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Commercer ou s’indigner (de l’attitude du gouvernement turc vis-à-vis de l’Etat sioniste)

20 octobre 2013

Réflexion inspirée par une information déjà ancienne.

S’il est une personnalité du Moyen Orient qui aura déçu, c’est bien le premier ministre Turc Recep Tayyip Erdogan.

Ce dernier avait en effet suscité beaucoup d’espoirs quand il avait exprimé sans ménagement son indignation à la face du chef du gang sioniste Shimon Peres suite à l’opération dite « Plomb durci » menée par les terroristes sionistes contre Gaza fin 2008 – début 2009.

C’était une réaction émotionnelle et sans doute sincère mais qui n’a pas résisté aux nécessités politiques du gouvernement turc, le tournant pouvant être situé au moment où la Turquie, après de fortes réticences, avait accepté d’apporter sa contribution à l’effort de guerre contre la Libye.

Le fait est que, même après l’arraisonnement sanglant par les tueurs sionistes (9 morts, tous Turcs dont un américano-turc) de la flottille humanitaire emmenée par le Mavi Marmara, et en dépit d’une crise diplomatique sans précédent, les échanges commerciaux entre les deux pays ont non seulement continué mais ont atteint un niveau record.

Cette logique profonde des relations entre la Turquie d’Erdogan et l’entité sioniste est en quelque sorte un démenti par les faits des postures indignées du chef du gouvernement turc.

On peut comparer cette manière de récompenser l’Etat prétendu juif avec l’attitude intransigeante et agressive qu’a adoptée M. Erdogan à l’égard des autorités syriennes qui n’ont pourtant assassiné aucun ressortissant turc.

Des députés de l’opposition turque font éclater aujourd’hui au grand jour l’hypocrisie de M. Erdogan dont le fils ne s’est pas gêné pour profiter du boom des échanges entre l’Etat prétendu juif et la Turquie.

L’info est reprise par un journal sioniste selon le bon vieux principe en vigueur à Tel Aviv qu’il faut écraser impitoyablement ses ennemis et humilier ses amis car l’humiliation a la vertu paradoxale de les rendre encore plus dociles (pour ceux que ça intéresse, allez voir du côté de la théorie de la dissonance cognitive de Leon Festinger).

Selon l’opposition: le fils de M. Erdogan fait des affaires avec Israël

 Des membres de l’opposition turque affirment qu’un bateau appartenant au fils dy premier ministre a accosté au port d’Ashdod trois mois avant la réconciliation entre les deux pays

 par Itamar Eichner, Yediot Aharonot (Sionistan) traduit de l’anglais par Djazaïri

 Des membres de l’opposition turque ont mis dans l’embarras le premier ministre Recep Tayyip Erdogan en révélant que durant ces trois dernières années, alors que les relations entre Tel Aviv et Ankara étaient au plus bas, son fils avait continué à faire des affaires avec Israël.

Le fils, Ahmet Burak Erdogan, est propriétaire de la MB Shipping company qui possède deux navires cargos. L’un d’entre eux, le Safran-1, a relié des ports turcs et israéliens plusieurs fois, transportant des marchandises dans les deux sens.

Le bateau qui mesure 95 mètres de long a accosté au port d’Ashdod le 12 janvier – environ trois mois avant la fin de la crise entre les deux pays.

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Erdogan père et fils avaient un petit bateau

Lors d’une conférence de presse à Ankara, l assistant du président du Parti Républicain du Peuple (CHP), le principal mouvement d’opposition à Erdogan au parlement, a pourfendu le premier ministre Turc pour son «hypocrisie.»

D’autres membres de l’opposition ont posé une série de questions à Erdogan: «Votre fils avait-il été exempté de l’embargo commercial contre Israël? Est-ce que c’est moral? Quelle a été la part prise par le bateau dont votre fils est propriétaire dans le commerce avec Israël?»

 Les parlementaires Turcs se sont pourtant trompés: en fait, la Turquie n’a jamais proclamé un embargo commercial contre Israël même au plus fort de la crise diplomatique. Erdogan avait bien annoncé qu’il suspendait les relations économiques avec Israël, mais il avait ensuite précisé qu’il ne parlait que des échanges en matière de défense.

Pendant la crise entre Israël et la Turquie, les échanges commerciaux entre les deux pays ont prospéré et atteint le niveau record de 4 milliards de dollars – une augmentation de 30%.

L’axe anti-syrien Riyad – Ankara – Tel Aviv

31 mars 2013

Un bruit circule sur Facebook selon lequel Bachar al-Assad aurait été tué. Ce n’est pas la première fois, mais on verra si c’est vrai et, dans cette dernière hypothèse, on verra si la mort du président Syrien suffira à ramener la paix en Syrie et dans quelles conditions.

En attendant, on peut dire que la crise syrienne agit comme un révélateur du positionnement des uns et des autres vis-à-vis de l’entité sioniste.

La Syrie est en effet, on a trop souvent tendance à l’oublier, le dernier pays du «champ de bataille» contre le régime sioniste avec le Liban.

Parce que ceux qui fustigent (j’ai dû moi-même le faire, mea culpa) ce pays pour son inaction ou sa faiblesse devant les agissements sionistes omettent de rappeler que la Syrie est bien seule et que d’autres pays de la région ont par contre des relations diplomatiques avec l’Etat voyou.

Et que la Syrie a été, et reste, un soutien important du Hezbollah et que, récemment encore, Damas accueillait la direction du Hamas palestinien, une organisation qui lui a tourné le dos, cédant aux dollars agités par le Qatar.

Il y a d’autres aspects à évoquer sur la question de la place de la Syrie dans la résistance au régime sioniste, mais ce n’est pas l’objet de ce post.

Je voudrais plutôt aborder la nouvelle alliance qui s’est formée sur le dos de la Syrie entre l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’entité sioniste.

Cette alliance est clairement présentée, au moins dans ses perspectives, par Ceylan Ozbudak, une commentatrice politique turque qui écrit dans un journal saoudien, The Saudi Gazette, propriété de la famille royale un peu comme tout ce qui respire en Arabie. Ceylan Ozbudak collabore également avec un journal de l’entité sioniste.

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Ceylon Ozbudak: Mon débardeur a fait fureur à Riyad

Le scénario proposé par cette journaliste semble un peu fantastique pour ne pas dire fantasque, mais ce qui importe en réalité c’est que de telles thèses puissent être publiées dans un organe de presse chargé de présenter pour l’étranger la vision saoudienne des évènement politiques dans la région.

J'ai plein d'idées pour démocratiser l'Arabie Saoudite

J’ai plein d’idées pour démocratiser l’Arabie Saoudite

Et que ce journal n’hésite pas à publier un article qui appelle ouvertement à une action militaire du régime sioniste en Syrie.

Israël peut-il aider au renversement d’Assad?

Par Ceylan Ozbudak, The Saoudi Gazette, 31 mars 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

Depuis deux ans, le monde regarde la Syrie saigner et espère que la communauté international puisse s’entendre pour agir et restaurer l’ordre dans ce pays. En mars 2012, Kofi Annan avait proposé un plan en six points qui était tombé à plat. Depuis, une action militaire unifiée est restée un espoir déçu et l’effusion de sang a continué.

Ce mardi 27 mars 2013, les 22 nations de  la Ligue Arabe ont adopté une résolution autorisant la livraison d’armes aux forces rebelles mais il n’existe cependant pas de plan d’action concertée et les divisions internes paralysent la Ligue.

Le même jour, l’OTAN rejetait une requête du dirigeant rebelle Syrien Moaz Al-Khatib pour que les missiles Patriot abattent des avions syriens. Les Etats Unis surcompensent leurs erreurs en Irak et en Afghanistan et,  sans leur consentement, il y a peu de chances que les «lions» de l’Europe arment l’opposition. Si les rebelles n’ont pas assez d’armes, le forces d’Assad continueront à avoir la supériorité militaire, à tuer encore des Syriens et à prolonger la guerre civile.

Et donc les combats continuent: alors qu’un million de Syriens dans leurs abris de fortune cherchent de la nourriture dans tout le Moyen Orient, le Comité International de Secours signale que les camps frontaliers au Liban, en Jordanie, en Turquie et en Irak sont bondés avec plus de 650 000 réfugiés, en majorité des femmes et des enfants. L’ONU estime par ailleurs à 70 000 le nombre de tués depuis le début des hostilités en avril 2011.

Le guerre brutale menée par Assad a destabilize un gouvernement au Liban; provoqué la venue de forces spéciales iraniennes en Syrie, isolé le gouvernement irakien de ses concitoyens Sunnites, oblige Israël à pénétrer en territoire syrien sur les hauteurs du Golan, et envoyé des réfugiés en Turquie, en Jordanie, en Irak et au Liban. L’ensemble de la région est affectée par la guerre menée par Assad, et nous avons tous le devoir moral et politique d’agir pour extirper de parmi nous ce seigneur de la guerre [warlord]. Le message est clair : c’est un problème pour tout le Moyen Orient.

Les excuses présentées récemment au peuple turc par le premier ministre Israélien Benjamin Netanyahou pour l’incident du Mavi Marmara en 2010 sont le signe d’une amélioration des relations entre nos deux pays. Jérusalem va certainement respecter la promesse de Netabyahou d’une indemnisation des familles des victimes turques et il est sûr que si tel est le cas, les relations israélo-turques vont connaître une renaissance. Etant les deux principales puissances économiques et militaires de la région, ces pays devraient œuvrer ensemble pour faire cesser le soutien russe à Assad. Erdogan avait déjà proposé aux Russes une base navale sur la côte turque et cette proposition, associée à des garanties qu’une Syrie post-Assad ne signifierait pas la fin de l’accès et de l’influence russe en Syrie, pourrait bien éloigner la Russie d’Assad. Maintenir les Etats Unis à l’écart de cette opération contribue aussi à garantir à Poutine que la Syrie ne deviendra pas la Libye : un Etat client des USA.

Un engagement conjoint de la Turquie, de la Russie et d’Israël à cette étape du conflit a des avantages politiques évidents : premièrement, étant donné que l’opposition syrienne est basée en Turquie, il est commode pour Ankara de négocier un accord entre les rebelles et la Russie pour faire en sorte que les inquiétudes de Moscou pour les minorités chrétienne et alaouite soient entièrement dissipées. Si cela signifie que les forces armées russes souhaitent mettre en place des « zones sécurisées» pendant une période de transition, cela doit être sérieusement considéré. En bref, les conséquences du renversement d’Assad ne doivent pas être négligées. Mais les craintes pour le lendemain [de la chute d’Assad] ne doivent pas nous empêcher de trouver des réponses créatives pour stopper les massacres d’aujourd’hui.

Deuxièmement, sauf si la Turquie et Israël travaillent ensemble pour arrêter la tuerie en Syrie et s’impliquent plus à ce stade, les djihadistes continueront à se renforcer. Tandis que le monde regarde les Syriens se faire massacrer par les forces d’Assad, les djihadistes viennent en Syrie pour prendre le rôle dominant dans une Syrie nouvelle. La Turquie, Israël et d’autres nations ne peuvent pas le permettre. La Syrie ne doit pas devenir un nouvel Afghanistan.

Les éléments qui s’opposent à Assad affrontent des troupes disciplines disposant de matériel militaire sophistiqué. Deux ans de guérilla ne lui ont pas fait perdre son emprise sur la population syrienne. Si les rebelles Syriens veulent un espoir raisonnable de victoire, il leur faudra des armes sophistiquées et un appui aérien. Si personne ne fournit ces deux éléments, il en résultera une ou deux conséquences : soit les rebelles échoueront et Assad maintiendra son régime assassin, ou les rebelles recevront une aide venue d’ailleurs. Dans cette dernière éventualité, ni la Turquie, ni Israël n’auront le droit de se plaindre si les extrémistes sont présents dans le scénario et tirent avantage des désordres dans le pays.

Les Etats Unis et l’Union Europenne n’agiront pas. Ils ne sont pas menacés aussi directement que nous le sommes dans la région. Malgré ses défauts, Israël dispose de la supériorité aérienne pour neutraliser les forces aériennes d’Assad. A lui seul, ce facteur ferait beaucoup pour faire pencher la balance en faveur des civils Syriens qui sont bombardés par leur propre gouvernement.

Assad et sa  famille doivent avoir une porte de sortie vers l’exil. Après toute la violence dont il a fait preuve, il serait beaucoup plus avantageux de lui offrir un asile sûr plutôt que de l’obliger à choisir entre continuer da campagne de destruction ou risquer de finir comme Kadhafi et Moubarak. Mais une Syrie nouvelle ne pourra pas résoudre ses problèmes toute seule. La Syrie et les Syriens auront besoin de leurs voisins pour aider à mettre fin au conflit et à créer une Syrie pluraliste et démocratique. Combien de vies supplémentaires doivent être perdues avant que nous mettions de côté nos divisions et agissions de manière concertée pour le peuple syrien ?

 — Ceylan Ozbudak est une journaliste politique et présentatrice de télévision turque et elle est directrice de Building Bridges, une ONG sise à Istanbul

De l’eau dans le gaz entre la Syrie et la Turquie

29 mars 2013

Les partis d’opposition turcs n’apprécient pas beaucoup le rôle du gouvernement Erdogan dans la crise syrienne. Ils l’ont fait savoir à plusieurs reprises, par des déclarations au parlement ou dans la presse, par l’envoi de délégations à Damas ou encore par la divulgation d’informations sur certains aspects de l’implication de leur pays chez le voisin du sud-est.

Cette fois ci, le Parti Populaire Républicain (CHP),  la principale force d’opposition évoque des accords secrets conclus entre le gouvernement turc et l’opposition syrienne, accords visant notamment à faire transiter le gaz du Qatar destiné au marché européen par les territoires syrien et turc et à approvisionner l’entité sioniste en eau de l’Euphrate à partir d’un barrage turc. Cette eau devrait alors être acheminée via… la Syrie !

 Le ministère des affaires étrangères dément les allégations sur des accords secrets avec l’opposition syrienne

Anatolia News Agency, Hürriyet (Turquie) traduit de l’anglais par Djazaïri

Le ministère turc des affaires étrangères a démenti les déclarations faites le 28 mars par l’opposition affirmant que le ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoğlu a signé des accords secrets avec l’opposition syrienne en marge des discussions qui ont eu lieu au Qatar du 8 au 11 novembre 2012. 

«Les allégations formulées par le porte parole du principal parti d’opposition ne reflètent pas la réalité. L’existence d’une réunion tenue à Doha dans le but d’unifier l’opposition sous une seule bannière était signalée dans une déclaration publiée le 12 novembre 2012 par le ministère des affaires étrangères. La réunion [de Doha] n’avait aucune dimension secrète,» lit-on dans la déclaration du ministère. 

Les accords comprenaient des clauses comme la livraison de gaz naturel Qatari à l’Europe par un gazoduc traversant la Syrie et la Turquie, a affirmé le 27 mars le porte parole du Parti Populaire Républicain Haluk Koç. Il a aussi soutenu qu’il avait été prévu de transférer de l’eau du barrage Atatürk en Israël via la Syrie. 

«Ce genre de diffamation de la part du porte parole du principal parti d’opposition, affirmée sans aucune recherche d’informations et visant à nuire à la réputation de la Turquie, est inexcusable. On attend des preuves de la part des personnes et des organisations qui avancent ces affirmations qui n’ont pas de fondement,» lit-on dans la déclaration.

Le ministère des affaires étrangères a aussi démenti des informations rapportées par la presse turque selon lesquelles Davutoğlu s’est rendu en Israël plusieurs mois avant les excuses de Netanyahou pour négocier sur cette question [de l’adduction d’eau].

Le gouvernement turc dément bien entendu, arguant du caractère public de ses rencontres avec l’opposition syrienne.

Et peut-être est-il sincère. 

Il n’a cependant pas convaincu Cezer Skonore, un lecteur de Hürriyet qui écrit ce qui suit en commentaire :

Tout ce qu’a fait le gouvernement turc par rapport à la Syrie est secret. Il n’y a pas une seule chose que le gouvernement a faite, pas une seule décision faite par le gouvernement sur la Syrie qui ait été expliquée à l’opinion. En ce sens, il n’y a pas d’accord secret plus spécialement secret que les autres.

On peut par exemple retrouver dans la presse la trace d’une rencontre secrète entre Ahmet Davutoğlu et Benyamin Ben Eliezer, ministre sioniste du commerce, en juin 2010, un mois seulement après l’assaut sanglant contre le Mavi Marmara. Cette réunion demandée par le gouvernement turc avait été rendue publique par les autorités sionistes.

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Entre Davutoglu et Ben Eliezer, le courant est toujours passé

Cette rencontre montre surtout que le chef de la diplomatie turque a gardé de bonnes relations avec les ministres travaillistes du gouvernement Nétanyahou, Benyamin Ben Eliezer et le ministre de la défense, Ehoud Barak, avec qui s’est préparée cette réunion. Les deux pays ont besoin l’un de l’autre.

 

 

Le Hezbollah et les enjeux libanais et régionaux de la guerre contre la Syrie

23 mars 2013

La crise syrienne a sans doute connu un tournant avec l’élection du premier ministre d’un gouvernement provisoire d’opposition.

Cette élection a été le moment d’un bras de fer entre l’Arabie Saoudite et le Qatar, ce dernier émirat l’ayant emporté, obtenant l’élection de son candidat, le syro-américain Ghassan Hitto (plus Texan que Frère Musulman selon l’ex ambassadeur US en Syrie, Robert Ford).

Cette victoire du Qatar est aussi celle de la Turquie, proche de cette pétromonarchie et  elle sonne peut-être la fin de tout espoir d’une issue négociée au conflit, et même de tout espoir de sortie du conflit à bref ou moyen terme.

Comme vous l’aurez compris, il ne faut pas se laisser abuser par le mot élection : les [grands] électeurs qui ont choisi le premier ministre n’ont eux-mêmes aucune légitimité élective et le résultat du scrutin est avant tout celui des pressions exercées par des puissances étrangères, la «mieux disante» étant la monarchie du Qatar.

Ce qui se passe aujourd’hui en Syrie n’a rien à voir avec une lutte pour la démocratie : dans leurs paroles, comme dans leurs actes les mouvements réunis dans le Conseil National Syrien et la Coalition sont en réalité encore moins démocratiques que le régime en place. Ce qui les distingue vraiment du régime est la tonalité sectaire de leur discours et leur agressivité vis-à-vis de ceux qu’ils considèrent comme des hérétiques.

Il y a eu certes une vraie exigence de démocratisation du système politique en Syrie, mais les porteurs de cette revendication ont été contraints au quasi mutisme, pas par la répression des autorités mais par la situation de guerre étrangère imposée au pays.

Alors, si l’objet des affrontements n’est pas la démocratie, de quoi s’agit-il ? 

L’objet du conflit est en réalité d’en finir avec non seulement le régime syrien, mais surtout avec une Syrie qui reste le dernier obstacle avec le Hezbollah libanais à une normalisation avec l’entité sioniste.Ne vient-on pas en effet de voir que, après bien des rodomontades, le gouvernement turc est rentré dans le rang suite aux excuses de Benjamin Netanyahou pour les victimes  turques du Mavi Marmara. Mieux, Recep Tayyip Erdogan, le premier ministre Turc a

souligné son attachement à « l’amitié solide et à la coopération vieilles de plusieurs siècles entre les peuples turc et juif ».

N’a-t-on a pas vu qu’un autre «islamiste» fort en paroles, l’Egyptien Mohamed Morsi, membres des Fréres Musulmans de son état, a choisi d’appliquer scrupuleusement ce qui est exigé de lui par Barack Obama et continuer donc à participer au blocus de la bande de Gaza?

Liquider le régime syrien, c’est aussi préparer l’élimination du Hezbollah, une élimination que d’aucuns voudraient précipiter en étendant le conflit syrien au Liban au prétexte de l’implication des miliciens du Hezbollah aux côtés des forces régulières syriennes. 

C’est cet aspect de la crise en Syrie qu’examine Ibrahim al-Amin dans les colonnes d’al Akhbar, un organe de presse libanais.

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Ibrahim al Amin, rédacteur en chef d’Al-Akhbar

Al Akhbar se situe politiquement à gauche et ne peut en aucun cas être considéré comme proche idéologiquement du Hezbollah.

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Ernest Khoury dans son bureau d’Al Akhbar, sous le regard vigilant de Lénine et Karl Marx

 

 Le rôle du Hezbollah en Syrie

Par Ibrahim al-Amin, Al Akhbar (Liban) 22 mars 2013, traduit de l’anglais par Djazaïri

On parle et on spécule beaucoup depuis un certain temps au Liban, en Syrie et dans le monde arabe et en Occident sur le véritable rôle du Hezbollah dans la crise syrienne. La machine de propagande anti-Hezbollah est, comme d’habitude, particulièrement active, offrant au quotidien un flot d’informations et d’articles sur l’implication supposée de ce parti dans le conflit.

Cette machine de propagande – avec ses opérateurs Libanais, Syriens et autres – a annoncé la mort de centaines de miliciens du Hezbollah en Syrie et la capture de dizaines d’entre eux par les rebelles Syriens. Un service de sécurité officiel de Beyrouth joue un rôle central sur ce front en assurant la fuite d’informations factuelles sur lesquelles on brode ensuite. Ces gens croient qu’un tel déluge est un moyen efficace de susciter autant de rancœur que possible contre le Hezbollah dans l’opinion publique.

Le Hezbollah n’a, pour sa part, pas propose plus de précisions que ce qu’a déclaré son secrétaire général Nasrallah sur l’assistance apportée par le parti à ses sympathisants Libanais qui résident dans des villages à l’intérieur de la Syrie, mais a cependant répété que le Hezbollah n’avait pas pour l’instant participé aux combats en Syrie.

Une stratégie délibérée de provocation et d’exagération est employée contre le Hezbollah par des services de renseignements de la région et de l’étranger, y compris ceux d’Israël. Maisl a question centrale était, et demeure, est de comprendre la place du Hezbollah dans une crise syrienne qui entre dans sa troisième année. Ces services savent beaucoup de choses sur ce qui se passe sur le terrain en ce qui concerne les combats entre les forces du régime et celles de l’opposition. Ils connaissent les capacités des deux camps et exercent une surveillance continue de toutes les actions de soutien au régime, y compris par le Hezbollah.

Mais pour les autres, il est sans doute nécessaire de clarifier la perspective à partir de laquelle le Hezbollah fonde son attitude par rapport à la crise syrienne. Ce qui pourrait en aider beaucoup à comprendre les soubassements idéologiques, politiques et opérationnels de sa position.

Le Hezbollah continue à voir les choses à partir de la perspective de son rôle central dans la confrontation avec Israël. Il ne donne sans doute pas souvent de détails sur l‘objectif ultime de cette lutte, mais le parti se comporte comme s’il était partie prenante d’une campagne au long cours pour se débarrasser d’Israël, une bataille qui nécessite beaucoup de préparation. Si l’idée d’être débarrassé d’Israël ne dérangerait pas une majorité des peuples arabes et islamiques, seule une minorité est prête à mener ce combat jusqu’au bout.

Une minorité parmi les réticents pense qu’un tel discours est fou ou illusoire et ne peut en aucun cas influer sur le cours de l’histoire. Cette minorité influente ne voit aucune nécessité pour une lutte de ce genre. Elle perçoit en conséquence le Hezbollah comme une bande de cinglés qui non seulement mettent en danger leur peuple et eux-mêmes mais aussi les intérêts des peuples de la région. Cette minorité se retrouve donc dans une alliance, formalisée ou non, avec les véritables ennemis du Hezbollah, à savoir Israël, les Etats Unis et certaines capitales arabes et occidentales.

L’engagement du Hezbollah dans la résistance contre l’occupation l’oblige à faire beaucoup de choses comme éviter de se faire d’autres ennemis. Sa position sur la Syrie est cohérente avec son attitude à l’égard des mouvements de contestation dans l’ensemble du monde arabe.

Dès le début, personne n’aurait pu imaginer voir le Hezbollah prendre position contre le régime syrien. Si le parti n’ignore pas les causes internes de la crise, il n’admet pas les affrontements en cours. Son regard sur la situation d’ensemble l’empêche d’adopter une position de neutralité, tout comme le fait qu’il a un suivi plus clair et fiable de ce qui se passe en Syrie comparativement à beaucoup des organisations impliquées dans les combats.

Le Hezbollah a averti très tôt sur les liens avec l’étranger et les agendas des organisations à la tête de la contestation. Il avait des preuves claires sur les tendances idéologiques de certaines des plus influentes de ces organisations. Il avait observé comment, dès le début de la contestation, des manifestants à Deraa et à Homs avaient brûlé des portraits de Nasrallah et des drapeaux du Hezbollah, et comment la campagne d’incitation à la haine religieuse contre le parti avait été lancée à fond.

C’était avant que le parti ait dit quoi que ce soit sur les développements en Syrie – en fait, alors même qu’il était en train d’œuvrer avec divers mouvements islamistes arabes, dont le Hamas, à essayer de nouer des contacts dans le but d’éviter d’arriver à la catastrophe actuelle.

Le point de vue du Hezbollah, pour dire les choses simplement, est que la guerre en Syrie a pour but de faire évoluer politiquement et stratégiquement ce pays vers une position d’opposition à l’existence du Hezbollah. Ce qui lui fait voir le régime actuel dirigé par Bachar al-Assad comme une ligne avancée de défense du mouvement de résistance au Liban et en Palestine. Ce qui, à soi seul, place le parti au cœur de la crise.

On s’est pose beaucoup de questions et on a dit beaucoup de choses sur le rôle que joue le Hezbollah en Syrie. Ses détracteurs disent qu’il est fortement engagé dans les opérations militaires en cours. Les données du problème n’ont pas besoin de longues explications :

– le Hezbollah entraîne, arme et apporte un soutien logistique conséquent aux Libanais qui vivent dans les villages frontaliers.

– Le Hezbollah est chargé de la protection du mausolée de Sayida Zeinab dans le secteur sud de Damas depuis le départ de ses gardiens Irakiens. Sur place, les membres du parti sont déployés selon un plan qui limite leur responsabilité aux abords immédiats du sanctuaire.

– le Hezbollah a reçu des délégations de nombreuses organisations druzes, chrétiennes, chiites et ismaéliennes qui avaient le sentiment que leurs communautés minoritaires étaient gravement menacées. Il n’a pas satisfait à leurs demandes d’armement et de formation militaire, mais leur a donné les moyens d’éviter d’être déplacés.

– Le Hezbollah, qui a des liens sécuritaires et militaires avec le régime, aide les forces syriennes en protégeant les institutions scientifiques et les usines de missiles qui ont été construites ces dix dernières années en grande partie avec l’aide de l’Iran.

– Le Hezbollah a un important programme, peut-être le plus important, d’aide aux réfugiés Syriens au Liban et même à l’intérieur de la Syrie. Ce programme n’a pas pour but de remercier les Syriens pour avoir accueilli des réfugiés du Liban en 2006. Ce programme est exécuté dans la discrétion sur la base de la conviction que les réfugiés et les personnes déplacées ont droit à toute l’aide humanitaire possible quelles que soient leurs opinions politiques.

Les attitudes à l’égard du Hezbollah sont liées à toutes sortes de calculs. Certains font cependant tout ce qu’ils peuvent non seulement pour entraîner le parti dans la crise syrienne mais aussi dans un affrontement semblable au Liban. Le parti en est conscient. Il semble être en train de discuter des modalités d’une action visant à apaiser les tensions sectaires, même si ses dirigeants craignent de nouvelles effusions de sang avant l’aboutissement de ces discussions.

Le justice turque engage les poursuites contre le commandement militaire sioniste

28 mai 2012

C’est peut-être à cause du lundi de Pentecôte mais la dépêche AFP ci-dessous n’a pu semble-t-il se frayer un chemin que dans la presse suisse de ce jour.

La presse française en est restée à la préparation de l’acte d’inculpation. des terroristes sionistes qui avaient commandé l’assaut contre le Mavi Marmara, le vaisseau « amiral » de la flottille humanitaire qui faisait route vers Gaza fin 2010. Neuf militants humanitaires dont huit Turcs et un Américano-Turc avaient été assassinés par les commandos sionistes.
Maintenant, c’est fait, un tribunal d’Istanbul va engager une procédure sur requête du procureur contre des officiers supérieurs de l’entité sioniste.
On notera que pour l’AFP, la procédure est symbolique parce que le criminel (le régime sioniste) refuse que ses hommes de main soient jugés à l’étranger. Franchement, la justice turque le sait fort bien et elle sait aussi bien que les sionistes qu’il existe des procédures par contumace et des mandats d’arrêt internationaux. Parce que le tribunal d’Istanbul n’est pas une instance symbolique comme le tribunal Russell par exemple, mais une instance judiciaire d’un Etat.
De même, l’AFP n’évoque que le rapport Palmer dont l’objectif était d’offrir une issue au régime sioniste. Or, tout un chacun a pu lire le rapport du juge Goldstone qui a valu à ce dernier bien des ennuis avec ses coreligionnaires.


ISTANBUL – Un tribunal stambouliote a accepté lundi de juger quatre ex-dirigeants de l’armée israélienne accusés d’implication dans la mort de neuf Turcs tués en 2010 par des commandos israéliens lors de l’assaut de leur navire d’aide humanitaire, a rapporté l’agence de presse Anatolie.
La cour a accepté un acte d’accusation présenté la semaine dernière par un procureur qui réclame la prison à vie pour l’ex-chef d’état-major de l’armée israélienne, Gabi Ashkenazi, les ex-chefs de la marine et de l’aviation, Eliezer Alfred Marom et Avishai Levi, et l’ex-chef des services secrets Amos Yadlin, selon Anatolie.
Cette décision implique l’ouverture d’un procès, dont la date de la première audience doit être fixée par le tribunal dans les prochaines semaines. Selon toute vraisemblance, ce procès restera symbolique, Israël excluant que ses militaires soient jugés, a fortiori de les extrader.
Le vice-ministre israélien des Affaires étrangères, Danny Ayalon, a qualifié de très grave la procédure de la justice turque.
Nous allons faire en sorte que nos concitoyens soient protégés du mieux possible d’un point de vue légal, a déclaré M. Ayalon à la télévision, en espérant qu’une pression diplomatique étrangère forcera la Turquie à revenir sur son action.
La décision d’Ankara pourrait avoir des implications lourdes de conséquences pour l’OTAN et les forces américaines en Afghanistan, l’Irak et ailleurs, a-t-il déploré.
Les poursuites concernent l’assaut donné le 31 mai 2010 dans les eaux internationales par des commandos israéliens contre le Mavi Marmara, navire amiral d’une flottille d’aide humanitaire qui tentait de rallier Gaza, sous blocus israélien.
L’acte d’accusation s’appuie sur les témoignages de près de 600 personnes, dont 490 passagers de la flottille, qui comptait six bateaux, et des proches des victimes.
Selon ce document de 144 pages, les soldats israéliens ont fait un usage largement disproportionné de la force contre les militants pro-Palestiniens.
On ne peut parler de défense légitime en utilisant des armes perfectionnées et en mitraillant des gens qui brandissaient des fourchettes, des cuillères ou des hampes de drapeau, souligne-t-il.
En septembre dernier, le rapport Palmer de l’ONU avait jugé excessive et déraisonnable cette intervention militaire, mais avait considéré comme étant légal le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza.
Cette affaire avait provoqué une grave crise diplomatique entre la Turquie et Israël, autrefois alliés. Ankara a abaissé sa représentation diplomatique dans l’Etat hébreu, suspendu la coopération militaire et expulsé l’ambassadeur d’Israël.

La Turquie sommée de rentrer dans le rang (sioniste)

11 mai 2012

En s’alignant sur les Etats Unis et la France dans sa position sur la crise syrienne, la Turquie a en définitive perdu une occasion d’accroître son influence non seulement dans la région du Moyen Orient mais aussi vis-à-vis des autres puissances de l’OTAN.

Le ton belliqueux du chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu à l’égard du gouvernement syrien, loin d’être un signe du renforcement du poids politique d’Ankara ne traduit en réalité que le renforcement de sa soumission aux Etats Unis dans le rôle qui pourrait lui être assigné si Washington décidait d’un accroissement de son intervention militaire en Syrie, cette dernière se limitant surtout pour l’instant à un appui logistique et de conseils prodigués par des spécialistes des coups tordus.

Le gouvernement turc n’a pas suffisamment analysé la signification du vote par le parlement français d’une loi relative au génocide arménien (même si cette dernière n’a finalement pu aboutiir). A la faveur de l’élection de François Hollande à la présidence en France, Recep Tayyip Erdogan se prend à rêver d’une «nouvelle ère» dans les relations franco-turques.

Ce qu’il devrait pourtant comprendre, c’est que l’utilisation du thème du génocide arménien n’est nullement l’apanage de M. Sarkozy avec qui, par ailleurs, le gouvernement turc s’est rapidement entendu sur une position maximaliste.

Certes les Turcs font parfois leur mijaurée comme ce fut le cas quand ils ont boycotté une rencontre avec le gouvernement français en marge d’une réunion sur la Syrie.

L’inconsistance de la diplomatie turque se révèle aussi dans son approche des relations avec l’entité sioniste. Si, après la tuerie du Mavi Marmara, la diplomatie turque avait semblé amorcer un tournant, elle n’a en fait rien obtenu du régime sioniste. La Turquie a pourtant pris des mesures  comme la suspension de relations militaires, des pressions pour empêcher l’armé sioniste de participer à des exercices militaires de l’OTAN.

Oui, mais ces mesures sont en fait plus symboliques qu’autre chose et la coopération militaire entre les deus armées se poursuit, même si c’est de manière moins importante et plus discrète.

Par ailleurs, les échanges commerciaux entre la Turquie et l’entité sioniste n’ont jamais été aussi florissants.

Les sionistes attendent donc plus ou moins patiemment que la Turquie rentre piteusement au bercail.

Car les sionistes tiennent la Turquie pour la simple raison qu’ils ont jusqu’à présent toujours empêché l’adoption par les Etats Unis d’une législation relative au génocide arménien. Or, une telle législation adoptée par les Etats Unis aurait des conséquences autrement plus importantes que celle d’une loi votée en France.

Enfin, comme on peut le lire dans le journal turc Zaman, les Etats Unis ne vont pas tolérer  encore très longtemps que le gouvernement turc fasse la gueule au régime sioniste :

L’administration Obama a exprimé son insatisfaction devant la discrimination exercée par la Turquie contre Israël dans des activités partenariales dans le cadre du dialogue OTAN Méditerranée. Le sous Secrétaire d’Etat pour les affaires européennes et eurasiennes Philip H. Gordon a déclaré jeudi que les Etats Unis ne permettraient pas à la Turquie de faire de la discrimination contre Israël. Gordon répondait à des questions des sénateurs  lors d’une audition intitulée ‘L’OTAN, Chicago et au-delà » organisée par la commission sénatoriale des affaires étrangères.

La question concernait un veto qu’aurait opposé la Turquie à la participation de l’entité sioniste au sommet de l’OTAN à Chicago.

Or, les  autorités US affirment que la Turquie n’a pas opposé de veto pour la bonne raison que l’entité sioniste , non membre de l’OTAN, n’était pas invitée à Chicago. Une version confirmée par le gouvernement turc.

Les sénateurs Américains ont donc prêté à la Turquie des actes qu’elle n’a jamais posés.

Reste que les Etats Unis vont bientôt sommer Ankara de rentrer dans le rang si on en croît les propos suivants du même sous Secrétaire d’Etat :

“Si un allié va bloquer le partenariat [OTAN méditerranée]avec un pays, alors les Etats Unis n’accepteront pas ce partenariat [avec cet allié] » a déclaré Gordon, observant que la situation avait désormais atteint ce stade et que les Etats Unis n’allaient pas permettre une discrimination contre un allié en particulier.
Les pays qui sont membres du Dialogue Méditerranéen, un programme de coopération de l’OTAN avec sept pays hors OTAN, sont l’Algérie, le Maroc, l’Egypte, la Mauritanie, la Tunisie, la Jordanie et Israël.

Ce n’est pas la première fois qu’on observe ici que non seulement l’Algérie coopère avec l’OTAN (pour quoi faire ?) mais qu’elle le fait dans un cadre qui la réunit à l’entité sioniste.

Le mur du génocide arménien et la double humiliation de la Turquie

22 décembre 2011

Je ne vais pas bloguer pendant une semaine. Pas parce que nous sommes en période de fêtes, quoique même si je ne suis pas chrétien Noël a une signification toute particulière pour moi, mais parce que je pars quelques jours pour Alger et peut-être le Hodna.

Mais avant de partir, je vous livre quelques observations sur l’état (calamiteux) de la diplomatie turque.

Le gouvernement turc vient de subir un camouflet de la part de l’Assemblée Nationale française qui a adopté en première lecture une proposition de loi visant à pénaliser la négation du génocide arménien.

D’où la forte irritation des autorités d’Ankara qui ont décidé de rappeler leur ambassadeur et de geler la coopération avec la France. Ankara n’a pas dit si ce gel concernait les manigances que la Turquie mène conjointement avec la France pour déstabiliser le gouvernement syrien.

Cette crise avec la France nous en rappelle une autre, celle des relations avec le régime sioniste suite à l’arraisonnement sanglant du Mavi Marmara et la mort de 9 militants humanitaires Turcs assassinés par les terroristes sionistes.

Pourtant, comme je vous le disais tantôt, la Turquie est en train de rentrer doucement au bercail pour renouer avec le gouvernement de Tel Aviv. Et c’est même ce dernier qui pourrait sortir la tête haute d’un bras de fer où la sincérité des Turcs s’est heurtée à la contradiction de leurs engagements et à ce que je considère comme l’absence de respect d’une vision stratégique pourtant clairement tracée par les spécialistes Turcs de ces questions.

Ainsi, on apprend que les autorités sionistes ont décidé de ne pas fournir à la Turquie certains matériels militaires avancés dont la livraison devait intervenir le mois prochain. Le motif de cette annulation est

La crainte qu’Ankara puisse transférer cet équipement à des tierces parties hostiles [à l’entité sioniste].

On se demande bien quelles peuvent bien être ces parties hostiles au régime sioniste depuis que le torchon brûle entre la Turquie d’une part, et l’Iran et la Syrie d’autre part.

Ce refus est probablement surtout destiné à marquer clairement que c’est bien la «puissante» Turquie qui est en train de sortir perdante du bras de fer avec Tel Aviv.

Car on apprend en effet d’autre part que :

La Turquie et Israël ont réactivé un mécanisme de coordination de leurs forces aériennes des mois après sa suspension en raison des tensions politiques au sujet des conclusions d’un rapport d’enquête de l’ONU sur un raid israélien sanglant contre une flottille humanitaire au cours duquel neuf militants Turcs avaient été tués.
Un officier supérieur de l’armée de l’air israélienne dont le nom n’est pas cité a déclaré que ce mécanisme de coordination a été réactivé récemment dans le cadre des efforts des deux pays pour “stabiliser et améliorer les relations.” Il y a deux semaines, l’attaché militaire Turc en Israël a participé avec d’autres officiers étrangers à un briefing des forces aériennes israéliennes sur la base aérienne d’Ovda, en marge de manœuvres conjointes des aviations israélienne et italienne.
Cet officiel a  aussi déclaré que les forces aériennes israéliennes inviteraient probablement la Turquie à participer à un exercice aérien international à grande échelle qui aura lieu en Israël en 2013. «Rien ne les empêche d’y participer,» a déclaré l’officiel.

Le gouvernement français n’a donc pas trop de souci à se faire…

Les sionistes doivent regarder la réalité en face

6 décembre 2011

Le président Turc, Abdullah Gül parlait récemment du fardeau sioniste qui pèse sur les épaules de son pays. Et il est vrai que, dans le contexte des évolutions politiques au Proche Orient, c’est la place de l’entité sioniste dans la région que le gouvernement turc aimerait redéfinir.

Pour l’heure, les Turcs, après l’épreuve de force diplomatique autour du Mavi Marmara, souhaitent plutôt faire appel à la raison des dingos qui gouvernent à Tel Aviv.

Pourtant, faire appel à la raison des fous, est un pari perdant à tous les coups et c’est peut-être bien l’avis raisonné de Semih İDİZ (cf sa conclusion) qui nous donne un article assez éclairant sur la vision stratégique de la Turquie.

Cette vision est celle d’un Moyen Orient où la Turquie joue un rôle décisif si ce n’est dominant et dans lequel elle peut se déployer économiquement et politiquement.

Du point de vue turc, l’entité sioniste peut avoir sa place dans ce schéma, mais à certaines conditions. La première est de régler par la voie des négociations les différends qui l’opposent à ses voisins. Parce que l’analyse d’Ankara est qu’à terme la position de tous les pays de la région se raidira à l’égard du régime sioniste si ce dernier refuse le processus de règlement pacifique. Le corollaire est que l’entité sioniste doit devenir un Etat ordinaire qui ne sera plus un obstacle au rayonnement de la Turquie qui veut un Proche Orient apaisé.

Enfin, la Turquie n’a certainement pas envie d’une guerre avec l’Iran dont elle subirait nécessairement des conséquences sur les plans économique et politique. Or, le déclenchement d’une telle guerre semble dépendre en bonne partie du bon vouloir des dirigeants de l’entité sioniste et certainement pas de la Turquie dont les efforts de règlement du dossier nucléaire iranien avaient été méticuleusement torpillés par ses alliés de l’OTAN (une humiliation dont elle ne leur tient pas rigueur, semble-t-il).

Les Israéliens doivent regarder la réalité en face

Par Semih İDİZ, Hurriyet (Turquie) 6 décembre 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

La Turquie et Israël auraient dû voir les choses avec hauteur et agir en conséquence, au lieu de voir leurs liens se distendre en cette période de turbulences au Moyen Orient. Mais des deux côtés, on a fait de l’incident du Mavi Marmara une affaire de dignité nationale, chacun s’arc-boutant sur ses positions.

Si on regarde les choses dans leur ensemble, cependant, les développements dans la région compliquent plus la vie à Israël qu’à la Turquie (les choses dépendront en fait du sort que connaîtra la Syrie, NdT). A la différence d’Israël, après tout, le monde parle aujourd’hui de la Turquie pour son influence positive dans la région.

Dans le même temps, Israël a commencé à montrer qu’elle n’était pas indemne des tendances négatives qu’elle attribue généralement aux Arabes. Ce n’est pas seulement un Turc qui le dit. Abraham Foxman, le président de l’Anti-Defamation League aux Etats Unis, s’inquiète aussi de “l’érosion” de la démocratie israélienne. Dans un article d’opinion pour le Huffington Post du 1er décembre, Foxman a reconnu la légitimité des préoccupations israéliennes, mais a formulé l’avertissement suivant :

“Quand, cependant, sont votées des lois qui étouffent la liberté d’expression, cherchent à affaiblir l’indépendance de la justice, visent à saper les droits des Arabes et d’autres minorités, c’est alors le caractère démocratique même de l’Etat qui est érodé,» a-t-il dit.

Mais il semble que ce n’est pas seulement la démocratie qui est «érodée» en Israël. Selon un media israélien, la Secrétaire d’Etat US Hillary Clinton a déclaré récemment pendant un forum à Washington qu’elle était consternée par la montée d’un fondamentalisme intrusif et envahissant en Israël.

Le quotidien Yediot Aharonot par exemple, écrit que Clinton a “parlé de son choc d’apprendre que certains autobus de Jérusalem faisaient une ségrégation selon le sexe et que certains soldats israéliens refusaient de participer à des événements où des femmes devaient chanter. » D’autres journaux ont cité Clinton comme disant qu’on pouvait s’attendre à ce genre de choses de l’Iran, pas d’Israël.

La vérité est qu’on a de plus en plus conscience à Washington et dans d’autres capitales occidentales de ce qu’est Israël et de ce qu’elle n’est pas.  On entend ainsi, par inadvertance en raison d’un micro resté accidentellement branché, le président Français Nicolas Sarkozy dire au président Barack Obama que le premier ministre Israélien benjamin Netanyahou «est un menteur.»

Obama à son tout, est entendu à cause du même accident de micro en train d’exprimer sa propre frustration dans ses discussions avec Netanyahou. Nous avons maintenant le Secrétaire d’Etat US à la défense, Leon  Panetta qui exprime sa propre profonde frustration devant l’intransigeance israélienne.

S’exprimant devant un forum à Washington, Panetta qui doit bientôt venir à Ankara, a exhorté Israêl à « simplement revenir à cette foutue table, » [de négociations] affirmant que « Le problème en ce moment est que nous ne pouvons pas les amener à cette foutue table, ne serait-ce que pour s’asseoir et commencer à discuter de leurs divergences.» Soulignant l’isolement croissant d’Israël, Panetta a exhorté les responsables Israéliens à faire un geste en direction de la Jordanie, de l’Egypte et de la Turquie.

Panetta a aussi rejeté l’idée d’une opération militaire contre l’Iran, au grand dam sans doute des tenants Israéliens d’une ligne dure. « Une frappe pourrait perturber les économies déjà fragiles de l’Europe et des Etats Unis, entraîner une riposte iranienne contre les forces US et finalement déclencher une réaction populaire en Iran qui renforcerait ses dirigeants,» a-t-il dit.

Ce sont des vérités évidentes depuis un bout de temps, même si certains refusent de les admettre en raison de leurs œillères pro-israéliennes. Ce sont aussi des vérités que la plupart des israéliens refusent d’accepter. Le point essentiel, cependant, est que les développements régionaux et intérieurs ne présagent rien de bon pour Israël, et les Israéliens modérés devraient s’inquiéter.

Que le gouvernement israélien s’en rende compte et change de tactique pour être en phase avec la situation en gestation dans la région reste une question ouverte. Ce qui est clair est que peu de gens se hasarderaient à miser de l’argent sur ce pari.

Qui sortira gagnant d’une chute du régime syrien?

1 décembre 2011

Quand on s’intéresse à ce qui se passe en Syrie, on aimerait parfois lire dans le marc de café pour avoir une idée plus claire de ce qui va se passer : putsch, guerre civile, révolution, intervention militaire étrangère ?

Où on peut faire comme Nihat Ali Ozcan dans le journal turc Hurriyet et partir du postulat que la chute du régime syrien n’est qu’une question de temps mais que c’est un fait dores et déjà acquis

Et à partir de là, développer une analyse stratégique qui inclut l’ensemble des acteurs de la région, dont l’Iran, le Liban, les Etats Unis (avec l’OTAN) et l’entité sioniste.

Et en déduire la physionomie de la région après la disparition du régime baathiste. Il faudrait certes plus qu’une lecture dans le marc de café pour savoir si ce qui succèdera à l’actuel régime syrien sera plus démocratique et/ou plus égalitariste. Il est par contre beaucoup plus simple de comprendre qui sortira gagnant de l’actuel imbroglio politico-militaire dans lequel est plongé en ce moment la Turquie qui, après quelques hésitations, y a sauté à pieds joints.

Pour Nihat Ali Ozcan, le grand gagnant de cette affaire ne sera pas la Turquie, mais l’Etat sioniste. Parce que pour ce journaliste turc, en dépit de prises de position apparemment hostiles aux autorités de Tel Aviv, le gouvernement tuc s’est rangé dorénavant résolument dans le camp de l’entité sioniste qui va pouvoir essayer de neutraliser ses deux ennemis que sont le Hamas et le Hezbollah et acquérir cette profondeur stratégique qui lui fait tant défaut.

Cette profondeur étant représentée par le territoire syrien…

Je pensais personnellement que l’entité sioniste préférait l’actuel régime syrien à l’incertitude dangereuse que pourrait constituer un nouveau pouvoir à Damas. C’était sans doute  vrai au départ, mais les choses ont changé et ce changement est dû à l’évolution de la position de la Turquie qui s’est repositionnée du côté de Tel Aviv.

Et ce repositionnement s’explique par un choix opéré par Ankara parmi ses différents intérêts contradictoires. Le choix d’Ankara a été de jouer la carte de mandataire de l’OTAN dans les troubles actuels en Syrie et donc du renforcement de son rôle dans l’alliance (ce qui ne signifie pas que la Turquie est disposée à intervenir militairement en Syrie). Avec l’agitation politique au Proche orient et les bruits de botte contre l’Iran, la Turquie qui a accepté d’accueillir le bouclier antimissiles de l’OTAN se positionne de fait comme le fer de lance d’une éventuelle attaque contre le régime de Téhéran.

Ces choix ont été correctement interprétés par Téhéran. Naïveté ou duplicité, le gouvernement turc ne semble pas comprendre pourquoi les autorités iraniennes considèrent désormais que les installations de l’OTAN en Turquie sont désormais des cibles potentielles pour leurs forces armées.

Je penche personnellement pour la naïveté. Parce que le gouvernement Erdogan, quand il a accepté l’installation du bouclier anti-missile de l’OTAN et de jouer le redresseur de torts en Syrie n’a vu que les avantages qu’il pouvait en retirer : la réaffirmation et le renforcement du lien stratégique avec les USA dans lequel le statut de la Turquie est rehaussé et de nouvelles perspectives dadmission dans l’Union Européenne. Peu importe si cette dernière n’est sans doute qu’un leurre de plus, certains veulent encore y croire en Turquie (je me demande sur quelle planète ils vivent !)..

En attendant la Turquie, si elle est en partie européenne est quand même ancrée de plus en plus solidement en Asie. Et il semble bien que, si je comprends bien Nihat Ali Ozcan, que quand l’entité sioniste gagne, la Turquie perde (où du moins ne gagne pas à la hauteur de sa mise).

Il semble bien que la Turquie a finalement choisi de continuer à supporter son fardeau sioniste.


Le nouveau positionnement de la Turquie et les intérêts d’Israël

Par Nihat Ali Ozcan, Hurriyet (Turquie) 1er décembre 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

Nous assistons à des changements à multiples facettes déclenchés par le printemps arabe. Des modifications d’équilibres et des structures étatiques affaiblies créent des risques pour certains et des opportunités pour d’autres. Nous nous intéressons surtout aux pays et aux situations séparément, mais pris dans leur ensemble, nous devons admettre que les évènements ont la capacité de produire des résultats beaucoup plus compliqués qu’à première vue.

Même si elles ne semblent pas concernées aujourd’hui, les relations turco-israéliennes reviennent sur le devant de la scène à un certain moment en tant que « question de diplomatie publique » plutôt qu’en termes de réalité politique parce que, à la lumière de l’évolution de la situation régionale, il ; y a des tendances significatives du cours des relations entre les deux pays qui ne correspondent pas aux déclarations officielles. J’aimerais attirer l’attention sur la manière dont le changement de nature des relations entre la Turquie et l’Iran d’une part, entre la Turquie et la Syrie d’autre part, sert les intérêts d’Israël.

De fait les développements dans la région créent de nouvelles opportunités.
La Turquie a mené une politique de plus en plus agressive vis-à-vis de la Syrie. Le gouvernement turc soutient un changement de régime en Syrie. A cette fin, il soutient aussi la montée en puissance de la coalition anti-syrienne naissante. A moins d’un miracle, le régime sera abattu au terme d’un délai plus ou moins long. La nouvelle ère qui s’ouvrira sera sans doute plus favorable aux intérêts israéliens qu’à ceux de la Turquie. Je vais expliquer pourquoi.
En Syrie, le changement de régime comme la consolidation de ce nouveau régime donneront à Israël une occasion d’exercer conte le Hezbollah une vengeance jusqu’alors différée. La période qui s’étendra de la destruction de l’ancien régime à la recherche d’une stabilisation d’un nouveau gouvernement dans le pays, signifiera un grand avantage stratégique pour Israël, parce que le Hezbollah sera isolé à la fois géographiquement et psychologiquement.  Dit autrement, le Hezbollah perdra sa profondeur stratégique et ses avantages logistiques..

Notez qu’Israël, qui ne veut pas rater une telle occasion, se prépare à une nouvelle guerre depuis un certain temps. Pour ne pas répéter ses erreurs de 2006 dans la guerre contre le Hezbollah, Israël continue à tester son potentiel militaire à Gaza et améliore ses capacités techniques. Il est évident qu’Israël veut frapper le Hezbollah où ça fait mal grâce à l’expérience obtenue à Gaza. C’est un fait que les incertitudes qui suivront l’effondrement du régime syrien pourraient offrir cette occasion à Israël.

La même chose vaut pour le Hamas. Pour la direction du Hamas, un changement de régime en Syrie signifie perdre un «refuge » d’importance stratégique. Ce qui pourrait pousser le Hamas vers une ligne de réconciliation [avec l’OLP].
Par ailleurs, l’effondrement du régime syrien entraînera l’élimination de l’Iran de la région. L’Iran perdra son grand allié stratégique dans la région. De la sorte, israël serait en mesure de donner une nouvelle dimension à sa problématique profondeur stratégique.

La participation de la Turquie à la construction du système radar anti-missile de l’OTAN constitue un tournant dans sa position à l’égard de la question iranienne. Bien que la Turquie raconte tout autre chose à sa propre opinion publique, l’Iran et Israël ont très bien compris ce que cela signifie. Ce n’est pas une surprise si les généraux des Gardiens de la révolution ont menacé ouvertement la Turquie. Israël n’est plus la seule cible de l’Iran. La Turquie se trouve maintenant dans le camp d’Israël. Alors, même si Israël n’a toujours pas présenté d’excuses pour le Mavi Marmara, elle remerciera le moment venu la Turquie pour toutes ces contributions.

Nihat Ali Ozcan est diplômé de l’académie militaire d’Ankara et de la faculté de droit d’Istanbul et a soutenu une thèse de doctorat sur le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan). Il a quitté l’armée avec le grade de major en 1998.Il collabore actuellement avec un think-tank turc, le Center for Foreign Policy and Peace Research

La Turquie et le nouvel ordre au Moyen Orient

19 octobre 2011

Le propos de ce blog n’est pas vraiment de vous livrer mes analyses, ou plutôt mon analyse se lit dans les choix de textes que je vous présente.

Je vous propose donc un texte de Tarık Oğuzlu un professeur Turc de relations internationales qui permet de mieux comprendre la vision qu’a son pays de l’avenir du Proche Orient. L’article est publié dans Zaman, un journal proche du parti actuellement au pouvoir à Ankara.

Je n’ai pas pu résister à la tentation d’ exposer les réflexions que m’a inspirées son papier. Ne vous gênez cependant pas si vous préférez aller directement à l’article de Tarık Oğuzlu et vous dispenser de me lire.

L’action de la Turquie au Moyen Orient ou en Afrique du Nord peut sembler déroutante. Et elle l’est car elle tient compte de contraintes multiples liées autant à l’histoire de ce pays qu’à son positionnement au carrefour de plusieurs régions du monde : l’Europe, le Moyen Orient , l’Afrique du Nord et le Caucase.

Ainsi, après s’être opposé à une intervention militaire en Libye, le gouvernement de M. Erdogan a finalement décidé de s’impliquer dans le cadre  de l’OTAN.

Ailleurs, alors que la Turquie avait procédé à un important rapprochement avec l’Iran et la Syrie, les troubles qui agitent ce dernier pays ont entraîné une crise politique majeure entre les deux gouvernements et tendu par ricochet les relations avec l’Iran. Le feu vert donné par les autorités d’Ankara à l’installation sur leur sol d’un bouclier antimissiles de l’OTAN a accentué la brouille avec le gouvernement iranien.

Et pour corser le tout, le gouvernement turc, mécontent du refus des autorités sionistes de présenter des excuses officielles pour l’assassinat de neuf ressortissants Turcs qui se trouvaient sur le Mavi Marmara a expulsé l’ambassadeur sioniste à Ankara et suspendu (une mesure donc provisoire)la coopération militaire.bilatérale. Cette coopération se poursuit cependant dans un cadre…multilatéral.

On ne peut pas comprendre ces évolutions si on se contente de penser que Recep Tayyip Erdogan est un gentil islamo-démocrate qui a la cause palestinienne à cœur et qui fera tout pour la faire avancer.

M. Erdogan est certainement et sincèrement  très concerné par la cause palestinienne, comme sans doute l’écrasante majorité des Turcs, mais il est d’abord à la tête d’une nation et il agit avant tout en fonction de ce qu’il perçoit être les intérêts de son pays. Il ne faut pas oublier non plus qu’il doit composer avec des secteurs puissants de l’armée et de l’administration de l’Etat qui l’attendent au tournant pour le bouter hors du pouvoir, soit par la voie des urnes, soit s’ils ne peuvent faire autrement par un putsch.

En fait, Erdogan et son pays se trouvent dans des situations qui sont à la fois des atouts et des contraintes et l’amènent par moments à piloter à vue même s’il s’est fixé un cap stratégique tout à fait net.

Son adhésion à l’OTAN par exemple lui impose des contraintes qui s’opposent à un développement cohérent des relations entre Ankara et Téhéran. Or l’Iran est un partenaire économique prometteur pour la Turquie que ce soit pour l’approvisionnement énergétique que pour des échanges portant sur d’autres biens. Un partenariat solide avec l’Iran pourrait ouvrir la voie à une présence pourquoi pas conjointe dans un Caucase et une Asie Centrale où les cultures perse et turque sont étroitement imbriquées, voire en osmose.

Mais dans ce même Orient, dans l’ex URSS, la Turquie doit garder un œil sur l’Arménie avec laquelle le rapprochement reste délicat et entravé par le poids de l’histoire et  par les interférences de l’entité sioniste ou de puissances occidentales comme on l’a vu récemment avec les propos tenus par Nicolas Sarkozy à Erevan, la capitale arménienne. Et un conflit armé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan turcophone qui ne saurait être complètement exclu aurait forcément un écho important à Ankara.

Or la participation de la Turquie à l’OTAN lui éviterait d’être seule à faire face aux conséquences d’une guerre qui pourrait embraser toute la sous-région car il ne faut pas oublier que des communautés arméniennes existent au Liban mais aussi en Iran et que l’Azerbaïdjan est aussi une province iranienne..

A l’ouest, la Turquie demeure dans une amitié froide avec la Grèce pour des raisons historiques qui se traduisent par des contentieux sur le domaine maritime, une question très sensible quand on sait que le proche littoral turc est parsemé d’îles grecques. Sans oublier, bien entendu l’épineuse question chypriote qui envenime aussi les relations avec l’Union Européenne dont la république de Chypre est membre.

Là aussi, l’OTAN est une assurance contre une guerre opposant la Turquie et la Grèce.

D’une manière générale, l’OTAN est plus un atout qu’un inconvénient pour Ankara. Et l’OTAN a au moins autant besoin de la Turquie que cette dernière n’a besoin de l’OTAN.

Il n’en reste pas moins que la Turquie est maintenant à la croisée des chemins. Ayant accédé à une forme de démocratie représentative pluraliste, elle est en passe compte tenu de sa démographie et de son dynamisme économique d’accéder au rang de très grande puissance régionale aux plans politique, militaire et économique.

Mais les choses ne sont pas jouées car, pour concrétiser ce statut, elle comptait s’arrimer à l’Union Européenne qui aurait pu être l’instrument de son expansion économique et de la stabilisation définitive de ses institutions.

Le problème est que, en dépit de signaux contradictoires, l’UE ne semble pas vouloir de la Turquie qui est pourtant un des membres fondateurs du Conseil de l’Europe et dont Istanbul, la principale métropole, occupe un position géographique beaucoup plus occidentale que l’île de Chypre qui a par contre été admise dans l’UE.

La réponse d’Erdogan a été de réorienter les efforts de sa diplomatie vers le Moyen orient et l’Afrique du Nord, deux régions qui étaient autrefois largement intégrées dans l’empire ottoman.

Il faut dire que, tout comme l’Europe balkanique, le Moyen Orient est le cadre en quelque sorte naturel de la Turquie. Et que le mouvement diplomatique d’Erdogan avait en fait été précédé de celui des entrepreneurs, d’abord petits puis plus importants qui ont tiré parti d’un marché où les productions turques se sont avérées très concurrentielles et très demandées. Et comparativement aux autres pays du Proche orient ou à ceux d’Afrique du Nord, l’économie turque dispose de capacités techniques et ce compétences très supérieures.

Cette évolution économique correspond aussi à une évolution culturelle en Turquie qui voit l’Islam prendre de plus en plus de place dans la vie des gens sans pour autant mettre en cause l’Etat républicain ni même le caractère séculier de l’Etat. Plus largement, c’est la page du kémalisme au regard braqué vers l’occident qui se tourne doucement. Sur ce point, observons que la laïcité de la Turquie kémaliste est plus une fiction destinée à vendre le kémalisme en France qu’une réalité ; voyez par exemple les imams envoyés en France par le gouvernement turc, une pratique antérieure au gouvernement Erdogan.

Pour que la Turquie puisse durablement asseoir sa prospérité économique et sa puissance politique, elle a cependant besoin d’un environnement stable car sa prospérité n’est pas fondée sur les performances commerciales des marchands de canon qui profitent des guerres, mais plutôt sur la vente de produits agricoles, de biens de consommation et de prestations en matières de travaux publics.

Les pays les plus importants pour la Turquie sont connus : ce sont d’abord les pays avec lesquels elle partage une frontière et un cours d’eau , l’Euphrate, c’est-à-dire l’Irak, et la Syrie. Viennent ensuite l’Iran, et l’entité sioniste puis l’Egypte.

Or, en dehors de l’Iran, cette zone vit une instabilité chronique non dans le sens où les régimes politiques changeraient très souvent mais dans le sens où elle est depuis des années au bord d’un embrasement général avec, en attendant, l’éclatement d’affrontements armés très localisés mais dévastateurs, comme à Gaza et au Liban

La Turquie a longtemps pu s’accommoder de cette situation d’autant qu’elle privilégiait la relation avec l’entité sioniste qui lui fournissait à bon marché la technologie américaine dont a besoin son armée. Par ailleurs, la Turquie a des contentieux structurels avec ses voisins syrien et irakien, à propos des frontières avec la Syrie, et sur la question de la gestion de l’eau avec ces deux pays.

Mais cette situation qui privilégie le régime sioniste  ne satisfait pas la Turquie des commerçants et des entrepreneurs que représente l’actuel premier ministre Turc qui ne veut pas que son accès aux marchés soit pénalisé ou que ses investissements partent en fumée en fonction des caprices du régime sioniste.

Le gouvernement turc analyse donc le rôle du régime sioniste comme étant la principale source d’instabilité régionale. Il a par contre sous-estimé la fragilité interne de régimes comme le régime égyptien ou le régime syrien et la perméabilité des opinions ou de franges de la population aux réseaux d’influence des monarchies du Golfe. La Turquie avait  beaucoup misé sur le régime de Damas et ce qu’il est convenu d’appeler « le printemps arabe » l’a amenée à revoir ses positions. En effet, M. Erdogan ne veut pas d’une Syrie à feu et à sang et il considère que seul le pluralisme politique pourra éviter une plongée de la Syrie dans un chaos qui pourrait durer et dont elle subirait les contrecoups, via par exemple sa propre minorité arabe (syrienne pour partie) et/ou sa population kurde. Après tout, ne pourrait-on pas imaginer dans l’hypothèse d’une Syrie plongée dans l’anarchie une jonction des trois Kurdistans, irakien, syrien et turc ?

Un tel scénario entraînerait certainement une intervention militaire turque. Nous n’en sommes pas là, bien entendu.

Il reste que le ton de plus en plus ferme employé par le gouvernement turc à l’encontre du gouvernement syrien témoigne avant tout non du désir de la Turquie d’un changement brutal  de régime mais plutôt d’une crainte pour l’avenir et d’un conseil  ferme adressé à Bachar al-Assad de faire des réformes, au cas où son pouvoir survivrait aux événements en cours. Ce qui n’empêche pas la Turquie de tisser des liens avec l’opposition pour être prête dans l’éventualité où le régime baathiste serait emporté, sans pour autant apporter une aide de type militaire à ceux qui contestent l’autorité de Bachar al-Assad. De fait, ni la chute, ni le maintien du pouvoir en place en Syrie ne peuvent être exclus. Dans les deux cas, les liens tissés avec l’opposition au régime de Damas s’avèreront très utiles.

Pour l’instant, la Turquie a quand même du mal à trouver un interlocuteur crédible dans l’opposition syrienne qui est un patchwork de démocrates sincères, parfois naïfs, d’anciens pontes du régime ou de fondamentalistes de tout poil, clients de tel ou tel monarque du Golfe. Ces derniers n’ont aucune volonté de tester la sincérité des propositions réformistes du chef de l’Etat syrien.

Autant d’éléments qui expliquent une posture d’équilibriste dans laquelle la diplomatie turque a parfois  vacillé et failli tomber en indisposant par trop non seulement Damas mais aussi Téhéran. Un luxe que la Turquie ne peut en réalité se permettre pour des raisons économiques mais aussi stratégiques car l’Iran, comme on l’a dit, est aux marches du Caucase et peut parfaitement interférer avec les intérêts de la Turquie dans cette région tout comme elle peut être un atout pour la diplomatie turque. On doit insister encore sur la question kurde qui est le point commun  des deux pays de «l’axe du mal» avec le pilier oriental de l’OTAN.

Pour changer de région, il convient d’observer qu’en Libye, la Turquie s’est impliquée après avoir hésité mais s’est gardée d’avoir un rôle militaire offensif, pour au contraire s’attribuer le beau rôle quasi exclusivement humanitaire et elle tirera profit de la situation quelle  que soit l’évolution des choses dans ce pays.

Parce que la Turquie est de toute façon chez elle au Proche Orient et en Afrique du Nord qui sont un lieu naturel en quelque sorte pour le déploiement de sa puissance nouvelle en gestation. Quand Erdogan présente le système turc en exemple aux autres pays musulmans, il faut le prendre au sérieux et comprendre que la Turquie n’aura de cesse d’influer sur ces pays qui faisaient anciennement partie de l’empire ottoman. Pour des raisons historico-culturelles, c’est certain, mais surtout pour la bonne raison que c’est ce qu’il estime être l’intérêt de son pays.

Mais le premier ministre Turc n’ignore pas que rien ne sera vraiment possible tant que le conflit palestino-sioniste ne sera pas réglé ou en bonne voie de règlement.

La Turquie d’aujourd’hui apportera sa contribution à ce règlement parce qu’elle voit un obstacle dans les agissements du régime sioniste, là où  la Turquie kémaliste percevait au contraire  un avantage dans sa relation avec l’Europe et les Etats Unis.

Alors bien sûr, la Turquie ne va pas faire la guerre au régime sioniste. Mais pour comprendre ce qui se passe, il faut quand même se figurer que la Turquie a pris de sérieuses mesures de rétorsion à l’encontre de l’entité sioniste parce que cette dernière a refusé de s’excuser officiellement pour avoir perpétré le meurtre de neuf ressortissants Turcs embarqués dans un convoi humanitaire pour Gaza.

Ce qu’il faudrait ici chercher à comprendre, ce n’est pas pourquoi la Turquie insiste tant pour obtenir ces excuses, mais pourquoi le régime délinquant de Tel Aviv s’obstine à refuser de les présenter. D’autant que  nous venons de voir les autorités sionistes s’excuser auprès des généraux Egyptiens pour avoir assassiné récemment des militaires Egyptiens dans le Sinaï.

Cette différence de traitement nous renvoie au statut différent de l’Egypte et de la Turquie vis-à-vis du régime sioniste. Dans le cas égyptien, l’entité sioniste cherche à éviter un glissement de l’Egypte dans le camp hostile par une dénonciation des accords de paix bilatéraux. On a un moment cru que ce glissement allait s’opérer dans les premières semaines qui ont suivi la chute de Moubarak, mais tel n’a pas été le cas. La promesse des militaires Egyptiens de lever complètement le blocus terrestre de gaza n’a notamment pas été tenue pour des raisons sur lesquelles je ne m’étendrai pas.

Dans le cas de la Turquie, il en va autrement car ce gouvernement a évolué  vers une position hostile à l’égard du gouvernement sioniste. Ce n’est certes pas une position de belligérance, tant s’en faut, mais une sévère détérioration des relations avec un pays qui était un allié sûr. Du point de vue sioniste, présenter des excuses officielles à cet ami qui s’éloigne ne pourrait être que le prélude à de nouvelles exigences de ce puissant voisin, exigences qu’il deviendrait alors difficile de rejeter d’un revers de main. La Turquie est, ne l’oublions pas, la profondeur stratégique de l’entité sioniste qui a maintes fois utilisé son espace aérien pour se livrer à des agressions.

D’autre part, des excuses seraient un aveu de culpabilité dont des tribunaux pourraient se souvenir.

Le gouvernement turc sait tout cela  et il va maintenir la pression aussi sur le régime sioniste, allégeant cette pression éventuellement au gré de ses besoins politiques.

Mais le pli est pris car il découle d’une analyse stratégique et cette dernière diverge complètement de celle qui est faite par les stratèges de l’entité sioniste. Là où les sionistes veulent le statu quo, pour continuer à coloniser et subsister dans la peur indispensable à ce ghetto implanté en Palestine ; la Turquie a besoin de changements partout où  ils seront nécessaires à la réalisation d’une stabilité durable conforme à ses intérêts économiques.

Ce sont en fait deux images du Proche orient qui s’opposent : une vision turque d’un Proche Orient intégré [autour de la Turquie] et stabilisé avec des systèmes politiques représentatifs, une vision sioniste d’un proche Orient fragmenté agité de luttes internes avec une régulation par bombardements ou interventions militaires peu coûteuses en hommes et en argent.

Ces visions sont incompatibles. L’entité sioniste devra donc soit rentrer dans le rang de la normalité, soit disparaître d’une manière ou d’une autre. Comment ? Difficile à dire. Certainement pas par la guerre. Par exemple, le simple fait de se normaliser (hypothèse audacieuse je l’admets) entraînera fatalement la disparition de cette entité.

La Turquie et Israël interprètent différemment l’ordre qui émerge au moyen orient

Par Tarık Oğuzlu, Zaman (Turquie) 26 septembre 2011 traduit de l’anglais par Djazaîri

La récente crise des relations turco-israéliennes suite aux réactions diamétralement opposées des deux parties devant les conclusions du rapport dit Palmer de l’Organisation des Nations Unies ne peut être comprise isolément de la manière dont chacun lit l’ordre régional embryonnaire au Moyen-Orient. En un mot, il apparaît que la Turquie agit comme une puissance «révisionniste / aspirante [au leadership] »  tandis qu’Israël est un fervent « partisan du statu quo».

Il semble que la Turquie soit bien en avance sur Israël dans l’adaptation à la nouvelle dynamique régionale, particulièrement en ce qui concerne les implications régionales e ce qu’on appelle le « printemps arabe. » La Turquie est à la pointe des démarches pour établir un nouvel ordre au Moyen orient qui cesserait de considérer Israël comme un « acteur par nature au-dessus de la réprobation internationale et du droit international » ; qui ne verrait plus les Etats Unis comme le ‘gardien’ d’un ordre régional comme si les acteurs régionaux étaient incapables de résoudre leurs problèmes eux-mêmes ; et qui cesserait d’associer la région au pétrole, aux armes de destruction massive et au conflit israélo-arabe.

Alors que la Turquie plaide pour un nouvel ordre régional base sur un rôle actif et la responsabilité des acteurs régionaux et considère que la sécurité d’Israël ne pourrait être garantie que par la normalisation des relations d’Israël avec ses ‘ennemis’, Israël semble nettement préférer  l’idée que les Etats Unis continuent à agir comme garant de la sécurité territoriale israélienne.

 Vu de Turquie, il semble qu’une paix et une stabilité durables dans la région ne puissant se réaliser que si cette région n’est plus considérée comme un objet des intérêts occidentaux en matière de sécurité. Ni Israël, ni aucun autre acteur extérieur ne devraient continuer à définir le Moyen Orient dans une perspective instrumentale visant à ‘contenir’ et à ‘éliminer’ des menaces émanant de cette zone. Cette façon de penser ne ferait qu’empêcher les acteurs régionaux d’entrer mutuellement en relation à travers le prisme de la coopération. Les acteurs régionaux devraient être les sujets/acteurs de leur destinée plutôt que les objets des autres.

Avec l’évolution du printemps arabe, la Turquie a adopté la thèse selon laquelle un nouvel ordre régional ne peut être établi qu’en contribuant à l’institutionnalisation de la ‘démocratie représentative’ dans la région.  Ce qui permettrait non seulement de concrétiser des relations plus pacifiques et plus stables entre les acteurs régionaux mais aussi de placer les relations entre les puissances occidentales et les acteurs régionaux sur des bases plus saines. Il est vraiment ironique que la Turquie, un pays dont les lettres de créances occidentales ont été rudement mises à l’épreuve ces dernières années, apparait comme ayant pris la tête d’un ordre régional  au Moyen orient en sympathie avec l’Occident, tandis qu’Israël, un pays qui doit son existence aux puissances occidentales et a longtemps été vu comme le vrai défenseur des intérêts occidentaux en matière de sécurité régionale, semble aller à contre courant.

Un autre aspect ironique est que, alors que les Etats Unis ont dû s’exprimer ‘officiellement’ contre l’admission de la Palestine comme membre souverain des Nations Unies, il y a eu un niveau de plus en plus élevé de convergence entre Ankara et Washington sur de nombreuses questions figurant sur l’agenda moyen oriental.  La rencontre entre Obama et Erdogan en marge du sommet de l’ONU le confirme. De lui-même, le président Obama se serait probablement rangé du côté de la cause palestinienne aux Nations Unies.

Il faut noter que si la Turquie a osé prendre le risque de détériorer ses relations avec les régimes en place en Libye, en Syrie et en Iran en soutenant clairement les appels populaire pour plus de libertés, de bien-être et de dignité, Israël a opté pour une approche très prudente de crainte qu’un nouvel ordre régional basé dur le ‘pouvoir du peuple’ pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les  piliers traditionnels de la sécurité régionale, les relations d’Israël avec les Etats voisins et la légitimité de l’existence d’Israël.

Là où les dirigeants Turcs ont, en de nombreuses occasions, souligné l’importance croissante et la légitimité du ‘pouvoir’ du people, leurs homologies Israéliens ont mis en avant les risqué et les dangers des changements de régimes dans la région. Pour la Turquie, c’est au peuple dans la rue de ‘s’approprier’ le nouvel ordre et aux leaders qui émergent d’agir en rendant compte à leurs électeurs. S’appuyer sur des ressources naturelles, des institutions politiques répressives ou un soutien extérieur ne garantira plus la survie d’un régime.

Si la Turquie semble croire que la solution au conflit israélo-arabe est une condition sine qua non de la légitimité et de la viabilité de tout nouvel ordre qui pourrait émerger dans la région, Israël donne l’impression de penser qu’aujourd’hui est le plus mauvais moment pour engager des négociations directes avec les Palestiniens. Tandis que la Turquie envisage l’admission aux Nations Unies  d’un Etat palestinien indépendant/souverain comme un moyen d’échapper à l’actuel enlisement/ impasse du processus de paix, Israël tend à interpréter l’activité de lobbying de la Turquie en faveur de la campagne des Palestiniens pour entrer à l’ONU comme une action particulière de la Turquie pour punir Israël de son intransigeance sur la question des excuses [pour le meurtre des neuf passagers du Mavi marmara].

Alors que la Turquie considère la normalisation des relations entre les pays arabes et Israël comme vitale pour ce nouvel ordre, Israël tend à interpréter les efforts croissants de la Turquie pour obtenir une telle normalisation comme sapant la légitimité d’Israël et modifiant le rapport de force vis-à-vis des Arabes.

Du point de vue turc, il n’y a rien d’anormal à ce que la Turquie, une ancienne puissance impériale de la région, s’implique activement dans le règlement de la querelle israélo-arabe et présente en conséquence ses thèses dans les forums internationaux. Il n’est cependant pas question de dire que la Turquie court après des tentatives de reconstituer l’empire ottoman. Il faut au contraire comprendre que plus ma paix intérieure et la stabilité de la Turquie influent sur l’évolution de la région et plus la Turquie deviendra puissante en termes de pouvoir de convaincre comme de contraindre, et plus la Turquie sera intéressée par la façon dont les choses se passent chez ses voisins.

C’est de la simple realpolitik tout comme ce qui préside à l’élaboration des politiques étrangères er de sécurité en Amérique, en Europe, en Russie et en Chine.

 Assoc. Prof. Dr. Tarık Oğuzlu, Bilkent University Department of International Relations


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