Il n’est pas inutile de rappeler, au moment où une Ursula von der Crazy félicite l’entité sioniste pour le 75ème anniversaire de sa création dans des termes qui rappellent l’époque des colonies, que l’existence de l’entité sioniste, alias l’État juif, alias la seule démocratie du Proche Orient, n’a aucune base légale si ce n’est celle du droit du plus fort.
Or ce droit du plus fort est antinomique avec le droit tel qu’ils se pratique et qui récuse l’usage de la force quand elle n’est pas exercée dans le cadre de la légitime défense.
Et la légitime défense dans le cas qui nous intéresse ici est l’apanage du peuple palestinien spolié de ses droits.
Par Alan Hart, Counter Currents .org 5 avril 2010 traduit de l’Anglais par Djazaïri
Pour les lecteurs qui ne connaissent peut-être pas bien ce mot, un oxymore est une figure de style par laquelle des termes contradictoires sont combinés pour former une phrase expressive ou une épithète telle que cruelle gentillesse et faussement vrai. (Il est dérivé du mot grec oxymoros signifiant ostensiblement insensé).
Pour ma contribution à la série Comment délégitimez-vous Israel, je vais me limiter à une question et une réponse.
La question est : comment pouvez-vous délégitimer quelque chose (dans ce cas l’État sioniste) alors qu’elle n’est PAS légitime ?
Alan Hart, jeune correspondant de guerre
Si on met de côté le conte de fées de la promesse divine (qui, même si elle était vraie, n’aurait aucune incidence sur la question parce que les Juifs qui «sont revenus» en réponse à l’appel du sionisme n’avaient aucun lien biologique avec les anciens Hébreux), l’affirmation de la légitimité de l’État sioniste repose sur la déclaration Balfour de 1917 et la résolution du plan de partage de l’Assemblée générale des Nations Unies de 1947.
La seule véritable pertinence de la Déclaration Balfour réside dans le fait qu’elle était l’expression à la fois de la volonté d’un gouvernement britannique d’utiliser les Juifs à des fins impériales et de la volonté des Juifs sionistes d’être utilisés. La vérité est que la Grande-Bretagne n’avait aucun droit de promettre au sionisme une place en Palestine, territoire que les Britanniques ne possédaient pas. (La Palestine à l’époque était contrôlée et effectivement partie de l’empire Ottoman). La déclaration Balfour a permis au sionisme de dire que sa revendication sur la Palestine avait été reconnue par une grande puissance, puis d’affirmer que l’entreprise sioniste était ainsi légitime. Mais la légitimité britannique invoquée par implication était entièrement fallacieuse c’est-à-dire sans substance, mensongère, une imposture.
L’affirmation du sionisme selon laquelle Israël a reçu son acte de naissance et donc sa légitimité par la résolution de partition de l’Assemblée générale des Nations Unies du 29 novembre 1947 est un pur non-sens propagandiste, comme le démontre un examen honnête des archives de ce qui s’est réellement passé.
En premier lieu, sans le consentement de la majorité du peuple palestinien, l’ONU n’avait pas le droit de décider de partager la Palestine ou d’attribuer une partie de son territoire à une minorité d’immigrants étrangers afin qu’ils puissent établir un État à eux..
Malgré cela, par la plus étroite des marges, et seulement après un vote truqué, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution pour diviser la Palestine et créer deux États, un arabe et un juif, Jérusalem ne faisant partie d’aucun des deux. Mais la résolution de l’Assemblée générale n’était qu’une proposition non contraignante – ce qui signifie qu’elle ne pouvait avoir d’effet, ne pouvait devenir contraignante tant qu’elle n’était pas approuvée par le Conseil de sécurité.
La vérité est que la proposition de partition de l’Assemblée générale n’a jamais été soumise au Conseil de sécurité pour examen. Pour quelle raison? Parce que les États-Unis savaient que, si était approuvée, et à cause de l’opposition arabe et musulmane, elle ne pourrait être mis en œuvre que par la force ; et le président Truman n’était pas disposé à utiliser la force pour partager la Palestine.
Ainsi, le plan de partition était vicié (devenu invalide) et la question de savoir quoi diable faire de la Palestine – après le gâchis laissé par la Grande-Bretagne à son départ – avait été renvoyé à l’Assemblée générale pour de nouvelles discussions. L’option privilégiée et proposée par les États-Unis était la tutelle temporaire de l’ONU. C’est alors que l’Assemblée générale débattait de ce qui pouvait être fait qu’Israël a proclamé unilatéralement son existence – en fait, au mépris de la volonté de la communauté internationale organisée, y compris l’administration Truman.
La vérité à l’époque était qu’Israël, qui a vu le jour principalement à la suite du terrorisme sioniste et d’un nettoyage ethnique pré-planifié, n’avait pas le droit d’exister et, plus précisément, ne pouvait avoir le droit d’exister que si ….. Sauf si elle avait été reconnue et légitimée par ceux qui ont été dépossédés de leur terre et de leurs droits lors de la création de l’État sioniste. Selon le droit international, seuls les Palestiniens pouvaient donner à Israël la légitimité dont il avait besoin.
Comme me l’a dit il y a de nombreuses années Khalad al-Hassan, le géant intellectuel du Fatah, cette légitimité était « la seule chose que les sionistes ne pouvaient pas nous prendre par la force ».
La vérité de l’histoire telle que résumée brièvement ci-dessus est l’explication de la raison pour laquelle, en réalité, le sionisme a toujours insisté sur le fait que sa condition préalable absolue pour des négociations ayant une chance infinitésimale d’aboutir à un résultat positif (une mesure acceptable de justice pour les Palestiniens et la paix pour tous) est la reconnaissance du droit d’Israël à exister. Un droit, il le sait, qu’il n’a pas et qu’il n’aura jamais à moins que les Palestiniens ne le lui accordent.
It can be said without fear of contradiction (except by Zionists) that what de-legitimizes Israel is the truth of history. And that is why Zionism has worked so hard, today with less success than in the past and therefore with increasing desperation, to have the truth suppressed.
On peut dire sans crainte d’être contredit (sauf par les sionistes) que ce qui délégitime Israël, c’est la vérité historique. Et c’est pourquoi le sionisme a fait tant d’efforts, avec moins de succès aujourd’hui que par le passé et donc avec un désespoir croissant, pour étouffer la vérité.
Alan Hart, décédé en 2018, était un ancien correspondant à l’étranger d’ITN et de BBC Panorama. Il est l’auteur de « Sionisme: le véritable ennemi des Juifs »
Tony Greenstein est un ancien militant de l’aile gauche du Parti Travailliste de Grande Bretagne dont il a été exclu en 2018 notamment pour antisémitisme.
Greenstein a pourtant été éduqué dans une famille juive orthodoxe; son père était même rabbin!
Parmi les engagements de Tony Greenstein, celui pour la cause palestinienne en faveur de laquelle il fut un des fondateurs de Palestine Solidarity Campaign.
Dans ce texte qui n’est qu’un fragment de ses écrits sur le sionisme, il met bien en évidence la relation entre l’antisémitisme et le sionisme qui n’est pas celle à laquelle croient de nombreux observateurs du conflit entre le peuple palestinien et le régime sioniste.Il apporte aussi un éclairage utile sur la relation entre sionisme et socialisme.
The Weekly Worker , n° 630, 22 juin 2006. traduit de l’anglais par Djazaïri
Quel est le lien entre sionisme et antisémitisme ? Tony Greenstein explique qu’il existe un lien plus étroit que de nombreux sionistes modernes ne voudraient l’admettre
Si vous êtes antisioniste et partisan de la lutte palestinienne, vous serez inévitablement accusé d’« antisémitisme ». Si vous êtes juif, vous serez probablement accusé d’avoir « la haine de soi » – l’étiquette que les nazis attachaient aux Allemands antifascistes.
L’accusation « d’antisémitisme » s’est tellement répandue les sionistes se la lancent régulièrement les uns contre les autres. Même Yitzhak Rabin, le Premier ministre israélien assassiné, a été représenté sur des affiches par des opposants aux accords d’Oslo de 1993 vêtu d’un uniforme SS. [1] C’est devenu si ridicule que lorsque le conseil d’administration de Marks and Spencer a rejeté une offre publique d’achat de Philip Green, ce dernier a accusé le président de M&S, Paul Myners, d’antisémitisme ! [2]
Au cours des trente dernières années, a eu lieu un processus de redéfinition de l’antisémitisme. Il ne s’agit plus de racisme ou de discrimination, mais plutôt d’hostilité à un mouvement politique. En 2004, le Congrès américain a adopté le Global Anti-Semitism Review Act, qui ordonne au Département d’État d’évaluer la façon dont les gouvernements du monde entier traitent les citoyens juifs. [3]
Il est étrange que l’antisémitisme, qui est aujourd’hui un préjugé marginal, justifie une telle inquiétude de la part de la classe dirigeante américaine, alors que le racisme contre les Arabes, les musulmans, les Noirs et les Hispaniques mérite à peine un froncement de sourcil. «L’antisémitisme » est devenu un outil idéologique puissant entre les mains de la classe dirigeante des États-Unis. C’est un « antisémitisme » auquel même les segments les plus antisémites de la société américaine – les évangélistes chrétiens blancs avec leurs passions du Christ – peuvent souscrire.
L’establishment américain a redéfini l’opposition à l’impérialisme américain et à son atout stratégique, l’État israélien, comme une forme de racisme. L’antisémitisme est devenu l’antiracisme respectable de la droite. Le sionisme a refermé la boucle sur les Juifs. Dans cette alliance stratégique avec les États-Unis, les Juifs se voient à nouveau offrir une « protection » par la classe dirigeante, tout comme à l’époque féodale ils étaient protégés par la monarchie et la noblesse.
Le Juif éternel
De même que le capitalisme mercantile a donné naissance au capitalisme industriel, l’antisémitisme religieux a progressivement cédé la place à l’antisémitisme racial à partir du XVIIe siècle. [4] Alors que les antisémites chrétiens cherchaient à convertir les juifs, les antisémites raciaux soutenaient que tout était une question de race et non de religion. La question des juifs baptisés devait causer aux nazis toutes sortes de difficultés au moment où ils commençaient à mettre en œuvre la solution finale. [5]
A la place de l’éternel Juif, les sionistes posent l’éternel antisémite. Depuis 2 000 ans, selon le mythe sioniste, les Juifs ont erré sur la terre, victimes d’un antisémitisme implacable, ayant été expulsés de Palestine après la destruction du premier temple. En fait, la majorité de la communauté juive palestinienne s’était déjà dispersée dans les villes des empires grec et romain plus tard, des siècles avant la chute du deuxième temple, pour devenir un peuple largement commerçant. Lors de la chute du deuxième temple en 70 après JC, environ les trois quarts des Juifs palestiniens étaient déjà dispersés. [6]
Et quelle était l’explication sioniste de l’antisémitisme ? Qu’elle était inhérente au non-juif, un produit de l’antagonisme « naturel » du non-juif. Comme l’expliquait Léon Pinsker, fondateur des Amants ds Sion, « la judéophobie est donc une maladie mentale, et en tant que maladie mentale, elle est héréditaire et, héritée depuis 2 000 ans, elle est incurable ». [7]
Abram Leon notait à ce sujet : « Le sionisme transpose l’antisémitisme moderne à toute l’histoire ; il s’épargne la peine d’étudier les diverses formes d’antisémitisme et leur évolution. [8]
Au cours de ce qu’Israel Shahak appelle la période classique – environ 800-1200 après JC en Europe occidentale – et plus tard en Europe orientale, les Juifs sont devenus une « classe populaire ». Ils exerçaient des fonctions socio-économiques spécifiques en tant qu’usuriers et prêteurs, collecteurs d’impôts, aubergistes, ainsi que certaines professions liées au commerce telles que les orfèvres et les marchands de diamants. Les Juifs étaient les agents de l’argent dans une société fondée sur les valeurs d’usage. Comme l’avait observé Marx, « Nous ne chercherons pas le secret du Juif dans sa religion, mais nous chercherons le secret de sa religion dans les Juifs. » [9] Sans ce rôle social et économique distinctif, le judaïsme se serait éteint.
La cause de l’antisémitisme à cette époque était « l’antagonisme envers le marchand dans toute société basée principalement sur la production de valeurs d’usage ». [10] Les Juifs « faisaient partie intégrante des classes privilégiées ». [11] Shahak note : « … dans toutes les pires persécutions anti-juives … l’élite dirigeante … était toujours du côté des Juifs … tous les massacres de Juifs pendant la période classique participaient d’une rébellion paysanne ou d’un autre mouvement populaire. ” [12]
Au fur et à mesure que le capitalisme se développait en Europe occidentale, les Juifs entraient de plus en plus en conflit avec la classe marchande locale en développement et étaient généralement expulsés – en Angleterre en 1290 – cherchant refuge en Europe orientale. C’est lorsque le capitalisme a commencé à se développer en Europe de l’Est et en Russie à la fin du XIXe siècle que les Juifs ont de nouveau fui ou ont été expulsés vers l’Europe de l’Ouest et les États-Unis. Quelque trois millions d’entre eux avaient émigré vers les Etats Unis en 1914. C’est l’émigration des Ost Juden [Juifs orientaus, NdT] qui a recréé la question juive en Occident. Comme Abram Leon l’a fait remarquer, « les masses juives se retrouvent coincées entre l’enclume du féodalisme en décomposition et le marteau du capitalisme en décomposition ». [13]
Sionisme et antisémitisme
Il n’est pas surprenant que les principaux partisans du sionisme politique, qui a commencé vers la fin du XIXe siècle, aient été en fait les antisémites. Et les plus bruyants et les plus acharnés des opposants au sionisme étaient, et restent, des Juifs. Lorsque Théodore Herzl voulut tenir le premier congrès sioniste à Munich en 1897, il fut contraint de le déplacer à Bâle en Suisse en raison de l’opposition de la communauté juive locale. [14]
Le sionisme est né en réaction à l’antisémitisme, notamment aux pogroms russes de 1881 à la suite de l’assassinat du tsar Alexandre II. Des centaines de personnes avaient été tuées en près de trois ans de pogroms. [15] Dans le port de la mer Noire d’Odessa, centre de l’illumination hébraïque (Haskallah), les pogroms ont sonné le glas du rêve des intellectuels juifs petits-bourgeois que les Juifs pourraient vivre sur un pied d’égalité avec les non-Juifs. Comme Moshe Lillienblum l’a écrit dans The way of return (1881), « Quand j’ai été convaincu que ce n’était pas un manque de haute culture qui était la cause de notre tragédie – parce que étrangers nous sommes et étrangers nous resterons même si nous atteignions le sommet de la culture… tous les anciens idéaux m’ont quitté. [16]
Pour les sionistes, comme Pinsker l’a noté plus haut, l’antisémitisme était une maladie incurable . Et s’il était incurable, il ne pouvait pas être combattu. De cette manière, le sionisme était différent de tous les autres courants politiques parmi les Juifs dans sa réaction à l’antisémitisme : il acceptait la principale prémisse des antisémites – à savoir. que la présence juive parmi les non-juifs n’était pas naturelle et qu’ils étaient des étrangers et des allogènes.
Isaac Deutscher a observé :
« Il ne faut pas oublier que la grande majorité des Juifs d’Europe de l’Est étaient, jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, opposés au sionisme… les ennemis les plus fanatiques du sionisme étaient précisément les ouvriers… ils étaient les opposants les plus déterminés au sionisme. l’idée d’une émigration de l’Europe de l’Est vers la Palestine … d’un exode des pays dans lesquels ils avaient leurs maisons et dans lesquels leurs ancêtres avaient vécu pendant des siècles, les antisionistes voyaient là une abdication de leurs droits, une reddition à l’antisémitisme. Pour eux, l’antisémitisme semblait triompher dans le sionisme, qui reconnaissait la légitimité et la validité du vieux cri : « Juifs, dégagez ! Les sionistes étaient d’accord pour partir. [17]
Herzl reconnaissait à la fois une identité d’intérêt et une idéologie commune entre le sionisme et l’antisémitisme. Lorsqu’il punlia sa brochure L’État juif en 1895, l’accueil le plus chaleureux vint de la part des antisémites : « J’étais à l’imprimerie et j’ai parlé avec les gérants… tous deux sont vraisemblablement antisémites. Ils m’ont accueilli avec une franche cordialité. Ils ont aimé ma brochure. [18]
Le biographe de Herzl Desmond Stewart notait avec perspicacité : « … déjà en 1896, les antisémites autrichiens trouvaient des munitions dans les arguments de Herzl, tout comme les partisans de Drumont… » [19] Edouard Drumont était l’un des idéologues antisémites les plus importants du XIXe siècle. Il écrivit un livre influent, La France juive (1886) et édita un quotidien, La Libre Parole , et il fut l’un des leaders des anti-dreyfusards. Herzl était plein d’admiration pour Drumont : « Mais je dois à Drumont une grande partie de la liberté actuelle de mes concepts, car c’est un artiste. [20] Herzl a fait pression pour que Drumont chronique sa brochure dans La Libre Parole, ce qu’il fit le 15 janvier 1897, et il fut ravi du résultat. Drumont « loue les sionistes de la tendance de Herzl qui ne voient pas en nous des fanatiques… mais des citoyens qui exercent le droit à l’autodéfense ». [21]
De même, l’adjoint d’Herzl, Max Nordau, dans un entretien avec Raphaël Marchant, correspondant de La Libre Parole , observe que le sionisme « n’est pas une question de religion, mais exclusivement de race, et il n’y a personne avec qui je sois plus d’accord sur ce point que M. Drumont.» [22]
Là-dessus, il y avait un accord unanime parmi les essayistes sionistes. Le premier théoricien sioniste était Moses Hess, que Marx avait connu très tôt. Dans son pamphlet, Rome et Jérusalem , Hess écrit que « la lutte raciale est primaire et la classe secondaire » [23] , avant de poursuivre en expliquant :
« Les Allemands détestent la religion des Juifs moins qu’ils ne détestent leur race – ils détestent la foi particulière des Juifs moins que leur nez particulier … la réforme, la conversion, l’éducation et l’émancipation – rien de tout cela n’ouvre les portes de la société au Juif allemand, d’où son désir de nier sa propre origine raciale. [24]
Le sionisme et l’antisémitisme partageaient la même vision politique et le même territoire. Herzl s’est vite rendu compte que « les antisémites deviendront nos amis les plus fiables, les pays antisémites nos alliés ». [25] La pierre de touche à la fois pour le sionisme et les antisémites (et plus tard les nazis) était leur aversion pour la Révolution française, qui avait libéré les Juifs des ghettos et accordé l’égalité politique. Les sionistes, comme les rabbins orthodoxes, voyaient dans l’émancipation la cause de tous leurs maux. Le sionisme était l’équivalent séculier de l’orthodoxie juive.
Comme l’a observé l’historien sioniste Noah Lucas, « le sionisme était l’antagoniste avant tout de l’assimilation individuelle associée à l’émancipation ». [26] Le discours de Max Nordau au premier Congrès sioniste en 1897 tournait en dérision la Révolution française et l’émancipation comme un simple « mode de pensée géométrique du rationalisme français ». Les seuls doutes de Nordau concernant le sionisme étaient que les Juifs pourraient ne pas être «anthropologiquement aptes à devenir une nation». [27] De même, Nahman Syrkin, le premier sioniste « socialiste », avait soutenu que « l’émancipation des Juifs était, dès le début, le résultat d’une conformité logique aux implications d’un principe plutôt qu’un besoin réel ». [28]
On prétend souvent que Herzl est devenu sioniste à cause de l’affaire Dreyfus de 1894 – Alfred Dreyfus, un officier juif de l’armée française, avait été accusé à tort d’espionnage, déchu de son grade et condamné à la réclusion à perpétuité sur l’île du Diable. L’affaire Dreyfus est devenue une cause célèbre et a prouvé que l’antisémitisme pouvait être combattu avec succès. C’est cette hostilité à l’antisémitisme qui devait aboutir à l’extermination de moins de 25 % des Juifs français dans l’holocauste. [29]
Desmond Stewart confirme qu’il est peu probable que le sionisme de Herzl résulte de l’affaire Dreyfus. [30] De même le rabbin Elmer Berger :
« Où dans le monde, un siècle auparavant, plus de la moitié d’une nation aurait-elle pris la défense d’un Juif ? Si Herzl avait eu une connaissance de l’histoire, il aurait vu dans l’affaire Dreyfus une preuve éclatante et réconfortante du succès de l’émancipation. [31]
Herzl lui-même a écrit :
« A Paris… j’ai acquis une attitude plus libre envers l’antisémitisme, que je commençais maintenant à comprendre historiquement et à pardonner. Avant tout, je reconnais la vaacuité et la futilité d’essayer de « combattre » l’antisémitisme. [32]
Antidote au socialisme
La stratégie de Herzl, qu’il ne devait pas voir aboutir de son vivant, consistait à faire appel aux hommes d’État et aux dirigeants européens pour nouer une alliance impériale avec le mouvement sioniste naissant. Au cours de ses voyages, il rencontra l’empereur allemand, les ministres tsaristes les comtes Witte et von Plehve, le sultan ottoman, Lord Cromer, Joseph Chamberlain, le roi Victor Emmanuel et même le pape ! Son message était toujours le même : en aidant le mouvement sioniste, vous aidez les opposants juifs au socialisme et à la révolution.
Léonard Stein note :
« Les événements de 1917 ont rendu naturel de se tourner vers le sionisme en tant que force stabilisatrice dans le monde juif, et de le valoriser pour sa puissance… pour fournir un antidote à la manie destructrice des Juifs en rébellion contre leur sort… » [33 ]
Au Kaiser allemand Herzl écrivit :
« Notre mouvement, déjà largement répandu, doit livrer partout une bataille acharnée avec les partis révolutionnaires qui sentent à juste titre en lui un adversaire. Nous avons besoin d’encouragement même si cela doit rester un secret soigneusement gardé. [34]
Et lorsqu’il a réitéré cet argument devant le grand-duc de Bade, ce dernier répondit, concernant la nécessité de maintenir les sociétés sionistes légales en Russie : « Pobedonostev devrait entendre cela. Tu devrais le lui dire. [35] Le grand-duc n’avait qu’un seul souci, selon Herzl :
« Il a pris mon projet de construction d’un État avec le plus grand sérieux. Sa principale crainte était que s’il soutenait la cause, les gens pourraient l’accuser d’antisémitisme. [36]
Lorsque Herzl rencontra le ministre allemand des Affaires étrangères von Bulow, « l’aspect antisocialiste du sionisme a été approfondi dans les moindres détails ». [37] Et quand il a enfin pu voir le Kaiser, il s’est empressé d’expliquer : « Nous éloignons les Juifs des partis révolutionnaires. [38]
Le point culminant de la recherche d’alliés antisémites par Herzl survint avec sa visite en août 1903 au ministre de l’Intérieur du Tsar, von Plehve, qui avait organisé les pogroms de Kichinev à peine quatre mois auparavant. Alors que Herzl expliquait le sionisme, Plehve l’interrompit : « Vous n’avez pas à justifier le mouvement devant moi. Vous prêchez à un converti ”. [39]
Cette réunion était cruciale pour les plans de Herzl. Parmi les mouvements politiques en Russie, seul le sionisme devait rester légal. Plehve rédigea une lettre promettant « une assistance morale et matérielle », une lettre qui est devenue « l’atout le plus précieux de Herzl ». [40] (Il est difficile de surestimer la haine avec laquelle les ministres tsaristes étaient tenus par les Juifs. Le nom de Plehve « avait une résonance maléfique comme l’aura plus tard celui d’Adolf Eichmann ». [41] ) En raison de ce lobbying de Herzl « il n’y avait aucune interdiction des activités sionistes et une autorisation officielle a même été donnée pour la tenue de la deuxième conférence des sionistes russes à Minsk (septembre 1902) ». [42]
Le 17 février 1904, Plehve se rendit à Londres, où il fut interviewé par Lucien Wolfe pour The Times . Plehve admettra qu’il avait organisé les pogroms « parce que la jeunesse juive se livrait entièrement aux mouvements révolutionnaires ». Cependant, il « ne s’opposerait pas à l’encouragement des idées sionistes en Russie dans la mesure où elles étaient de nature à favoriser l’émigration » et « il pensait aussi que pour les non-émigrants, elles pourraient être utiles comme antidote aux doctrines socialistes ». [43]
Des années plus tard, Jabotinsky, chef des sionistes révisionnistes, devait tenir des pourparlers similaires avec le chef ukrainien Petlyura, dont les gangs fascistes assassinèrent quelque 100 000 Juifs entre 1918 et 1921. Comme l’admet Lacquer, « le principal coupable des pogroms était les forces nationalistes sous les ordres de Petlioura. [44]
On prétend souvent que le sionisme est un mouvement progressiste, voire socialiste. Pourtant, le phénomène du sionisme «socialiste» n’a eu lieu que parce que les travailleurs juifs d’Europe de l’Est avaient apporté leur soutien aux partis révolutionnaires et socialistes, puisqu’ils combattaient l’antisémitisme. Les dirigeants du Bund ont affirmé que le socialisme des sionistes de gauche était une imposture délibérée, qu’ils portaient un masque rouge pour cacher leurs véritables intentions et s’adapter à l’air du temps radical [socialiste ou communiste, NdT] . [45] À propos du sionisme « de gauche », Lucas note : « Le sionisme est entré en conflit direct avec les intérêts perçus du prolétariat juif. C’est dans ce contexte que les idées du sionisme socialiste ont été formulées. [46]
En pratique, chaque fois que les besoins du sionisme et du socialisme s’opposaient, c’était ce dernier qui cédait. Yitzhak Ben-Zvi, le deuxième président d’Israël, l’a dit succinctement en 1921 :
«Chaque fois que nous rencontrons une contradiction entre les principes nationaux et socialistes, la contradiction doit être résolue en abandonnant le principe socialiste en faveur de l’activité nationale. Nous n’accepterons pas la tentative contraire de résoudre la contradiction en se débarrassant de l’intérêt national au profit de l’idée socialiste. [47]
Réaction justifiable
C’était un lieu commun parmi les dirigeants sionistes que l’antisémitisme était une réaction compréhensible, sinon justifiée, à une présence juive étrangère. Jacob Klatzkin, un important intellectuel sioniste et rédacteur en chef de son journal officiel, Die Welt , et co-rédacteur en chef de l’ Encyclopaedia Judaica , a affirmé : « En un mot, nous sommes naturellement des étrangers. Nous sommes une nation étrangère au milieu de vous et nous voulons le rester. [48]
Klatzkin était inévitablement amené à justifier l’antisémitisme :
« La contribution de nos ennemis réside dans le maintien de la communauté juive en Europe de l’Est. Il faut apprécier le service national que la Pale of Settlement [zone de résidence pour les Juifs] nous a rendus … nous devons être reconnaissants à nos oppresseurs de nous avoir fermé les portes de l’assimilation et avoir veillé à ce que notre peuple soit concentré et non dispersé. [49]
Ce thème de l’aspect bénéfique de l’antisémitisme, est une constante dans le sionisme, tout comme la haine de Klatzkin envers la diaspora (Galut) juive :
« La Diaspora ne peut qu’entraîner la disgrâce de notre peuple et soutenir l’existence d’un peuple à l’âme et au corps défigurés, en un mot d’une horreur. Au pire, elle peut nous maintenir dans un état d’impureté nationale et engendrer une sorte de créature extravagante… Le résultat ne sera ni juif ni gentil [gentil = non juif]– en tout cas, pas un pur type national… » [50 ]
La logique était claire : « Au lieu d’établir des sociétés de défense contre les antisémites qui veulent restreindre nos droits, nous devrions établir des sociétés de défense contre nos amis qui veulent défendre nos droits. [51] Ce n’était pas non plus purement rhétorique. Lors d’une réunion contre l’antisémitisme, convoquée par l’organisme communautaire juif allemand Centralverein , « les perturbateurs sionistes et antisémites sont allés dans le même sens ». [52] Comme le demande Niewyk, « Est-ce que le point de vue des sionistes sur les vies juives déformées en dehors de la Palestine a renforcé le stéréotype antisémite des Juifs en tant que matérialistes, exploiteurs et traîtres ? » [53]
Un des successeurs ultérieurs de Herzl et premier président d’Israël, Chaim Weizmann, négocia la déclaration Balfour. En tant que ministre de l’Intérieur en 1905, Arthur J Balfour avait introduit la loi sur les étrangers pour empêcher les réfugiés juifs de fuir les pogroms en Angleterre. En 1902, Herzl avait témoigné devant la Commission royale sur l’immigration des étrangers, prônant des restrictions à l’immigration juive : « La comparution de Herzl devant la commission ne pouvait avoir que deux effets. Les antisémites pourraient dire que le docteur Herzl, un expert, a soutenu qu’un Juif ne pourrait jamais devenir Anglais. [54] Lorsque Lord Rothschild demanda à Weizmann de ne pas soutenir ceux qui prônaient des restrictions à l’immigration juive, il répondit :
« Je serais une créature méchante si je ne disais que des choses qui pourraient conduire à une restriction de l’immigration. Mais je serais l’une de ces créatures méchantes à qui les Juifs anglais devraient ériger un monument par gratitude, parce que je les ai sauvés d’un afflux de Juifs d’Europe de l’Est et donc peut-être de l’antisémitisme. [55]
En plus d’être un antisémite, Balfour était aussi un ardent sioniste. Aujourd’hui encore, le quartier général sioniste londonien de Finchley s’appelle Balfour House. Le principal groupe anti-immigration du début du XXe siècle était dirigé par le député conservateur William Evans-Gordon. Dans son autobiographie, Weizmann écrit :
« Le projet de loi sur les étrangers en Angleterre et le mouvement qui s’est développé autour de lui étaient des phénomènes naturels qui auraient pu être prévus… Chaque fois que la quantité de Juifs dans un pays atteint un point de saturation, ce pays réagit contre eux… L’Angleterre avait atteint le point où elle pourrait ou accepterait d’absorber un certain nombre de Juifs et pas plus… La réaction contre cela ne peut être considérée comme de l’antisémitisme au sens ordinaire ou vulgaire de ce mot… Sir William Evans-Gordon n’avait aucun préjugé anti-juif particulier… il était sincèrement prêt à encourager toute implantation de Juifs presque partout dans l’empire britannique, mais il ne voyait pas pourquoi les ghettos de Londres ou de Leeds ou de Whitechapel devraient être transformés en une branche des ghettos de Varsovie et de Pinsk [ville de Biélorussie, NdT]. [56]
Peut-être que ce sentiment est le mieux résumé par le romancier israélien AB Yehoshua : « Même aujourd’hui, d’une manière perverse, un véritable antisémite doit être un sioniste. [57]
Dans le prochain article, nous verrons comment l’attitude sioniste traditionnelle envers l’antisémitisme n’a pas changé à l’époque de l’holocauste nazi. Au contraire, elle s’est renforcée, scellant le sort de centaines de milliers de Juifs dans le processus.
Notes:
1. B. Kimmerling, Politicide , Londres 2006, p. 123.
2. Chronique juive , 6 août 2004.
3. D. Rennie, The Daily Telegraph , 13 octobre 2004.
4. Voir R. Hilberg, The destruction of European Jewry , New York 1985, p. 19.
5. Voir, par exemple, G. Reitlinger, The final solution , Londres 1953, p. 388. Les fascistes catholiques slovaques, qui n’avaient aucun scrupule à déporter des juifs « à part entière », refusèrent que des juifs baptisés soient déportés. Il en a été de même dans toute l’Europe, y compris en Hongrie et en Roumanie.
6. Voir A. Ruppin, Les Juifs dans le monde moderne , Londres 1934, p. 22; cité dans A. Leon, The Jewish question – a Marxist interpretation , New York 1980, p. 68.
7. L. Pinsker, Autoemanzipation, ein Mahnruf an seine Stammesgenossen, von einem russischen Juden , Berlin 1882, p. 5.
8. A. Léon, op. cit. , p. 247.
9. Sur la question juive , Essais choisis par Karl Marx , New York 1926, p. 88.
10. A. Léon, op. cit. , p. 71.
11. I. Shahak, Histoire juive, religion juive , Londres 1994, p. 52.
12. Idem. , p. 66–67.
13. A. Léon, op. cit. , p. 226.
14. N. Weinstock, Le sionisme, un faux messie , 1969, p. 39.
15. D. Vital, Les origines du sionisme , Oxford 1980, pp.51-55.
16. Cité dans A. Hertzberg, The Zionist idea – a historical analysis and reader , New York 1981, pp.169-170.
17. I. Deutscher, La Révolution russe et la question juive , Le Juif non juif et autres essais , pp.66-67.
18. M. Lowenthall, Les journaux de T Herzl , New York 1962, p. 91.
19. D. Stewart, Theodor Herzl , New York 1974, p. 25.
20. Idem.
21. Idem. , p. 251 fn.
22. Idem. , p. 322.
23. M. Hess, Rome et Jérusalem , Avant-propos , New York 1958.
24. Idem. , p. 49. Voir aussi p. 71.
25. R. Patai ( éd. ), The complete diaries of Theodore Herzl , Vol.1, Londres 1960 : entrée du 11 juin 1895.
26. N. Lucas, L’histoire moderne d’Israël , New York 1975, p. 18.
27. Journaux complets , pp. 275–76.
28. N. Syrkin, Le problème juif et l’Etat socialiste-juif ; cité dans A. Hertzberg op. cit. , p. 337.
29. Reitlinger estime que 60 à 65 000 Juifs français sont morts dans les camps d’extermination, Hilberg avance le chiffre à 75 000 sur quelque 300 000.
30. D. Stewart, Theodore Herzl – artiste et homme politique , Londres 1974, p. 164.
31. Idem. , p. 167.
32. Idem. , p. 6.
33. L. Stein, La déclaration Balfour , Londres 1961, p. 162.
34. R. Patai ( éd. ), op. cit. , p. 596.
35. Idem. , p. 657.
36. M. Lowenthall, op. cit. , p. 118.
37. Idem. , p. 666.
38. Idem. , p. 729.
39. R. Patai ( éd. ), op. cit. , p. 1 525.
40. M. Menhuin, La décadence du judaïsme à notre époque , New York 1969, p. 46.
41. D. Stewart, op. cit. , p. 316.
42. C. Weizmann, Lettres et papiers , vol. 2, Oxford 1971, p. 284.
43. Idem. , vol. 3, p. 216 fn.
44. W. Lacqueur, Une histoire du sionisme , New York 1975, p. 441.
45. B. Ehud, Zionismus oder Sozialismus , Varsovie l899, p. 30; et L. Monst Origins of the Russian-Jewish , Melbourne 1947, p. 136 ; cité dans W. Lacqueur, op. cit. , p. 273.
46. N. Lucas, op. cit. , p. 35.
47. Achduth , n° 16, Tel-Aviv 1921 ; cité dans Machover et Offenburg, Le sionisme et ses épouvantails , pp. 49-50.
48. J. Klatzkin, Krisis und Entscheidung in Judentum , Berlin 1921, p. 118 ; cité dans K. Hermann, Sionisme et racisme , Guildford 1976, p. 204.
49. Idem. , p. 205.
50. Idem. , p. 322–23.
51. J. Klatzkin dans B. Matovu, La volonté sioniste et l’acte nazi ; cité dans U. Davies, Sionisme – utopie incorporée , p. 17.
52. DL Niewyk, Les Juifs de Weimar en Allemagne , Louisiane, p. 139, note de bas de page 68 ; citant Israelitisches Familienblatt , 3 juin 1920.
53. Idem.
54. W. Lacqueur, op. cit. , p. 119.
55. R. Patai ( éd. ), op. cit. , p. 1, 292–93.
56. C. Weizmann, Trial and error , New York 1966, pp. 90–91.
Comme moi, vous avez lu ou entendu les réactions suite au retour de Benjamin Netanyahou aux manettes du gang sioniste flanqué de complices au racisme décomplexé. Et vous avez eu l’impression que ce qui se tramait dans l’entité sioniste, c’était un changement radical.
L’ambassadrice sioniste Yael German en compagnie de Ted Deutchn président de l’American Jewish Committee
Les responsables politiques des grandes puissances ne s’y sont eux pas trompés en ne voyant pas de rupture par rapport à l’histoire de l’entité sioniste et ils ont félicité Netanyahou, annonçant qu’ils travailleraient avec lui comme ils l’ont fait avec les autres.
Les réactions les plus négatives viennent des Juifs libéraux ou, sionistes modérés (si tant est que ce soit possible). Par exemple de Yael German, l’ambassadrice sioniste à Paris qui a annoncé sa démission car la politique annoncée par Netanyahou est « contraire à sa conscience ». Ces sionistes « modérés » ont le sentiment que leur idéal sioniste est en train de disparaître pour laisser place à un régime franchement raciste et aux tendances fascistes.
Or, comme l’explique Lawrence Davidson dans l’article que je vous propose, cette évolution correspond à la nature fondamentale du projet sioniste, nature dont l’expression publique se faisait avec retenue pour éviter d’effaroucher les opinions publiques de par le monde.
Israël est en train de constituer un gouvernement de droite agressif et raciste sous la direction de Benjamin Netanyahu, un homme sans principes. Ce n’est pas la première fois que les Israéliens élisent un gouvernement aussi répugnant. En effet, au moins trois fois dans sa courte histoire, l’électorat juif israélien a choisi des fanatiques idéologiquement engagés (dans ces cas, ayant en plus un passé terroriste) comme dirigeants : Yitzhak Shamir, Ariel Sharon et Menahem Begin. Ces choix de l’électorat n’étaient pas non plus des exceptions qui auraient été en quelque sorte contraires au caractère national d’Israël. Ils étaient tous, comme c’est également le cas aujourd’hui, les résultats logiques d’une opinion nationale – représenté par l’idéologie de l’État sioniste d’Israël – qui a toujours été fondamentalement raciste et qui, à de fréquentes occasions, se déchaîne en des sommets de haine devant la résistance légitime de ses victimes palestiniennes.
Lawrence Davidson
Cependant, les partisans d’Israël dans la diaspora ignorent souvent ces faits historiques. Qu’ils le fassent témoigne de la puissance du mythe généré par la propagande d’un Israël libéral et démocratique – l’Israël idéalisé que tant de gens connaissent dans leur cœur, qui pourrait et devrait être le véritable Israël. L’un de ceux qui semblent confondre l’idéal avec le réel est Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times, qui écrit souvent sur Israël.
Dans une chronique récente intitulée The Israel We Knew is Gone, [l’Israël que nous connaissions n’est plus] Friedman écrit comme si le prochain gouvernement de Netanyahou avait un caractère unique : «une alliance tapageuse de dirigeants ultra-orthodoxes et de politiciens ultranationalistes, y compris certains extrémistes juifs anti-arabes carrément racistes autrefois considérés comme complètement en dehors des normes et des frontières de la politique israélienne. Friedman mentionne « Itamar Ben-Gvir, qui a été condamné par un tribunal israélien en 2007 pour incitation au racisme et soutien à une organisation terroriste juive » ainsi que «Bezalel Smotrich, le chef du parti Sionisme religieux, qui a longtemps prôné l’annexion pure et simple de la Cisjordanie par Israël » et a défendu la violence des colons contre les Palestiniens.
Friedman ne croit pas que ces personnages, ou les partis qu’ils dirigent, soient représentatifs de l’Israël qu’il connaît. Cependant, leurs perspectives et leurs objectifs diffèrent peu de ceux d’un Shamir, d’un Sharon ou d’un Begin. Ce qui est différent, ou comme le dit Friedman, «en dehors des normes et des limites de la politique israélienne », c’est le manque de retenue en public diplomatiquement embarrassant d’hommes tels que Ben-Gvir et Smotrich, combiné à la volonté de Netanyahou de sacrifier le mythe de l’Israël libéral pour conserver le pouvoir. Tout cela est un choc pour Friedman et la vision qu’il préfère de l’État juif. Il constitue une «réalité auparavant impensable». Netanyahou conduit Israël là où aucun politicien israélien « n’est allé auparavant », etc. Friedman conclut donc que « l’Israël que nous connaissions n’est plus ».
La réalité, c’est l’apartheid
Pour démontrer à quel point l’analyse de Friedman est superficielle, considérez ce qui suit. En 2021, trois organisations de défense des droits de l’homme établies et réputées pour leurs conclusions fiables, ont produit des rapports publics factuels démontrant qu’Israël, tant dans la culture que dans les politiques gouvernementales, est un État qui pratique l’apartheid. (L’apartheid, « un système institutionnalisé de ségrégation et de discrimination fondée sur la race », a été déclaré crime contre l’humanité en vertu du droit international.) B’tselem, l’organisation israélienne de défense des droits humains, a publié son rapport en janvier 2021. Amnesty International a suivi en février et Human Rights Watch en avril. En octobre 2022, les Nations Unies ont publié un rapport décrivant le comportement d’Israël dans ses territoires occupés comme du « colonialisme de peuplement ».
L’apartheid n’est pas quelque chose que les Juifs israéliens ont découvert en se levant le matin. C’est leur choix historique, auquel Thomas Friedman semble avoir peu prêté attention. Ainsi, lorsqu’il décrit la situation actuelle, il ne mentionne pas que le but du sionisme a toujours été l’appropriation de toute la Palestine avec le moins de Palestiniens en résidence possible. Il [Friedman] désigne plutôt un groupe distinct d’Israéliens « qui ont toujours détesté les Arabes », et la croissance de ce groupe due à « une recrudescence dramatique de la violence – coups de couteau, fusillades, guerre des gangs et crime organisé – par les Arabes israéliens … contre les Juifs israéliens, en particulier dans les communautés mixtes.
Pour les partisans du parti de droite Likoud de droite, les partis religieux et le mouvement des colons, cette violence ne se produit pas parce qu’Israël est un État d’apartheid, mais parce qu’Israël a été, à leurs yeux, trop libéral envers les Palestiniens. Et maintenant il est temps de mettre fin à cette prétendue orientation tolérante. L’un des slogans les plus réussis de la campagne politique de Netanyahu était : « Ça y est. Nous en avons assez ».
Le racisme brise toutes les pulsions humanistes
Le succès de Netanyahu dans la mobilisation d’une droite aux multiples facettes, toujours active, sinon politiquement unie, fait finalement peur à Thomas Friedman. Il s’alarme qu’Israël soit en proie à une ferveur « ultranationaliste générale ». Citant Moshe Halbertal, le philosophe juif de l’Université hébraïque, « Ce que nous voyons est une évolution de la droite belliciste vers une identité politique construite sur la focalisation sur « l’ennemi extérieur » – les Palestiniens – vers une focalisation sur « l’ennemi intérieur » – l’Arabe israélien. » Le problème avec l’analyse d’Halbertal est qu’elle est basée sur une fausse dichotomie. Le sionisme n’a jamais fait de distinction sérieuse entre les Palestiniens de l’intérieur et ceux de l’extérieur. Pour de nombreux sionistes, ce sont tous des Arabes qui devraient être poussés à émigrer vers les terres arabes voisines. Le sionisme a rendu cette attitude inévitable en créant, dès le début, une société expansionniste et discriminatoire définie par la religion qui dérive vers la race. La recherche de compromis basés sur le « processus de paix » ou une « solution à deux États » apparaissent maintenant comme de vieilles ruses qui ont servi à détourner l’attention de l’opinion mondiale du véritable objectif d’Israël. En ce qui concerne « l’Israël historique » [c’est-à-dire l’entité sioniste réelle, NdT], un programme maximaliste d’occupation et de colonisation a toujours été le seul résultat acceptable pour les sionistes au pouvoir.
Les circonstances politiques actuelles effraient Friedman aussi d’une autre manière. Il nous dit que « la coalition de Netanyahu a également attaqué les institutions indépendantes vitales qui sous-tendent la démocratie israélienne et sont responsables, entre autres, de la protection des droits des minorités ». Des institutions telles que le système des juridictions ordinaires, les médias et la Cour suprême doivent être disciplinées en étant « placées sous le contrôle politique de la droite ». Cependant, cette volonté de contrôler les institutions ne concerne pas principalement les Palestiniens. Elle reflète la haine de la droite (et tout comme aux États-Unis, la haine semble être le mot adéquat) à l’égard des attitudes des sionistes de gauche et du centre sur les questions qui affectent les juifs israéliens : Qui est juif ? les «droits des minorités» , des couples de même sexe, des personnes LGBTQ, les problèmes des femmes, les juifs réformés, etc. Friedman semble incapable d’appréhender le fait que le racisme au coeur de la culture et de la politique en Israël ne peut que briser les élans humanistes à l’intérieur de cette société, même pour des problèmes qui touchent des Juifs.
En fin de compte, Friedman est préoccupé « par l’avenir du judaïsme en Israël » et il pourrait bien avoir raison de l’être. Revenant à Halbertal, il note que « la Torah représente l’égalité de tous les peuples et la notion que nous sommes tous créés à l’image de Dieu. Les Israéliens de tous les peuples doivent respecter les droits des minorités parce que nous, en tant que Juifs, savons ce que c’est que d’être une minorité. C’est une philosophie juive profonde. Alors, pourquoi cette essence de l’enseignement juif est-elle si faible au sein de l’Israël sioniste ? Ni Friedman ni Halbertal ne saisissent la cause profonde – la nature historiquement raciste, voire d’apartheid, de l’Israël sioniste. Ils ne comprennent pas parce qu’ils sont aveuglés par le mythe de l’Israël libéral, qui est maintenant en danger soi-disant à cause de la résistance des Palestiniens. Il cite Halbertal qui se plaint : « Quand vous avez ces menaces de sécurité viscérales dans la rue tous les jours, il devient plus facile pour ces immondes idéologues de se mettre en avant.»
L’affirmation de Thomas Friedman selon laquelle « l’Israël que nous connaissions n’est plus » relève en grande partie de l’illusion. En bonne partie, son Israël n’a jamais existé. Certes, il y avait, et il y a encore pour le moment, une façade pseudo-démocratique – quelque chose comme la «démocratie» en Alabama, aux États-Unis, dans les années 1950. Les choses évoluent maintenant davantage dans le sens fasciste. Bezalel Smotrich, l’une des bêtes noires de Friedman, a proclamé que les droits de l’homme et les institutions qui soutiennent ces droits sont des «menaces existentielles » pour Israël. La plupart des sionistes accepteront cette affirmation, du moins en ce qui concerne les Palestiniens, car elle correspond historiquement aux sensibilités israéliennes. Après tout, l’occupation se poursuit dans toute sa gloire immorale depuis un demi-siècle sans objection significative de la plupart des Juifs israéliens et de leurs partisans de la diaspora.
Ce que vous voyez maintenant si publiquement étalé est, et a toujours été, la véritable culture et le caractère de l’Israël sioniste – un État conçu pour un seul groupe et construit sur la conquête et la dépossession des autres. Nier cela, c’est nier l’histoire et la logique de l’idéologie sioniste. Et le coût ? Cela doit être compris non seulement en termes de droits des Palestiniens, mais aussi en termes d’essence même du judaïsme, qui sont tous deux détruits simultanément. Tout cela devrait maintenir Thomas Friedman, et d’autres adeptes du mythe de l’Israël libéral, éveillés toute les nuits avec des cauchemars à n’en plus finir
Lawrence Davidson est professeur d’histoire à la retraite à l’Université West Chester à West Chester, Pennsylvanie.
Certains mettent beaucoup d’espoir dans la présidence de Joe Biden pour une inflexion de la politique des États Unis vers une position moins favorable à l’entité sioniste et donc plus propice à favoriser un règlement de la question de Palestine.
A la vérité, si on s’en tient à Joe Biden et à son équipe gouvernementale, il ne faut pas trop espérer. Joe Biden a toujours fait savoir son attachement à l’entité sioniste, c’est-à-dire qu’il a bien compris d’où vient l’argent des campagnes électorales et qui exerce un contrôle significatif sur les médias, presse écrite ou audiovisuelle.
Sa colistière et désormais vice-présidente Kamala Harris est faite du même bois. Elle sait parfaitement qui est à l’origine du miracle qui a fait qu’une candidate à la primaire démocrate créditée d’un peu plus de 3 % des voix a pu se retrouver dans le ticket démocrate à l’élection présidentielle.
De fait, lors de la dernière offensive sioniste contre Gaza, Joe Biden n’a pas dérogé, pas plus que d’autres dirigeants occidentaux, à la sempiternelle affirmation du droit de l’entité sioniste à se «défendre». Propos que le président des États Unis a accompagné d’une réaffirmation du principe d’une solution à deux États, ce qui est un retour à la posture traditionnelle de Washington, celle d’avant Donald Trump.
Peu d’observateurs mesurent l’hypocrisie de cette affirmation d’une solution à deux États. En effet, si les USA et les autres puissances occidentales, dont la France, voulaient vraiment de cette solution, ils poseraient l’exigence d’un calendrier d’un calendrier de retrait ordonné des colonies juives en Cisjordanie et le respect de l’intégrité de Jérusalem-Est.
Or, à aucun moment ni Washington, ni Paris, ni Londres n’ont jamais levé le petit doigt pour donner à penser qu’ils croient à cette possibilité.
Si on ne peut pas attendre grand chose dans l’immédiat de Washington, les développements sur le terrain, avec la crise interne au régime sioniste, pour un ensemble de raisons dont la colonisation de la Cisjordanie, et l’efficacité grandissante de la résistance palestinienne sous toutes ses formes, rencontrent un écho certain dans la mouvance progressiste du Parti Démocrate.
Pour l’instant les Caciques du Parti Démocrate peuvent faire encore semblant d’ignorer cette mouvance qui correspond à une part croissante, peut-être même majoritaire, de l’électorat du parti. Mais les animateurs de cette mouvance sont optimistes quant à l’avenir de la prise en compte de ses idées qui restent encore minoritaires dans les deux chambres parlementaires du Congrès des États Unis.
Il faudra du temps, peut-être pas très longtemps mais un certain temps.
Par Laura Kelly, The Hill (USA) 21 mai 2021 traduit de l’anglais par Djazaïri
Les démocrates progressistes accentuent leurs efforts pour un changement radical de la relation des États-Unis avec Israël, alors que le calme revient suite à un cessez-le-feu qui a mis fin à 11 jours de guerre dévastatrice entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza.
Enhardis par des parlementaires flamboyants et un programme centré sur la justice sociale pour les Palestiniens, les appels au conditionnement de l’aide militaire à Israël et les critiques de ses actions sont passés des marges du Parti démocrate au parquet de la Chambre des Représentants et du Sénat.
Mais les organisations de soutien à Israël aux États-Unis mobilisent leurs partisans pour repousser les tentatives des progressistes pour empêcher 735 millions de dollars de ventes d’armes à Israël et d’autres démarches visant à conditionner l’assistance militaire.
Pendant ce temps, les Républicains attaquent la diplomatie «calme et intensive» du président Biden pour n’avoir pris publiquement le parti d’Israël au moment où il était assiégé par les roquettes du Hamas, et a enhardi l’Iran, soutien par les discussions en cours sur l’accord nucléaire.
«La politique intérieure a toujours été présente en ce qui concerne les relations américano-israéliennes et le soutien américain à Israël», déclare Aaron David Miller, qui a été négociateur dans le processus de paix entre israéliens et palestiniens dans les administrations républicaines et démocrates.
« Je le pense maintenant plus que jamais depuis que je vois ce film – l’insistance sur la relation américano-israélienne et les critiques des actions d’Israël sont probablement plus forts que jamais », a-t-il ajouté.
Les organisations progressistes estiment que la dynamique est de leur côté, soutenue par l’évolution des priorités chez les démocrates qui ont poussé pour des évolutions des politiques sur le changement climatique, le système de santé, la réforme de la justice pénale et l’équité raciale.
«Le conditionnement de l’aide au gouvernement israélien est une politique qui est soutenue par l’écrasante majorité des démocrates mais qui n’est pas soutenue par l’écrasante majorité des démocrates à Washington», déclare Waleed Sahid, directeur de la communication pour Justice Democrats, le comité d’action politique derrière l’émergence de la députée à la Chambre des Représentants. Alexandria Ocasio-Cortez (DN.Y.) et d’autres parlementaires progressistes de premier plan au Congrès.
«Mais c’est vrai pour de nombreux sujets sur lesquels les progressistes font campagne. Avec le temps, à notre avis, le parti changera avec plus de pressions venues de l’intérieur et de l’extérieur sur cette question. »
Ocasio-Cortez, avec le Sénateur. Bernie Sanders (I-VT), anime les démarches pour arrêter les ventes militaires en instance pour Israël, avec une résolution présentée à la fois à la Chambre et au Sénat la semaine dernière.
«Pendant des dizaines d’années, les États-Unis ont vendu pour des milliards de dollars d’armes à Israël sans jamais lui demander de respecter les droits fondamentaux des Palestiniens. Ce faisant, nous avons directement contribué à la mort, au déplacement et à la privation du droit de vote de millions de personnes », a déclaré Ocasio-Cortez dans un communiqué.
Ses propos sont intervenues au moment où parvenaient des informations faisant état de l’augmentation du nombre de morts palestiniens dans la bande de Gaza tués par les frappes aériennes israéliennes visant les combattants du Hamas et ses infrastructures.
Un cessez-le-feu entré en vigueur vendredi matin a pour l’instant mis un terme aux combats. Mais le ministère de la Santé de Gaza a déclaré jeudi que 232 Palestiniens avaient été tués au cours des 11 jours de conflit, dont 65 enfants, 39 femmes et 17 personnes âgées. Environ 1 900 ont été blessés. Israël affirme qu’il a tué plus de 130 terroristes du Hamas.
Le parrainage par Sanders de la résolution s’opposant aux ventes d’armes à Israël obligera à un vote sur la question au Sénat. S’il est peu probable qu’elle obtienne une majorité, les militants progressistes saluent néanmoins ce moment comme «historique».
«Le mouvement progressiste s’est renforcé ces dernières années et a élu plus de champions des droits de l’homme», déclare Yasmine Taeb, une avocate spécialisée dans les droits de l’homme qui est à l’avant-garde de l’organisation de mouvements progressistes appelant à plus de responsabilité d’Israël dans sa politique envers les Palestiniens.
«Je pense que ce sont les avancées que nous avons réalisées et le renforcement de notre stratégie intérieure et extérieure, qui nous ont amenés à ce moment.»
Taeb était l’une des initiatrices d’une lettre ouverte à l’administration Biden la semaine dernière, signée par plus de 140 organisations progressistes, qui appelait à dénoncer comme «crimes de guerre» les politiques israéliennes envers les Palestiniens à Jérusalem et en Cisjordanie.
La lettre a été publiée après des semaines de tensions croissantes et de violents affrontements dans la ville sainte, que le Hamas a utilisés comme catalyseur pour commencer à tirer des roquettes sur Israël.
Les tirs indiscriminés de roquettes du Hamas – plus de 4 400 missiles au total pendant 11 jours – ont largement éloigné l’attention de Capitol Hill (là où se trouvent les deux chambres parlementaires) des frustrations croissantes à l’encontre des politiques israéliennes à l’égard de s Palestiniens pour l’orienter vers le droit d’Israël à se défendre.
Les républicains ont critiqué la diplomatie en coulisses de Biden comme manquant à plus défendre publiquement Israël face aux critiques des progressistes et de la communauté internationale.
Le président a réussi à pousser Israël vers un cessez-le-feu et a évité de l’exiger publiquement, ce qui selon les experts, aurait été un fait sans précédent dans la relation américano-israélienne.
« Si Biden a de la chance, il pourra continuer à naviguer de cette manière », déclare Miller, qui est maître de recherche au Carnegie Endowment for International Peace.
Il ajoute que les relations entre les États-Unis et Israël ne sont pas à un stade de crise, mais que l’accord bi-partisan [Républicains – Démocrates, NdT] qui sous-tend généralement cette relation est « soumis à un stress plus grand que jamais auparavant ».
Israël dit qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour éviter les victimes civiles palestiniennes lors des frappes aériennes à Gaza et condamne le Hamas pour avoir mis en place ses opérations militaires dans des centres de population.
Alors que le système de défense antimissile Dôme de Fer, conçu avec l’aide des États-Unis, a intercepté environ 90% des tirs de roquettes du Hamas, 13 personnes ont été tuées en Israël et des millions ont dû se réfugier dans des abris anti-bombardements.
Les organisations de soutien à Israël qui s’opposent aux exigences des progressistes de conditionnement de l’aide militaire à Israël affirment que de telles restrictions seraient une menace pour la sécurité du peuple israélien parce que cette aide est essentielle pour la stratégie israélienne de dissuasion et de dégradation des capacités militaires du Hamas et permet de renforcer Israël contre les menaces d’autres organisations terroristes et contre un conflit avec la Syrie et l’Iran.
«Nous ne soutenons pas les démarches visant à bloquer les ventes d’armes à Israël,» a déclaré Halie Soifer, présidente de l’organisation pro-israélienne Jewish Democratic Council of America (JDCA).
Dans des déclarations publiques et des séances d’information avec les parlementaires et les équipes sur la Capitol Hill, la JDCA souligne que la vente d’armes proposée d’un montant de 735 millions de dollars n’est pas liée aux hostilités actuelles et fait partie des engagements américains dans le protocole d’accord entre les États-Unis et Israël de 2016, promettant 38 milliards de dollars en faveur d’Israël sur 10 années dans le cadre du financement militaire étranger, dont 500 millions de dollars par an pour le Dôme de fer.
«Ces ventes sont conformes au protocole d’accord, et nous soutenons donc la poursuite de ces ventes,» a déclaré Soifer. «Nous ne croyons pas non plus à l’utilisation de l’aide militaire à Israël, qui sauve des vies, comme levier pour influer sue le conflit israélo-palestinien.»
Les organisations qui promeuvent n soutien bi-partisan à Israël, comme l’influent American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) et Christians United For Israel (CUFI), fort de dix millions d’adhérents, ont lancé un appel à leurs membres pour qu’ils agissent afin de «rejeter les tentatives extrémistes» des progressistes pour conditionner l’aide à Israël.
Ces messages d’alerte sont accompagnés de portraits d’Ocasio-Cortez, Sanders et de ceux des élues à la Chambre des Représentants Rashida Tlaib (Démocrate – Michigan) et Ilhan Omar (Démocrate-Minnesota), les deux premières demmes de confession musulmane élues au Congrès.
Omar, qui a été accusée d’avoir tenus des propos antisémites dans sa critique d’Israël, est une cible fréquente de l’AIPAC qui , fait rare, s’est excusée en février 2020 après la publication d’une série d’annonces sur Facebook et dans la presse dépeignant Omar et d’autres parlementaires progressistes comme «plus sinistres que l’État Islamique dans leur démarche pour conditionner l’aide militaire à Israël.»
Annonces de l’AIPAC dépeignant I. Omar et R. Tlaib comme des antisémites
Mais l’AIPAC a affiné son message et a refusé de se dédire d’une série d’annonces payantes plus récentes portant sur Omar, bien que le bureau de cette dernière dise qu’elles incitent à la violence contre elle et les autres musulmans.
Les organisations de soutien à Israël et les groupes progressistes conviennent tous deux que la majorité du Parti démocrate, ainsi que Biden et ses officiels, sont fermement contre le conditionnement de l’aide militaire à Israël.
Mais les groupes progressistes se concentrent sur la poursuite de changements progressifs qui feront évoluer le parti.
«Tout ce qu’il faudra, c’est un faux pas du gouvernement israélien qui suscitera une toute nouvelle vague de soutien démocrate à la cause palestinienne qui est de mettre fin à l’apartheid en Israël», déclare Robert McCaw, directeur des affaires gouvernementales du Council on American-Islamic Relations (CAIR).. .
L’administration Biden et le gouvernement israélien rejettent les accusations d’apartheid, définies comme des politiques ou des systèmes de ségrégation et de discrimination fondés sur la race, qui sont formulées par des organisations de défense des droits de l’homme – le plus récemment dans un rapport publié le mois dernier par Human Rights Watch.
Mais l’accusation d’apartheid a une grande place dans discussions des progressistes autour d’Israël et elle a été réitérée par Omar la semaine dernière à la Chambre des représentants.
McCaw a qualifié les propos d’Omar ainsi que des prises de parole semblables par dix autres membres progressistes du Congrès de «grand événement».
«Ces deux dernières semaines ont amené un certain nombres de membres du Congrès à réévaluer ces accusations justifiées d’apartheid en Israël,» dit-il.
«La question est combien de temps encore le gouvernement des États Unis ignorera t-il les violations par Israël des droits civiques du peuple palestinien. Je ne pense pas que ce sera pendant longtemps.»
John V. Whitbeck est un juriste américain qui a participé en tant que conseiller aux négociations entre Palestiniens et entité sioniste. Il intervient fréquemment dans les médias sur la question de Palestine et dans l’article que je vous propose, il fait une mise au point sur la réalité des relations entre l’État prétendu juif et les États Unis.
John V. Whitbeck
Il observe qu’il est inadéquat de parler d’aide quand on évoque les milliards de dollars que les États Unis versent chaque année à l’entité sioniste. En effet, peut-on véritablement parler d’aide quand le pays aidé à un revenu par habitant qui le place devant le Royaume Uni, pays membre du G7?
C’est le caractère illogique de cette définition comme aide qui l’amène à proposer une définition plus exacte qui est celle d’un tribut, le tribut étant la somme d’argent ou son équivalent en marchandises que le vassal verse à son suzerain.
Par John Whitbeck, Counter Punch (USA) 12 mai 2021 traduit de l’Anglais par Djazaïri
Suite à un récent rapport de Human Rights Watch sur l’apartheid israélien et les persécutions et les brutalités par Israël en cours à Jérusalem, une poignée de braves politiciens américains, qui deviennent petit à petit plus nombreux, ose remettre en cause l’affirmation publiquement affiché par le président Biden selon laquelle ce serait « absolument scandaleux » de conditionner «l’aide» américaine à Israël à la conduite d’Israël et affirme qu’une telle «aide» devrait en effet être conditionnée , au moins dans une certaine mesure, au respect des droits de l’homme, du droit international et des lois américaines concernant l’utilisation des armes fournies par les États Unis.
Alors que cette modeste tendance à un soutien de principe des droits de l’homme et du droit international par une poignée de politiciens américains doit être considérée comme encourageante, la tradition de qualifier d’«aide» les transferts financiers du gouvernement américain vers Israël – actuellement un minimum de base de 3,8 milliards de dollars par an, négociés et accordés par un président Obama sortant pour un prochain cycle de financement de dix ans, inévitablement complété par de nombreuses adjonctions – devrait également être interrogée.
Israël n’est pas un pays pauvre. Dans le dernier classement de l’ONU, son PIB annuel par habitant de 46376 dollars le classait au 19e rang parmi les 193 États membres de l’ONU, devant l’Allemagne (20e), le Royaume-Uni (24e), la France (26e) et l’Arabie saoudite (41e).
Les montants financiers garantis que les gouvernements américains négocient avec les gouvernements israéliens et s’engagent à payer à Israël ne sont ni négociés ni versés parce qu’Israël a besoin de cet argent.
Ils sont négociés et payés en tant que manifestations publiques de la soumission des États Unis.
Le terme exact et approprié pour désigner de tels paiements est «tribut», que le dictionnaire définit comme «un paiement effectué périodiquement par un État ou un dirigeant à un autre, en particulier comme marque de sujétion».
Depuis qu’Israël a attaqué le bien nommé USS Liberty en 1967, tuant 34 militaires américains, en blessant 171 autres et provoquant 821 impacts de roquettes et de mitrailleuses dans la coque du navire, et que le président Johnson a ordonné de dissimuler cet événement, ce qui constituait une reddition virtuelle, le gouvernement américain reçoit des ordres d’Israël et lui paye tribut, ce qui a des conséquences sur le prestige de l’Amérique et son rôle dans le monde bien plus coûteuses que l’argent lui-même.
De fait, la relation américaine avec Israël prive les États-Unis de toute crédibilité lorsqu’ils accusent des pays qu’ils n’aiment pas pour d’autres raisons de violations des droits de l’homme ou du droit international.
Si les perceptions et le discours populaires aux États-Unis pouvaient être transformés de manière à reconnaître que les engagements financiers du gouvernement américain envers Israël constituent un hommage à une puissance dominante plutôt qu’une «aide» à une nation dans le besoin, il pourrait y avoir un espoir pour une déclaration d’indépendance attendue depuis longtemps et un rôle américain plus constructif et honorable dans le monde.
John V. Whitbeck est un juriste spécialisé en droit international qui a conseillé l’équipe de négociateurs palestiniens avec Israël.
Le rap n’est pas ma tasse de thé mais cet article me ferait presque m’y intéresser. Il y est question de musiciens d’une ville irlandaise qui ont pris sous leur aile un gamin qui vit à Gaza et qui chante des textes sur de la musique rap (ou hip-hop, c’est un domaine que je connais mal).
Une vidéo que ces Irlandais ont produit avec Abdalrahman Alshanti, c’est le nom du petit habitant de Gaza, a rencontré un grand succès sur la toile puisqu’elle a fait des millions de vues et a été relayée par des célébrités.
Il s’agit là d’une manifestation parmi d’autres de la solidarité du peuple irlandais avec le peuple palestinien dont, en tant qu’anciens colonisés, ils comprennent bien la cause.
La star du hip-hop DJ Khaled figure parmi les célébrités à avoir partagé la vidéo de MC Abdul, 12 ans, qui rappe à propos de le situation à laquelle est actuellement confrontée sa famille.
Par Des O’Driscoll, Irish Examiner (Irlande) 17 mai 2021 traduit de l’anglais par Djazaïri
Une collaboration sur un thème d’actualité entre un jeune garçon de Gaza et un beatmaker de Cork est devenue virale, atteignant plus de 2,7 millions de vues en deux jours.
Le vidéoclip pour la ‘Palestine’ par Abdalrahman Alshanti – alias MC Abdul, ou MCA Rap – montre le garçon âgé de 12 ans qui marche devant des immeubles détruits dans son quartier de Gaza et qui rappe sur la situation actuelle dans la région.
Le morceau de rap a été enregistré sur une piste instrumentale d’Eminem par le producteur basé à Cork Garry McCarthy (GMC Beats) qui contribue à l’encadrement du jeune Palestinien depuis 2019.l
Parmi les célébrités qui ont référencé la vidéo, il y a la star américaine du hip-hop DJ Khaled qui l’a partagée sur son compte Instagram. Abdul a également eu des partages de la mannequin Bella Hadid et de l’acteur / musicien américain Tyrese Gibson.
Alors que le nombre de tués augmente à cause des attaques israéliennes sur Gaza, avec 58 enfants parmi les près de 200 victimes à ce jour, McCarthy admet être très inquiet pour Abdul et sa famille.
«Ils m’ont envoyé des enregistrements de ce qu’ils ont dû entendre pendant la nuit, et je suis encore secoué d’avoir entendu ces explosions», explique le producteur et professeur, basé au Kabin Studio à Hollyhill.
«Ce qui se passe est vraiment honteux. Abdul nous a raconté comment sa jeune sœur et son frère pleurent la nuit. Leur mère doit leur faire croire que c’est un feu d’artifice. Je leur envoie un texto le matin pour vérifier qu’ils vont bien, et quand il répond, je me dis: «Dieu merci!».
McCarthy espère que le nouvel enregistrement aidera à attirer l’attention sur ce qui se passe à Gaza et encouragera les gens à le dénoncer.
«C’est tout ce que nous pouvons faire. C’est juste de faire passer un message. Et c’est probablement une bonne chose que les gens entendent un enfant parler de la situation, parce que dans les guerres, on entend généralement les hommes et les autres adultes », dit McCarthy. Il souligne qu’à l’âge de 12 ans, Abdul a déjà vécu quatre périodes de guerre.
Garry McCarthy (GMC) et Stephen Grainger (Stevie G) ont contribué à encadrer le jeune rappeur palestinien MC Abdul.
Dans le nouvel enregistrement, Abdul parle également du fait que ses grands-parents ont été contraints de fuir leurs maisons et de s’installer dans un camp de réfugiés en 1948 au moment de la création d’Israël. Depuis, la famille vit à Gaza.
La relation d’Abdul avec la ville de Cork implique également Liam Ahern, originaire de Leeside, qui lui a appris l’anglais en ligne, pour enrichir ce qu’il avait déjà appris en regardant des films américains et en écoutant de la musique rap. Ahern fait partie, avec McCarthy et DJ Stephen Grainger (Stevie G), d’un groupe d’habitants de Cork qui ont aidé Abdul.
«Il se sent vraiment comme un membre de la famille de la musique de Cork maintenant», dit Grainger. «Nous l’avons fait participer à quelques événements musicaux avec les gars du Kabin, et c’est formidable de le voir interagir avec les enfants de Cork du même âge.
« Nous nous sentons tous un peu impuissants en ce moment, et c’est un souci. Ce gamin aime le football et aime Messi, comme n’importe quel enfant irlandais … on penserait que c’est le genre de choses dont il devrait parler, sans avoir peur que des bombes lui tombent dessus».
Un article intéressant qui montre la continuité de la stratégie sioniste d’accaparement des terres de la Palestine pour asseoir territorialement l’Etat et établir des colons juifs.
L’auteur rappelle qu’au moment du déclenchement de la guerre qui a débouché sur la partition de la Palestine suite à la proclamation d’un Etat juif, les Juifs ne possédaient pas 4 % des terres. C’est donc par la suite qu’ils se sont appropriés les terres, d’abord dans la partie de la Palestine qui leur a été reconnue internationalement, puis sur le reste. Cette appropriation passe par des voies qui se présentent comme légales, même si elles légalisent en réalité le vol et la rapine.
Les procédés employés par les sionistes font tout à fait penser à ceux employés par la France coloniale pour acquérir des terres à livrer à la colonisation européenne, notamment à partir du constat que la politique d’achat de terres aux indigènes algériens ne donnait pas les résultats escomptés. La rapine du colonialisme français s’orienta alors vers les biens habous, forme de propriété extrêmement répandue, déclarés biens domaniaux
La question foncière et donc du territoire est en effet au cœur du processus de colonisation de peuplement. Cette question est à la fois un axe fort de la politique législative et d’aménagement du régime sioniste et son point faible.
Elle est son point fort car elle parvient à réaliser son objectif qui est d’exclure les autochtones de la propriété de la terre. Elle est son point faible car, utilisant des procédés qui relèvent purement et simplement du vol et de l’escroquerie, elle est sans valeur au regard du droit international qui prévoit le droit au retour chez eux des Palestiniens. Comme certains auteurs l’ont relevé, les colons qui avaient entrepris de coloniser ce qui est devenu les Etats Unis avaient pris soin, à chaque fois qu’ils prenaient possession d’un territoire, d’obtenir un certificat de cession en bonne et due forme de la part des populations qu’ils chassaient.
La reconnaissance par les Palestiniens de l’entité sioniste en tant qu’Etat juif serait un tel certificat de renonciation au droit retour.
Par Gerry Liston, Mondoweiss (USA) 6 mars 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri
Les origines des régimes fonciers et de l’aménagement du territoire en Israël peuvent être situées en 1901, année qui a vu la création du Fonds National Juif (FNJ). Le FNJ qui, comme on le verra, joue encore un rôle prédominant dans le régime de la propriété foncière en Israël a été fondé à l’origine dans le but d’acquérir des terres en Palestine. Selon les statuts de la compagnie anglaise au sein de laquelle il avait été d’abord constitué, son objet est l’acquisition de terres en Palestine « dans le but d’installer des Juifs sur ces terres. » Les terres acquises par le FNJ pouvaient être mises en location mais « à des Juifs exclusivement. » [1]
Les dirigeants du mouvement sioniste dans ses premières années avaient de grandes ambitions pour le FNJ. De fait, une résolution avait été adoptée par le 7ème congrès sioniste pour rejeter la « colonisation non planifiée, non systématique et philanthropique à petite échelle » de la Palestine. [2] En dépit de ces ambitions, le FNJ des débuts ne réussit pas sa mission de « rachat » des terres de Palestine. En mai 1948, le FNJ ne détenait que 3,56 % du sol de la Palestine historique. En mai 1948, le FNJ ne détenait que 3,56 % du sol de la Palestine historique. ]
La confiscation des terres palestiniennes en Israël
C’est la guerre qui a enclenché le plus vaste processus d’acquisition des terres dans ce qui est aujourd’hui l’Etat d’Israël. Les violences de 1948 ont causé le déplacement de 750 000 à 900 000 Palestiniens [4]. 531 localités arabes furent détruites ou vidées de leurs habitants en 1948 et peu après, laissant vacants 20 350 km2 de terres. [5]
L’Etat d’Israël nouvellement créé recourut massivement à une législation d’urgence pur gérer ces terres. Par exemple, des « règlements relatifs aux biens des personnes absentes » furent promulgués pour donner le contrôle des biens des propriétaires « absents » à un « conservateur des biens des absents ». Le conservateur était fondé à saisir ces biens et c’était au propriétaire de la terre qu’incombait la charge de prouver qu’il ou elle n’était pas absent. Le terme « absent » était défini très largement. Il incluait non seulement ces palestiniens qui n’avaient pas complètement fui l’Etat d’Israël, mais s’appliquait aussi aux Juifs comme aux Arabes. Cependant, une disposition réglementaire apparemment neutre au niveau racial exemptait « les absents qui avaient abandonné leurs maison par peur des ennemis d’Israël ou des opérations militaires, ou qui avaient été capables de gérer efficacement leurs biens sans aider les ennemis d’Israël, » – rendant ainsi la réglementation applicable seulement aux Palestiniens.[6]
Le rôle du conservateur sera assis sur une base juridique plus solide avec l’application en 1950 de la Loi sur les biens vacants. Cette loi permettait au conservateur de transférer le bien du propriétaire absent à un organisme créé la même année, l’Autorité du Développement. L’Autorité du Développement avait à son tour la possibilité de transférer le bien foncier au FNJ. Ces transfèrent eurent lieu, concernant près de 2 400 km2 de terrains de propriétaires absents, faisant plus que tripler le patrimoine constitué par le FNJ en 1941. [7]
Ce ne sont pourtant pas seulement les terres des « absents » qui furent visées pendant et après 1948. Beaucoup de Palestiniens qui n’avaient pas fui leur domicile furent aussi expulsés de chez eux. Par exemple, les règlements militaires (d’urgence) de 1945 (hérités du mandat britannique) furent utilisés pour déclarer « zones interdites » des secteurs peuplés d’Arabes, leur refusant en pratique l’accès à leurs terres. En fait, certains terrains furent confisqués sans absolument aucune base juridique. La loi sur l’acquisition des terres (loi de validation des actes et de compensation) de 1953 fut promulguée pour garantir la « légalité » de la confiscation des terrains (aussi bien des absents que des non absents) pendant et après 1948. Elle légalisa rétroactivement la confiscation des terres sur la base de la « sécurité » et du « développement ». Selon les termes du ministres des finances de l’époque, son but était « d’instiller de la légalité dans certaines actions entreprises pendant et après la guerre. » [8]
Cette prise de contrôle de la terre fut une telle réussite qu’n 1951 le gouvernement israélien détenait 92 % de la terre située à l’intérieur de ses frontières (ce chiffre comprend les terres du FNJ). [9] Ce qui ne signifia cependant pas la fin des efforts pour acquérir encore plus de terres. Comme le constate Sabri Jyris, les autorités israéliennes se tournèrent simplement vers la « recherche de nouvelles catégories de terres à racheter. » [10] Ce qu’elles firent avec une procédure d’établissement du ‘titre foncier’, c’est-à-dire une procédure pour déterminer l’occupant légitime d’un terrain au regard de la loi.
Les secteurs à peuplement arabe dense, comme la Galilée, furent ciblés à cet égard. En fait, le chef de la commission chargée de l’établissement des titres de propriété en Galilée, Yosef Weitz, remarquait ouvertement que le but de l’opération était la « judaïsation de la Galilée. » [11] Le géographe israélien du foncier Sandy Kedar a découvert dans ce contexte que les tribunaux israéliens « appliquaient la loi d’une manière qui restreignait la reconnaissance légale des terres « frontalières » détenues par des Arabes. » [12] Ainsi, par exemple, vers la fin des années 1960, sur les 8 000 cas de contestation en Galilée tranchés par les tribunaux, 85 % le furent en faveur de l’Etat. [13] L’élargissement de l’opération de régularisation des titres fonciers a eu pour conséquence la transformation de milliers d’hectares de terres palestiniennes privées ou communautaires en biens de l’Etat israélien. [14]
Le développement du droit foncier israélien moderne
Deux mesures importantes furent adoptées au début des années 1960 pour garantir que les terres de l’Etat israélien deviennent en pratique l’apanage de la population juive. Premièrement, la Loi Fondamentale: Terres Israéliennes fut promulguée en 1960. Elle définissait les terres détenues par l’Autorité du Développement, l’Etat d’Israël et le FNJ comme « Terres d’Israël » et disposait que ces terres ne pouvaient être vendues. Le ministre Zerah Wahrhaftig expliquait ainsi le but de la loi : « Nous voulons qu’il soit clair que la terre d’Israël appartient à ceux qui vivent à Sion, parce que le peuple d’Israël vit un peu partout dans le monde. D’un autre côté, chaque loi qui est adoptée l’est dans l’intérêt de tous les habitants de l’Etat et tous les habitants de l’Etat signifie aussi des gens qui n’appartiennent pas au peuple d’Israël [l’Etat] mais au peuple mondial d’Israël. » A la question de savoir pourquoi cela n’était pas affirmé explicitement dans la loi, Wahrhaftig répondit, « nous ne pouvons pas le dire. » Il expliqua ensuite, « il y a [dans la loi] une innovation juridique très significative : nous donnons un habillage légal aux statuts du FNJ. » [15]
Deuxièmement, un accord a été conclu entre le gouvernement israélien et le FNJ, prévoyant que ce dernier aurait près de 50% des sièges au Conseil israélien des Terres (ILC). L’ILC a été créée par la loi de 1960 sur l’administration des terres israéliennes et dispose de pouvoirs étendus pour élaborer des politiques relatives aux «terres israéliennes». Cette loi a également institué l’Administration des Terres Israéliennes (ILA) pour la mise en œuvre de ces politiques. Selon un rapport du contrôleur de l’État israélien, la participation des représentants du gouvernement aux réunions du conseil de l’ILC a été minime comparée à celle des représentants du FNJ. [16] La discrimination exercée par l’ILA à l’encontre de la population palestinienne en Israël n’est donc guère surprenante.
Discrimination contre les Palestiniens dans les politiques foncières et d’aménagement
Les chiffres relatifs à la location de terres agricoles, soit 85% des terres israéliennes, illustrent clairement cette discrimination. [17] Par exemple, le rapport de l’ILA pour l’an 2000 indique que sur les 200 000 hectares loués en vertu de baux de longue durée, aucun n’a été loué à des citoyens palestiniens. [18] L’ILA préfère clairement louer des terres à des collectivités juives (telles que des kibboutz et des moshavs). Selon Hussein et McKay, «environ 90% de toutes les terres agricoles israéliennes sont louées à [de tels] collectifs juifs». [19] À cet égard, les Palestiniens en Israël se heurtent à un obstacle majeur. En vertu de la loi de 1953 sur les candidats à la colonisation agricole, certains organismes peuvent être reconnus en tant qu’organismes participant à la création de collectivités agricoles. Aucune organisation palestinienne n’est toutefois reconnue comme telle par cette loi. A cet égard, Israël a reconnu en 2001 devant la commission des droits économiques, sociaux et culturels que « de nouvelles installations agricoles arabes ne sont pas prévues, » déclarant que c’était « en raison d’une politique de développement des installations existantes. » [21]
Cela est conforme à l’approche israélienne générale concernant l’établissement de nouvelles agglomérations arabes. Depuis la fondation de l’Etat d’Israël, aucune nouvelle communauté palestinienne n’a été créée en Israël, à part un certain nombre de «townships» établis pour la communauté bédouine du sud. [22] Cela contraste nettement avec la situation de la population juive, pour laquelle 700 nouvelles communautés ont été établies. Cela va également à contre-courant de la multiplication par six du nombre de citoyens palestiniens d’Israël depuis 1948 [24].
En outre, plutôt que de représenter une exception à la politique israélienne à l’égard de sa population arabe, le développement des cantons ou townships bédouins constitue une manifestation extrêmement dure de cette politique. Depuis l’adoption de la loi de 1965 sur la planification et la construction, les plans directeurs établis en vertu de cette loi n’ont pas reconnu l’existence d’un certain nombre de localités palestiniennes, dont la majorité sont des communautés bédouines du sud du désert de Naqab. [25] La «solution» a été de construire ces townships dans une zone du désert appelée Siyag, où de nombreux Bédouins ont été contraints de déménager après 1948. [26] Selon Human Rights Watch, ces townships font partie d’un plan visant à «Consolider [e] le contrôle de l’Etat sur un maximum de terres bédouines tout en confinant les bédouins dans les zones les plus petites possible et en rompant la contiguïté des zones bédouines. [27]
Village bédouin non reconnu dans le Naqab (ces villages sont régulièrement détruits par l’occupant sioniste)
Les «commissions d’admissions» constituent un autre obstacle à l’occupation des terres agricoles par les Palestiniens. Ces commissions fonctionnent dans 695 villes agricoles et communautaires, qui représentent ensemble 68,5% de toutes les villes en Israël et environ 85% de tous les villages. [28] Initialement introduite par l’ILA, cette institution a récemment été consacrée dans la législation israélienne avec l’adoption par la Knesset en mars 2011 de la loi relative à la commission d’admissions. Cette loi exige que toute personne souhaitant s’installer dans une communauté de moins de 400 familles dans les régions de Naqab (Néguev) et de Galilée (qui abritent une proportion relativement élevée de Palestiniens) obtienne l’approbation d’une telle commission. [29] En vertu de la loi, ces commissions peuvent écarter des candidats qui, entre autres, «sont peu préparés au mode de vie de la communauté» ou «pourraient nuire à la cohésion de la communauté. » [30]
Les Palestiniens sont également confrontés à une forte discrimination dans le droit du foncier et la politique israélienne d’aménagement en ce qui concerne leur utilisation actuelle de terres (principalement urbaines). Seulement 2,5% des terres en Israël sont sous le contrôle d’une autorité d’aménagement contrôlée par les Palestiniens. [31] En outre, malgré la multiplication par 16 des zones bâties dans les agglomérations palestiniennes depuis le mandat britannique, la zone de juridiction moyenne des villes et conseils locaux palestiniens a diminué de 45% au cours de cette période. [32] Par conséquent, comme Bimkom l’a observé, la plupart des localités arabes sont tributaires des décisions prises par les commissions d’aménagement qui, pour la plupart, sont dépourvues de représentation palestinienne. [33]
Les plans élaborés pour les localités palestiniennes par les organismes d’aménagement dominés par les Juifs «ne font souvent que définir les zones de développement existantes». En revanche, même «les plus petites localités juives… ont des plans de construction détaillés et des réglementations relatives à l’utilisation des terres» [34]. Les principaux experts en politique israélienne d’aménagement ont résumé la situation: «L’espace israélien a été très dynamique, mais les changements sont allés principalement dans une direction: les Juifs étendent leur contrôle territorial par divers moyens, y compris la colonisation en cours, tandis que les Arabes ont été contenus dans une géographie inchangée. » [35] Par conséquent, il est peu surprenant que, si la population palestinienne représente aujourd’hui 18% de la population israélienne totale, elle n’occupe que 3,5% du territoire. [36]
Une conséquence évidente de cet endiguement est l’augmentation de la densité de population dans les localités palestiniennes. La densité de population dans les villages arabes est près de quatre fois supérieure à celle des villages juifs. [37] En conséquence, les Palestiniens en Israël ont été forcés de construire sans les permis nécessaires. Selon Bimkom, ce phénomène est combattu par les services israéliens d’aménagement « avec toute la force de leur arsenal juridique », tandis que des pratiques similaires au sein de la communauté juive sont traitées « avec beaucoup de tolérance » [39].
Evolutions récentes
En août 2009, la Knesset a adopté la loi sur l’administration des terres israéliennes, qui introduit un certain nombre de réformes dans le régime de la législation foncière israélienne. Un aspect important de la loi est la conclusion d’un accord entre l’État israélien et le FNJ prévoyant un échange de terrains entre les deux institutions. La majorité des terres transférées au FNJ se trouvent dans les régions de Galilée et de Naqab, qui comptent une forte population arabe. [40] L’accord prévoit que ces terres seront gérées «de manière à préserver les principes du FNJ relatifs à ses terres». [41] L’échange de terres est également au cœur d’un autre élément clef des réformes de 2009, à savoir: privatisation de 80 000 hectares de terres domaniales, y compris des terres du FNJ. Parmi ces terres se trouvent des terres confisquées à des réfugiés palestiniens. Comme l’a déclaré le groupe de défense des droits civiques Adalah, cette privatisation «empêchera toute possibilité future de restituer ces terres à leurs propriétaires d’origine» [42]. La loi de 2009 garantit également au FNJ une représentation de près de 50% dans un Conseil du territoire israélien réorganisé. [43]
Les récents développements du régime de droit foncier israélien impliquent donc la poursuite de la confiscation des terres palestiniennes, de leur «judaïsation», ainsi que du confinement et de la concentration de la population palestinienne en Israël, décrits ci-dessus. Ces politiques violent clairement les obligations d’Israël imposées par le droit international des droits de l’homme. Elles sont également contraires à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale qui interdit les mesures «destinées à diviser la population selon des critères raciaux par la création de réserves et de ghettos distincts pour les membres d’un groupe ou de plusieurs groupes raciaux», ainsi que «l’expropriation de biens fonciers appartenant à un ou des groupe raciaux. «
Notes
Lehn, W. and Davis, U. The Jewish National Fund, London: Kegan Paul (1988), p. 30 – 32.
Lehn, W. “The Jewish National Fund,” Journal of Palestine Studies, Vol. 3, No. 4 (Summer, 1974), p. 94.
See Lehn and Davis, note 1 supra,p. 74.
Jaradat Gassner, I., Haddad, T., Mazzawi, R., Akram, S., Al Azza, N., Jaradat, M., and Gado., Y (eds.) Survey of Palestinian Refugees and Internally Displaced Persons, 2008-2009, BADIL Resource Center for Palestinian Residency & Refugee Rights (2009), p. 10.
Dajani, S., Ruling Palestine – A History of the Legally Sanctioned Jewish-Israeli Seizure of Land and Housing in Palestine (2005), p. 33 – 34.
Forman, G. and Kedar, A. “From Arab land to ‘Israel Lands’: the legal dispossession of the Palestinians displaced by Israel in the wake of 1948,” Environment and Planning D: Society and Space, Vol 22 (2004), p. 81.
See Lehn, note 2 supra, p. 85.
See Forman and Kedar, note 6 supra,p.820.
p. 823.
Jiryis, S, The Arabs in Israel London: Monthly Review Press, (1976), p. 111.
Kedar, A. “The Legal Transformation of Ethnic Geography: Israeli Law and the Palestinian Landholder 1948 – 1967” New YorkUniversityJournal of International Law and Politics (2001) Vol. 33, p. 951.
p. 952.
Abu Hussein, H. and McKay, F. Access Denied: Palestinian Land Rights in Israel, London: Zed, 2003, p. 133.
See Lehn and Davis, note 1 supra, p. 107.
See Hussein and McKay, note 14 supra, p. 177.
p. 182.
p. 183.
p. 182.
p. 191.
State of Israel, Second Periodic Report ot the Committee on Economic, Social and Cultural Rights (July, 2001), Ministry of Justice, Ministry of Foreign Affairs and Ministry of Labour and Social Affairs, p. 100.
See Hussein and McKay, note 14 supra, p.199.
Kedar, S., Khamaisi, R., and Yiftachel, O., “Land and Planning” in After the Rift: New Directions for Government Policy Towards the Arab Population in Israel(Ghanem, A., Rabinowtiz, D., and Yiftachel, O. eds), p. 17.
“Off the Map: Land and Housing Rights Violations in Israel’ʼs Unrecognized Bedouin Villages,” Human Rights Watch, March 2008, Volume 20, No. 5(E), p. 14.
Après l’abécédaire « P est pour la Palestine », Golbarg Bashi récidive en proposant un autre livre pour enfants, un livre à compter basé sur la problématique de la destruction des oliviers des paysans palestiniens par les colons ou les « soldats » sionistes.
Le Dr Golbarg Bashi
Gageons que ce livre à compter aura le même succès que l’abécédaire malgré l’hostilité active manifestée par les milieux sionistes aux Etats Unis.
De fait, quand on voit l réaction que peut provoquer chez les sionistes un simple livre pour enfants, on mesure la difficulté de la tâche de ceux qui veulent communiquer, par l’art ou par des productions savantes sur l’injustice du sort du peuple palestinien.
Par Bada Elia, Mondoweiss (USA) 20 septembre 2018 traduit de l’anglais par Djazaïri
L’année dernière, lorsque le livre d’alphabet pour enfants « P is for Palestine» a été publié, l’auteur d’origine iranienne, le Dr Golbarg Bashi, s’attendait à une réaction, mais certainement pas à un déluge de haine. En effet, c’est l’absence de représentation positive de la vie des Palestiniens dans les livres pour enfants qui avait motivé Bashi à écrire. Elle met en lumière les personnes qu’elle a d’abord eu à connaître et dont elle s’est occupée en Suède, où elle-même était une jeune réfugiée après que sa famille eut fui la guerre Iran-Irak. « En Suède, j’ai rencontré des enfants d’autres zones de guerre et j’ai échangé des histoires avec eux. C’est la situation difficile des réfugiés palestiniens qui m’a profondément marqué », écrit Bashi .
Aujourd’hui, Bashi est une intervenante régulière dans les écoles de New York, où elle initie les jeunes enfants à diverses cultures du monde entier. Au début, elle ne pouvait trouver aucun livre sur la Palestine qui dépeignait ses habitants comme des gens ordinaires avec leur vie quotidienne, alors elle a décidé d’en écrire une Comme Bashi l’a expliqué peu de temps avant la publication du livre : «Ce livre est destiné à l’enfant palestinien pour qu’il le montre à son ami(e) pendant des moments de jeu ou qu’il l’emmène à l’école pour une lecture».
La publication de « P is for Palestine» a été aussi saluée par les amis de la Palestine, qu’elle suscité l’opposition des sionistes. Le choix de Bashi du «I est pour Intifada», illustré par un père portant sa fille sur son épaule avec un keffieh qui flotte, a provoqué la colère des sionistes qui ne peuvent pas admettre la volonté d’autodétermination palestinienne. Mais Bashi a insisté, dans un communiqué publié alors que la tentative de la faire taire allait crescendo: «P est pour la Palestine et I pour l’Intifada. Il serait irresponsable de la part de l’auteur d’un livre pour enfants palestiniens (ou par exemple des enfants amérindiens) d’ignorer ou d’édulcorer le fait que leur peuple a un mouvement de résistance, qui se manifeste majoritairement par une contestation pacifique. »
Bashi a depuis reçu des menaces de mort et quelques rabbins ont forcé Book Culture, une chaîne de librairies indépendante à New York, à présenter des excuses pour avoir fait la promotion du livre, intimidant ainsi potentiellement d’autres librairies. Selon le propriétaire de Book Culture, Chris Doeblin, la dernière fois que le magasin a été confronté à de telles menaces il y a quelques dizaines d’années, c’était avec la publication par l’Iran d’une fatwa sur Salman Rushdie pour « Les versets sataniques». Ce dernier livre reste proposé à la vente via Amazon – quand il n’est pas en rupture de stock.
De fait, malgré l’énorme retour de flamme, « P is for Palestine » a connu plusieurs réimpressions épuisées à chaque fois. Tout récemment, le Middle East Monitor l’a placé parmi les quatre titres qu’il recommande dans sa sélection pour le Palestine Book Award 2018. Et en ce moment, Bashi travaille sur un livre complémentaire très plaisant, « Counting Up the Olive Tree: a Palestine Number Book., illustré par Nabi H. Ali, qui apprend à compter dans le contexte de la résistance à la destruction de d’une icône emblématique de la Palestine: l’olivier.
Dans le nouveau livre, dont j’ai eu un aperçu, de jeunes joueurs de football de différents villages palestiniens doivent se réunir pour protéger « le dernier olivier » « du sinistre bûcheron. »
«S’il vous plait, ne coupez pas notre olivier, sur notre terre pas encore libre», plaident les enfants auprès du bûcheron, qui les congédie. Alors que le bûcheron se couche pour faire la sieste, les enfants en appellent d’autres à les rejoindre au moment où ils grimpent sur l’arbre. «Le joueur numéro 1 a dit au joueur numéro 2, attrape le numéro 3, qui dit au numéro 4, il faut protéger l’olivier, nous tous et quelques autres… »
Et comme tous les onze joueurs de cette équipe grimpent l’olivier, avec de petits cris de Yallah! Yallah! (vite! Vite!) ils peuvent voir «Regardez qui vient! Les joueurs de en-Nai’me (un village)!
Et tous les enfants se sont rassemblés «Gardiens et défenseurs, milieux de terrain et attaquants, ils se tiennent debout et droits». Et ces «chiffres héroïques» ont protégé l’arbre: « Nous vous défendrons et le dernier olivier, » affirment les défenseurs de la terre qui attend d’être libérée! »
Quand le bûcheron se réveille de sa sieste, il regarde les branches de l’arbre qui sont lourdement chargées, pas seulement d’olives ais de tous les jeunes enfants du village palestinien voisin.
A propos de son livre précédent, Bashi observe : «Ils ont essayé de brûler ‘P est pour la Palestine’ à New York, mais voyez la réponse mondiale à notre précieux petit livre écrit avec amour pour les enfants palestiniens et tous les autres enfants innocents du monde entier, et publié uniquement grâce à une collecte de fonds longue / modeste.» Maintenant, il y a une pression pour que paraisse “Counting up the Olive Tree.”
Beaucoup d’émotions différentes ont surgi en moi comme je regardais le livre à paraître. J’ai beaucoup apprécié le scénario édifiant, ainsi que les illustrations enjouées. «Delightful» [agréable, merveilleux] m’est apparu comme l’adjectif le plus approprié. Mais aussi, stimulant. Inspirant. J’ai adoré la présentation objective, une observation sobre et factuelle, qui tend néanmoins vers un résultat encourageant, «la terre n’est pas encore libre». Surtout, je suis reconnaissante envers Bashi, qui non seulement n’a pas cédé après la campagne haineuse lors de la publication de « P is for Palestine », mais a au contraire écrit un autre livre pour nous
Le livre à compter pour enfants devrait être disponible en janvier 2019. J’en ai pré-commandé quelques exemplaires moi-même, dans le cadre de la collecte de fonds qui rend possible cette aventure si nécessaire. Vous pouvez également le faire. Nus pourrons ainsi sauver nos oliviers, dans le pays qui sera libre un jour.
« Counting Up the Oliver Tree: a Palestine Number Book », illustré par Nabi H. Ali
Non seulement les Etats Unis ont annoncé ne plus être liés par l’accord multilatéral sur le nucléaire iranien, mais ils ont aussi précisé qu’ils imposeraient des sanctions aux entreprises, européennes ou autres, qui commercent avec l’Iran. Il faut savoir que les Etats Unis peuvent s’opposer à une vente si le produit concerné comporte des pièces de fabrication américaine ou basées sur des brevets américains. Pis, le simple fait d’utiliser le dollar US pour une transaction peut exposer aux foudres de Washington.
Cette proposition comme l’annonce du désengagement américain dont elle est le pendant et le train de nouvelles sanctions annoncées comme très dures, n’est évidemment pas de nature à apaiser les relations avec l’Iran. Ce dernier pays gère cependant avec beaucoup de sang froid le reniement américain dont nul ne sait s’il annonce une guerre à venir prochainement.
Pepe Escobar
Ce sang froid iranien, le journaliste brésilien Pepe Escobar l’attribue à l’art persan du deal, de la négociation, de la transaction, un art multimillénaire.
L’article que je vous propose parle aussi de quelque chose de plus important qui tend à échapper à l’observateur occidental. Ce quelque chose, ce sont de grands courants de pensée iqui sont nés avant et/ou se sont développés contre l’esprit des Lumières ou sans référence à l’esprit des Lumières. Des courants de pensée philosophiques et politiques vigoureux, ancrés dans la tradition, qui nourrissent l’action et la réflexion des décideurs comme des acteurs sociaux à tous les niveaux et capables d’armer idéologiquement un processus révolutionnaire.
L’iran a accueilli la Conférence Internationale de Soutien à l’Intifada Palestinienne et est resté froid devant le retrait de l’accord sur le nucléaire.
Par Pepe Escobar, Asia Times (Hong Kong) 18 mai 2018 traduit de l’anglais par Djazaïri
L’art de la transaction, pratiqué depuis 2500 ans, mène au palais de la sagesse. J’avais à peine mis les pieds à Téhéran quand un diplomate a déclaré: «Trump? Nous ne sommes pas inquiets. C’est un bazaari (un commerçant) « – sous-entendant qu’un compromis politique sera finalement atteint.
La réponse du gouvernement iranien à l’administration Trump se ramène à une variante de Sun Tzu : le silence – surtout après la chute de Flynn [Michael Flynn, ex conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump], qui avait « mis l’Iran en garde » après un test de missiles balistiques qui n’enfreignait pas les dispositions de l’accord nucléaire iranien, et l’idée d’un anti-Iran formé de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Uni, de l’Egypte et de la Jordanie, soit une mini-OTAN. Les manoeuvres navales iraniennes – du détroit d’Ormuz à l’océan Indien – étaient prévues depuis longtemps.
J’étais à Téhéran en tant que membre d’un petit groupe d’analystes étrangers, invités du Majlis (Parlement) pour la 6ème Conférence internationale de soutien à l’Intifada palestinienne. Aucun risque de rencontrer des membres du cercle de Trump dans un tel rassemblement – avec des délégués parlementaires venus de plus de 50 pays, une mini-ONU de facto. Pourtant, ce qu’ils ont raté avec l’impressionnante inauguration dans une salle de conférence ronde et bondée, c’était le centre du pouvoir iranien qui s’affichait : le guide suprême, l’ayatollah Khamenei, le président de la république Hassan Rouhani et le président du parlement, Ali Larijani.
Khamenei a admis que « les crises en cours dans chaque partie de la région et dans l’Oumma islamique méritent l’attention « , tout en soulignant que la question centrale est la Palestine. Par conséquent, la conférence pourrait devenir «un modèle pour tous les musulmans et les pays de la région pour mettre progressivement de côté leurs différences en s’appuyant sur leurs points communs.» Incidemment, la maison wahhabite des Saoud, n’était visible nulle part.
Le discours de Khamenei était un appel nécessaire à l’unité musulmane. Rares sont ceux en Occident qui savent que pendant les années 1940 et 1950, alors que la décolonisation était en marche, l’islam n’était pas déchiré par la vicieuse haine sunnite-chiite qui fut fomentée plus tard par l’axe wahhabite / salafiste-djihadiste.
Les échanges avec les analystes et les diplomates iraniens ont porté sur l’efficacité des discussions multilatérales par rapport à l’évolution des faits sur le terrain – de la construction de nouvelles colonies en Cisjordanie au mythe des deux États d’Oslo, désormais presque mort et enterré.
Sur la Palestine, le président du Parlement libanais, Nabih Berri, a présenté une sombre évaluation des trois solutions actuellement disponibles ; le suicide; l’abandon; ou fuir ce qui reste de la terre palestinienne. Plus tard dans la salle, j’ai interrogé le secrétaire général adjoint du Hezbollah, l’affable Naim Qassem, à propos de l’idée d’une solution à un Etat par l’administration Trump. Sa réponse, en français: « Un état signifie la guerre. Deux états signifient la paix dans leurs conditions, ce qui nous conduira à la guerre. «
La route vers l’ère post-Lumières
Comme pour la plupart des conférences, ce qui compte, ce sont les rencontres bilatérales. Leonid Savin a confirmé que l’espace aérien russe est désormais pratiquement sanctuarisé par de multiples déploiements du système de défense antimissile S-500 contre tout ce que les États-Unis pourraient déchaîner. L’historien albanais Olsi Jazexhi a déconstruit la nouvelle poudrière des Balkans. Muhammad Gul, fils de feu l’immense général Hamid Gul, a explicité les subtilités de la politique étrangère pakistanaise et la volonté de construire le Corridor économique sino-pakistanais (China-Pakistan Economic Corridor,CPEC).
Blake Archer Williams, connu aussi sous le nom d’Arash Darya-Bandari, dont le pseudonyme célèbre le maître anglais [le poète William Blake] du « tyger tyger burning bright« , m’a donné un exemplaire de Creedal Foundations de Waliyic Islam (Lion of Najaf Publishers) – une analyse sophistiquée de la manière dont la théologie chiite la théologie a abouti à la théorie du velayat-e faqih (la guidance juriste) qui est au cœur de la République islamique d’Iran. J’envisage d’envoyer le livre à ce lecteur vorace qu’est Steve Bannon.
Pyongyang était également présent. Le délégué nord-coréen a produit un discours étonnant, expliquant essentiellement que la Palestine devrait suivre son exemple, avec une «dissuasion nucléaire crédible». Plus tard, dans les couloirs, j’ai salué les membres de la délégation, et ils m’ont salué en retour. Aucune chance d’une bilatérale cependant pour développer les points obscurs entourant l’assassinat de Kim Jong-nam.
Chaque fois que je reviens à Téhéran, je suis impressionné par les voies ouvertes à une discussion intellectuelle sérieuse. Une fois de plus, Téhéran s’est avéré être inégalé dans toute l’Asie comme théâtre où débattre de tous les courants qui s’entrecroisent impliquant les post- ou les contre-Lumières, ou les deux.
Je repensais constamment à Jalal Al-e Ahmad, le fils d’un mollah né dans le sud pauvre de Téhéran, qui plus tard a traduit Sartre et Camus et a écrit Westoxification (1962, un livre fondateur.
Il avait passé l’été 1965 dans un séminaire à Harvard organisé par Henry Kissinger et «soutenu» par la CIA, et ne s’était tourné vers le chiisme que vers la fin de sa vie. Mais c’est son analyse qui a ouvert la voie au sociologue Ali Shariati pour croiser l’anticolonialisme avec le concept chiite de résistance contre l’injustice pour féconder une idéologie révolutionnaire apte à politiser les classes moyennes iraniennes, ce qui mènera à la révolution islamique.
Ali Shariati
Telle est la toile de fond de discussions très sérieuses sur la manière dont l’Iran (résistance contre l’injustice), la Chine (confucianisme remixé) et la Russie (eurasianisme) offrent des alternatives post-Lumières qui transcendent la démocratie libérale occidentale – un concept vidé de son sens par l’hégémonie néolibérale.
Mais à la fin, tout renvoyait inévitablement au fantôme anti-intellectuel planant sur la les lieux : Donald Trump, et c’était avant même d’avoir reçu une lettre d’Ahmadinejad.
Puis j’ai fait ce que je fais habituellement avant de quitter Téhéran; Je suis allé au bazar, en passant par une mosquée qui le jouxte – pour me refamiliariser avec l’art du deal, à la manière persane.
Ce qui m’a conduit à Mahmoud Asgari, qui habiter dans le passage Sameyi du bazar Tajrish et à une grave discussion sur les subtilités des tapis tribaux d’avant la première guerre mondiale de Zahedan dans le Sistan-Baloutchistan. Le résultat final fut – quoi d’autre – un accord gagnant-gagnant, contournant le dollar américain. Et puis, l’argument massue: « Quand vous appellerez votre ami Trump, dites-lui de venir ici et je lui offrirai le meilleur deal. » Steve Bannon, c’est un message pour vous.
Le texte que je vous propose ici est d’un intérêt certain, moins par son contenu que par son auteur.
En effet, l’auteur de cet article d’opinion est un illustre écrivain hispano-péruvien qui appartient à la même génération que Gabriel Garcia Marquez et Julio Cortazar. Comme Garcia Marquez, Vargas Llosa est lauréat du prix Nobel de la paix.
Engagé dans sa jeunesse à gauche, soutenant notamment la révolution cubaine, Mario Vargas Llosa a évolué politiquement pour se situer nettement à droite.
Mario Vargas Llosa
Pour le sujet qui nous intéresse, il faut surtout savoir que Mario Vargas Llosa a regardé et continue à regarder l’aventure coloniale sioniste d’un œil très favorable. J’ignore depuis quand l’auteur péruvien est dans ces dispositions mais j’ai l’impression que c’est ancien et que c’est probablement d’abord lié à des amitiés personnelles entretenues avec des hommes de lettres de l’entité sioniste. Mais aussi à un vieux fond colonialiste chez cet homme originaire d’une ancienne colonie espagnole mais dont je doute qu’il appartienne à la communauté indigène de son pays. Ce fond colonialiste, je le repère dans sa reprise du mythe qui, après avoir servi en Algérie, a servi et continue à servir pour l’entité sioniste, à savoir que les colons juifs ont « construit des villes modernes et des fermes modèles là où il n’y avait que des déserts ».
On se demande comment quelqu’un d’intelligent et cultivé peut, en 2018, écrire ce genre de choses et en plus en faire un argument justifiant une entreprise de dépossession.
Une autre origine de son soutien au projet sioniste est évidemment le drame de la seconde guerre mondiale. Mais là aussi, l’écrivain parle des « Juifs expulsés d’Europe après les atroces massacres des nazis ».
J’ignore d’où Mario Vargas Llosa tient cette information mais les Juifs n’ont pas été expulsés d’Europe après la fin de la deuxième guerre mondiale. Les agents sionistes allaient par contre à la rencontre des réfugiés pour de leur vendre l’idée d’un départ vers la Palestine.
On voit comment, quand la réalité des faits ne permet pas de justifier une prise de position politique, on travestit ou déforme les faits pour qu’ils puissent assurer ce rôle justificateur.
Il n’empêche que Mario Vargas Llosa se pose des questions et qu’il se demande sérieusement si le pays qu’il a soutenu, et continue de soutenir, correspond encore au projet qu’il reconnaît chez ses quelques amis à présentables qu’il lui reste dans l’entité sioniste.
Encore un petit effort, et l’écrivain appellera au boycott de l’entité sioniste.
PS: je sais que la traduction n’est pas très bonne, mais Llosa est un écrivain (de renom), pas moi.
Ce ne sont pas les Palestiniens qui représentent le plus grand danger pour l’avenir d’Israël, mais Netanyahou, ses sbires et le sang qu’ils ont versé
Par Mario Vargas Llosa, El Pais (Espagne) 20 mai 2018 traduit de l’espagnol par Djazaïri
Au moment même où Ivanka Trump, enveloppée dans une robe diaphane qui devait parler à ceux qui étaient présents, découvrait la plaque inaugurant la toute nouvelle ambassade américaine à Jérusalem, l’armée israélienne tuait par balles soixante Palestiniens et en blessait mille sept cents, qui jetaient des pierres, en essayant d’approcher les barbelés qui séparent Gaza du territoire d’Israël. Les deux événements n’ont pas coïncidé par hasard, le dernier était une conséquence du premier.
La décision du président Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, annoncée lors de sa campagne électorale, brise soixante-dix ans de neutralité [sur ce point, NdT] des États-Unis. Ces derniers, comme ses alliés en Occident, soutenaient jusqu’à présent que le statut de Jérusalem, revendiquée comme capitale par les Palestiniens et les Israéliens, devrait être décidé dans l’accord entre les deux parties en vue de la création de deux Etats existant côte à côte dans la région. Bien que la théorie des deux Etats soit encore parfois évoquée par les dirigeants des deux pays, personne ne croit que cette formule est encore possible, compte tenu de la politique expansionniste d’Israël dont les colonies de Cisjordanie dévorent les territoires et isolent un peu plus chaque jour les villes et villages qui devraient former l’État palestinien. Si cet Etat existait, il serait à l’époque actuelle à peine moins qu’une caricature des bantoustans sud-africains du temps de l’apartheid.
Le président Trump a affirmé que sa décision de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël était «réaliste» et que, au lieu d’entraver l’accord [entre les parties au conflit, NdT], elle le faciliterait. Il est possible qu’il ne l’ait pas seulement dit mais, dans sa formidable ignorance des affaires internationales auxquelles il pense quotidiennement d’une manière si irresponsable, qu’il le croie. Mais je doute que r beaucoup d’autres, à part lui et la poignée de fanatiques qui ont applaudi comme des enragés quand Ivanka a dévoilé la plaque dont Bibi Netanyahou qui, les larmes aux yeux, a hurlé : « Quel jour glorieux. » En effet, Trump a ouvert la boîte de pandore avec cette décision et, outre la confusion et la perplexité dans lesquels il a plongé ses alliés, il a provoqué en bonne partie la tuerie cruelle et stupide qui est venue s’ajouter au supplice qu’est, depuis longtemps déjà, la vie pour les malheureux habitants de Gaza.
La création des deux États coexisteraient en paix était la formule la plus sensée pour mettre fin à cette guerre larvée qui dure depuis soixante-dix ans au Moyen-Orient, et de nombreux Israéliens y ont cru pendant longtemps. Malheureusement, à l’époque d’Arafat, les Palestiniens rejetèrent un projet de paix dans lequel Israël fit des concessions notables, comme la restitution d’une grande partie des territoires occupés et l’acceptation de Jérusalem comme capitale d’Israël et de la Palestine.
Depuis lors, cet immense mouvement de l’opinion publique israélienne qui voulait la paix est allé déclinant tandis que croissait le nombre de ceux qui, comme Sharon, pensaient que la négociation était impossible et que la seule solution viendrait d’Israël seulement et serait imposée aux Palestiniens par la force. Et il y a beaucoup de gens dans le monde, comme Trump, qui le croient aussi et qui sont prêts à soutenir cette politique insensée qui ne résoudra jamais le problème et continuera à remplir le Moyen-Orient de tension, de sang et de cadavres.
Ce processus a été rendu possible un gouvernement tel que celui présidé par Netanyahu, le plus réactionnaire et arrogante qu’ait jamais eu Israël, et sûrement le moins démocratique donc convaincu de sa supériorité militaire absolue dans la région, qui harcèle sans relâche ses adversaires, vole chaque jour un peu plus de territoire et, les accusant d’être des terroristes qui mettent en péril l’existence du petit Israël, leur tire dessus et les blesse et les assassine à sa guise au moindre prétexte.
Je voudrais citer ici un article de Michelle Goldberg paru dans The New York Times du15 mai, à propos de ce qui s’est passé au Moyen-Orient et qui porte le titre de: « Un spectacle grotesque à Jérusalem ». L’article décrit en détail la concentration fantastique d’extrémistes israéliens et de fanatiques évangéliques américains venus célébrer l’ouverture de la nouvelle ambassade et la gifle que fut pour le peuple palestinien ce nouvel affront infligé par la Maison Blanche. L’auteur n’oublie pas l’intransigeance du Hamas, ni le terrorisme palestinien, mais rappelle également les conditions indescriptibles dans lesquelles les habitants de Gaza sont condamnés à vivre. Je les ai vues de mes propres yeux et je connais le degré d’abjection dans lequel survit à grand peine cette population, sans travail, sans nourriture, sans médicaments, avec des hôpitaux et des écoles en ruines, avec des bâtiments effondrés, sans eau, sans espoir, soumise à des bombardements aveugles chaque fois qu’il y a un attentat.
Mme Goldberg explique que l’image du sionisme a souffert dans l’opinion publique mondiale avec la droitisation extrême des gouvernements israéliens et qu’une partie importante de la communauté juive aux Etats-Unis ne soutient plus la politique actuelle de Netanyahu et des petits partis religieux qui lui donnent une majorité parlementaire. Je crois que cela s’applique également au reste du monde, à des millions d’hommes et de femmes qui, comme moi, ressentaient une identification à un peuple qui avait construit des villes modernes et des fermes modèles là où il n’y avait que des déserts et au sein duquel un nombre très important voulait vraiment une paix négociée avec les Palestiniens. Cet Israël n’existe malheureusement plus. Maintenant, c’est une puissance militaire, sans aucun doute, et d’une certaine manière coloniale, qui ne croit qu’en la force, surtout ces derniers temps,
Toute cette puissance ne sert pas à grand-chose si une société reste en permanence sur le qui-vive, dans l’attente de passer à l’attaque ou d’être attaquée, à s’armer chaque jour davantage parce qu’elle se sait haïe par ses voisins et même par ses propres citoyens, à exiger de sa jeunesse qu’elle passe trois ans dans l’armée pour assurer la survie du pays et continuer à gagner les guerres, et punir avec férocité et sans relâche, à ma moindre agitation ou protestation, ceux dont la seule faute est d’avoir été là, pendant des siècles quand commencèrent à arriver les Juifs expulsés d’Europe après les atroces massacres des nazis. Ce n’est pas une vie civilisée ou désirable, vivre entre deux guerres et tueries, aussi puissant et fort que soit un Etat.
Les vrais amis d’Israël ne devraient pas soutenir la politique à long terme suicidaire de Netanyahou et de sa clique. C’est une politique qui fait de ce pays, qui était aimé et respecté, un pays cruel et sans pitié pour un peuple qu’il maltraite et subjugue tout en se présentant en même temps comme une victime de l’incompréhension et du terrorisme. Ce n’est plus vrai, si ce fut jamais le cas.
J’ai beaucoup d’amis en Israël, en particulier parmi ses écrivains, et j’ai défendu à plusieurs reprises son droit à l’existence, avec des frontières sûres, et, surtout, à ce qu’il trouve un moyen pacifique de coexister avec le peuple palestinien. Je suis honoré d’avoir reçu le Prix de Jérusalem et je suis heureux de savoir qu’aucun de mes amis israéliens n’a participé au « spectacle grotesque » qui mettait en vedette l’emblématique Ivanka Trump dévoilant la plaque inaugurale, et je suis sûr qu’ils ont ressenti tout autant de tristesse et d’indignation que moi pour la tuerie sur les barbelés de Gaza. Ils représentent un Israël qui semble avoir disparu ces jours-ci. Mais espérons qu’il revienne. En leur nom et en celui de la justice, nous devons proclamer haut et fort que ce ne sont pas les Palestiniens qui représentent le plus grand danger pour l’avenir d’Israël, mais Netanyahou et ses acolytes et le sang qu’ils font couler.