjà emparée, il pourrait fermer l’aéroport et ainsi rendre très compliquée toute évacuation des personnels US.

Les Etats Unis ont engagé aujourd’hui des hélicoptères d’assaut AH-64 Apache pour attaquer les positions de l’EI à Ramadi et à Hit. Ce genre d’hélicoptère est vulnérable aux tirs venant du sol et n’auraient pas été utilisés sauf nécessité extrême. Les Apaches sont stationnés sur l’aéroport de Bagdad dans le seul but d’en assurer la protection.

Des mercenaires de l’Armée Syrienne Libre payés par les USA ont pris une position de l’armée syrienne à al-Hurrah, à mi-chemin entre la frontière jordanienne et le sud de Damas. Ils venaient de l’ouest où ils ont pris position avec le Jabhat al-Nosra près de la ligne de démarcation avec Israël sur les hauteurs du Golan où ils sont protégés par l’artillerie israélienne. Des vidéos les montrent utilisant une quantité de missiles TOW livrés par les USA.

lance missile Tow manipulé par un milicien du Harakat Hazm, un groupe djihadiste agréé par Washington

lance missile Tow manipulé par un milicien du Harakat Hazm, un groupe djihadiste agréé par Washington

Un groupe de combattants de Jabhat al-Nosra venant de la région du Golan a essayé d’attaquer une position du Hezbollah dans l’est du Liban. Il est tombé dans une embuscade et a perdu quelque 30 combattants.

Au nord d’Alep, l’armée syrienne a presque refermé le cercle autour de la ville et les insurgés qui ont occupé certaines parties d’Alep seront bientôt sous un siège rigoureux.

Un grand nombre de combattants d’Ahrar al-Sham de la province d’Alep ont aujourd’hui fait allégeance à l’Etat Islamique qui sera bientôt la seule force antigouvernementale dans la ville.

La guerre contre l’EIIL (Daesh) s’inscrit dans un nouveau plan pour détruire le régime syrien

4 octobre 2014

Sur l’intervention occidentale en Syrie et ses paradoxes, je vous propose cet article du journal Al-Akhbar suivi de mon (long) commentaire.

La « guerre des ressources » menée par la coalition anti-EIIL frappe tous les Syriens

par Suhaib Anjarini, Al-Akhbar (Liban) 30 septembre 2014 traduit de l’anglais par Djazaïri

Les frappes de la coalition internationale sur l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) et le Front al-Nosra en Syrie sont entrées dans leur deuxième semaine aujourd’hui, avec des dizaines de raids et de tirs de missiles visant les régions de Raqqa, Deir ez Zohr, al-Hasaka et Idlib.

Si les officiels des Etats Unis, pays qui est à la tête de la coalition anti-EIIL ont confirmé que « les frappes ont été des succès », l’EIIL est resté discret et n’a pas encore publié de communiqué « officiel. »

Le Front al-Nosra a par contre reconnu avoir subi de lourdes pertes après les attaques contre ses garnisons, et son chef Abou Mohammed al-Joulani a prévenu que cela «impactera toute la région et pas seulement al-Nosra. »

Un aperçu général des sites visés par les forces de la coalition suggère que les frappes aériennes dans les zones rurales d’Alep et d »Idlib pendant les premiers jours de l’opération ont un impact immédiat évident, tandis que les frappes constantes de la coalition sur les régions sous contrôle de l’EIIL ont une dimension stratégique et leurs répercussions pourraient bien aller au-delà de l’EIIL.

Dans les premiers jours, les frappes sur l’EIIL étaient limitées à quelques bases de l’organisation et à des camps d’entraînement, mais elles ont ensuite été étendues pour inclure des puits de pétrole, des raffineries, des champs gaziers et des silos à grain.

Tandis que certaines sources prétendent que ces attaques ont pour but de « tarir les sources de revenus de l’EIIL », d’autres sources affirment que ces actions visent en réalité les « infrastructures et l’économie syriennes. » Une source syrienne appartenant à la soi-disant opposition modérée a déclaré à al-Akhbar, « Les frappes récentes vont dans la bonne direction pour abattre à la fois l’Etat Islamique en Irak et au Levant et le régime. »

La source expliquait que « afin d’abattre les deux parties, certains sacrifices doivent être faits, et bombarder des puits de pétrole et des champs gaziers est seulement le début. » Il a aussi appelé à « viser les oléoducs, les gazoducs et les centrales électriques qui alimentent en électricité les régions contrôlées par le régime. »

« Ces mesures seront prises plus tôt qu’on ne le pense, même si les rebelles doivent prendre ces mesures par eux-mêmes, » a-t-il dit, ajoutant que « une guerre sur les ressources peut constituer une alternative acceptable à une zone d’exclusion aérienne. »

Les civils ont cependant été les premiers à payer le prix de ces attaques qui ont fait grimper en flèche les prix du carburant. En outre, toute nouvelle attaque contre les champs pétroliers syriens risque de provoquer plus de souffrances dans la région, tout particulièrement à l’approche de l’hiver.

La base du pouvoir de l’EIIL ne s’est pas encore effondrée dans les régions sous son contrôle. L’organisation maintient au contraire son emprise sur elles.

Par exemple, l’EIIL a récemment conduit des raids sur un certain nombre de secteurs des zones rurales à l’est de Deir ez Zohr pour capturer des membres du clan al-Shouaitat qui s’y étaient enfuis, tandis que l’organisation continue d’avancer en direction des régions kurdes de la campagne d’Alep.

Une source de l’EIIL sur le champ de bataille a déclaré à al-Akhbar que « l’EIIL était sur le point de libérer la zone et de vaincre les forces kurdes infidèles. »

« Toutes les informations des médias des croisés et de leurs alliés concernant le nombre de martyrs de l’EIIL sont mensongères, » déclare la source, « ils n’ont pas arrêté de mentir depuis l’invasion de l’Irak par les croisés, » ainsi que l’a déjà révélé le Cheikh al-Adnani [porte-parole officiel de l’EIIL].

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Cheikh al-Adnani, porte-parole de l’EIIL (Daesh)

La source qui n’était pas autorisée à donner d’informations sur le véritable nombre des pertes dans les rangs de l’EIIL a dit, « notre cellule vient juste de terminer un projet de rapport aujourd’hui [le 29 septembre] sur la situation dans les campagnes à l’est de Raqqa, et il montre que les attaques des croisés n’ont pas eu d’impact majeur . »

De son côté, une source djihadiste affiliée au Front al-Nosra observe que « les raids ne distinguent pas entre civils et djihadistes, il est évident pour chacun que la coalition des infidèles vise tous les Musulmans. »

« Leurs attaques contre les djihadistes sont de simples tentatives pour aider leurs protégés des brigades traîtresses à contrôler les régions libérées après l’élimination des djihadistes, » a ajouté la source.

Parlant à al-Akhbar, la source a révélé que « environ 150 personnes ont été tuées dans des régions contrôlées par al-Nosra, » mais elle a refusé de donner des précisions sur ce chiffre, affirmant que « nous ne distinguons pas entre le civil et le djihadiste, tout le monde ici est un djihadiste et nous les considérons comme des martyrs pour Dieu. »

Mon commentaire et mes observations sur la situation en Syrie :

Après avoir enregistré des succès foudroyants en Irak, l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) est aujourd’hui désigné en Occident comme l’ennemi du moment, et il est bien entendu affublé de toutes les caractéristiques auxquelles ont droit ceux que l’Occident a désignés comme ennemi,

Pour dire les choses, le portrait peu flatteur qui est dressé de ces « djihadistes » ressemble à peu de choses près à celui qui était brossé de Bachar al-Assad, la composante religieuse en moins quoique la propagande répandue dans la presse occidentale, française notamment, omettait rarement de mentionner l’appartenance du chef de l’Etat syrien à une tendance minoritaire de l’Islam, la secte alaouite elle-même résultat d’une évolution de la doctrine chiite.

Et puis, un ministre des affaires étrangères français, par ailleurs bien propre sur lui, n’avait-il pas affirmé que « Bachar al-Assad ne mériterait pas d’être sur la terre. » ?

Aujourd’hui, ce sont les gens de l’EIIL qui ne mériteraient plus d’être sur la terre sans pour autant que Bachar al-Assad ait gagné le droit d’y rester !

Entendons-nous bien, l’avènement de l’EIIL ou Daesh pour parler comme François Hollande (probablement pas foutu de développer cet acronyme) n’est pas une bonne chose pour les populations de la région dans leur ensemble et cette milice s’est rendue coupable de nombreuses exactions et crimes, en particulier mais pas seulement, à l’encontre des minorités religieuses.

Ce n’est cependant pas une raison pour céder aux délires de la propagande occidentale (voire même des milieux favorables au régime syrien) qui dépeignent l’EIIL comme une meute d’ogres assoiffés de sang et d’une cruauté sans bornes. Un certain nombre de récits qui circulent comme par exemple sur le commerce des femmes étiquetées comme du bétail ne sont des fables de nature à interpeller les imaginaires occidentaux en mobilisant toutes sortes d’images d’Epinal (sorties d’adaptations des Mille et une Nuits).

Ce sont en effet à peu près toujours les mêmes clichés qui ressortent à chaque fois que Washington et l’Axe du Bien sont décidés à châtier les méchants. Si les Occidentaux voulaient vraiment le bien des peuples de la région, ils cesseraient en premier lieu de chercher à tout prix la perte du régime syrien, quitte à générer le chaos dont l’EIIL est issu, un chaos que l’intervention militaire risque d’aggraver.

Pourtant l’EIIL ne dérangeait pas l’Occident il y a peu de temps encore quand il étendait son emprise sur certaines régions de Syrie. Déjà l’EIIL ou d’autres organisations semblables voire même modérées coupaient des têtes, parfois à la tronçonneuse en France on utilisait la guillotine jusque dans les années 1970).

Qui plus est cet EIIL avant de s’autofinancer en vendant du pétrole extrait en Syrie a bénéficié de subsides et de renforts humains et matériels en provenance des monarchies du Golfe alliées de l’Axe du Bien.

Et last but not least, beaucoup des combattants de cet EIIL sont venus de Turquie, soit parce qu’ils vivaient dans ce pays, soit parce qu’ils y ont transité. Nous parlons là de milliers de personnes, voire de dizaines de milliers, c’est-à-dire d’un flux dont les autorités locales étaient nécessairement informées.

En fait, non seulement les autorités d’Ankara étaient informées, mais elles ont fait au mieux pour faciliter cette activité, recevant même des blessés dans les hôpitaux turcs.

C’est que l’EIIL poursuit en Syrie deux objectifs stratégiques pour un régime turc qui n’osait pas se donner le droit de les réaliser lui-même pour des considérations de politique intérieure et extérieure : détruire le régime syrien et neutraliser les milices kurdes de Syrie.

Les intérêts d'Ankara et de l'EIIL (Daesh) convergent

Les intérêts d’Ankara et de l’EIIL (Daesh) convergent

Aujourd’hui les choses changent puisque les aviations de l’Axe du Bien se précipitent pour bombarder les milices « djihadistes ».

On notera à ce sujet deux faits paradoxaux : le premier est que les plus grosses pertes dans les rangs « djihadistes » ne semblent pas avoir été subies par l’EIIL mais par le Jabhat al-Nosra, cette organisation affiliée officiellement à al Qaïda dont Laurent Fabius estimait qu’elle « faisait du bon boulot » en Syrie. Le deuxième est que, en dépit des bombardements (réussis selon les militaires français ou américains), l’EIIL continue à progresser dans sa confrontation avec les forces kurdes à la frontière syro-turque et qu’il s’est dangereusement rapproché de Bagdad.

On verra ce qu’il en sera par la suite car, ainsi que l’a déclaré le premier ministre britannique David Cameron, l’engagement militaire va durer.

Chaque pays a ses raisons de participer à la campagne militaire contre l’EIIL. On voit par exemple que pour la France, il s’agit à la fois de conforter sa place dans l’OTAN et de redorer le blason d’un François Hollande qui semble apprécier de jouer à l’homme fort.

Mais les motivations principales doivent être cherchées à Washington avec la reprise en main des affaires par les néocons à la faveur de la crise ukrainienne.

L’objectif semble maintenant clairement d’en finir avec le régime syrien mais sans intervenir directement militairement contre lui.

La stratégie adoptée par les néocons consiste à financer, armer, entraîner et recruter des combattants en nombre suffisant afin de reconstituer une opposition « modérée » (c’est-à-dire soumise à Washington). Ces mercenaires seraient amenés à occuper le terrain qui sera progressivement dégagé par l’affaiblissement des deux principales forces militaires « djihadistes », le Jabhat al-Nosra et l’EIIL.

L’objectif prioritaire semble d’ailleurs moins être pour l’instant l’EIIL que le Jabhat al-Nosra, ce dernier étant en effet sur des positions dans la région de Damas, du Golan et du Liban qui promettent une solution de continuité avec la Jordanie d’où les opérations sont commandées par des officiers anglais et américains. Le tout avec la protection de la DCA sioniste qui a instauré une zone d’exclusion aérienne de facto.

On nous a expliqué que la coalition de l’Axe du Bien cherchait à assécher les ressources financières de l’EIIL en frappant les installations pétrolières et gazières dont il tire de gros revenus.

Les choses ne sont pourtant pas si simples. On sait que l’EIIL ne tire pas ses revenus seulement de l’exploitation du pétrole puisqu’il bénéficie de largesses venues des pétromonarchies.

Ensuite, on sait que ce pétrole est vendu essentiellement en Turquie, pays qui n’a rien fait ou pas grand chose pour faire cesser la contrebande de ce produit.

Quant au gaz, il ne saurait être exporté que par gazoduc ou sous forme liquéfiée. Un gazoduc ne peut fournir qu’un client officiel, un autre Etat par exemple et il n’existe pas d’usine de liquéfaction en Syrie.

Le gaz dans le contexte politique actuel est donc un produit essentiellement à consommation locale : pour la cuisson ou le chauffage.

J’espère que quelqu’un demandera à Barack Obama comment les familles syriennes pourront se chauffer cet hiver. Peut-être en déboisant les quelques forêts qui existent en Syrie ?

En attendant de produire les effets recherchés, c’est-à-dire l’élimination du pouvoir baathiste en Syrie, nous sommes peut-être à la veille d’une crise humanitaire sans précédent en Syrie.

Les bombardements américains n'épargnent pas les civils

Les bombardements américains n’épargnent pas les civils; maison détruite par une attaque américaine sur un village syrien

Pour conclure, on comprendra bien que le but de ces bombardements est en réalité de détruire l’infrastructure économique syrienne afin qu’aucune force sur le terrain, ne puisse s’autonomiser par rapport à la volonté des USA.

Turquie: le retour de flamme d’une politique syrienne désastreuse

30 juillet 2013

Recep Tayyip Erdogan brigue le poste de président de la république turque, une ambition somme toute justifiée pour quelqu’un qui ne passe pas inaperçu sur la scène internationale.

A son actif, on considère généralement qu’il a placé l’économie de son pays sur de bons rails et mis en route un processus qui devrait aboutir à la paix avec les rebelles kurdes.

Il estime aussi avoir posé la Turquie en exemple de démocratie dont pourraient s’inspirer d’autres pays musulmans, notamment ceux qui ont été concernés par le fameux «printemps» arabe. Et c’est sa position sur les évènements dans la Syrie voisine qui est supposée démontrer la profondeur de l’engagement d’Erdogan en faveur de la démocratie dans les pays arabes : accueil de réfugiés syriens, soutien à la direction politique de l’opposition syrienne, bases de repli en territoire turc pour les milices syriennes, facilités pour l’entraînement et le renseignement.

Côté passif, si on veut bien considérer qu’une fois élu un chef de l’Etat doit incarner une figure rassembleuse, son bilan sera lourdement grevé par la mobilisation d’une partie importante de l’opinion déclenchée par un projet de construction d’un centre commercial sur un des rares espaces verts d’Istanbul, la capitale économique et culturelle du pays.

Je ne vais pas parler du bilan économique du gouvernement Erdogan. Il faut par contre souligner que les acquis de sa politique aussi bien avec les Kurdes qu’avec la Syrie ne tarderont sans doute pas à apparaître pour ce qu’ils sont en réalité : des échecs cuisants qui ne seront pas sans conséquences en Turquie même.

Pour comprendre ce que je veux dire, il suffit de parcourir Hürriyet, un journal turc indépendant du pouvoir qui nous propose ce titre aujourd’hui (traduit de l’anglais par Djazaïri) :

Les soldats turcs tirent des grenades lacrymogènes sur 2 000 contrebandiers à la frontière syrienne

 

Les soldats turcs ont tire des coups de semonce et utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser une foule d’environ 2 000 contrebandiers qui essayaient d’entrer en Turquie depuis le territoire syrien,  a déclaré l’armée turque aujourd’hui.

Selon un communiqué écrit de l’état-major, des militaires ont lancé des avertissements au groupe [de contrebandiers] aussi bien en arabe qu’en turc, cependant le groupe a refusé de se disperser près de la ville frontalière d’Oğulpınar, dans la province méridionale du Hatay. 

Dans le même temps, un groupe de 350 muletiers dans un autre secteur à proximité ont jeté des pierres sur lés véhicules de patrouille de l’armée avant que les soldats tirent en l’air, a indiqué l’armée. La déclaration précise aussi qu’il n’y a pas eu de victimes. 

Cet incident est intervenu au lendemain de l’annonce par l’armée turque de l’utilisation par des soldats de gaz lacrymogènes pour disperser un groupe d’environ 1 000 contrebandiers également près de la ville frontalière d’ Oğulpınar.

Une réunion d’urgence pour évaluer les derniers développements à la frontière avec la Syrie se tiendra aujourd’hui au bureau du premier ministre à Ankara, rapporte le quotidien Hürriyet sur son site web.

La réunion sera présidée par le premier ministre Recep Tayyip Erdoğan. Le chef d’état major, le général Necdet Özel, qui doit rencontrer Erdoğan à 16h30 participera aussi à la réunion, indique le journal.

2 000 contrebandiers! Autant dire que les autorités turques ne maîtrisent plus grand chose à leur frontière sud-est et que la situation devient de plus en plus problématique, une évolution dont la responsabilité incombe entièrement au pouvoir turc.

Parce que, avant de  s’allier avec la France, la Grande Bretagne et les Etats Unis pour attiser les flammes en Syrie, Recep Tayyip Erdogan et son ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoglu auraient dû réfléchir au fait que leurs « amis»  occidentaux sont protégés des conséquences immédiates de la crise syrienne par le simple fait qu’ils en sont éloignés par des milliers de kilomètres.

Erdogan et Davutoglu se sont en effet comportés comme quelqu’ un  qui attise le feu dans la maison de son voisin sans imaginer un seul instant qu’il accroît le risque que ce feu se propage dans sa propre maison !

Et le problème que vit aujourd’hui la Turquie à sa frontière sud-est risque de perdurer, quelle que soit l’issue du conflit en Syrie, que le régime en place l’emporte ou non :

C’est de fait un Etat dans l’Etat qui s’est constitué au Hatay sous les auspices d’un gouvernement turc qui aura sans doute bien du mal à faire rentrer dans sa boîte le «diable» qu’il a encouragé à combattre les autorités du pays voisin.

Ce «diable» ignore les frontières et pour lui, le Hatay fait partie de la Syrie [ou d’un Etat musulman à créer] et c’est là un point où il est d’accord avec Bachar al-Assad.

Mais à la différence de Bachar al-Assad, les takfiristes et autres «djihadistes» vont faire, et font déjà, comme si la frontière n’existait plus.

Si cette situation n’est déjà pas reluisante telle quelle, elle risque de s’envenimer aussi bien en cas de victoire que de défaite des «rebelles.»

En effet, en cas de victoire les rebelles parvenus au pouvoir à Damas (ou à Alep) revendiqueront officiellement la province du Hatay. En cas de défaite, ils seront contraints de refluer en masse dans la province où ils animeront une guérilla cette fois hostile au gouvernement turc.

Du côté de la question kurde, après une vague d’optimisme que je qualifierais de béat, les problèmes reviennent en force et passent aussi par la Syrie où les Kurdes essayent d’affirmer leur autonomie et semblent avoir repris le dessus sur les forces syriennes d’opposition armée, c’est-à-dire les divers mouvements djihadistes-salafistes-takfiristes dont une partie est affiliée à l’Armée Syrienne Libre (ASL) , ce qui ne laisse pas d’inquiéter le gouvernement turc ainsi qu’on peur le lire aussi dans l’édition de ce jour de Hürriyet  (traduit de l’anglais par Djazaïri): 

Le vice premier ministre Bülent Arınç a appelé les organisations kurdes en Syrie à ne pas se ranger du côté du régime d’al-Assad

 

Le vice premier ministre Bülent Arınç a appelé les organisations kurdes en Syrie à ne pas se ranger du côté du régime d’al-Assad et les a exhortés à soutenir l’opposition.

 Arınç a dit que le régime syrien cherchait à exploiter les Kurdes et d’autres groups de lé region du nord pour  s’en server de carte contre la Turquie. «Quand Assad s’en ira, et qu’un régime démocratique sera établi avec un parlement et des élections, alors tout le monde sera également représenté,» a déclaré Arınç  le 29 juillet sur TRT, une chaîne de télévision publique.

“Tout ce que nous demandons à la formation là-bas [les Kurdes du nord syrien] est de ne pas coopérer avec al-Assad. Devenez membres de l’opposition et n’essayez pas de prendre le contrôle [du territoire] par fait accompli [en français dans le texte] ,» a-t-i ajouté. 

 «Votre présence et des droits à une citoyenneté égale seront reconnus et une constitution sera rédigée après al-Assad. Si vous rangez du côté de l’opposition, vous éviterez de vous charger des péchés du régime,» a-t-il dit. 

Des responsables turcs ont rencontré la semaine dernière le chef du Parti de l’Union Démocratique (PYD), Saleh Muslim, et ils ont fait part de leurs vives préoccupations au sujet du «fait accompli» qui impose de facto une région kurde autonome dans le nord syrien.  

Il faut reconnaître qu’il est assez piquant, et même drôle, de voir un éminent dirigeant politique turc promettre joie et félicité aux Kurdes en Syrie quand on sait ce qu’il en est des Kurdes en Turquie.

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          Bülent Arınç

C’est que Bülent Arınç ne comprend pas, ou feint de ne pas comprendre, que les Kurdes ont un projet national. Et qu’en contribuant à affaiblir le pouvoir de Damas, le gouvernement turc a ouvert de nouvelles perspectives au mouvement national kurde à l’échelle de toute la région du Moyen Orient. 

C’est cette occultation ou non perception de l’aspect national de la question kurde qu’aborde Nuray Mert dans l’édition du 29 juillet de Hürriyet. Elle traite cette question avec les précautions de langage en vigueur quand on s’exprime sur la question kurde en Turquie et qu’on ne veut pas perdre son emploi ou être déféré devant les tribunaux. 

Le ‘fait national’ kurde

Par Nuray Mert, Hürriyet 29 juillet 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

 

Le principal problème dans la vie politique turque par rapport aux Kurdes, c’est que les “Turcs” ne peuvent en aucun cas admettre la perspective de voir les Kurdes se gouverner eux-mêmes. Les Turcs en général, et le gouvernement actuel en particulier, résistent à l’idée d’un « sentiment national » kurde et point final. Les Kurdes sont peut-être attardés mais le problème kurde est un «problème national» et cette réalité doit d’abord être reconnue. Sinon, les politiques de la Turquie concernant les Kurdes à l’intérieur et à l’échelle régionale ne déboucheront sur rien de positif. 

Récemment, ce sont les Kurdes de Syrie et leur Parti de l’Union Démocratique (PYD) qui est devenue la cible de la controverse. Au tout début, il y a un an, la Turquie avait réagi très sévèrement quand le PYD avait déclaré une sorte d’autonomie dans les régions kurdes. Même si la Turquie a adouci son discours contre les Kurdes de Syrie du nord et leur PYD, l’idée fondamentale selon laquelle les Kurdes ne devraient constituer aucune entité politique n’a pas changé.

Fait assez intéressant, la Turquie n’avait pas exprimé d’inquiétude quand les postes frontaliers avaient été conquis par les organisations islamistes radicales, mais s’est alarmée de la prise de ces positions par le PYD. Réagissant aux affrontements en cours entre les organisations islamistes radicales et le PYD le long de la frontière syrienne , le ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoğlu a présenté plusieurs exigences aux Kurdes syriens. Premièrement, ils ne doivent pas coopérer avec le régime. Deuxièmement, ils ne devraient pas constituer une entité de facto sur des bases ethniques ou sectaires,» a-t-il dit. En fait, pour l’instant, les Kurdes se sont arrangés sur la base de leurs propres décisions politiques pour éviter de collaborer avec le régime ; il semble donc qu’on n’a pas à leur faire la leçon sur ce point. Ensuite, les Kurdes luttent pour leurs droits et libertés en tant qu’entité politique qui se définit elle-même plus comme une nation que comme une ethnie. Enfin, ils n’ont pas l’air de rechercher une assistance de la Turquie pour définir leurs propres politiques, mais ils demandent simplement des relations amicales. Ce qui n’empêche pas la Turquie de ne pas renoncer à dire aux Kurdes ce qu’ils doivent faire.

Les Kurdes appellent maintenant à une conférence à Arbil pour mettre l’accent sur la «cause nationale» et «l’unité nationale.»  Ce sera la dernière de quatre conférences à se tenir dans le cadre du «processus de paix» et c’est Abdulah Öcalan qui l’avait proposée.  L’appel a été lancé au nom de trois dirigeants kurdes – Jalal Talabani, Masoud Barzani et Öcalan. Le PYD et le PKK seront représentés à la conférence en qualité de partis kurdes. En bref, ce sera une «conférence nationale» à part entière et la Turquie ne semble pas l’avoir compris. En fait, cette conférence va être le point d’orgue du «processus de paix» depuis qu’Öcalan a réussi é élever ce processus au niveau national [de la nation kurde, NdT]. Par ailleurs, la question des Kurdes de Syrie sera reconnue comme une parie de la «question nationale.» La Turquie devrait reconnaître ces faits, le plus tôt sera le mieux, au lieu de se bercer d’illusions avec sa politique futile de manipulations des acteurs politiques kurdes.

Hélas, sans même parler de reconnaître les faits, le processus de paix reste géré comme un jeu pour gagner du temps jusqu’aux élections. Le gouvernement considère encore le traitement de la question kurde comme un problème de citoyenneté égale, de quelques droits culturels et de gestes de courtoisie. C’est pourquoi le premier ministre et le gouvernement continuent avec insistance à exprimer une attitude très condescendante à l’égard des Kurdes et présentent le processus de paix comme un geste bienveillant de la part des Turcs et de leur gouvernement. Tant que le gouvernement et en fait, nous tous Turcs , refuserons d’admettre le fait que la question kurde est une question nationale [i.e. relative à la nation kurde], nous ne serons pas capables d’avancer.

A vrai dire, je ne suis pas pour le séparatisme kurde et les Kurdes ne semblent pas être pour non plus [ceci est le passage obligé pour ne pas perdre son emploi ou pour ne pas être traduit en justice, note de Djazaïri]. Il est parfaitement compréhensible que les Turcs désirent vivre dans les mêmes frontières que les Kurdes, mais c’est quelque chose qui vient encore s’opposer à leur appartenance nationale.

Nuray Mert est journaliste et maître de conférences à l’université d’Istanbul. Elle est dans le collimateur du premier ministre turc qui n’apprécie guère ses écrits, ce qui lui a coûté un emploi d’éditorialiste au journal Milliyet et l’animation d’une émission politique à la télévision. 

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Nuray Mert

On peut dire que Nuray Mert met les pieds dans le plat et met carrément en doute le sérieux politique du processus de paix engagé par les autorités d’Ankara avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). 

Je partageais ces doutes  depuis le début, compte tenu  d’abord du fait que l’accord sur le processus de paix a été obtenu avec un Abdullah Öcalan prisonnier, ce qui n’est pas une démarche très saine d’autant que ce prisonnier n’a pas été libéré depuis. 

Une autre invitation au scepticisme tient au fait que le vocabulaire des autorités turques pour désigner les miliciens kurdes n’a pas changé et qu’il est toujours question de terroristes.

Comme on vient de le voir, ce scepticisme se lit ouvertement aujourd’hui dans la presse turque et il est lié, comme on l’a vu également aux évolutions sur le terrain en Syrie 

Et aujourd’hui, c’est Abdullah Öcalan en personne qui  vient donner du grain à moudre aux sceptiques :

Öcalan, le leader du PKK emprisonné menace d’abandonner le processus de paix, affirme sa soeur.

ISTANBUL – Doğan News Agency Hürriyet, 30 juillet 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri 

 

Le chef emprisonné du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK illégal) Abdullah Öcalan, affirme qu’il quittera le processus de paix s’il continue à être sur «cette voie,» selon sa sœur Fatma qui s’est adressée à la presse suite à une visite [rendue à son frère] sur l’île d’Imrali [où il est détenu].

 

Öcalan a dit à sa soeur et à son oncle Süleyman Arslan qu’il « abandonnera si le processus de paix continue sur cette voie » et qu’il se «retirerait, et observerait simplement.»

Questionné sur ce qui gênait le leader du PKK incarcéré dans le processus, Fatma a dit aux journalistes qu’il était «gêné par le fait qu’il y avait une non paix.»

 

«Il est las de la prison maintenant. Ce n’est pas comme ça que ça devrait se passer,» a déclaré Fatma, ajoutant qu’ils avaient vécu un moment difficile à supporter «ce lieu clos» pendant une demi-heure où le dirigeant condamné doit purger sa peine.

Fatma a refusé d’entrer plus avant dans les détails de la conversation, observant que c’était “d’ordre familial”

Une demande de conférence de presse par öcalan a été rejetée par le gouvernement actuel pour des raisons d’ordre «juridique» selon le vice premier ministre Bülent Arınç.

Öcalan avait exprimé son souhait d’organiser un point de presse depuis sa prison sur l’île d’Imrali, exhortant le gouvernement à progresser plus vite vers l’étape suivante du processus de paix et d’avancer les discussions sur les réformes au 21 juillet, selon une déclaration rendue publique par le Parti de la Paix et de la Démocratie (BDP).

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Imrali est une île qui se trouve dans la mer de Marmara

 

Trois femmes puissantes ou la Turquie et son casse-tête kurde

12 janvier 2013

On ne peut pas dire que la presse française en fasse des tonnes sur l’affaire des trois militantes Kurdes assassinées à Paris il y a quelques jours (pour le coup, ce sont elles qui ont eu la tête fracassée).

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Les trois militantes du PKK assassinées à Paris

Slate nous dit cependant que:

Frapper Sakine Cansiz, c’est donc frapper Abdullah Öcalan, alors qu’il négocie de sa prison d’Imrali avec les services secrets turcs et qu’on venait tout juste d’apprendre qu’un accord cadre serait en vue.

Slate rejoint ainsi la position officielle turque telle qu’elle a pu être exprimée par le premier ministre Recep Tayyip Erdogan:

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan a dénoncé jeudi l’exécution déplorable de trois femmes kurdes à Paris, retrouvées mortes dans la nuit tuées d’une balle dans la tête.

« Il nous faut être patient et attendre que les autorités fassent la lumière sur cet incident. Il pourrait s’agir d’un règlement de compte interne (au sein du PKK) ou d’une provocation pour tenter de perturber nos efforts de bonne volonté pour avancer dans le cadre du processus de paix », a-t-il déclaré, selon l’agence de presse Anatolie

Mais les choses ne sont peut-être pas si simples ainsi qu’on peut le subodorer en voyant le premier ministre turc employer le mot « exécution » au lieu d’assassinat. Un mot auquel l’adjectif « déplorable » peine à ajouter une réelle dimension émotionnelle.

De son côté, RFI évoque trois pistes possibles: celle d’un conflit interne au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), un coup des services secrets turcs sur ordre de leur gouvernement pour faire capoter les discussions en cours et faire porter le chapeau ausx radicaux du PKK et enfin une action des Loups Gris, le mouvement nationaliste turc d’extrême droite.

J’observerai qu’on peut sans difficulté fusionner la deuxième et le troisième hypothèse, ce qui nous laisserait seulement deux éventualités.

Et l’hypothèse d’une action ses services secrets turcs est des plus probables, pour des raisons de simple logique.

On sait par exemple que la démarche bassement électoraliste du premier ministre Turc dans son « dialogue » avec le PKK est admise par tous les observateurs même si certains pensent qu’il peut en sortir du positif.

Pourtant, la crise syrienne a donné l’occasion au premier ministre Turc de démontrer son hostilité absolue à de véritables discussions avec les Kurdes et, au contraire, de sa volonté de les amener à se soumettre en échange de quelques mesures symboliques.

Mais Ergogan comme les Kurdes eux-mêmes savent très bien que la concrétisation du projet national kurde n’a jamais été aussi proche qu’aujourd’hui et que c’est le gouvernement turc lui-même qui, avec sa politique bizarroïde (il n’y a pas d’autre mot) relativement à la Syrie et à Irak a favorisé cet état de fait.

Je ne veux pas dire par là que les Kurdes vont réaliser leur projet national, mais que le prix à payer pour les en empêcher sera plus élevé que jamais.

Un autre élément qui plaide en faveur de l’hypothèse d’un meurtre commandité par les autorités turques est à chercher dans d’autres propos de M. Erdogan, ceux par lesquels il réagit à des mots du président Français, François Hollande.

On peut lire en effet dans une dépêche Reuters du 12 janvier:

Meurtres de Paris-Erdogan demande des explications à Hollande

M. Erdogan ne demande pas au président Français de faire la lumière sur le triple meurtre à Pais mais réagit à ces propos de M. Hollande:

« C’est directement trois personnes dont l’une était connue de moi et de beaucoup d’acteurs politiques parce qu’elle venait régulièrement nous rencontrer », a déclaré jeudi François Hollande.

Propos qui ont suscité le mécontentement du premier ministre Turc qui a adressé cette sommation au chef de l’Etat français

« Le président français doit expliquer à l’opinion turque et au monde pourquoi il avait rencontré des membres d’une organisation terroriste ».

Une petite phrase où on peut voir tomber le masque d’Erdogan qui qualifie sans hésiter les trois victimes de membres d’une « organisation terroriste ». On peut donc conclure que ce que M. Erdogan jugeait déplorable dans « l’exécution » de ces trois militantes Kurdes, c’était la méthode. Peut-être aurait-il préféré la strangulation?

Et l’organisation terroriste est celle-là même avec laquelle son gouvernement est supposé avoir engagé des négociations sérieuses et sincères!

L’Armée Syrienne « Libre » affame le peuple syrien

20 décembre 2012

On connaît bien As’ad AbuKhalil, alias Angry Arab sur ce blog. Ce professeur d’université qui intervient souvent dans les médias occidentaux ou arabes est résolument hostile au pouvoir en place en Syrie. Et il est également hostile aux prétendus opposants démocrates qui ont pris les armes en Syrie avec l’appui de l’OTAN et des monarchies pétrolières.

Ce qui lui vaut d’être vilipendé des deux côtés.

Mais aussi d’avoir accès à des sources d’information de première main, tel ce journaliste turc qui évoque un aspect inédit du comportement des miliciens de l’Armée Syrienne Libre, à savoir des vols de machines, de voitures mais surtout de quantités de grain, ce qui a provoqué une grave crise de l’approvisionnement en nourriture dans Alep, cette ville qu’ils prétendent libérer.

Des activités de l’Armée Syrienne Libre qui ne sont pas rapportées par la presse occidentale

Par As’ad AbuKhalil, The Angry Arab, 20 décembre 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Un journaliste turc qui travaille dans la région proche de la frontière avec la Syrie m’a envoyé des informations sur certaines activités de  l’Armée syrienne Libre (ASL) non rapportées dans la presse. Il écrit:

 «A peine deux jours avant la «crise de la nourriture» à Alep, j’ai entendu beaucoup de mes amis du Hatay dire qu’ils commençaient à voir certains Syriens vendre du  pain en  ville. Les pains turcs ne sont pas les mêmes que ceux de Syrie, même au Hatay.

 Et je dois vous donner un nom. Abdulqader As Salah, un commandant des brigades Tawhid [Unicité] qui a des liens très étroits avec les services secrets turc. Il vend en ce moment du « blé » à Gaziantep, une province de la Turquie. Je suis un journaliste turc qui suit cette crise depuis le début, j’ai entendu la même chose de la part de Kurdes à Ceylanpinar (une ville frontalière près de Ras Al Ayn) . Les Kurdes qui ont fui les affrontements entre l’ASL et les milices kurdes m’ont dit avoir vu certains membres de l’ASL piller les silos à blé.

Mais je n’y avais pas accordé d’attention jusqu’à ce que je voie ces informations. C’est peut-être pourquoi les gens à Alep protestent en ce moment contre l’ASL en la qualifiant «d’armée de Harami (voleurs).» J’essaye maintenant de comprendre ce qui se passe et pourquoi les habitants du Hatay ont commencé à voir des pains syriens dans la province. Quand j’aurai fait mon reportage, je vous l’enverrai aussi.  Au Hatay les gens ont une apparence très proche de celle des syriens et sont accoutumés à la culture syrienne…

Pillage du blé à Alep

Pillage du blé à Alep

J’ai vu quelques photos de Reuters qui montrent des membres de l’ASL sur les silos à grain à Alep.  Mais comme d’habitude, elles sont légendées « Des forces fidèles à Assad bombardent les silos et les membres de l’ASL », quelque chose comme ça. Je vais essayer de vous envoyer la photo. J’ai entendu pour la première fois des rumeurs à ce sujet à Ceylanpinar/Sanliurfa. Des kurdes m’avaient dit que… Mais je n’y avais malheureusement pas fait attention. Puis j’ai vu cette photo. Puis j’ai vu les informations sur la famine en Syrie. Maintenant je me renseigne. Et un de mes amis journalistes m’a informé sur ce « Abdulqader As Salah ». Je n’ai pas rassemblé toutes les infos sur lui mais on dit qu’il est le chef de la brigade Tawheed, qu’il habite à Gaziantep et qu’il vend actuellement du blé et des voitures d’occasion.

Tawheed est une des organisations les plus étroitement liées aux services secrets turcs. Tout le monde le sait. Je travaille là-dessus en ce moment, quand j’aurai fini, je vous enverrai un exemplaire de mon travail…

Ils volent même des engins de forage pétrolier en Syrie et ils les amènent en Turquie… C’est vrai… Les militants de l’ASL volent du blé en Syrie et ils l’amènent en Turquie pour le vendre.

J’ai contrôlé mes sources et j’ai parlé avec beaucoup de gens dans les provinces du Hatay et de Sanliurfa. Ils m’ont dit que certains membres de l’ASL (qui parlent l’arabe syrien) vendent maintenant des pièces détachées automobiles et qu’à Gaziantep ils ont un dépôt de grain.

Un de mes amis dignes de foi m’a dit que les choses ont commencé en septembre… Un journaliste pro Assad à Hatay m’a dit que tout se faisait en accord avec les autorités turques. Les rebelles ramènent du blé, des voitures et même du mobilier de Syrie par le poste frontière de Bab al Haya qui se trouve de l’autre côté de la porte du Hatay-Cilvegozu…  Les militants de l’ASL ont pris le contrôle de ce poste frontière en juin.

Ils pillent aussi les villages kurdes quand ils les attaquent à partir du côté turc ainsi qu’ils l’ont fait à Ras Al Ayn… C’est pourquoi les kurdes ne veulent pas qu’ils viennent dans leurs régions.»

En difficulté sur son propre territoire, l’armée turque peut remercier Recep Tayyip Erdogan

22 octobre 2012

Le gouvernement turc a joué avec le feu en Syrie, en offrant refuge et armes aux bandes armées qui sèment le chaos dans ce pays.  Il en subit dores et déjà les conséquences avec une recrudescence de l’activité de l’opposition armée kurde déterminée à faire aboutir son projet national.

Un projet  que rejettent bien entendu vigoureusement les autorités d’Ankara qui exercent une répression sans merci qui s’étend jusque dans l’Irak voisin.

Un Irak où le gouvernement turc pactise ouvertement avec la province kurde autonome qui va bientôt commencer des livraisons d’hydrocarbures à la Turquie au grand dam du pouvoir central de Bagdad réduit au rang de simple spectateur.

On remarquera au passage qu’une des compagnies pétrolières engagées dans le négoce du pétrole du Kurdistan irakien n’est autre que Vitol, une société liée au gouvernement conservateur britannique et qui était chargée de fournir du carburant aux prétendus rebelles qui combattaient le régime de Mouammar Kadhafi en Libye.

En agissant ainsi,  le gouvernement turc ne semble même pas se rendre compte qu’il encourage les Kurdes dans leur projet national, un projet qui passe par la disparition de la Turquie dans la configuration territoriale que nous lui connaissons.

On peut êtres certes favorable à la concrétisation d’un projet national kurde, mais comme on le sait,  Recep Tayyip Erdogan n’a jamais laissé entendre qu’il voulait aller dans cette direction.

Or sa politique a donné des ailes (pas des avions, pas encore) à l’action armée du PKK qui dispose aujourd’hui d’une marge de manoeuvre inconnue depuis longtemps, avec deux régions kurdes autonomes, l’une en Irak et l’autre en Syrie, qui sont autant de soutiens moraux que matériels et peuvent jouer le rôle de bases de repli. Ce n’est pas encore le cas pour la région syrienne, mais si la crise perdure en Syrie, les choses n’en resteront pas là.

La situation militaire est à ce point dégradée en Turquie même que le gouvernement d’Ankara qui roule des mécaniques contre le pouvoir de Damas, n’est même plus capable d’assurer la sécurité de la logistique de son armée sur son propre territoire ainsi que les Turcs peuvent l’apprendre dans leur presse:

Le ravitaillement pour l’armée largué du ciel pour des raisons de sécurité

Istanbul, Hürriyet (Turquie) 22 octobre 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

L’état-major de l’armée turque a ordonné que toutes les livraisons pour l’armée soient effectuées par la voie aérienne afin d’éviter que les convois de véhicules militaires qui circulent sur les routes tombent dans des embuscades tendues par de présumés membres du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) illégal, a rapporté aujourd’hui le journal Hürriyet.

Tous les soldats qui se rendent à leurs bases où les permissionnaires qui quittent leurs postes en zone rurale seront transportés par hélicoptère reliant les villes à leurs postes d’affectation, selon une déclaration publiée par l’état-major la semaine dernière.

L’état-major aurait décidé de procéder ainsi dans le cadre d’un certain nombre de mesures de sécurité dans les régions où le risque terroriste est élevé.

128 bus de pèlerins Turcs refoulés par les autorités irakiennes

18 octobre 2012

En prenant position comme elle l’a fait sur le dossier syrien, c’est-à-dire en participant activement non seulement à la structuration politique de l’opposition au régime de Damas mais aussi à l’équipement et à la formation militaire des bandes armées qui sèment le chaos en Syrie, la Turquie a foncé tête baissée dans le piège que lui a tendu l’Occident.

Elle n’en sera récompensée ni par une accession à l’Union Européenne, ni même par un abandon définitif des projets de législation sur le génocide arménien.

En attendant, la Turquie doit assumer en grande partie le fardeau que constitue l’aide aux réfugiés de Syrie, pour la bonne raison qu’elle refuse de laisser les institutions internationales (ONU, Croix Rouge entre autres) administrer les camps de réfugiés (pour l’autre bonne raison que ce ne sont pas de simples camps de réfugiés, mais aussi des camps d’entraînement militaire) et son commerce avec la Syrie s’est réduit à presque rien, au grand dam des entreprises des régions limitrophes de la Syrie. L’impossibilité de faire transiter des marchandises destinées aux marchés jordanien et au delà saoudien ou koweïtien par la Syrie est aussi un problème sérieux pour l’économie turque.

A ces aspects s’ajoutent d’autres problèmes plus politiques qui sont autant de menaces pour l’unité de la Turquie.

Au niveau régional, les relations avec l’Arménie, déjà pas très bonnes sont devenues carrément exécrables, tandis que celles avec l’Iran sont passées de bonnes ou même chaleureuses à un niveau oscillant entre tiédeur et froideur.

Et puis il y a l’Irak, ce pays révélateur des contradictions de la Turquie. Ankara a prétendu entretenir de bonnes relations avec Bagdad tout en court-circuitant l’autorité centrale du pays afin de passer des accords dans le domaine pétrolier directement avec la province autonome du Kurdistan irakien.

Autant de choses qu’Ankara refuserait, même en rêve, pour les Kurdes de Turquie que l’armée et la police turques combattent sans relâche non seulement sur le sol turc mais aussi en territoire irakien.

Et le gouvernement turc le fait en fonction d’un «mandat » qui lui est attribué par le parlement… turc !

Ce mandat vient d’être renouvelé par les législateurs d’Ankara alors même que le gouvernement irakien a fait savoir qu’il s’opposait à ce  que l’armée turque intervienne sur son territoire.

Mais il n’y a pas de problème puisque :

le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu s’est entretenu lundi à Ankara avec des dirigeants Kurdes d’Irak pour obtenir leur soutien dans la lutte menée par les forces turques contre le PKK.

Je dirai seulement une chose aux dirigeants Turcs : à force d’actionner et de soutenir des forces centrifuges dans les pays voisins, vous récolterez ce que vous aurez semé, c’est-à-dire la mise en branle de ces mêmes forces dans votre pays.

En attendant, le régime irakien est furieux de tout ce qui se passe, aussi bien dans le Kurdistan qu’en Syrie où le dénouement de la crise pourrait s’avérer funeste en cas d’accession au pourvoir des poulains de la monarchie saoudienne. La recrudescence des attentats meurtriers attribués à des organisations pro saoudiennes n’est d’ailleurs qu’un avant-goût de ce qui attendrait alors l’Irak.

Les autorités irakiennes, sans doute lasses de ne pas être entendues par celles d’Ankara, essayent cependant de leur montrer que la patience a des limites. C’est ainsi qu’on apprend que 128 autocars transportant des pèlerins pour La Mecque viennent d’être refoulés alors qu’ils s’apprêtaient à entrer en Arabie Saoudite par le poste frontière d’Arar au sud-est de l’Irak.

les bus n’ont pas été autorisés à passer à Arar parce que les visas des passagers avaient été délivrés par les autorités régionales kurdes et non par le gouvernement central, ont déclaré des officiels.

Point de passage d’Arar

«Ni Ankara, ni l’ambassade turque à Bagdad n’ont contacté les autorités irakiennes à propos de l’entrée d’un aussi grand nombre» de personnes et «nous ne savons pas vraiment si ce sont des pèlerins,» partis pour La Mecque, a déclaré Mussawi [conseiller du premier ministre Irakien].

Pèlerins Turcs au poste frontière d’Arar. Ceux-ci ont les documents de voyage adéquats

Mussawi fait apparemment une allusion assez transparente aux pèlerins Iraniens capturés en Syrie par l’opposition armée et présentés par cette dernière comme étant en réalité des Gardiens de la Révolution.

Pour comprendre ce qui se passe, et ce que ne veut pas comprendre le gouvernement turc, il faut juste savoir admettre que les Kurdes ont un projet national et qu’ils divergent avant tout sur les modalités de sa concrétisation et sur qui doit en assumer le leadership. En nouant des relations étroites avec la province kurde autonome d’Irak, les Turcs ne font que renforcer une faction porteuse de ce projet national, et cette faction se retournera contre eux le jour où elle sera assez sûre de sa force.

Qu’on le veuille ou pas, le projet national kurde, sous sa forme actuelle, est antithétique avec le maintien de la carte de la région telle qu’elle a été fixée au lendemain de le 1ère guerre mondiale.

D’un autre côté, les Turcs devraient aussi savoir que le pouvoir de Bagdad dont la nature centrale reste bien théorique aspire de toutes ses forces à redevenir un véritable pouvoir central, exactement comme au temps de Saddam Hussein.

Ce pouvoir est chiite, nous dit-on. Et constitué de personnes hostiles à l’ancien régime irakien. La belle affaire ! C’est un pouvoir d’abord irakien au sens où il est de cette terre et de ce pays et qu’il ne peut que reprendre un projet sans lequel il ne sera plus question d’Irak.

Espérons quand même que le problème du passage des pèlerins pourra être résolu car ils ne sont sans doute que les victimes des agissements de leur gouvernement.

La presse française n’en parle pas: 155 000 manifestants à Ankara contre la guerre

8 octobre 2012

La situation en Syrie est devenue un vrai casse-tête pour le gouvernement turc qui ne sait maintenant plus comment s’en dépêtrer.

Après avoir encouragé Ankara à soutenir la sédition armée dans le pays voisin, les démocraties humanistes occidentales ont clairement fait savoir qu’elles n’étaient pas intéressées par le déclenchement d’une guerre ouverte avec la Syrie.

Pas plus qu’elles n’acceptent de mettre la main au portefeuille pour aider les autorités turques à faire face aux besoins des Syriens qui se sont réfugiés sur son sol.

La Turquie se retrouve maintenant donc seule face aux problèmes posés par la situation en Syrie. On peut compter sur les prétendus rebelles prétendument démocrates pour essayer de provoquer la guerre ouverte dont Recep Tayyip Erdogan et son équipe ne veulent pourtant pas.

C’est ainsi qu’il faut interpréter le récent transfert de ce qui est présenté comme la direction militaire de l’Armée Syrienne Libre en territoire syrien dans ce que les derniers évènements ont transformé en zone tampon, ou en réduit, de facto.

Avec le refus explicite d’accueillir de nouveaux réfugiés, nous avons là les premiers signes d’une volonté de désengagement. Une volonté qu’on peut aussi repérer dans la proposition faite par le gouvernement turc d’une démission du président Bachar al-Assad qui pourrait être remplacé par le vice-président actuel Farouk al Chareh.

Sympa de ta part Bachar, mais tes costumes sont trop grands pour moi. Même la retoucheuse Erdogan pourra rien y faire

Recep Tayyip Erdogan ne sait plus comment sortir la tête haute d’une affaire qui se réduirait à une question de personne. J’imagine volontiers le premier ministre Turc supplier à  genoux Bachar al-Assad de céder le pouvoir, seul expédient qui lui reste pour sauver la face.

Parce que le gouvernement turc a fait montre d’irréflexion et de sottise dans sa gestion de l’affaire syrienne. Avant d’emboîter le pas à Londres ou à Paris, il aurait dû se rappeler que son pays partage une longue frontière et bien d’autres choses avec la Syrie : une histoire, des Alaouites et des Kurdes entre autres.

Et que tout bouleversement dans le pays voisin est susceptible d’avoir des répercussions en Turquie où les lignes de fracture sont très présentes  et peuvent s’élargir jusqu’à causer des troubles de nature à remettre en cause la stabilité du pays et la paix civile.

J’’ai déjà parlé sur ce blog de ces lignes de fracture avec les trois minorités précitées, kurdes, alaouites et alévies.

Alévis et Kurdes sont très présents dans les zones limitrophes de la Syrie

Vos journaux n’en ont bien sûr pas parlé, mais ce sont plus de 150 000 manifestants, essentiellement alévis, qui ont défilé dimanche dernier à Ankara pour réclamer justice et égalité mais aussi pour signifier leur refus de l’escalade militaire avec la Syrie voisine.

Manifestants à Ankara: Erdogan, tu insistes sur le foulard, commence d’abord par en porter un toi-même!

A bon entendeur, M. Erdogan!

Tension pendant une grande manifestation alévie

Zaman (Turquie) 7 Octobre 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Des manifestants se sont affrontés à la police dimanche alors d’environ 155 000 manifestants étaient rassemblés place Sıhhiye à Ankara ce dimanche, dans une manifestation organisée par la Fédération Alevi Bektaşi et le Fédération des Associations Alévis pour exprimer leur demande d’égalité.

La police a tiré du gaz lacrymogène sur certains manifestants parce qu’ils avaient refusé d’être fouillés à leur arrivée sur la place Sıhhiye. Il y a eu un bref affrontement entre manifestants et policiers quand la foule a commencé à pousser après la barricade de la police à l’entrée. L’agence de presse Cihan a rapporté que ceux qui se sont heurtés à la police aux checkpoints de l’entrée appartenaient à la Plateforme Socialiste des Opprimés (ESP) et à une organisation marginale nommée Partisan. Cihan indique que ce sont ces organisations qui ont lancé des objets contre la police. Un manifestant a été arrêté et trois agents de police ont été blessés dans ces incidents.

Le rassemblement, appelé le « Laik ve Türkiye Demokratik ICIN ESIT Yurttaşlık Mitingi » (manifestation  de l’égalité citoyenne pour une Turquie laïque et démocratique), a commencé dans la matinée, les manifestants alévis s’étant regroupés à la gare d’Ankara avant de se diriger sur Sihhiye vers 10:30. Les manifestants ont scandé des slogans appelant à la justice pour le massacre de Sivas en 1993 où 35 alévis avaient été tués, à l’abolition des cours de religion obligatoires, à l’octroi aux lieux de culte des Alévis (cemevi, mot dérivé de l’arabe djemaa) le même statut que les mosquées, tout en protestant contre l’éventualité d’une guerre avec la Syrie et en exprimant un soutien au peuple syrien.

Outre l’ESP et Partisan, la manifestation a vu la participation d’autres organisations associatives et politiques, dont le Parti de la Solidarité et de la Liberté (ÖDP), le Parti Communiste Turc (TKP), l’Association Halkevleri, le Parti Populaire de Libération (HKP) et beaucoup d’autres.

Ces organisations protestaient aussi contre les insuffisances de l’enquête sur des incidents récents où les maisons d’habitants Alévis avaient été marquées en rouge dans plusieurs villes.

Un bus du Parti Républicain Populaire (CHP) ouvrait la marche pour la foule dans sa marche entre la gare de chemin de fer et Sıhhiye. Le fan club Çarşı de l’équipe de football de Beşiktaş jouait du tambourin et il y avait un groupe de caisses claires nommé  Kızıldavul (tambour rouge).

En 2010, le gouvernement avait organisé sept ateliers sur une période de six mois qui avaient vu la participation de 400 universitaires, théologiens, membres d’organisations de la société civile, politiciens, journalistes et représentants Alévis et Bektaşis.

Malgré tout, un certain nombre d’organisations avaient protesté contre le gouvernement, accusant les autorités de «sunniser» les Alévis dans le pays.

Toute la lumière  n’a pas encore été faite sur l’histoire des Alévis au temps de l’empire ottoman, mais les relations entre les communautés sunnite et alévie en Anatolie ont été difficiles dès le début. En 1511, l’armée ottomane avait brutalement réprimé en Anatolie une révolte des Turkmènes Kizilbaş (tête rouge) de confession alévie, et 40 000 d’entre eux avaient péri. La bataille de Çaldıran, entre l’empire Ottoman sous Yavuz Sultan Selim et le dirigeant Séfévide Ismaïl en 1514 avait eu pour conséquence un édit impérial ordonnant la mise à mort de tous les Kızılbaş de la région.

Les siècles qui suivirent furent aussi troublés, mais pas aussi brutaux. En fait, les troupes impériales ottomanes – appelées janissaires – étaient recrutées exclusivement dans des loges Bektaşi. Ce qui reste difficile à apprécier, c’est l’étendue de la persécution des Alévis à l’époque républicaine. Des centaines d’Alévis furent tués dans des pogroms, dont beaucoup considèrent qu’ils avaient été ourdi en sous-main par des organisations secrètes à l’intérieur de l’appareil d’Etat, dans les villes de Çorum, Yozgat et Kahramanmaraş, dans les années 1970. 34 artistes Alévis avaient péri brûlés vifs en 1992 dans l’incendie de l’hôtel Madimak à Sivas. Il y a eu d’autres incidents, comme celui dans le quartier alévi de Gazi à Istanbul en 1995, quand des Alévis avaient été la cible de tirs à l’arme automatique.


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