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Robert Ford, celui qui voulait armer les « rebelles » en Syrie, reconnaît maintenant qu’ils ne représentent rien

19 février 2015

Dans la famille Ford, on connaît le cinéaste John Ford (un pseudonyme en réalité), l’acteur Harrisson Ford et le critique de cinéma Charles Ford.

Un nom qui semble prédestiner à exercer une activité en rapport avec le cinéma !

Et quand on n’est pas dans le cinéma spectacle, on joue aux cow-boys et aux Indiens pour de vrai en poussant à la guerre civile, ce qu’a fait avec entrain et ténacité l’ancien ambassadeur des États Unis en Syrie, un certain Robert Ford.

Robert Ford a un petit quelque chose de George W. Bush

Robert Ford a un petit quelque chose de George W. Bush

Robert Ford était en poste à Damas au moment où les premiers troubles ont agité la Syrie, Plutôt que de se contenter de rendre compte à son gouvernement de l’évolution de la situation quitte à rappeler aux autorités locales comment les États Unis concevaient un règlement politique de la crise, Robert Ford s’est immédiatement attelé à attiser les tensions et à bien faire comprendre qu’un révolution à la libyenne trouverait un entier soutien à Washington.

C’est exactement ce qui s’est passé et comme en Libye, la France et le Royaume Uni étaient chargés de jouer les utilités en tant qu’avant-garde de la communauté internationale.

Mais outre le fait que la leçon libyenne a parfaitement été retenue par le gouvernement syrien mais aussi par le gouvernement russe, les références idéologiques et les méthodes des « rebelles » n’ont pas tardé à renforcer le soutien populaire au pouvoir syrien.

L’idéologie et les méthodes sont les mêmes que celles des prétendus rebelles libyens mais comme en Libye, le régime syrien n’aurait pu être abattu que grâce à une intervention étrangère directe. Or cette dernière n’a pas été possible parce que l’armée gouvernementale ne s’est pas effondrée mais est restée au contraire motivée, et parce que la Russie comme l’Iran ont clairement fait connaître leur ferme opposition à une telle entreprise.

Les temps ont bien changé depuis 2011 et la fameuse opposition démocratique syrienne apparaît pour ce qu’elle est une nébuleuse de clients des pétromonarchies qui sont motivés surtout pas l’appât du gain. De fait, les pétromonarchies ont été très généreuses et leurs clients leur en donnent pour leur argent en matière de pillages, de destructions et de têtes coupées.

Aujourd’hui Robert Ford ne soutient plus la dotation en armes de l’opposition syrienne . Il n’a cependant pas renoncé à ses beaux projets pour la Syrie puisqu’il recommande l’envoi de soldats, pas nécessairement américains, précise-t-il.

On verra ce qu’il en sera étant donné que le parti de la guerre à Washington cherche maintenant à prendre prétexte de la force de l’Etat Islamique en Irak et au Levant pour demander une action militaire directe.

Les gens informés savent pourtant que les milices de la mouvance d’al Qaïda (et Daesh a été un moment affilié à cette organisation) ont joué un rôle prédominant très tôt dans l’histoire de la crise syrienne

Après avoir été un de ses principaux promoteurs, l’ex-ambassadeur des Etats Unis n’est plus favorable à l’armement des rebelles

par Hannah Allam, McClatchy Washington Bureau 18 février 2015 traduit de l’anglais par Djazaïri

Washington – Robert Ford a toujours été un des plus chauds partisans des rebelles syriens à Washington, se démenant à l’intérieur d’une administration réticente en faveur de l’armement de rebelles modérés triés sur le volet pour combattre le régime brutal de Bachar Assad.

Ces dernières semaines, cependant, Ford, l’ancien ambassadeur des États Unis en Syrie qui avait fait la une quand il avait quitté le service de l’Etat il y a un an en critiquant sévèrement la politique de l’administration Obama, a renoncé à son appel à fournir des armes aux rebelles. Il est au contraire devenu de plus en plus critique à leur égard, les considérant comme incohérents et indignes de confiance parce qu’ils collaborent avec les djihadistes.

Cette volte-face qui fait murmurer parmi les spécialistes de politique étrangère et les personnalités de l’opposition syrienne à Washington, est un signe supplémentaire que l’option des rebelles soi-disant modérés a fait long feu et que le choix en Syrie se réduit au régime contre les extrémistes dans une guerre qui a tué plus de 200 000 personnes et en a déplacé des millions.

Dans la foulée de réunions avec les dirigeants rebelles en Turquie, Ford a expliqué dans une interview cette semaine pourquoi sa position a évolué: Sans un commandement central fort ou même d’entente entre les acteurs régionaux pour désigner le Front al Nosra Front affilié à al Qaida comme un ennemi, dit-il, les modérés auront peu de chances de devenir une force viable, que ce soit contre Assad ou contre les extrémistes. Il a estimé la fraction restante de modérés parmi les rebelles à moins de 20 000 hommes. Ils sont incapables d’attaquer et, en ce moment, ils sont «surtout dans des batailles défensives ».

Pour faire court : ça n’a aucun intérêt d’envoyer de l’aide au camp du perdant.

« Nous devons faire face à la réalité telle qu’elle est», a déclaré Ford, qui collabore maintenant avec le Middle East Institute à Washington. «Les gens que nous avons soutenus n’ont pas été assez forts pour tenir leur terrain contre le Front al Nosra. »

Le ton de Ford sonne aujourd’hui comme celui d’une personne différente de l’optimiste qui, il y a seulement six mois, écrivait un essai de politique étrangère qui commençait ainsi: « Ne croyez pas tout ce que vous lisez dans les médias: Les rebelles modérés de la Syrie ne sont pas finis. Ils ont gagné du terrain dans plusieurs parties du pays et ont rompu publiquement à la fois avec la filiale d’Al-Qaïda qui opère sur place et avec les djihadistes de l’Etat islamique « .

Maintenant,pourtant, dans les tables rondes et dans ses conférences, Ford accuse les rebelles de collaborer avec le Front al Nosra, la branche d’al-Qaïda en Syrie que les USA ont déclaré organisation terroriste depuis plus de deux ans. Il dit que les luttes intestines de l’opposition se sont aggravées et il déplore le fait que des organisations extrémistes dominent désormais dans la plupart des territoires qui échappent au contrôle du régime syrien.

Ford affirme que le problème tient en partie à ce que que trop de rebelles – et leurs parrains en Turquie et au Qatar – ont insisté pour dire que le front al Nosra était une force anti-Assad indigène, alors qu’en fait c’était une branche d’Al-Qaïda dont l’idéologie était pratiquement indiscernable de celle de l’État islamique. L’administration Obama a déjà eu toute une série de déconvenues concernant des fournitures données aux rebelles qui se sont retrouvées entre les mains d’organisations désignées comme terroristes par les États Unis.

« Le front al Nosra est tout aussi dangereux, et pourtant ils prétendent que ce sont des gens biens, ils sont Syriens, » déclare Ford. « Le deuxième problème est que notre matériel a échoué chez eux. »

En même temps que ses appels à armer les rebelles se faisaient de plus en plus fables, Ford s’exprimait plus vigoureusement sur les relations entre les rebelles et le front al Nosra, chose que les officiels américains avaient préféré ignorer, du moins publiquement.

Lors d’un séminaire le mois dernier en présence d’un public auquel participaient des figures importantes de l’opposition syrienne avec lesquels il avait travaillé pendant des années, Ford a commencé par un préambule d’avertissement que ce qu’il allait dire était « ne serait pas populaire» parmi la partie de l’assistance appartenant à l’opposition syrienne.

Il s’est ensuite lancé dans un acte d’accusation des rebelles modérés, leur disant sans ménagement qu’ils pouvaient oublier l’aide extérieure aussi longtemps que ils continueraient à collaborer avec le front al Nosra. Il a laissé entendre que les responsables américains qui les soutenaient s’étaient lassés de devoir les couvrir auprès de l’administration et d’une opinion publique américaine qui sont sceptiques quant à une implication plus grande des États-Unis en Syrie.

« Pendant longtemps, nous avons détourné le regard pendant que le Front al Nosra et les groupes armés sur le terrain, dont certains reçoivent de l’aide de notre part, coordonnaient leurs opérations militaires contre le régime », a déclaré Ford. « Je pense que ces jours où nous regardions ailleurs sont terminés. »

La plupart des membres de l’auditoire étaient familiers avec l’historique de Ford sur le dossier syrien, et ils avaient été visiblement surpris de ces paroles de remontrances; ils le connaissaient comme un défenseur acharné des rebelles, quelqu’un qui avait mis fin à une longue carrière diplomatique il y a un an ce mois-ci avec des propos acerbes sur le refus de l’administration Obama de les armer. Ford est souvent décrit comme le premier haut fonctionnaire à s’être exprimé aussi ouvertement contre la politique américaine envers la Syrie; la Maison Blanche est toujours furieuse contre sa décision de passer outre le devoir de réserve.

Ford n’a pas assoupli sa position sur la responsabilité des États Unis dans la catastrophe syrienne – il présente toujours la politique américaine comme un « immense ratage » et «un échec singulier » – mais maintenant, il n’épargne pas aux rebelles leur part de responsabilité. Il n’est guère patient devant l’argument selon lequel ils étaient forcés de collaborer avec le front al Nosra et d’autres partenaires infréquentables à cause des promesses d’assistance non tenues par l’Occident. Il faut qu’on s’accorde, dit-il, sur le fait que al Qaïda est hors-jeu comme partenaire.

« Il devient impossible d’aligner une opposition efficace quand personne n’est d’accord sur qui ou quoi est l’ennemi, » dit-il.

Ford considère que la dernière approche américaine consistant à laisser tomber l’ancien modèle de rébellion pour construire une nouvelle force paramilitaire triée sur le volet pour se concentrer sur la lutte contre l’Etat islamique était vouée à l’échec ; les rebelles syriens sont plus motivés par la destitution d’Assad que par le combat contre les extrémistes pour le compte de l’Occident, et il y a bien trop peu de combattants pour prendre le projet au sérieux.

« L’effectif [de combattants] est encore trop réduit, » dit-il. « Que feront-ils avec 5 000 hommes ? Ou même avec 10 000 dans un an ? Qu’est-ce que ça pourra faire ? »

Le régime Assad veut de présenter lui-même comme une alternative [à al Qaïda et à Daesh], mais Ford explique que l’armée syrienne a été très affaiblie et qu’il est douteux que le régime puisse mener une campagne victorieuse contre les extrémistes. Et puis il y a les retombées politiques et morales qui découleraient d’une détente des relatiosns de l’Amérique avec un homme que des dirigeants américains décrivent depuis 2011 comme un boucher qui a perdu toute légitimité à gouverner.

Ford affirme que le moment est venu pour les dirigeants américains et leurs alliés d’avoir une discussion sérieuse sur l’envoi de « troupes sur le terrain, » tout en ajoutant aussitôt que ces combattants ne doivent pas être forcément américains. Il considère que seule une force terrestre professionnelle peut débarrasser la Syrie des djihadistes.

Et toute action parallèle pour bâtir un mouvement rebelle local devrait se faire de manière rationnelle à travers un commandement central et un canal hiérarchique syrien, dit-il. Les partenaires internationaux, déclare Ford, doivent renoncer au cadre de fonctionnement « insensé » actuel dans lequel chaque puissance régionale financent dans l’anarchie un écheveau d’organisations clientes qui, dit-il, serait du plus haut comique si les conséquences n’en étaient pas si tragiques.

Et si cette démarche ne peut pas être mise en place, déclare l’homme connu pour plaider en faveur d’une plus grande implication des États Unis, « alors nous n’avons plus qu’à nous retirer et dire que nous ne pouvons rien faire pour la Syrie. »

Le Hezbollah et les enjeux libanais et régionaux de la guerre contre la Syrie

23 mars 2013

La crise syrienne a sans doute connu un tournant avec l’élection du premier ministre d’un gouvernement provisoire d’opposition.

Cette élection a été le moment d’un bras de fer entre l’Arabie Saoudite et le Qatar, ce dernier émirat l’ayant emporté, obtenant l’élection de son candidat, le syro-américain Ghassan Hitto (plus Texan que Frère Musulman selon l’ex ambassadeur US en Syrie, Robert Ford).

Cette victoire du Qatar est aussi celle de la Turquie, proche de cette pétromonarchie et  elle sonne peut-être la fin de tout espoir d’une issue négociée au conflit, et même de tout espoir de sortie du conflit à bref ou moyen terme.

Comme vous l’aurez compris, il ne faut pas se laisser abuser par le mot élection : les [grands] électeurs qui ont choisi le premier ministre n’ont eux-mêmes aucune légitimité élective et le résultat du scrutin est avant tout celui des pressions exercées par des puissances étrangères, la «mieux disante» étant la monarchie du Qatar.

Ce qui se passe aujourd’hui en Syrie n’a rien à voir avec une lutte pour la démocratie : dans leurs paroles, comme dans leurs actes les mouvements réunis dans le Conseil National Syrien et la Coalition sont en réalité encore moins démocratiques que le régime en place. Ce qui les distingue vraiment du régime est la tonalité sectaire de leur discours et leur agressivité vis-à-vis de ceux qu’ils considèrent comme des hérétiques.

Il y a eu certes une vraie exigence de démocratisation du système politique en Syrie, mais les porteurs de cette revendication ont été contraints au quasi mutisme, pas par la répression des autorités mais par la situation de guerre étrangère imposée au pays.

Alors, si l’objet des affrontements n’est pas la démocratie, de quoi s’agit-il ? 

L’objet du conflit est en réalité d’en finir avec non seulement le régime syrien, mais surtout avec une Syrie qui reste le dernier obstacle avec le Hezbollah libanais à une normalisation avec l’entité sioniste.Ne vient-on pas en effet de voir que, après bien des rodomontades, le gouvernement turc est rentré dans le rang suite aux excuses de Benjamin Netanyahou pour les victimes  turques du Mavi Marmara. Mieux, Recep Tayyip Erdogan, le premier ministre Turc a

souligné son attachement à « l’amitié solide et à la coopération vieilles de plusieurs siècles entre les peuples turc et juif ».

N’a-t-on a pas vu qu’un autre «islamiste» fort en paroles, l’Egyptien Mohamed Morsi, membres des Fréres Musulmans de son état, a choisi d’appliquer scrupuleusement ce qui est exigé de lui par Barack Obama et continuer donc à participer au blocus de la bande de Gaza?

Liquider le régime syrien, c’est aussi préparer l’élimination du Hezbollah, une élimination que d’aucuns voudraient précipiter en étendant le conflit syrien au Liban au prétexte de l’implication des miliciens du Hezbollah aux côtés des forces régulières syriennes. 

C’est cet aspect de la crise en Syrie qu’examine Ibrahim al-Amin dans les colonnes d’al Akhbar, un organe de presse libanais.

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Ibrahim al Amin, rédacteur en chef d’Al-Akhbar

Al Akhbar se situe politiquement à gauche et ne peut en aucun cas être considéré comme proche idéologiquement du Hezbollah.

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Ernest Khoury dans son bureau d’Al Akhbar, sous le regard vigilant de Lénine et Karl Marx

 

 Le rôle du Hezbollah en Syrie

Par Ibrahim al-Amin, Al Akhbar (Liban) 22 mars 2013, traduit de l’anglais par Djazaïri

On parle et on spécule beaucoup depuis un certain temps au Liban, en Syrie et dans le monde arabe et en Occident sur le véritable rôle du Hezbollah dans la crise syrienne. La machine de propagande anti-Hezbollah est, comme d’habitude, particulièrement active, offrant au quotidien un flot d’informations et d’articles sur l’implication supposée de ce parti dans le conflit.

Cette machine de propagande – avec ses opérateurs Libanais, Syriens et autres – a annoncé la mort de centaines de miliciens du Hezbollah en Syrie et la capture de dizaines d’entre eux par les rebelles Syriens. Un service de sécurité officiel de Beyrouth joue un rôle central sur ce front en assurant la fuite d’informations factuelles sur lesquelles on brode ensuite. Ces gens croient qu’un tel déluge est un moyen efficace de susciter autant de rancœur que possible contre le Hezbollah dans l’opinion publique.

Le Hezbollah n’a, pour sa part, pas propose plus de précisions que ce qu’a déclaré son secrétaire général Nasrallah sur l’assistance apportée par le parti à ses sympathisants Libanais qui résident dans des villages à l’intérieur de la Syrie, mais a cependant répété que le Hezbollah n’avait pas pour l’instant participé aux combats en Syrie.

Une stratégie délibérée de provocation et d’exagération est employée contre le Hezbollah par des services de renseignements de la région et de l’étranger, y compris ceux d’Israël. Maisl a question centrale était, et demeure, est de comprendre la place du Hezbollah dans une crise syrienne qui entre dans sa troisième année. Ces services savent beaucoup de choses sur ce qui se passe sur le terrain en ce qui concerne les combats entre les forces du régime et celles de l’opposition. Ils connaissent les capacités des deux camps et exercent une surveillance continue de toutes les actions de soutien au régime, y compris par le Hezbollah.

Mais pour les autres, il est sans doute nécessaire de clarifier la perspective à partir de laquelle le Hezbollah fonde son attitude par rapport à la crise syrienne. Ce qui pourrait en aider beaucoup à comprendre les soubassements idéologiques, politiques et opérationnels de sa position.

Le Hezbollah continue à voir les choses à partir de la perspective de son rôle central dans la confrontation avec Israël. Il ne donne sans doute pas souvent de détails sur l‘objectif ultime de cette lutte, mais le parti se comporte comme s’il était partie prenante d’une campagne au long cours pour se débarrasser d’Israël, une bataille qui nécessite beaucoup de préparation. Si l’idée d’être débarrassé d’Israël ne dérangerait pas une majorité des peuples arabes et islamiques, seule une minorité est prête à mener ce combat jusqu’au bout.

Une minorité parmi les réticents pense qu’un tel discours est fou ou illusoire et ne peut en aucun cas influer sur le cours de l’histoire. Cette minorité influente ne voit aucune nécessité pour une lutte de ce genre. Elle perçoit en conséquence le Hezbollah comme une bande de cinglés qui non seulement mettent en danger leur peuple et eux-mêmes mais aussi les intérêts des peuples de la région. Cette minorité se retrouve donc dans une alliance, formalisée ou non, avec les véritables ennemis du Hezbollah, à savoir Israël, les Etats Unis et certaines capitales arabes et occidentales.

L’engagement du Hezbollah dans la résistance contre l’occupation l’oblige à faire beaucoup de choses comme éviter de se faire d’autres ennemis. Sa position sur la Syrie est cohérente avec son attitude à l’égard des mouvements de contestation dans l’ensemble du monde arabe.

Dès le début, personne n’aurait pu imaginer voir le Hezbollah prendre position contre le régime syrien. Si le parti n’ignore pas les causes internes de la crise, il n’admet pas les affrontements en cours. Son regard sur la situation d’ensemble l’empêche d’adopter une position de neutralité, tout comme le fait qu’il a un suivi plus clair et fiable de ce qui se passe en Syrie comparativement à beaucoup des organisations impliquées dans les combats.

Le Hezbollah a averti très tôt sur les liens avec l’étranger et les agendas des organisations à la tête de la contestation. Il avait des preuves claires sur les tendances idéologiques de certaines des plus influentes de ces organisations. Il avait observé comment, dès le début de la contestation, des manifestants à Deraa et à Homs avaient brûlé des portraits de Nasrallah et des drapeaux du Hezbollah, et comment la campagne d’incitation à la haine religieuse contre le parti avait été lancée à fond.

C’était avant que le parti ait dit quoi que ce soit sur les développements en Syrie – en fait, alors même qu’il était en train d’œuvrer avec divers mouvements islamistes arabes, dont le Hamas, à essayer de nouer des contacts dans le but d’éviter d’arriver à la catastrophe actuelle.

Le point de vue du Hezbollah, pour dire les choses simplement, est que la guerre en Syrie a pour but de faire évoluer politiquement et stratégiquement ce pays vers une position d’opposition à l’existence du Hezbollah. Ce qui lui fait voir le régime actuel dirigé par Bachar al-Assad comme une ligne avancée de défense du mouvement de résistance au Liban et en Palestine. Ce qui, à soi seul, place le parti au cœur de la crise.

On s’est pose beaucoup de questions et on a dit beaucoup de choses sur le rôle que joue le Hezbollah en Syrie. Ses détracteurs disent qu’il est fortement engagé dans les opérations militaires en cours. Les données du problème n’ont pas besoin de longues explications :

– le Hezbollah entraîne, arme et apporte un soutien logistique conséquent aux Libanais qui vivent dans les villages frontaliers.

– Le Hezbollah est chargé de la protection du mausolée de Sayida Zeinab dans le secteur sud de Damas depuis le départ de ses gardiens Irakiens. Sur place, les membres du parti sont déployés selon un plan qui limite leur responsabilité aux abords immédiats du sanctuaire.

– le Hezbollah a reçu des délégations de nombreuses organisations druzes, chrétiennes, chiites et ismaéliennes qui avaient le sentiment que leurs communautés minoritaires étaient gravement menacées. Il n’a pas satisfait à leurs demandes d’armement et de formation militaire, mais leur a donné les moyens d’éviter d’être déplacés.

– Le Hezbollah, qui a des liens sécuritaires et militaires avec le régime, aide les forces syriennes en protégeant les institutions scientifiques et les usines de missiles qui ont été construites ces dix dernières années en grande partie avec l’aide de l’Iran.

– Le Hezbollah a un important programme, peut-être le plus important, d’aide aux réfugiés Syriens au Liban et même à l’intérieur de la Syrie. Ce programme n’a pas pour but de remercier les Syriens pour avoir accueilli des réfugiés du Liban en 2006. Ce programme est exécuté dans la discrétion sur la base de la conviction que les réfugiés et les personnes déplacées ont droit à toute l’aide humanitaire possible quelles que soient leurs opinions politiques.

Les attitudes à l’égard du Hezbollah sont liées à toutes sortes de calculs. Certains font cependant tout ce qu’ils peuvent non seulement pour entraîner le parti dans la crise syrienne mais aussi dans un affrontement semblable au Liban. Le parti en est conscient. Il semble être en train de discuter des modalités d’une action visant à apaiser les tensions sectaires, même si ses dirigeants craignent de nouvelles effusions de sang avant l’aboutissement de ces discussions.

Les images de Syrie supposées montrer le résultat des bombardements par l’armée syrienne montrent en réalité les destructions commises par l’opposition

16 février 2012

Nous avons déjà croisé Sharmine Narwani sur ce blog. C’était à l’occasion d’un papier où elle s’intéressait au discours politico-médiatique sur la Syrie.

Le texte que je vous propose est une analyse serrée d’images présentées sur la chaîne de télévision américaine CNN et supposées apporter la preuve de la réalité des bombardements de zones urbaines par l’artillerie lourde syrienne. Les images montrent en effet des immeubles détruits ou endommagés ainsi que des cratères d’impact dans des rues où il n’y a plus aucune circulation automobile.

Le problème, ainsi que le démontre Sharmine Narwani qui nous donne tous les éléments pour contrôler son raisonnement, c’est que les zones dévastées ne sont pas celles tenues par les forces d’opposition mais au contraire les quartiers réputés fidèles au gouvernement.

 

Tromperie high-tech à Homs?

par Sharmine Narwani , Alakhabr (Liban) 14 février 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Ce qui avait sûrement été conçu pour présenter de manière élaborée des documents visuels adaptés aux media afin d’illustrer la violence du régime syrien à Homs a au contraire soulevé plus de questions qu’apporté de réponses.

[Sharmine Narwani évoque les photos satellite postées par l’ambassadeur US en Syrie Robert Ford et pat le Département d’Etat ; je vous ai présenté ce dossier ici]

Les affirmations discutables de l’ambassadeur US ne se limitent cependant pas aux images satellite. Dans son post sur Facebook, Ford note avec insistance ; « Il n’y a aucune preuve que l’opposition – même ces membres de l’opposition qui ont fait défection de l’armée – dispose ou s’est servi  de telles armes lourdes ».  Il entend par là «l’artillerie» utilisée pour « pilonner de loin des immeubles d’habitation et des maisons. »

Mais alors pourquoi  y-a-t-il des preuves photographiques de destructions dans des secteurs alaouites favorable au régime?

Passons tout de suite au journaliste vedette de CNN, Jonathan King, qui a présenté des images satellite de Homs le 9 février, la veille de la diffusion par le Département d’Etat de ses propres images sur le web. Les images de Homs présentées par King sont datées du 5 février, deux jours après le début de la flambée de violence dans cette ville, qui se concentre fortement sur le quartier de Baba Amr où les combattants de l’opposition sont censés être présents :

La présentation par King des «bombardements, des incendies et des dégâts» à Homs montre des destructions du bâti cohérentes avec l’usage d’armes lourdes : « C’est comme une ville fantôme – pas une seule voiture, il y a des dégâts sur les routes et énormément de dégâts sur les toits des immeubles.»

Zoomant sur trois différentes parties du même quartier d’Homs pour montrer des images d’avant et après les destructions, King a expliqué : « Bous ne sommes bien sûr pas sur place, mais ces images satellite très précises tendent à étayer les récits des militants selon lesquels il y a beaucoup de bombardements et des combats en cours dans la ville, ainsi que de nombreux incendies.» 

Il n’y a qu’un problème avec ce qu’il dit. La plupart des supposés combats, bombardements, destructions et tueries rapportés largement par la presse internationale se sont déroulés dans le quartier de Baba Amr à Homs, qui se trouve au sud-ouest de la ville et est un bastion de l’opposition au régime.

Mais les trois images satellite montrées par King ont été prises dans le quartier al-Zahra, une zone favorable au régime peuplée principalement d’Alaouites qui appartiennent à la même secte musulmane minoritaire que le président Syrien Bachar al-Assad.

Voilà une révélation stupéfiante. Des civils pro régime à Homs et dans d’autres coins de la Syrie se plaignent depuis des mois maintenant d’agressions, d’enlèvements et d’assassinats perpétrés par des groups armés d’opposition, sans recevoir beaucoup d’attention de la part des media étrangers.

Et elle remet complètement en cause l’affirmation de Ford selon laquelle : «Il n’y a aucune preuve que l’opposition…dispose ou s’est servi  de telles armes lourdes»

Voyons certaines captures d’écran de la présentation par CNN et comparons là à des images de Google Maps.  La première capture est celle où King désigne les trois zones en  surbrillance verte concernées par les destructions à Homs :

Les images satellite de CNN ont été présentées à l’écran avec un basculement de 90° dans le sens des aiguilles d’une montre ; dans la capture qui suit, nous avons orienté leurs images  pour que le nord se trouve en haut pour faciliter la comparaison avec nos images qui sont au format habituel nord sud. Ce qui simplifiera les choses pour les lecteurs qui se sentiront obligés de faire leur propre recherche internet sur le secteur considéré.

Quand on zoome sur un secteur en surbrillance où ont eu lieu des destructions, vous pouvez constater que les deux photos – celle de CNN et la nôtre – correspondent exactement. Au nord d’une route qui passe à l’horizontale se trouve un périmètre avec un grand arbre à sa limite gauche. Au sud de cette même route, des constructions sont positionnées à un angle diagonal distinct. Cette zone se trouve dans le quartier al-Zahra d’Homs. 

La capture d’écran qui suit est un zoom qui vous permet de voir l’emplacement des trois secteurs touchés par des destructions qui ont été présentés par CNN  – tous trois se trouvent clairement à l’intérieur du quartier d’al-Zahra qui est délimité par un cercle rouge.  En bas à gauche de l’image, se trouve un lieu circulaire que nous avons inclus afin d’aider les lecteurs à repérer l’emplacement d’al-Zahra au milieu des autres quartiers de Homs. C’est là qu’est située la citadelle de Homs. 

La dernière capture d’écran représente Homs dans son ensemble, ce qui permet de coir la distance entre Bab Amr (cercle bleu) à gauche de l’image, et al-Zahra à droite. La citadelle de la capture précédente se trouve entre les deux quartiers.

Une image ne vaut plus mieux qu’un long discours

Des photos et des vidéos montrant des scènes de violence n’ont cessé de nous parvenir d’Homs depuis les premières informations sur les violents combats à partir du 3 février. Il est difficile d’en tirer des conclusions parce que nous n’avons pas assez d’informations dans les images ou les vidéos pour confirmer l’origine des tirs ou des bombardements. Les images satellite postées par le Département d’Etat le 6 février – d’après le blog Moon of Alabama – ne montrent en réalité pas l’armée syrienne engagée dans une bataille ainsi que le donne à comprendre l’ambassadeur Ford quand il soutient que :

“Des photos satellite ont saisi à la fois le carnage et ceux qui l’ont provoqué – l’artillerie est clairement sur place, il est évident qu’elle bombarde des quartiers entiers.”

Mais sa déclaration sur l’incapacité de l’opposition à frapper à distance faute d’armement adéquat est maintenant sujette à caution compte tenu des images de CNN où on voit des bâtiments endommagés et des « cratères d’impact » sur la route – pourtant, même cela n’est pas concluant de manière définitive.

Si vous ne faites plus confiance à une photo, que dire d’allégations du genre de celles énoncées par Ford? Une des quelques vidéos que je trouve crédibles – parce qu’on y voit la mort  non contestée d’une personne «connue» – est la séquence concernant Gilles Jacquier, le cameraman de France 2 tué alors qu’il participait à une visite à Homs sous les auspices du gouvernement. Jacquier a été tué dans le quartier favorable au régime d’Akrama, qui abrite essentiellement un mélange d’Alaouites et de Chrétiens venus à l’origine de zones rurales. Le journaliste pro-opposition Omar Idlibi avait une fois surnommé ce quartier «le château du régime.»

Tandis que des informations contradictoires circulaient sur l’origine du projectile qui a étué jacquier et huit autres personnes ce jour là, les observateurs de la Ligue Arabe sur le terrain en Syrie ont enquêté et conclu ainsi : « les informations de la mission à Homs indiquent que le journaliste Fraçais a été tué par des obus de mortier de l’opposition. »

La Syrie a détruit en moi toute confiance en des images auxquelles j’accordais foi auparavant. Les deux parties au conflit manipulent les documents visuels pour faire de la propagande en fonction de leurs objectifs politiques. Le problème posé est que de nombreux récits authentiques sont maintenant déconsidérés du fait du scepticisme de lecteurs comme moi-même.

Les gouvernements et les media mis devant leurs responsabilités pour leur complicité dans la dissémination de fausses informations. Des vies humaines sont en jeu, après tout – ces mêmes vies qui sont la cause de leur lamentable «indignation».

Les opprimés et les chômeurs d’Arabie Saoudite n’ont pas le droit de se révolter

8 octobre 2011

L’Arabie Saoudite connaît une certaine agitation politique. Il est ce bon ton cependant, comme dans le cas des troubles au Bahreïn de ramener les problèmes à une dimension religieuse, en l’occurrence à une fracture chiites- sunnites.

La parisien Libéré titre ainsi, Arabie : poussée de violence chiite , l’Iran montré du doigt.

En quelques mots, le problème et son analyse. Quand on pense que le gouvernement syrien se fait tancer quand il pointe la main de l’étranger derrière les troubles qui secouent ce pays !

On évacue ainsi le politique et le social. Alors que, quand on considère la situation en Arabie Saoudite, si la minorité chiite est effectivement particulièrement mal lotie, il convient de ne pas oublier que l’Arabie est un pays où il n’existe aucune liberté publique, pas même celle, peut-être superflue mais hautement symbolique, d’avoir un téléphone capable de prendre des photos/vidéos, que les femmes n’ont pas le droit de conduire une voiture et que le taux de chômage des personnes âgées entre 18 et 40 ans tourne autour de 50 %.

Le royaume a donc lui aussi ses «hittistes» (teneurs de murs forcés à l’oisiveté), un échec d’autant plus criant que le pays croule sous les pétrodollars et qui aide à comprendre le mécontentement d’une partie de la population qui déborde la composante chiite.

Mais l’Arabie est la clef pas seulement des approvisionnements en pétrole des Etats Unis et d’autres pays, mais surtout de la régulation des prix de cette matière première.

C’est pourquoi, vous ne verrez pas un ambassadeur des Etats Unis (ou de France) s’embarquer dans une démarche de prise de contact et d’encouragement des opposants à la monarchie saoudienne. Angry Arab fait un lien vers un article d’opinion de David Ignatius publié par le Washington Post où ce dernier fait l’éloge de Robert Ford,  l’ambassadeur US à Damas, pour son rôle de conseil auprès de l’opposition syrienne.

Angry Arab se pose à bon droit la question de savoir si l’ambassadeur des Etats Unis à Ryad va lui aussi avoir l’ordre de ses supérieurs d’aller conseiller ceux qui manifestent contre la monarchie absolue qui gouverne l’Arabie Saoudite ?

Au risque, comme Robert Ford de se fairebombarder de tomates et d’œufs par des terroristes stipendiés par le gouvernement ?

Il ne le fera pas car, comme le Parisien Libéré l’é écrit, c’est une agitation chiite manipulée par l’Iran.


Une question qu’Angry Arab ne pose pas est celle de savoir pourquoi le gouvernement syrien n’a pas demandé le rappel de l’ambassadeur par Washington ou ne l’a pas simplement expulsé?

Or, c’est peut-être la seule question qui vaille.


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