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De la guerre à la guerre: l’absence de volonté de stopper la montée en puissance du nazisme

14 novembre 2021

L’histoire et une discipline en évolution comme toutes les disciplines scientifiques ainsi qu’en témoignent ces notes de lecture d’un ouvrage d’historien relatif à la genèse de la seconde guerre mondiale.

Ainsi que le montre l’historien britannique Jonathan Haslam, les germes de la seconde guerre mondiale étaient présents avant la fin de la première et peuvent être datés de la révolution communiste en Russie.

Haslam rappelle qu’avant même la fin de la première guerre mondiale, les «alliés» avaient attaqué militairement la Russie soviétique et il donne notamment l’exemple du débarquement de soldats anglais à Mourmansk en juillet 1918 qui, prétextant la prise en tenaille des forces allemandes visaient en réalité les forces communistes.

Comme on le sait, la résistance militaire à la révolution communiste dura jusqu’en 1922 avec par moments un soutien direct des troupes britanniques, françaises, belges etc.

C’est cette étape de l’histoire de la république soviétique qui fut déterminante pour Haslam puisqu’elle a amené les autorités de Moscou à se rapprocher de la république de Weimar qui était, comme il le dit, l’autre paria du continent européen.

Un autre aspect qui a joué un rôle important a été l’hostilité du Komintern à toute alliance entre communistes allemands et socio-démocrates. Or une telle alliance aurait pu empêcher l’arrivée au pouvoir d’Hitler.

Enfin, ce point est bien connu généralement, l’hostilité des dirigeants français ou britanniques à l’égard du communisme était bien plus forte que celle qu’ils éprouvaient à l’égard du régime nazi quand ils ne trouvaient pas ce dernier tout à fait fréquentable.

La leçon à tirer de ce travail est qu’il ne faut pas seulement s’intéresser aux processus politiques mais aussi aux intentions qui orientent l’action politique, intentions qui demandent à être explicitées par l’historient aussi bien dans leur définition originale que dans leurs évolutions et leurs effets imprévus et/ou imprévisibles.

Comment la peur du communisme a conduit à l’ascension d’Hitler, du nazisme et à la Seconde Guerre mondiale

Le livre de Jonathan Haslam est un correctif mais aussi une critique de la pratique de l’histoire des relations internationales.

Par Rudrangshu Mukherjee, The Wire (Inde) 5 novembre 2021 traduit de l’anglais par Djazaïri

En 1848, dans l’inoubliable première ligne du Manifeste communiste, Karl Marx écrivait : « Un spectre hante l’Europe – le spectre du communisme.»  Ce même spectre était revenu hanter l’Europe dans la période de l’entre-deux guerres.

Le livre merveilleux de Jonathan Haslam, «Le spectre de la guerre» – fruit de recherches minutieuses dans diverses archives à travers le monde et analytiquement provocateur – étudie comment le triomphe de la révolution bolchevique en Russie et la propagation de l’idée d’une révolution internationale par Lénine et Trotsky ont eu un impact impact profond sur les décideurs politiques dans les chancelleries européennes. Sans une compréhension de cette dimension, toute analyse de la façon dont les puissances occidentales considéraient l’ascension vers le pouvoir d’Hitler et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale serait, selon Haslam, incomplète et appauvrie.

Le livre de Haslam est à un certain niveau un correctif, mais à d’autres niveaux, il fournit également de nombreux faits et idées originaux, et il fait également une critique de la manière dont l’histoire des relations internationales est pratiquée.

Le récit rompt avec le cadre chronologique conventionnel consistant à placer la Seconde Guerre mondiale dans le contexte de ce qui s’est passé dans les années 1930. Il commence au lendemain de la Première Guerre mondiale et de la révolution en Russie. Cette dernière était inextricablement liée au sort de la Russie tsariste au cours de la grande guerre.

La Première Guerre mondiale a bouleversé le système des relations internationales tel qu’il existait jusqu’au déclenchement du conflit. Le triomphe des bolchéviques a ajouté une nouvelle dimension. Le mouvement communiste avait toujours propagé l’idée que la révolution communiste serait mondiale – « Travailleurs de tous les pays,s unissez-vous!» était son cri de ralliement. La direction bolchevique qui suivait cette ligne idéologique était attachée à l’idée que la révolution en Russie ne serait pas et ne pourrait pas être un phénomène historique isolé. Ce serait le premier pas vers des révolutions qui balayeraient le capitalisme et toutes ses manifestations – empire et colonies – partout dans le monde.

De plus, les bolchéviques croyaient que le succès dans la durée de la révolution en Russie reposait sur la révolution en Allemagne qu’ils croyaient imminente. Une révolution mondiale était donc intrinsèque à l’idéologie du communisme et faisait donc partie intégrante de la politique et de la propagande bolcheviques. Ils créèrent le Komintern comme instrument pour faire avancer l’agenda d’une révolution mondiale.

Les décideurs politiques et les faiseurs d’opinion en Europe avaient compris le danger posé par la révolution en Russie presque dès ses débuts. Dès 1919, le Times de Londres lançait un appel aux puissances occidentales pour qu’elles affrontent le « danger de l’impérialisme bolcheviste ». Il y eut, cependant, des actions plus concrètes pour contrecarrer l’avancée de la révolution.

Haslam écrit : « Des troupes britanniques débarquèrent à Mourmansk, un port libre de glace sur la mer de Barents, fin juillet [1918]. En apparence, ces forces avaient été envoyées pour repousser les Allemands. Mais leur objectif réel devint vite évident. Au lieu de marcher vers l’ouest jusqu’aux positions allemandes en Finlande, elles marchèrent vers le sud pour attaquer les soldats de la révolution à Petrograd  [aujourd’hui Saint Petersbourg, NdT ]. Ce fut le premier acte de la guerre d’intervention alliée qui commençait, une guerre non déclarée qui pendant 18 mois fut justifiée par les alliés avec des arguments de plus en plus invraisemblables et contradictoires. Cette guerre a englouti le régime révolutionnaire et a servi de base à la répression impitoyable exercée par Lénine et Trotsky contre les forces de la contre-révolution, au démantèlement des conseils ouvriers, à de sévères restrictions des libertés et au déclenchement de la Terreur rouge.

Au cœur de l’Europe, le projet d’une révolution internationale n’avançait pas. En Allemagne, les tentatives d’insurrection  échouèrent ; les forces de gauche étaient divisées entre les communistes et les sociaux-démocrates ; et ce qui était pire, comme le révèle Haslam, le gouvernement bolchevique négociait secrètement avec celui de Weimar sur le commerce et le réarmement de la Russie. (Pour des raisons de realpolitik , le régime d’idéologie bolchevique   était prêt à ignorer le fait que le gouvernement de Weimar avait réprimé l’insurrection spartakiste et le soulèvement de Munich en utilisant les pires éléments des corps francs qui avaient assassiné des dirigeants communistes comme Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht.)

Les deux parias de l’Europe – l’Allemagne et la Russie – s’étaient ainsi rapprochés. En Italie, la révolution avait échoué et  conduit à la montée en puissance de Mussolini et du fascisme. L’Europe chancelait au bord de l’incertitude et de l’inattendu. L’approche communément admise dans les cercles de pouvoir à Washington, Londres et Paris était que le bolchevisme devait être contenu et qu’on ne pouvait pas permettre un effondrement de l’Allemagne. L’étroite coopération militaire entre Moscou et Berlin était censée être secrète mais des rumeurs à son sujet circulaient. Ces rumeurs rendaient les Britanniques soucieux de reconquérir les sympathies allemandes « presque à n’importe quel prix ».

L’état d’esprit dominant a été résumé ainsi par Alexander Cadogan, sous-secrétaire permanent au ministère des Affaires étrangères : « Certains oublient les années, disons 1920-26, où le seul danger était le ‘bolchevisme’. Dans ces circonstances, l’inattendu incarné par Adolf Hitler était apparu comme une force puissante.

Hitler et le Nazisme

Alors que la perspective d’une révolution européenne s’éloignait, les bolcheviks tournèrent leur attention vers l’Asie, ce qui signifiait s’intéresser aux colonies de l’Empire britannique. Trotsky avait affirmé que « la route vers Paris et Londres passe par l’Afghanistan, le Pendjab et le Bengale». L’Inde était devenue le terrain principal de l’activité révolutionnaire menée sous les auspices du Komintern qui, comme Lénine le soutenait avec candeur, était distinct du gouvernement russe. Toute l’étendue de l’implication du Komintern dans les révolutions à l’Est a été révélée aux Britanniques d’une manière extraordinaire.

En avril 1927, avec la connivence du corps diplomatique, les troupes de Chang Tso-lin, le seigneur de la guerre du nord, effectuèrent un raid contre l’ambassade soviétique à Pékin. Ce faisant, ellse découvrirent quantité de preuves de l’implication de Moscou, y compris financière, dans l’incitation à la révolution dans les colonies britanniques. Ceci, combiné à la grève générale de 1926,  donna à l’anticommunisme en Grande-Bretagne « une force vitale qui lui était propre ».

Harold Nicolson l’a clairement expliqué dans un document ministériel : « … le problème russe est pour le moment asiatique plutôt qu’européen… elle [la Russie] est suspendue comme un nuage d’orage à l’horizon oriental de l’Europe – imminente, impondérable… elle est en fait la plus menaçante de nos incertitudes.»

La méfiance à l’égard de l’Union soviétique au sein de l’establishment britannique était viscérale.

Au sein de l’Union soviétique, après la mort de Lénine en 1924, le pouvoir politique s’est concentré entre les mains de Staline qui, contrairement à Lénine et Trotsky, était convaincu que la construction du socialisme dans un seul pays était non seulement possible, mais devait également être la priorité absolue de l’Union soviétique.  Il élimina toute opposition au sein du parti et s’engagea dans une politique de collectivisation forcée de l’agriculture et de plans quinquennaux d’industrialisation.

Staline, Lénine et Trotsky

Cela ne veut pas dire que Staline avait supprimé le Komintern. Haslam note que la victoire du Parti travailliste (en coalition avec le Parti libéral) aux élections législatives britanniques de mai 1929 avait été en partie rendue possible par une subvention soviétique secrète. Staline avait également rendu impossible toute alliance entre le Parti communiste allemand et les sociaux-démocrates en qualifiant ces derniers de « socio-fascistes ». La division de la gauche eut des conséquences inquiétantes. L’influence et les positions électorales de la gauche diminuèrent, ce qui a permis à un régime autoritaire sous Heinrich Bruning de gouverner par décret d’urgence, ouvrant ainsi la voie à l’accession d’Hitler au pouvoir et à ce qui s’ensuivit.

Les décideurs politiques britanniques se trouvèrent confrontés à un paradoxe. D’un côté, il y avait la Russie soviétique, « un pays aux capacités militaires offensives manifestement faibles » et de l’autre l’Allemagne nazie, « un État armé jusqu’aux dents et à la rhétorique belliqueuse ». Les décideurs politiques choisirent cette dernière de préférence à l’Union soviétique dont la puissante idéologie menaçait tout ce que les classes dirigeantes de Grande-Bretagne considéraient comme précieux et « civilisé ».

Hitler et le nazisme n’étaient pas très agréables mais plus acceptables parce que les classes dirigeantes britanniques croyaient partager avec Hitler certaines croyances fondamentales. Du moins, il était moins menaçant. Selon les mots de Haslam, « … au lieu de s’inquiéter du fascisme, l’élite britannique s’inquiétait davantage de ce qui ne le remplacerait probablement pas – le communisme – si le fascisme était déstabilisé et renversé ». Qu’étaient les classes dirigeantes de Grande-Bretagne ? « Les chevaliers du royaume », les appelle Haslam, scolarisés dans de prestigieuses  écoles privées et dans les facultés d’Oxford et de Cambridge

L’un de ces chevaliers – Nevile Henderson, ambassadeur à Berlin – avait fait remarquer que « la Grande-Bretagne ne devrait pas être considérée comme une démocratie mais comme une aristocratie ». Il en était. Si la bataille de Waterloo, comme l’avait déclaré de manière inoubliable Wellington, a été gagnée sur les terrains de jeu d’Eton, les mêmes terrains de jeu ont rendu possible le succès d’Hitler et l’holocauste qui a suivi.

Un motif sous-jacent de cette préférence était l’hypothèse qu’Hitler était un leader raisonnable avec des objectifs et des ambitions limités qui pourraient être contenus en temps voulu par des concessions territoriales. En revanche, les aspirations du communisme étaient mondiales. Robert Hadlow, alors premier secrétaire à l’ambassade à Vienne, avait affirmé avec une grande clarté qu’affaiblir Hitler aurait pour résultat  une Allemagne communiste « dirigée par des hommes totalement déraisonnables – ce que n’est pas Hitler selon moi. Je préfère aider Hitler que risquer une alternative pire à sa place. L’évaluation formulée par Hadlow était partagée par des membres influents de l’élite britannique, des hommes qui dînaient et se divertissaient dans leurs maisons de campagne et leurs clubs urbains et se faisaient servir du champagne par des valets en livrée.

Du côté soviétique, les réactions à la montée et au succès d’Hitler étaient . Staline  restait silencieux sans s’exprimer publiquement ». Il y avait des voix influentes au sein du Komintern qui soutenaient que la montée au pouvoir d’Hitler était « un phénomène passager ». Ce genre d’opinion était quelque peu prévisibles puisque la politique du Kominter, en érigeant des barrières entre les communistes et les sociaux-démocrates, avait facilité l’ascension d’Hitler ; et de plus, admettre que le gouvernement nazi avait un long avenir serait une reconnaissance directe que toute l’analyse concernant le capitalisme en crise était erronée.

Une conséquence immédiate de l’arrivée au pouvoir d’Hitler fut l’élimination du mouvement communiste et d’innombrables communistes en Allemagne. De ces circonstances est née l’idée du Front populaire. Mais pour ceux qui étaient opposés à l’Union soviétique et craignaient sa force militaire et industrielle croissante et ses intentions idéologiques, le Front populaire ne fit que renforcer leur perception d’une menace communiste.

Georgi Dimitrov, l’un des principaux idéologues du Front populaire, indiquait clairement que « le but de notre lutte contre le fascisme n’est pas le rétablissement de la démocratie bourgeoise mais la conquête du pouvoir soviétique ». Pour les « chevaliers du royaume », le Front populaire représentait l’opposition au fascisme et une menace pour le capitalisme et la démocratie bourgeoise. On ne pouvait pas faire confiance à l’Union soviétique, mais on pouvait l’accorder à Hitler car il était supposé être un homme raisonnable qui, plus important encore, était opposé au communisme.

C’est ce contexte qui détermina la politique d’apaisement que Neville Chamberlain a défendue et pour laquelle il a ensuite été cloué au pilori. En réalité, Chamberlain suivait une politique qui était étayée par des convictions partagées par des sections importantes et influentes de l’intelligentsia et de la classe dirigeante en Grande-Bretagne. La nouvelle du pacte nazi-soviétique signé en août 1939 ne fit qu’intensifier l’anti-bolchevisme des «pacificateurs» – selon les termes de Haslam, le pacte  «a agi comme un accélérateur pour les pacificateurs purs et durs »

Arthur Rucker, fidèle secrétaire particulier de Chamberlain, a déclaré à son collègue John Colville : « Le communisme est maintenant le grand danger, plus grand encore que l’Allemagne nazie. De telles évaluations se sont trouvées justifiées lorsque la Russie s’est emparée de l’est de la Pologne. Face à deux systèmes maléfiques, Chamberlain et ses semblables ont choisi ce qu’ils considéraient comme le moindre mal. Ce à quoi ils n’avaient pas pensé, c’est qu’Hitler était « trop impatient pour attendre ce que les Britanniques avaient à offrir ». Le 1er septembre 1939, les chars et les troupes allemands pénétrèrent en Pologne. Deux jours plus tard, lorsque l’Allemagne ne répondit pas à un ultimatum de la Grande-Bretagne, cette dernière déclara la guerre à l’Allemagne. L’illusion douillette de l’apaisement s’était transformée en une danse de la mort.

À travers son analyse, Haslam met en évidence certaines caractéristiques de la compréhension des relations internationales qu’il juge inadéquates. L’une d’elles est la propension des historiens diplomatiques « à accorder plus d’attention au processus qu’à l’objectif, recherché en supposant que le motif est connu et immuable car tout suit inexorablement son cours géopolitique habituel». Ce mode d’analyse est associé à AJP Taylor qui, dans ses deux livres remarquables et très influents, The Struggle for Mastery in Europe et The Origins of the Second World War, a soutenu que les résultats finaux dans les relations internationales sont le fruit d’un enchaînement incontrôlable d’événements.

Haslam montre que dans l’entre-deux-guerres, les hommes d’État ont fait des choix délibérés et ces choix ont été informés par certaines perceptions/hypothèses qui à leur tour étaient fondées sur des préjugés idéologiques et des intérêts de classe. Haslam introduit ainsi l’importance des idées qui « explicitent les finalités du pouvoir ». Les finalités du pouvoir dans la période analysée par Haslam étaient « divergentes et contestées ».

Ainsi, il estime que la politique étrangère de l’entre-deux-guerres ne peut s’expliquer selon les principes traditionnels puisque « les politiciens et les diplomates en sont venus à craindre davantage le pouvoir insidieux des idées que les composantes mesurables des capacités militaires». Ils préféraient donc l’Allemagne nazie à la Russie soviétique.

Le travail universitaire et savant  de Haslam fait immédiatement penser au roman Les restes du jour de Kazuo Ishiguro qui a recréé l’ambiance sociétale et intellectuelle qui a produit le phénomène d’apaisement. Toute l’histoire est racontée par la voix d’un majordome qui surprend et enregistre les conversations qui se déroulent dans les somptueuses salles à manger et les salles de réception des maisons de campagne appartenant à des aristocrates anglais. Les artistes créatifs ont souvent une meilleure connaissance de l’histoire que les historiens qui fouillent dans des dossiers poussiéreux et attendent l’accès à des archives fermées.

Il n’y a pas eu de meilleure représentation de la société russe à tous les niveaux – la cour tsariste, la vie de la noblesse, les souffrances et les fêtes des serfs et des paysans et du champ de bataille empestant la poudre des armes à feu et les cadavres – que Guerre et Paix . En Inde, la nature multiforme du mouvement national a été saisie de manière poignante dans The Home and the World de Tagore .

Rudrangshu Mukherjee est professeur d’histoire et président de l’université Ashoka.

Pamphlet antisémite : le guide des Juifs influents de l’ère Donald Trump

24 mai 2018

A vrai dire ce pamphlet antisémite n’est pas de moi, mais publié par la Jewish Telegraphic Agency, une agence de presse qui alimente nombre de titres de la presse communautaire juive un peu partout dans le monde.

Le cliché le plus répandu sur les Juifs est bien présent et parfaitement illustré de cas concrets.

Connaissez votre oligarque : Un guide des machers (mot yiddish:hommes d’influence) juifs dans l’enquête sur la Russie

Par Ron Kampeas, Jewish Telegraphic Agency (USA) 23 mai 2018 traduit de l’anglais par Djazaïri

Washington – L’enquête du procureur spécial sur l’ingérence russe dans les élections de 2016 offre un voyage étrange pour quiconque est bien au fait de la communauté juive russe et du passage de la répression dans l’ex-Union soviétique aux libertés relatives de la Fédération de Russie.

Sur les 10 milliardaires ayant des liens avec le Kremlin qui ont versé des contributions [financières] politiques à Donald Trump et à un certain nombre de hauts dirigeants républicains, au moins cinq sont juifs. (Le Dallas Morning News propose une série de graphiques interactifs très parlants.)

Il y a Len Blavatnik, le citoyen binational américano-britannique qui a déversé d’énormes sommes d’argent sur les candidats républicains au cours du dernier cycle électoral, dont la plus grande partie a transité par ses innombrables sociétés d’investissement.

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Len Blavatnik et Harvey Weinstein

(Le même Len Blavatnik finance des bourses d’études pour les vétérans de Tsahal et est un ami du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.)

Alexander Shustorovich est le président d’IMG Artists, un géant parmi les impresarios, qui a donné 1 million de dollars au comité d’inauguration de Trumps. Il est arrivé en 1977 avec sa famille qui n’avait pas un sou à New York à l’âge de 11 ans, fuyant la persécution des Juifs en Union Soviétique.

La liste continue – nous explorons certains noms qui y figurent ci-dessous. Mais au fait, que se passait-il en Union Soviétique alors qu’elle se dirigeait vers l’effondrement à la fin des années 1980, ce qui a conduit à la prolifération de noms juifs parmi sa classe d’oligarques ?

« Tous les oligarques ne sont pas juifs, bien sûr, pas la majorité, mais il y en a un nombre important », observe Mark Levin, le PDG de la Coalition Nationale de Soutien à la Communauté Juive Eurasienne, qui avait intégré en 1980, en tant qu’employé, l’organisation qui l’avait précédée, le Conseil National de la Communauté Juive Soviétique.. « Ils étaient au bon endroit au bon moment. »

Voici quelques-uns des facteurs qui ont fait qu’ils étaient au «bon endroit au bon moment».

Vous pouvez rentrer au pays

Beaucoup de juifs soviétiques avaient quitté le pays parce que le sectarisme et les politiques répressives soviétiques les empêchaient, entre autres indignités, d’obtenir des emplois dans leurs professions préférées [je serais curieux de savoir lesquelles, NdT]. Mais avec l’effondrement de l’URSS et avec les opportunités qui s’ouvrirent dans leur pays un certain nombre de ces jeunes émigrés ont tiré parti de la montée de l’entrepreneuriat, de la formation dont ils avaient bénéficié et des relations qu’ils avaient nouées dans leurs nouveaux pays, aux États-Unis, Grande-Bretagne et en Israël.

À la fin des années 1980, quand ils ont appris que la politique de glasnost [transparence] libéralisait les marchés, un certain nombre d’entre eux sont retournés dans leur patrie à la recherche d’opportunités, armés de connaissances et de relations fortunées dans leurs nouveaux pays. Ils étaient sur place après 1991, lorsque la Russie et ses anciennes républiques ont tout privatisé au pas de charge, des mines jusqu’aux médias.

« Je connais des gens qui avaient quitté l’Union Soviétique, elle a implosé, ils sont revenus, ils avaient des amis et des connaissances qui leur disaient qu’il y avait de grandes opportunités », explique Levin. « Il y avait des gens du monde des affaires qui étaient en partenariat avec des gens en Russie et dans d’autres pays parce qu’ils avaient les connexions nécessaires pour conclure des transactions. »

Réseaux

Les Juifs qui étaient restés en Union Soviétique étaient restés en contact avec les amis et les membres de la famille qui connaissaient la réussite à l’étranger et étaient en mesure de faire appel à eux pour des opportunités d’investissements.

« Les Juifs de l’ex-URSS disposaient d’un réseau opérationnel de contacts de confiance aux Etats-Unis et en Israël avec qui ils pouvaient faire des affaires », déclare Oliver Bullough, essayiste et journaliste britannique expert en histoire et politique russes. « C’était plus difficile pour les Russes qui n’avaient pas de contacts à l’étranger d’y parvenir. Cela aussi, à mon avis, explique pourquoi les anciens du KGB se sont bien débrouillés du fait qu’ils avaient un réseau d’anciens espions dans d’autres pays. « 

La Glasnost a ouvert les portes

La Glasnost, ou ouverture, instituée par Mikhaïl Gorbatchev, le dernier dirigeant soviétique, incluait l’ouverture d’emplois dans la haute administration à des minorités jusque-là marginalisées. Cela a accéléré l’entrée des Juifs dans les niveaux élevés de la bureaucratie au moment même où il était opportun d’être en mesure de savoir quel secteur allait être privatisé et quelles entreprises publiques étaient sur le point d’être démantelées.

Un facteur facilitant fut que, contrairement aux régimes communistes d’Europe de l’Est, en Russie et dans les anciennes républiques soviétiques, les élites restèrent en place – seule l’idéologie du communisme était abandonnée.

« La Russie et la plupart des Etats successeurs de l’Union soviétique sont passés par une transformation très différente de celle des anciens pays communistes européens », dit-il. « Pour l’essentiel, l’élite au pouvoir n’avait pas changé. »

De plus, les mêmes professions auxquelles [lesquelles?] les Juifs avaient été confinés sous l’ancien régime soviétique étaient celles qui se révélaient utiles dans la nouvelle économie. Les Juifs, affirme Levin, étaient plus susceptibles d’être des entrepreneurs.

« Des Juifs ont aidé à faire la transition d’une économie dirigée vers une économie de marché », dit-il.

L’essayiste Michael Wolff, dressant le profil de l’entrepreneur de la high-tech Yuri Milner en 2011, écrivait, « Les Juifs en Russie soviétique, souvent tenus à l’écart des carrières dans la fonction publique, en sont venus à prospérer dale marché informel et le marché noir. Ils étaient par conséquent les seuls capitalistes en Russie quand le capitalisme a émergé. »

Bullough explique que les disciplines scientifiques qui acceptaient les Juifs sous l’ancien système étaient soudainement très demandées sous le nouveau système.

« Les juifs étaient souvent exclus du genre d’universités qui produisaient des diplomates, et par conséquent ils allaient plus vers les sciences pures, ce qui signifiait qu’il y avait un nombre disproportionné de mathématiciens juifs qui étaient capables de s’engager dans la nouvelle industrie bancaire ».

Mais qui sait vraiment

Surtout, dit Levin, c’était le chaos. Des pans énormes de l’économie étaient en jeu. À certains moments, il semblait n’y avoir aucune autorité de contrôle. Quand la poussière est retombée, la Russie était entrée dans l’ère des oligarques. « Au début, c’était comme Chicago dans les années 1920 », dit-il. Connie Bruck, établissant le profil de Blavatnik dans The New Yorker en 2014, a cité un nouvel adage russe: « Ne posez jamais de question sur le premier million ».

Voici quelques-uns des hommes d’affaires ayant des origines juives soviétiques qui ont été cités dans des reportages sur l’enquête Trump-Russie.

 Leonard Blavatnik, 60 ans

Côté oligarque : citoyen américain-britannique. Forbes l’inscrit comme le 48e homme le plus riche du monde. Access Industries, qu’il a fondé en 1986 alors qu’il était à la Harvard Business School, a explosé dans ses premières années grâce à des investissements dans le pétrole et l’uranium au moment de l’effondrement de l’Union soviétique. Il s’est depuis diversifié dans les médias lourds. (Blavatnik rejette le terme « oligarque », le jugeant péjoratif. « M. Blavatnik n’a aucune implication dans la politique russe ou dans le gouvernement russe, et, en fait, n’a jamais été un citoyen russe », a déclaré un porte-parole à la JTA. Le porte-parole a également souligné que Blavatnik ne figurait pas sur la liste des oligarques désignés par le Trésor américain (son partenaire de longue date, Viktor Vekselberg, par exemple, figure en bonne place sur la liste).

Côté Trump : Il a donné plus de 6 millions de dollars pendant la campagne électorale de 2016, pratiquement la totalité pour les républicains, après avoir longtemps donné des sommes relativement modestes aux deux partis politiques. En relation d’affaires de longue date avec Viktor Vekselberg, l’oligarque prétendument en relation à des paiements secrets à l’avocat de Trump Michael Cohen. Blavatnik a donné l’année dernière 12 700 $ au parti Républicain, qui en a utilisé une partie pour un fonds légal qui a contribué à payer les avocats de Trump dans l’enquête sur l’influence russe. (Le porte-parole de Blavatnik a déclaré que l’homme d’affaires ne savait pas que l’argent était destiné à ce fonds légal.)

Côté Juifs : Il a siégé au conseil d’administration de l’Université de Tel Aviv, au Centre for Jewish History et à la 92nd Street Y [un important centre socio-culturel newyorkais]. Sa fondation familiale finance une banque alimentaire et un entrepôt gérés par Colel Chabad à Kiryat Malachi en Israël, qui envoie chaque mois des de la nourriture à 5.000 familles pauvres dans 25 villes israéliennes. Il est ami avec Netanyahou et a été interrogé par la police dans le cadre de l’enquête sur les cadeaux que le premier ministre aurait reçus de riches bienfaiteurs. Il finance des bourses pour les soldats de l’armée.

Andrew Intrater, 55 ans

Cousin de Vekselberg, qui a un père juif mais ne se considère pas comme juif. Intrater, un citoyen américain, est le PDG de Columbus Nova, une société d’investissement avec des liens étroits avec Renova de Vekselberg. Une déclaration à la Commission des opérations de bourse de 2007 cite Intrater en tant que président du conseil d’administration de CableCom, un opérateur de télévision par câble de la région de Moscou

Côté Trump : Columbus Nova a transféré les paiements de Renova à Michael Cohen, l’avocat de Trump. Intrater a également fait don de 250 000 $ au comité inaugural de Trump.

Côté Juifs : Intrater, fils d’un survivant de l’Holocauste, a donné plus de 500 000 $ à la Fondation Shoah de l’Université de Californie du Sud et a fait un don au Comité de la Fondation Auschwitz-Birkenau. Le frère d’Intrater, Frederick, directeur de la modélisation pour Columbus Nova, a acheté un lot de noms de domaine en relation avec « l’alt-right » [droite alternative, extrême droite, NdT] à l’été 2016, quand le soutien venu d’extrême droite en faveur du candidat Trump augmentait.et que les campagnes pour inciter à aller voter s’intensifiaient. Frederick Intrater a dit avoir les achats [de noms de domaine] sans qu’Andrew en soit informé, et plus tard, il l’a regretté, laissant noms d’URL dépérir. « Conclure que je soutiens la suprématie blanche ou l’antisémitisme n’a pas de sens compte tenu de ce que j’ai décrit ci-dessus et aussi en tenant compte du fait que je suis un Juif et fils d’un survivant de l’Holocauste, » a déclaré Frederick Intrater.

Alexander Shustorovich, 52 ans

Côté oligarque : Shustorovich, un citoyen américain, s’est rendu à Moscou en 1989, un an après avoir été diplômé de Harvard, et est immédiatement devenu un acteur dans le domaine des médias, en lançant des publications scientifiques. Il a cherché en vain à faire entrer son entreprise, Pleiades Group, dans la transaction de 12 milliards de dollars pour la vente de combustible nucléaire soviétique aux États-Unis. Il est actuellement PDG d’IMG Artists, une société qui gère des talents de la musique classique et de la danse.

Côté Trump : Shustorovich a donné 1 million de dollars au comité inaugural de Trump. On notera que sa tentative de donner à la campagne de George W. Bush 250 000 $ en 2000 avait été rejetée en partie à cause de ses liens avec le gouvernement russe à l’époque.

Côté Juifs : Shustorovich est arrivé à New York à l’âge de 11 ans en 1977 avec sa famille, qui n’avait pas assez d’argent pour acheter de la nourriture. Son père, Evgeny, avait quitté son travail de chimiste en Russie en raison des espoirs qu’il plaçait dans d’émigration et avait rejoint Kodak à Rochester, NY et il avait rapidement gravi les échelons dans son domaine. En 1986-1987, Evgeny Shustorovich était l’un des visages du mouvement juif soviétique, car il devint un fervent défenseur du droit de son frère – également nommé Alexander – à émigrer de l’ex-Union soviétique.

Simon Kukes, 72 ans

Côté oligarque : Kukes, un citoyen américain, a quitté l’Union soviétique en 1977, s’installant dans la région de Houston. Chimiste, il a exercé un certain temps à l’université puis a travaillé dans l’industrie pétrolière du Texas. Il est retourné en Russie et est devenu un dirigeant dans l’industrie pétrolière post-soviétique là-bas. En 2003, il a pris la tête de la compagnie pétrolière Ioukos après qu’un autre oligarque juif, Mikhaïl Khodorkovski, a été emprisonné par le dirigeant russe Vladimir Poutine pour évasion fiscale et vol – mais surtout, selon la plupart des observateurs, pour avoir financé des partis d’opposition.

En 2003, The Guardian a découvert des documents de la CIA liant Kukes à des dessous de table, accusations qu’il a démenties. Kukes était président de TNK, une autre compagnie pétrolière, dont les principaux actionnaires étaient Blavatnik et Vekselberg. En 2012, alors qu’il dirigeait la branche russe de la compagnie pétrolière Hess, Forbes a rapporté que l’ancien chauffeur de Kukes, qui avait gravi les échelons, était un patron de la mafia russe. L’homme a nié les accusations, mais Kukes l’a écarté de la compagnie. L’année dernière, Kukes était PDG de Nafta, une société américaine de conseil pour les investisseurs dans le secteur de l’énergie en Russie. Le site web de Nafta a depuis été nettoyé.

Côté Trump : Sans antécédent de dons importants au parti Républicain, Kukes a soudainement injecté 285 000 $ dans la campagne électorale de Trump – en grande partie après juin 2016, lorsque l’intérêt russe pour l’éventualité d’une présidence de Trump s’est intensifié.

Côté Juifs : Kukes n’a pas de liens formels apparents avec la communauté juive organisée, bien qu’il dise aux interviewers qu’il a quitté l’ex-Union soviétique parce qu’il était juif. En 2015, il a pris une participation de 12,5 % dans Leverate, une société fondée en Israël qui développe des logiciels de courtage

Yuri Milner, 56 ans

Côté oligarque : Milner n’a jamais fui l’Union soviétique – ses parents vivent encore à Moscou. Il a été le premier non-émigré de l’Union soviétique à fréquenter l’école de commerce de Wharton [à Philadelphie] et a été pendant des années engagé dans les activités bancaires russes avant d’entrer dans le domaine de la technologie. Il est connu comme un investisseur de la Silicon Valley, propriétaire de l’une des maisons les plus luxueuses de Los Altos Hills, estimée en 2011 à 100 millions de dollars. L’année dernière, il a été révélé à travers des documents divulgués que le gouvernement russe avait financé des prises de participations importantes dans Twitter et Facebook qui furent détenues pendant un certain temps par sa société, DST Global.

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Mark Zuckerberg et Yuri Milner

En 2013, Milner a rejoint Mark Zuckerberg de Facebook, Sergey Brin de Google et Anne Wojcicki de 23andme dans la création du prix Breakthrough doté de plusieurs millions de dollars pour les scientifiques.

Côté Trump : Après les révélations de l’année dernière, Milner a tourné en dérision l’idée que la Russie investissait dans les médias sociaux pour influencer les élections, soulignant qu’il n’avait jamais cherché à siéger au conseil d’administration des entreprises dans lesquelles il investissait. En 2015, Milner a investi 850 000 dollars dans Cadre, une startup immobilière lancée par Jared Kushner, le gendre de Trump, et Josh, le frère de Kushner. Milner a indiqué qu’il avait rencontré Jared Kushner une seule fois. La participation de Kushner dans Cadre était l’un des nombreuses participations qu’il avait initialement omis de déclarer lorsqu’il est devenu un conseiller de son beau-père.

Côté Juifs : Milner fréquente une synagogue quand il est à Moscou. A un moment donné, il semble avoir acquis la citoyenneté israélienne. Parlant avec Forbes en 2017 après que le magazine l’ait nommé l’un des 100 «plus grands génies des affaires vivants», Milner a déclaré qu’il était «touché et honoré» d’être «le seul citoyen russe ou israélien sur la liste».

 

Donald Trump, l’accord sur le nucléaire iranien et l’argent

6 mai 2018

On saura bientôt, le 12 mai en principe, si Donald Trump dénonce l’accord sur le nucléaire iranien qui engage les Etats Unis mais aussi la Chine, la Russie, le Royaume Uni, l’Allemagne, la France et l’Union Européenne. Un accord multilatéral donc, dont la dénonciation unilatérale décrédibiliserait les Etats Unis.

A moins évidemment que les autres puissances occidentales finissent par se rallier à leur parrain étatsunien en dénonçant à leur tour l’accord. Les signaux envoyés pour l’instant sont mitigés puisque le président français Emmanuel Macron, chargé de porter la voix de l’UE en plus de celle de la France lors de sa dernière visite à Washington a quand même parlé de discuter d’un nouvel accord, une proposition qui a fâché tout net le gouvernement iranien.  

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Signé le 14 juillet 2015, l’accord sur le nucléaire iranien n’engage pas que les Etats Unis

Un des arguments avancés par le président Donald Trump pour critiquer l’accord avec l’Iran consiste à insister sur les dépenses occasionnées aux finances américaines avec plus de 150 milliards de dollars qui seraient passés des caisses du Trésor fédéral à celles du trésor public iranien.

Un argument de poids pour un homme d’affaires comme Donald Trump.

Et aussi pour ceux qui soutiennent le régime sioniste et rêvent de faire de l‘Iran une république bananière à défaut de vitrifier ce pays. Ces gens sont évidemment peu scupuleux du droit, à la différence des Iraniens comme on le constatera encore dans cette affaire.

Ce sont ces gens sans scrupules qui sont en réalité à la manœuvre dans les couloirs de la Maison Blanche où Trump est désormais leur prisonnier en dépit de quelques manifestations de volonté propre comme quand il a désavoué Nikki Haley, sa représentante à l’ONU qui avait annoncé un nouveau train de sanctions contre la Russie.

Nikki Haley a cependant entrepris de faire payer au président l’outrage subi.

Vérification des faits par AP : l’histoire souvent racontée par Trump des paiements à l’Iran effectués par les Etats Unis

Associated Press (USA) 24, avril 2018 traduit de l’anglais par Djazaïri

Washington – Le président Donald Trump aime à raconter que les Etats-Unis ont versé des milliards de dollars à l’Iran dans le cadre de l’accord multilatéral qui gèle son programme nucléaire et assouplit les sanctions contre ce pays. Ce qu’il ne dit pas, c’est que la plus grande partie de cet argent appartenait à l’Iran. Le reste se rapporte à une vieille dette que les États-Unis avaient envers l’Iran.

Les chiffres et quelques détails changent dans son récit – qui remonte à la campagne électorale de 2016 – mais la chute est toujours le même : l’administration Obama a été bernée pour donner à l’Iran tout cet argent, dont une partie versée en cachette en énormes sommes d’argent liquide.

La dernière itération de cette affirmation mardi dernier et la réalité qui est derrière elle :

TRUMP: « L’accord avec l’Iran est une affaire terrible. Nous avons payé 150 milliards de dollars. Nous avons donné 1,8 milliard de dollars en liquide, de l’argent, des barils d’argent. C’est insensé. C’est ridicule.  Cet accord n’aurait jamais dû être. Mais nous allons en parler.  » – propos tenus avant une rencontre avec le président français Emmanuel Macron. Lors d’une conférence de presse mardi, il a parlé de « leur donner, à l’Iran, 150 milliards de dollars à un moment donné »

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LES FAITS: Il n’y a pas eu de versement de 150 milliards de dollars de la part du Trésor américain. L’argent dont il parle consiste en des avoirs iraniens détenus à l’étranger qui avaient été gelés jusqu’à ce que l’accord soit conclu et Téhéran a alors été autorisé à accéder à ses fonds.

Le versement d’environ 1,8 milliard de dollars est une question distincte. La chose remonte aux années 1970, lorsque l’Iran avait payé 400 millions de dollars aux Etats Unis pour du matériel militaire qui n’a jamais été livré parce que le régime [impérial] avait été renversé et que les relations diplomatiques avaient été rompues.

C e qui avait laissé des gens, des entreprises et les gouvernements de chaque pays endettés à des partenaires dans l’autre, et il a fallu des dizaines d’années de tribunaux et d’arbitrages pour traiter des réclamations complexes. Pour sa part, l’Iran a versé plus de 2,5 milliards de dollars à des citoyens et des entreprises américains.

Le lendemain de la mise en œuvre de l’accord nucléaire, les États-Unis et l’Iran ont annoncé qu’ils avaient réglé la réclamation relative à la commande d’équipement militaire des années 1970, les États-Unis acceptant de payer 400 millions de dollars avec environ 1,3 milliard de dollars d’intérêts. Les 400 millions de dollars ont été versés en espèces et transportés à Téhéran à bord d’un avion-cargo, ce qui a donné lieu aux récits spectaculaires de Trump sur l’argent contenu dans des barils ou des caisses et livré en pleine nuit. L’arrangement prévoyait un paiement ultérieur des intérêts, autrement qu’entassés dans des conteneurs.

Les néocons ont du mal à faire le deuil de leur rêve d’éliminer Bachar al-Assad

26 décembre 2017

Chacun se souvient certainement que, pendant les premières années du conflit en Syrie, les appels à la destitution du président syrien, voire sa mise à mort, définissaient ce qui devait être un préalable au règlement de la crise.

Sur le terrain, les jours du régime syrien semblaient en effet comptés. Pourtant le régime et son armée (constituée essentiellement de conscrits) ont fait preuve d’une remarquable résilience, d’abord en adaptant leur stratégie à la réalité du rapport de forces puis en s’appuyant sur de solides alliances qui l’ont aidé à faire basculer la situation sur le terrain. Aux côtés de l’armée syrienne, on a vu intervenir le Hezbollah libanais, l’Iran et enfin la Russie. L’intervention russe a été décisive non seulement au plan militaire mais aussi au plan diplomatique en renvoyant au statut de chimère le souhait occidental d’une élimination du pouvoir en place à Damas.

Certains Occidentaux pensent cependant encore que leur projet initial de destruction du pouvoir syrien est seulement différé dans le temps comme on a pu le comprendre, et comme le président syrien l’a compris, des propos de M. Macron lors de son interview du 17 décembre avec Laurent Delahousse sur France 2. De fait, les Occidentaux continuent à s’exprimer publiquement comme s’ils étaient les principaux acteurs, voire les seuls, de la défaite de Daesh en Syrie.

La mythologie diplomatique occidentale veut en effet que le gouvernement syrien n’a pas combattu le prétendu Etat Islamique voire même qu’il l’a parrainé.

C’est cette mythologie élaborée par des think-tanks essentiellement américains qui est dénoncée dans l’article que je vous propose. Ces think-tanks, tout en se parant de noms qui fleurent bon un académisme de bon aloi, produisent pourtant un savoir particulier en ce sens qu’il a pour but premier d’inciter des gouvernements à entreprendre certaines actions (belliqueuses) et qu’il ne s’appuie pas sur les méthodes et les travaux des chercheurs spécialisés dans les domaines de la science politique et des relations internationales.

Si on prête attention à cette tribune libre signée par deux universitaires, on comprend parfaitement que, au moins jusqu’à l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, les Etats Unis donnaient la priorité non à la lutte contre Daesh mais à celle contre le gouvernement syrien dont la défaite était le préalable à l’élimination de Daesh.

Tribune libre: Les experts avaient tort à propos d’Assad et de l’État islamique. Comme d’habitude, ils ne veulent pas l’admettre

Par Max Abrahms et John Glaser, The Los Angeles Times (USA) 10 décembre 2017 traduit de l’anglais par Djazaïri

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John Glaser et Max Abrahms

L’Eta Islamique n’est plus que l’ombre de lui-même. En 2014, l’organisation extrémiste semblait avoir fait des avancées substantielles dans son projet avoué de constitution d’un Califat. Il comptait des dizaines de milliers de combattants et exerçait un contrôle sur un territoire à peu près aussi vaste que la Corée du Sud. Sous la plupart des aspects, l’Etat Islamique s’est effondré dans son bastion syrien ainsi qu’en Irak. Comme un ancien combattant étranger [de Daesh] le reconnaissait récemment, « C’est terminé ; il n’y a plus de Daesh. »

Le démantèlement de l’Etat Islamique doit choquer le chœur des journalistes et des experts qui ont passé des années à soutenir avec insistance qu’un tel résultat ne pourrait jamais être obtenu sans au préalable renverser le régime de Bachar Assad – qui est, bien sûr, toujours en place. Toute une troupe de faiseurs d’opinion ont pendant longtemps affirmé que l’Etat Islamique en Syrie allait prospérer en Syrie tant qu’Assad serait au pouvoir parce que l’Armée Arabe Syrienne faisait partie de la même maladie.

John Bolton, ancien ambassadeur auprès des Nations Unies sous George W. Bush, affirmait dans le New York Times que « défaire l’Etat Islamique » n’est « ni faisable ni souhaitable » si Assad reste au pouvoir. S’exprimant dans le Wall Street Journal, les Sénateurs John McCain et Lindsey Graham prétendaient que « défaire l’Etat Islamique impose aussi de vaincre Bachar Assad. » Kenneth Pollack de la Brookings Institution prescrivait une politique de « construction d’une nouvelle armée de l’opposition syrienne capable de vaincre à la fois le Président Bachar al-Assad et les islamistes les plus militants. » De la même manière, Max Boot, qui collabore au Los Angeles Times, soutenait que vaincre l’Etat Islamique était futile sauf si les Etats Unis agissaient aussi pour déposer le « régime alaouite à Damas ». Comme d’autres marchands de changement de régime, il argumentait en faveur d’une zone d’exclusion aérienne à travers le pays pour faciliter les frappes aériennes contre le régime Assad tout en renforçant l’aide aux soi-disant rebelles modérés.

D’éminents spécialistes de la Syrie avaient aussi prétendu qu’Assad soutenait, et même parrainait l’Etat Islamique. Michael Weiss de CNN déclarait qu’Assad et le président russe Vladimir Poutine ne combattraient pas l’État islamique et que la Syrie et la Russie étaient la «force aérienne non déclarée» de l’organisation terroriste. Son co-auteur, Hassan Hassan ,  affirmait que le régime syrien n’a jamais combattu [État islamique] auparavant. »

Pendant un moment, partout où l’on regardait, les médias colportaient le même discours. Le Daily Beast présentait les combattants de l’État Islamique comme des «sbires d’Assad». Le New York Times promouvait l’idée que les «forces d’Assad aidaient» l’État islamique en « non seulement évitant » l’organisation terroriste « mais en essayant activement de renforcer ses positions ». Time Magazine répétait comme un perroquet la ligne pro-changement de régime selon laquelle « Bachar Assad ne combattra pas l’Etat Islamique. »

Mais ces arguments en vogue ont été, pour dire les choses gentiment, réfutés empiriquement [dans les faits].

Le dossier en faveur d’un changement de régime à Damas rappelait celui concocté pour Bagdad en 2003 : les interventionnistes avaient joué sur les peurs des Américains en prétendant que les dirigeants irakiens étaient de mèche avec les djihadistes salafistes (la tendance ultra-conservatrice au sein de l’Islam sunnite). Les preuves qu’Assad parrainait l’Etat Islamique était à peu près aussi solide que celle démontrant que Saddam Hussein soutenait al Qaïda.

Comme l’a relevé le spécialiste de la Syrie Aymenn Jawad Al-Tamimi en février 2014, l’Etat islamique « a des antécédents de combat contre le régime sur plusieurs fronts, y compris la zone de Cheikh Saïd dans la province d’Alep, la base aérienne militaire de Kuweiris (où une offensive est en cours sous la direction du bataillon muhajireen Suqur al-Izz, en coordination avec le Bataillon Vert, l’État islamique et Jabhat al-Nusra, à Nubl et Zahara ,  la base aérienne de la brigade 17 dans la province de Raqqa, l’aéroport militaire de Tabqa,  Qalamoun ,à Sayyida Zainab, et Sakhna dans le désert de Homs, la région de Qamishli et la province de Lattaquié. En plus de ces lieux, il faut aussi se souvenir du rôle décisif [de l’État islamique] dans la prise de la base aérienne de Mannagh . « 

L’idée que Assad « ne combattra pas l’Etat Islamique a toujours été fausse. L’idée que « défaire l’Etat Islamique impose aussi de vaincre Bachar Assad » était également fausse. Il devrait sembler évident aujourd’hui que l’Armée Arabe Syrienne a joué un rôle dans la dégradation de l’Etat Islamique en Syrie – pas seule évidemment, mais avec ses partenaires iranien et russe, sans même parler de l’impressionnante coalition emmenée par les Etats Unis. Contrairement aux attentes des experts, la disparition du groupe était inversement liée au pouvoir d’Assad. La fortune de l’État islamique diminuait à mesure que son influence [du gouvernement syrien] sur le pays augmentait.

Tout aussi contraire aux prédictions des analystes, l’organisation terroriste a implosé juste après que le soutien extérieur aux rebelles « modérés » s’est tari. L’affaiblissement des rebelles a été un revers majeur pour l’État islamique, car Assad pouvait finalement concentrer sa puissance de feu l’organisation terroriste. En outre, moins d’envois d’armes sur le théâtre des opérations signifiait moins d’armes tombées entre les mains des djihadistes salafistes.

Il est donc étrange que nous n’ayons pas entendu ces nombreux experts reconnaître leurs erreurs; ils ne sont pas pressés de faire acte de contrition pour avoir presque forcé au lancement d’une autre mission de changement de régime basée sur la base d’analyses discréditées.

Feu le bon sens commun était non seulement en opposition avec le constat empirique, mais complètement détachée des apports de la science politique. À quelques exceptions près, les chercheurs en relations internationales ont semblé se contenter de rester en retrait et de regarder les experts des think tanks faire l’analyse quotidienne de la situation en Syrie tout en ignorant les drapeaux rouges qui parsèment le domaine de la recherche.

Certaines des meilleures recherches en sciences politiques au cours des deux dernières décennies ont montré que les militants sont moins susceptibles d’émerger en réponse à des griefs politiques que des conditions propices à leur organisation. Pour l’État islamique, le « modèle d’opportunité » du terrorisme était toujours un meilleur ajustement que le «modèle des revendications». Après tout, c’est une organisation qui s’est établie dans le désert, loin de l’armée syrienne; a attaqué des cibles faciles comme les Yazidis qui n’ont jamais opprimé la population sunnite; et a implanté des branches dans des pays connus non pour leur gouvernement anti-sunnite, mais pour l’absence d’un gouvernement qui fonctionne.

Comme en Irak, une décennie plus tôt, un changement de régime en Syrie aurait créé le vide absolu de pouvoir qui aurait permis à l’État islamique de prospérer.

En outre, l’idée qu’injecter des armes et des combattants en Syrie amènerait à une réduction des troubles en Syrie est en réalité en contradiction avec tout ce que la recherche a établi. La littérature sur les conflits montre clairement qu’un soutien extérieur à l’opposition tend à exacerber et à étendre les guerres civiles qui, habituellement, ne se résorbent pas par des accords e partage de pouvoir entre des parties combattantes égales mais quand un camp – en général celui qui est déjà au pouvoir – parvient à dominer.

Le paradigme réaliste nous rappelle que les Etats Unis n’ont pas besoin de partager la même idéologie qu’un acteur international détestable pour accepter de travailler avec lui contre un ennemi commun. Avec sa sensibilité aux dépenses financières excessives et aux retours de bâton, le Réalisme souligne aussi les dangers des interventions militaires pour mettre en place des gouvernements à à travers le monde.

Même si le califat de l’Etat Islamique n’est plus, la guerre d’Assad contre les terroristes en Syrie continue. Espérons que les analyses à venir de ce conflit éviteront le genre de plaidoyers idéologiques anti-empiriques qui ont contribué à l’ascension d’al Qaïda en Irak et puis de l’Etat Islamique

Max Abrahms est professeur de sciences politiques à la Northeastern University et membre du Council on Foreign Relations. John Glaser est directeur des études de politique étrangère à l’Institut Cato.

Sur la Syrie, l’opinion publique américaine préfère Vladimir Poutine à Hillary Clinton et Barack Obama

3 novembre 2016

On a ici un sondeur déçu par le résultat d’une enquête réalisée par son institut. En effet, alors même que le souhait profond de cet universitaire est que l’opinion publique américaine mette dans un même sac le président syrien Bachar al-Assad et Daesh, il se trouve la dite opinion publique, même exposée aux arguments classiques de l’impérialisme, préfèrent placer en tête de ses priorités la défaite de Daesh.

Et pire encore, cette opinion publique américaine aimerait que son gouvernement se rapproche de celui de la Russie pour une lutte plus efficace.

Le sondage est fait par un institut universitaire, ce qui a sans doute empêché l’auteur de ce papier d’en manipuler les résultats.

Les Américains détestent plus l’Etat Islamique que Poutine ou Assad. Voici comment sont structurées leurs préférences politiques

par Shibley Telhami, The Washington Post (USA) 1er novembre 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

Même si l’élection présidentielle aux Etats Unis n’a guère porté sur de réelles questions politiques, le conflit en Syrie et la lutte contre l’Etat Islamique ont figuré parmi les problèmes politiques sensibles souvent débattus pendant l’année écoulée par Donald Trump et Hillary Clinton. Si tous deux ont souligné la menace que représente l’Etat Islamique, ils ont divergé sur la manière concrète de lui faire face.

Une nouvelle enquête d’opinion sur les questions sensibles [critical issues] de l’Université du Maryland – conduite par Nielsen Scarborough auprès d’un échantillon représentatif au niveau national de 1528 électeurs inscrits avec une marge d’erreur de 2,5 % – apporte un éclairage nouveau sur la façon dont l’opinion publique américaine se positionne sur ces questions. Il s’avère que les Américains souhaitent mettre de côté les divergences avec la Russie pour unir les efforts contre l’Etat Islamique (ISIS dans l’enquête). Ce qui ne signifie pas que les Américains ont confiance en la Russie ou qu’ils aiment son président, Vladimir Poutine. En fait, les Américains n’aiment pas Poutine: les Démocrates l’identifient dans une réponse à une question ouverte comme étant la personne la plus détestée parmi les responsables politiques qu’ils soient américains ou étrangers tandis que les Républicains le considèrent comme la quatrième personnalité la plus détestée, tout près de Kim Jong Un mais loin derrière leurs cibles intérieures que sont le Président Obama et Mme Clinton.

Nommez SVP un dirigeant national ou étranger que vous détestez (répondants démocrates en bleu, républicains en rouge)

En dépit de l’expression de cette animosité à l’égard de Poutine, l’opinion américaine est encline à mettre de côté les différences avec la Russie pour affronter l’Etat Islamique, malgré même le fait que Moscou travaille aussi avec les opposants aux Etats Unis que sont le régime syrien du président Bachar al-Assad, le Hezbollah et l’Iran. Et alors que les Américains continuent à exprimer des réserves quant à une extension de l’engagement militaire US en Syrie, l’électorat de Trump exprime des vues beaucoup plus bellicistes non seulement par rapport à l’électorat de Clinton mais aussi par rapport aux déclarations de Trump.

Commençons par les attitudes à l’égard des relations avec la Russie sur la Syrie. Les Américains, quelles que soient leurs tendances partisanes sont d’accord sur une question : le degré auquel ils voudraient voir une plus grande coopération russo-américaine. Pour deux tiers des personnes interrogées, le niveau actuel de coopération est plus faible que celui qu’elles souhaiteraient, c’est le cas de 72 % des républicains et de 65 % des démocrates.

Dans l’ensemble, comment décririez vous le niveau actuel de la coopération russo-américaine dans le conflit syrien (les barres tout en bas correspondent à ceux qui la jugent insuffisante)

Après avoir rappelé aux personnes interrogées le fait que les Etats Unis et la Russie soutiennent des camps opposés dans le conflit syrien même si les deux pays veulent vaincre l’Etat islamique, nous avons demandé aux personnes quelle était la meilleure façon de vaincre l’Etat Islamique. Quelque 60 % – dont 2/3 des républicains et une majorité des Démocrates – ont indiqué préférer que soient mises de côté les divergences avec la Russie pour se concentrer sur la lutte contre l’Etat Islamique.

Quelle est selon vous la meilleure façon pour l’Amérique de combattre Daesh?

A l’évidence, un des facteurs qui sous-tend ces attitudes est le fait que l’opinion a identifié depuis des mois, dès novembre 2014,l’Etat Islamique comme étant la principale menace pour les intérêts américains. En fait, dans la présente enquête, la lutte contre l’Etat Islamique supplante même l’immigration et le déficit commercial comme priorité pour l’opinion américaine. Quand on leur a demandé de choisir leurs plus grandes priorités parmi un certain nombre de problèmes qui comprenaient la montée en puissance de la Chine et l’affirmation russe, la lutte contre l’Etat Islamique est arrivée en tête avec 53 % des répondants l’identifiant comme une de leurs deux plus grandes priorités.

Parmi les problèmes suivants, lesquels devraient être les plus grandes priorités des Etats Unis?

Cet accent mis par l’opinion publique sur la menace de l’Etat Islamique prime sur toutes les autres préoccupations, même celles qui portent sur l’assurance [retrouvée] de la Russie. Il devance aussi les inquiétudes du public relativement à Assad. Il est bien sûr possible que le public américain, distrait par sa campagne présidentielle, n’ait pas accordé suffisamment d’attention aux informations sur les bombardements de la Russie et di gouvernement syrien qui ont tué beaucoup de civils et détruit des hôpitaux. Il est aussi peu probable qu’une grande partie du public ait été informé des arguments selon lesquels Assad avait un intérêt à l’ascension de l’Etat Islamique afin de détourner les énergies locales et internationales qui se seraient, sinon, concentrées sut son éviction. Mais la crise syrienne dure depuis plusieurs années et les informations des médias américains se sont concentrées sur les atrocités et les réfugiés bien avant le début de la campagne électorale. Beaucoup d’Américains ont une aversion profonde pour Assad (il est classé sixième sur la liste des personnalités les plus détestées) et veulent voir un changement de régime en Syrie. Dans une question qui portait spécifiquement sur ce sur quoi ils aimeraient que les Etats Unis se concentrent en Syrie, 35 % des répondants disent qu’ils considèrent comme une priorité la défaite et la fin du régime Assad. Cependant 52 % considèrent que vaincre l’Etat Islamique est la première priorité contre seulement 2 % pour qui l’éviction d’Assad est la principale priorité.

Quel devrait être le premier objectif de l’engagement militaire américain en Syrie? (1 % des républicains et 3 % des Démocrates pensent que l’éviction d’Assad devrait être le premier objectif).

La préférence pour une coopération avec la Russie peut être aussi vue comme un choix entre deux mauvaises alternatives. Deux tiers des répondants craignent de donner un soutien militaire significatif aux rebelles syriens qui peuvent avoir dans leurs rangs des éléments islamistes autres que ceux de l’Etat Islamique ou d’al Qaïda. Même avoir présenté aux répondants une série d’arguments classiques pour ou contre l’envoi d’une importante force militaire terrestre américaine pour aider à vaincre l’Etat Islamique, 63 % des Américains restent opposés à une telle mesure.

Etes-vous favorable au déploiement d’importantes forces terrestres américaines en Syrie et en Irak pour combattre Daesh?

S’il existe un dossier solide pour soutenir que lutter contre Assad ou contrer la politique étrangère russe  devrait être au moins aussi important que combattre l’Etat Islamique – ou que la menace de l’Etat Islamique est peut-être exagérée compte tenu des autres priorités des Etats Unis dans le monde – cette enquête montre que les Américains ne l’ont pas entendu. Pour l’instant, confronter l’Etat Islamique l’emporte sur tout le reste, y compris l’hostilité à l’égard de Poutine et Assad.

Shibley Telhami est professeur titulaire de la chaire Sadate et directeur de Critical Issues Poll à l’université du Maryland Critical Issues Poll. Il est professeur associé à la Brookings Institution.

Sur les crimes de guerre russes à Alep

9 octobre 2016

Le blogueur américain Moon of Alabama est sans doute un des observateurs les plus perspicaces de la situation en Syrie et de l’escalade à laquelle on assiste dans ce pays entre la Russie et les Etats Unis, la diplomatie française ne dédaignant pas le rôle d’idiot utile de l’Oncle Sam.

Ici, Moon of Alabama analyse la dernière évolution sur le plan diplomatique avec les accusations de crimes de guerre portées par le Secrétaire d’Etat américain John Kerry à l’encontre de l’armée russe en Syrie.

Et le blogueur fait parfaitement le lien entre la situation intérieure aux Etats Unis et ce moment politique dont un point culminant aura été le veto opposé par la Russie à un projet de résolution déposé par la France à l’ONU.

Une administration Obama désespérée recourt au mensonge et peut-être plus.

Moon of Alabama (USA) 8 octobre 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le 28 septembre, la mission diplomatique française à l’ONU a affirmé que deux hôpitaux d’Alep-est avaient été bombardés. Elle documentait l’événement avec la photo de bâtiments détruits à Gaza. Les Français ont par la suite effacé ce tweet.

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Ce n’est pas la première fois que de telles affirmations mensongères et manipulations sont faites par des officiels occidentaux. Mais habituellement ils évitent les mensonges purs et simples.

Pas le Secrétaire d’Etat des Etats-Unis John Kerry. Dans un point de presse hier, avant les discussions sur une nouvelle résolution de l’ONU avec le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault, il a déclaré (à 1″ dans la vidéo) au sujet de la Syrie :

La nuit dernière, le régime a attaqué encore un autre hôpital, 20 personnes ont péri et 100 ont été blessées. Et la Russie et le régime doivent au monde plus qu’une explication sur la raison pour laquelle ils continuent à frapper des hôpitaux, des structures de soins et des femmes et des enfants. Ce sont des actes qui exigent une enquête appropriée pour crimes de guerre. Et ceux qui les commettent devront et doivent être tenus pour responsables de ces actions.

Aucune organisation de l’opposition n’a soutenu qu’un événement d’une telle gravité s’était produit. Aucune. Aucune agence de presse n’en a trace. L’officine de désinformation du MI-6, l’OSDH [Observatoire Syrien des Droits de l’Homme] en Grande Bretagne, qui recense avec une certaine fiabilité toutes les pertes annoncées et est souvent cité par les « médias occidentaux » n’a rien dit concernant un événement de ce genre en quelque lieu en Syrie.

Le grave incident affirmé par Kerry ne s’est pas produit. Kerry l’a inventé. (Etait-il prévu qu’il se produise et Kerry a-t-il omis la note de service ?). Kerry s’est servi de ce mensonge pour appeler à une enquête et des sanctions pour crime de guerre. Il l’a fait devant des caméras, pendant un événement officiel avec un hôte étranger dans le contexte d’une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU.

C’est grave. C’est presque aussi grave que les affirmations mensongères de Colin Powell sur les armes de destruction massive en Irak devant le Conseil de Sécurité de l’ONU.

Les premiers reportages, comme celui-ci sur CBSNEWS répètent les assertions de Kerry:

Kerry a déclaré que les forces syriennes ont touché un hôpital la nuit dernière, tuant 20 personnes et en blessant 100, décrivant ainsi ce qui serait la plus récente frappe par Moscou ou son allié de Damas sur une cible civile.

Mais l’article du New York Times qui traite de l’événement, s’il parle bien de la demande par Kerry d’une enquête pour crime de guerre, ne mentionne pas ses affirmations sur le bombardement de l’hôpital. Il n’en dit rien. Pour l’auto-proclamé « journal de référence », le mensonge de Kerry n’a jamais existé. Même chose au Washington Post dont l’article ne mentionne pas l’affirmation mensongère de Kerry.

La dernière dépêche de l’AP rédigée par Matthew Lee omet aussi le mensonge. C’est bizarre parce que Matt Lee en est à l’évidence conscient. Le point de presse quotidien du Département d’Etat a un long passage sur cet aspect. La vidéo (à 3″ »30′) montre que c’est Matt qui pose ces questions:

QUESTION:  Okay. Sur la Syrie et les propos du Secrétaire d’Etat dans la matinée : Savez-vous de quel bombardement il parlait dans ses propos sur un hôpital bombardé dans la nuit à Alep?

MR KIRBY: I think the Secretary’s referring actually to a strike that we saw happen yesterday on a field hospital in the Rif Dimashq Governorate. I’m not exactly positive that that’s what he was referring to, but I think he was referring to actually one that was –

Je crois que le Secrétaire d’Etat faisait en réalité allusion à une frappe dont nous avons appris qu’elle s’est produite hier sur un hôpital de campagne dans le gouvernorat de Damas Rif. Je ne suis pas tout à fait certain que c’est à cela qu’il faisait allusion, mais je pense qu’il faisait allusion à un bombardement qui…

QUESTION: pas un bombardement sur Alep?

MR KIRBY:  Je crois que c’était – je pense que c’était – je crois qu’il – je suppose qu’il – je suppose qu’il s’est un peu trompé sur la localisation en faisant allusion à…-

QUESTION:  mais vous n’avez pas de certitude cependant?

MR KIRBY: Non. Pour ce que j’en sais d’après mes informations, c’est qu’il faisait plus probablement allusion à un bombardement hier dans le gouvernorat mais c’était peut-être une erreur de bonne foi.

QUESTION: Si nous pouvions – si nous avions la possibilité de trancher avec certitude sur ce dont il parlait…

MR KIRBY: Je ferai tout mon possible, Matt.

Le passage dure encore. Mais il n’y a pas eu de bombardement dans le Rif de Damas, ni à Alep. Par la suite, Kirby, le porte-parole du Département d’Etat reconnaît pour l’essentiel que Kerry a menti : « Je ne peux pas le confirmer. »

Il s’avère aussi que Kerry n’a pas la moindre preuve d’un quelconque crime de guerre et aucune possibilité crédible d’initier une procédure criminelle internationale sur de tels crimes. Et dans quel but ? Pour intimider la Russie ? Peu de chances que ça marche, ce serait une démarche sans espoirs et Kerry devrait le savoir.

Kerry est désespéré ; Il a complètement perdu la main en Syrie. La Russie joue le premier rôle et fera tout ce qu’i soit être fait. L’administration Obama, à part commencer une guerre mondiale, n’a plus aucun moyen d’influer significativement sur l’action de la Russie.

Kerry n’est qu’un instrument parmi d’autres de l’administration Obama. Dans la journée, le directeur de la National Intelligence des Etats Unis James Clapper a émis d’autres accusations contre la Russie :

La communauté du renseignement des Etats Unis est convaincue que le gouvernement russe a dirigé les récentes intrusions dans les courriers électroniques de personnes et d’institutions américaines, dont ceux d’organisations politiques américaines. La récente divulgation du contenu d’e-mails présumés piratés sur des sites comme DCLeaks et WikiLeaks et par Guccifer 2.0 correspondent bien aux méthodes et aux motivations d’agissements dirigés par les Russes. Ces piratages et ces divulgations ont pour but d’interférer avec le processus électoral aux Etats Unis. Une telle activité n’est pas nouvelle de la part de Moscou – les Russes ont utilisé des procédés et des techniques semblables à travers l’Europe et l’Eurasie pour, par exemple, influencer l’opinion publique dans ces régions. Nous croyons, sur la base de l’étendue et de la précision de ces agissements, que seuls de hauts responsables officiels russes pouvaient avoir autorisé ces activités.

Traduction : « NOUS NE SAVONS pas du tout (« Nous sommes convaincus », « nous croyons », « dirigées ») qui a commis ces piratages et NOUS N’AVONS pas la moindre preuve (« correspondent bien », « sur la base de l’étendue et de la précision ») que la Russie est impliquée, alors laissez-moi vous jeter un peu de poudre aux yeux et essayer de vous embobiner tous autant que vous êtes. »

L’ancien ambassadeur de Grande Bretagne Craig Murray qualifie cela de flagrant mensonge néocon. C’est pourtant à l’évidence le DNC (Democratic National Committee)  qui a manipulé le processus électoral en, en contradiction avec son mandat, promouvant Clinton face à Sanders. Les hackers en ont simplement donné la preuve. Il est également facile de voir pourquoi ces accusations sont lancées maintenant. Murray :

Que l’administration Obama fasse une accusation formelle contre la Russie sans se baser sur une seule preuve est, en soi, étonnant. Mais elle est motivée par le désespoir. WikiLeaks a déjà annoncé disposer d’un énorme stock d’autres éléments relatifs aux manigances d’Hillary. La Maison Blanche cherche simplement à les discréditer à l’avance en les associant mensongèrement entièrement aux services secrets russes.

L’administration Obama est en train de perdre. Sur la Syrie comme sur les élections, elle ne peut plus affirmer ses volontés. Trump, en dépit de tous les propos grossiers qu’il peut tenir, a une chance significative d’accéder à la présidence. Lui (-44%) et Clinton (-41%) sont plus détestés par l’électorat américain que Poutine (-38%). N’importe quelle solution en Syrie sera plus à l’avantage de la Russie que de Washington.

Un tel désespoir peut être dangereux. Mentir sur la Russie est une manière pour Kerry de s’accrocher désespérément. Le président et ses collègues au Pentagone et à la CIA ont des moyens plus énergiques [kinetic] de s’exprimer. Iraient-ils jusqu’à ordonner quelque chose de vraiment stupide ?

Milice catholique, sectes protestantes et orthodoxe: les affrontements de l’Euro 2016 à Marseille expliqués!

11 juin 2016

Moon of Alabama a repris une bonne partie des tweets de Hayder al-Khoei, un chercheur irako-britannique spécialiste du chiisme.

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Hayder al-Khoei

Ses tweets sont relatifs aux affrontements entre supporteurs russes et anglais à Marseille samedi 11 juin et portent de façon amusante une sévère critique de la manière dont la presse occidentale rend compte des crises politiques dans certaines régions du monde.

Les affrontements à Marseille préfigurent une guerre sectaire plus générale

Moon of Alabama (USA) 11 juin 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

Marseille – Des affrontements entre supporters sectaires de deux équipes qui s’opposent dans des jeux rituels antiques ont éclaté aujourd’hui. Les observateurs craignent un risque d’escalade vers une guerre sectaire plus vaste à l’échelle de l’Europe.

La milice locale est intervenue mais comme sa propre religion est méprisée par les deux parties qui se bagarrent, elle a fini par les combattre toutes les deux. Les combats de rue ont commencé quand des supporteurs organisés de l’équipe orthodoxe russe ont jeté des bouteilles de bière vers les partisans ivres des Anglais protestants.

De violents affrontements se sont déroulés à Marseille. Un Anglais est entre la vie et la mort.

On lance des bouteilles de bière

Lancer des bouteilles de bière est considéré comme une insulte en Europe. La milice française catholique a utilisé des gaz lacrymogènes et attaqué de indistinctement les parties en querelle ainsi que les badauds. Les indigènes accusent cette milice d’attaquer son propre peuple et ont exigé la chute immédiate du régime Hollande.

Several people were arrested and injured, according to police, who used tear gas and water cannons to break up the bottle-throwing rioters.

Un milicien catholique maîtrise un adepte d’une des deux sectes qui s’affrontent à marseille

Les Protestants anglais, les catholiques français et les Slaves orthodoxes se détestent mutuellement en raison d’une histoire sectaire profondément enracinée et d’une longue série de guerres en Europe. Cette violence hideuse est enracinée dans des conflits qui remontent aux guerres franco-anglaises du 13ème siècle et à l’invasion de la Russie par Napoléon. Un siège en 1627 [La Rochelle, NdT] avait marqué le point culminant des tensions sectaires internes à la France. Il s’était terminé par une victoire catholique malgré l’aide des protestants arrivant d’Angleterre. Les heurts en France entre les Anglais soutenus par les Etats Unis et les Russes soutenus par les Chinois s’inscrivent aussi dans le cadre d’une guerre par procuration entre le capitalisme et le communisme en mer de Chine méridionale.

Après que sa milice a perdu le contrôle des affrontements, le gouvernement catholique de la France a promis d’envoyer des renforts pour mater les deux camps. Les organisations humanitaires ont appelé à faire preuve de retenue et à ne pas blesser les modérés impliqués dans les bagarres. Des experts de la région ont discuté de la fourniture d’armes aux moins sectaires des participants. Les autorités catholiques de Pologne ont appelé l’OTAN à tenir Poutine pour responsable des heurts à Marseille. Une agression russe contre tout membre de l’OTAN ne doit pas être tolérée, ont-elles déclaré.

Pour les Etats Unis, Alep est la bataille que l’armée syrienne ne doit pas gagner

26 mai 2016

On lit assez rarement des analyses produites par des spécialistes russes des questions de politique internationale ou de défense. Raison de plus pour traduire cet article qui fait utilement le point sur la situation politique et militaire en Syrie.

Si le parti pris est clairement orienté en faveur des autorités russes et du gouvernement syrien, il me semble que l’article brosse néanmoins un tableau exact de la situation et des perspectives pour la Syrie.

On le reconnaîtra d’autant plus aisément qu’on aura compris que ce qui se passe en Syrie n’est pas l’affrontement entre une affreuse dictature (qu’on pense que le régime en place soit ou pas une affreuse dictature selon qu’on est pro régime ou pas) et des partisans de la démocratie. Et que les Etats Unis n’ont pas pour projet d’installer à Damas un gouvernement respectueux du droit.

L’importance de la bataille d’Alep

Par Alexander Kuznetsov, Strategic Culture (Russie) 25 mai 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

De rudes combats se poursuivent à Alep. Après la violation de l’accord de cessez-le-feu par l’opposition armée, les forces gouvernementales syriennes ont lancé une offensive pour encercler entièrement et prendre le contrôle complet de la partie occidentale de la ville qui est aux mains des militants.

Les forces anti-gouvernementales bombardent régulièrement les civils dans les quartiers chrétiens d’Alep et dans le district Cheikh Maqsoud qui est peuplé de Kurdes. Un résultat de cette nouvelle phase de la campagne militaire a été l’accroissement de l’influence des organisations djihadistes, en particulier du Jabhat al-Nosra. C’est cette organisation et ses alliés que la Turquie et les Etats Unis essayent de faire passer pour « l’opposition modérée » qui est supposée capable de vaincre l’Etat Islamique (Daesh). Mais quand on en vient à leurs méthodes pour éliminer leurs adversaires politiques et les Chrétiens, ces organisations islamiques radicales sont indiscernables.

Cheikh Maqsoud

Quartier Cheikh Maqsoud à Alep

Le leader d’al-Qaïda exhorte les militants “modérés” et “extrémistes” à s’unir.

On doit remarquer qu’encore une autre organisation djihadiste est apparue en Syrie en mars-avril de l’an dernier. Elle est connue sous l’appellation de Djeich al-Fatah. Cette organisation réunit Ahrar al-Cham et Jound al-Aqsa en plus du Jabhat al-Nosra. La plupart des experts considèrent Ahrar al-Cham comme étant une organisation salafiste-djihadiste du même type que le Jabhat al-Nosra qui a été inscrit par le Conseil de Sécurité de l’ONU dans sa liste d’organisations terroristes.

En 2015 , l’ancien chef de Ahrar al-Sham, Hassan Abboud, décrivait ainsi ses différences avec l’État Islamique: « La démocratie est une épée que ‘Occident tient au dessus dles autres nations. Elle est un moyen pour que seulement quelques personnes puissent contrôler une nation. Conformément à la charia, il y a plusieurs façons de choisir un dirigeant. Dans une monarchie, le successeur hérite de son titre. Dans d’autres sociétés qui observent les règles de la charia, le dirigeant est choisi par les hommes les plus sages et les plus respectables après consultation du peuple. Toutes ces méthodes sont légitimes. Nous reconnaissons que, idéalement, il devrait y avoir un calife et ses esclaves. Nos différences avec l’État islamique concernent des questions de forme, pas de substance. La proclamation du califat était prématurée et n’a pas été suivie par l’accomplissement de toutes les procédures institutionnelles ».

L’ancien leader de Ahrar al-Cham considère que contrer la “menace chiite” est la plus importante tâche à accomplir actuellement. Il affirme que « la faucille chiite est brandie autour de la Oumma islamique. Cette faucille safavide perse est l’obstacle principal à la restauration de sa gloire [de la Oumma] ». Le mot « faucille » doit bien entendu être entendu comme le « croisant chiite » – la coalition formée par l’Iran avec la Syrie et le Hezbollah. Cet intéressant adjectif « safavide » renvoie à l’Iran. L’Islam chiite devint la religion officielle de l’Iran sous la dynastie safavide (1506-1721), et les salafistes utilisent souvent ce terme quand ils parlent de l’Iran contemporain.

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Ayman al – Zawahiri

En attendant, Ayman al-Zawahiri, le chef de l’organisation terroriste Al-Qaïda, dont le Jabhat al-Nosra fait partie, a lancé un appel à tous les opposants au gouvernement syrien légitime pour leur demander de consolider leur unité face à l’offensive de l’armée gouvernementale syrienne dans le secteur d’Alep. «Soit vous vous unissez, soit vous mourrez », a déclaré le chef terroriste qui a salué le rôle du Jabhat al-Nosra et a farouchement critiqué le cessez- le –feu en Syrie. Le chef d’Al-Qaïda a exigé que les «vrais musulmans» de tous les pays concentrent leurs efforts sur le djihad en Syrie. Il affirme que «si les Moudjahidin ne s’unissent pas, c’est la défaite des mains des croisés russes et occidentaux qui les attend».

Hamza ben Laden, le fils d’Oussama ben Laden âgé de 23 ans, s’est lui-même allié au leader d’al Qaïda pour soutenir le Jabhat al-Nosra. Il affirme que « la Oumma islamique doit se concentrer sur le djihad en Syrie et resserrer les rangs en laissant derrière les désaccords du moment. »

La pseudo guerre de la Turquie contre l’Etat Islamique

Après ces événements, Ankara est devenu soudain méfiant à l’égard de l’Etat islamique en expansion dans le nord de la Syrie. Erdogan a non seulement annoncé son intention d’éliminer les miliciens de l’Etat Islamique du côté syrien de la frontière, mais il a également refusé d’écarter l’éventualité d’une participation des forces terrestres turques à des opérations localisées contre ce groupe terroriste. Le 6 Avril, une compagnie combattante composée de factions armées de Turkmènes syriens financés par les services de renseignement turcs, associée à plusieurs unités de Salafistes, a pris la ville d’al-Rai aux rebelles Etat islamique et menacé d’avancer vers Azaz, avant d’être repoussés le 11 avril par les djihadistes. Cela était compréhensible : les militants de Daesh prennent leur combat au sérieux – quand ils vont au combat, ils ne bluffent pas.

The Azaz corridor is closed-MKH

Le corridor d’Azaz, vital pour le Jabhat al Nosra a été coupé par l’armée syrienne

Selon les informations fournies par le journaliste turc Burak Bekdil, après que Ankara  a officiellement rejoint la coalition anti-terroriste, le flux d’armes et d’explosifs qui passent par la Turquie vers les régions contrôlées par Daesh n’a non seulement  pas diminué, mais a même augmenté. L’an dernier, 2.500 tonnes de nitrate d’ammonium, 456 tonnes de nitrate de potasse, et 75 tonnes de poudre d’aluminium sont passées de la Turquie dans des régions sous contrôle terroriste. Tous ces ingrédients servent à fabriquer des engins explosifs artisanaux.

En dépit d’une série d’actions terroristes perpétrées par des partisans de l’Etat Islamique en Turquie, un tribunal turc a libéré le 24 mars sept membres de Daesh, dont un cadre militaire. Une telle clémence aboutit à des changements irréversibles dans la société turque. Selon des enquêtes d’opinion, près de 10 % des citoyens turcs (soit près de huit millions de personnes) ont une image positive de l’Etat Islamique et ne le considèrent pas comme une organisation terroriste. C’est une quasi garantie que le flux de nouveaux combattants  venant de Turquie pour intégrer les rangs de Daesh va se maintenir.

Qu’est-ce qui a précipité ce changement de comportement de la Turquie – un pays qui encore récemment était considéré comme le parrain officieux de l’Etat Islamique? En tout premier lieu, les Unités de Protection du Peuple Kurde en Syrie (YPG), qui entretiennent des liens étroits avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) ont récemment démontré leur capacité à remporter des succès militaires contre l’Etat Islamique. Deuxièmement, après les coups sévères infligés par l’aviation militaire russe, l’entente de la famille Erdogan avec Daesh pour le commerce du pétrole syrien n’est plus aussi profitable qu’elle l’était avant. Tout cela oblige Ankara à revenir sur sa cooperation avec l’Etat Islamique et à opérer un changement en travaillant avec le Jabhat al-Nosra et les organisations qui lui sont alliées.

Le changement de tactique d’Ankara à l’égard de la Syrie a l’entier soutien de Washington. La récente livraison par les Etats Unis à la Turquie de systemes de roquettes d’artillerie ultra-mobiles fait résonner le signal d’alarme. Ces systems sont capables de tirer des missiles à 90 kilomètres à l’intérieur du territoire syrien. Dans son interview du 10 mai dernier avec la correspondante de CNN Christiane Amanpour, le Secrétaire d’Etat américain John Kerry a averti la Russie de gros problems à venir si elle continuait à soutenir l’offensive du gouvernement syrien à Alep. Il observait que « la Russie a un intérêt à ne pas se retrouver enlisée des années en Syrie…  [et] devenir la cible de l’ensemble du monde Sunnite et d’avoir tous les djihadistes de la region cherchant à attaquer la Russie. »

Les Etats Unis sont prêts faire tout ce qu’il faut pour empêcher le gouvernement de Bachar al-Assad de se renforcer. Si les troupes gouvernementales obtiennent une victoire militaire dans la région d’Alep, environ 90 % du territoire syrien serait sous le contrôle du gouvernement légitime. Et ça ne fait pas partie des plans de l’Occident. Alors John Kerry menace de fixer une date butoir en août 2016 pour que la Russie aide à la formation d’un gouvernement de transition en Syrie, en affirmant que dans le cas contraire, les livraisons d’armes américaines commenceront à affluer dans les rangs de « l’opposition modérée. » Nous savons fort bien ce à quoi ressemble une « période de transition » à la mode américaine – nous l’avons vu en Irak et en Libye. Cette période a commencé en Irak après l’occupation américaine en 2003 et se poursuit à ce jour, accompagnée d’explosions incessantes à Bagdad, d’une corruption chronique et d’une guerre civile dans les provinces du nord du pays. En Libye, la « période de transition » s’est terminée par l’effondrement de l’Etat. Et c’est ce futur que les Etats Unis ont à l’esprit pour la Syrie. Les bons vieux plans n’ont pas changé.

Sukhoi 24 russe abattu par l’aviation turque: une analyse juridique réfute les arguments de la Turquie

26 novembre 2015

L’armée de l’air turque était-elle fondée à abattre un bombardier russe de type SU-24 en mission au dessus de la Syrie ?

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Bombardier biplace Su-24 Fencer

Les autorités turques soutiennent que oui car, selon elles, l’avion russe avait violé l’espace aérien turc et que les avions de chasse turcs avaient procédé à une dizaine de sommations avant d’ouvrir le feu.

Le gouvernement russe conteste pour sa part que le SU-24 ait pénétré dans l’espace aérien turc tandis qu’un des deux membres de l’équipage russe qui a survécu à la destruction de son appareil, l’autre ayant été tué par les « rebelles syriens » pendant sa descente en parachute, nie la réalité des sommations.

Il est vrai qu’on peut s’interroger sur la possibilité d’une dizaine de sommations pour une incursion qui aurait duré au maximum (si elle a eu lieu!) 17 secondes.

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Versions russe et turque de la trajectoire du SU-24 détruit par l’armée turque

Pourtant, même si l’avion russe était entré dans l’espace aérien turc, ce fait n’aurait pas en lui-même suffi à justifier le recours à l’usage de la force et la destruction de l’appareil.

C’est en tout cas ce qui ressort d’une analyse juridique effectuée par quelqu’un qui semble être versé dans ce domaine puisqu’il est à la fois ancien officier supérieur de l’aviation militaire américaine et spécialiste reconnu du droit de la guerre.

Les Russes ont sans doute un dossier solide sur la destruction de leur avion par la force aérienne turque

par Charles J. Dunlap Jr., The Hill (USA) 25 novembre 2015 traduit de l’anglais par Djazaïri

La destruction en vol d’un bombardier russe Su-24 par des F-16 turcs soulève un certain nombre de questions essentielles en matière de droit international que les États Unis doivent examiner avec soin. C’est tout particulièrement important dès lors que le résultat de l’action 6turque6 a é6té apparemment la mise à mort illégale d’un des aviateurs russes par les rebelles syriens ainsi que la possibilité de la mort de la même manière d’un marine russe qui essayait de porter secours à l’équipage de l’avion abattu.

Si le président Obama a certainement raison de dire que « la Turquie comme tout pays a le droit de défendre son territoire et son espace aérien, » la manière exacte de le faire est plus compliquée que ce que laisse entendre le président. En fait, les Russes ont de solides arguments juridiques pour soutenir qu’un tel droit prévu par le droit international a été invoqué à tort dans ce cas précis.

Quand peut-on agir en légitime défense ?

L’article 51 de la charte de l’ONU permet l’usage de la force en cas « d’agression armée. » Cependant, dans une affaire traitée en 1986, le Cour Internationale de Justice avait conclu qu’un « simple incident frontalier » pouvait constituer une violation de la charte de l’ONU mais n’induisait pas nécessairement le droit à user de la force si l’attaque n’a pas une ampleur et des effets significatifs. La plupart des nations admettent aussi que des États menacés d’une attaque imminente peuvent réagir en légitime défense du moment qu’ils ne disposent en la circonstance « d’aucun moyen de stopper l’agression autre que le recours à la force armée, » ainsi que l’avait observé Leo Van den Hole dans l’American University International Law Review (revue universitaire de droit international).

Le problème ici est que les Turcs n’affirment pas qu’une agression militaire était en cours ni, d’ailleurs, qu’une telle attaque était même envisagée par les Russes. Au contraire, dans une lettre à l’ONU, les Turcs ont seulement affirmé que les Russes avaient « violé leur espace aérien national sur une profondeur de 1,7 à 2 kilomètres pendant 17 secondes. » Ils disent aussi que les Russes ont été avertis « dix fois » (ce que les Russes contestent) et que les chasseurs turcs ont tiré sur l’avion russe en conformité avec les « règles d’engagement » turques. Bien entendu, les règles nationales d’engagement n’ont pas prééminence sur les exigences du droit international. En outre, le droit international exige que toute force mobilisée pour se défendre soit proportionnelle à la menace à traiter.

La question de droit qui se pose est donc celle-ci : Est-ce qu’une simple incursion frontalière de 17 secondes a une importance et une ampleur de nature à justifier l’usage « proportionné » d’une force meurtrière comme unique recours – en particulier dans une situation où rien n’indique que les Russes allaient attaquer quoi que ce soit sur le sol turc ?

Pour l’instant, les États Unis restent silencieux sur ce qu’ils savent éventuellement de la localisation précise des avions (dont les Russes affirment qu’ils ne sont jamais entrés dans l’espace aérien turc). Qui plus est, même su les Russes avaient pénétré l’espace aérien turc, ce fait en lui-même ne permettrait pas nécessairement l’usage de la force en l’absence de signes d’intentions hostiles (dont les Turcs ne parlent pas). De plus, il n’est pas impossible que l’avion russe puisse être entré dans l’espace aérien turc – ou pas – du fait d’une erreur de navigation non intentionnelle causée par le système de navigation satellitaire qu’emploient les Russes. Des erreurs de navigation ne sont pas des raisons valables pour déclencher le recours à une force meurtrière.

En bref, in apparaît à ce stade que le dossier présenté par la Turquie pour justifier le recours à la force meurtrière est, au mieux, fragile. Néanmoins, le secrétaire général de l’OTAN Jens Soltenberg a déclaré que l’OTAN est « solidaire avec la Turquie. » Cependant, il aurait été plus prudent de différer son jugement en attendant que les faits soient définitivement établis et qu’une analyse juridique exhaustive soit effectuée. Pourquoi ? L’article 5 du traité de l’Alliance Atlantique qui régit le droit à la légitime défense paraphrase presque mot pour mot l’article 51 de la charte de l’ONU ; donc, si les faits montrent qu’il y a illégalité au regard du droit international, cela minerait le bien fondé de la prise de position de l’OTAN « en solidarité » avec n’importe quel pays.

L’agression contre l’aviateur et le marine russes

Un autre problème important de droit international a été soulevé après que l’avion russe a été touché par les missiles turcs. Les deux aviateurs se sont éjectés mais ont été attaqués pendant leur descente en parachute de leur avion en perdition – par des éléments de l’Armée Syrienne Libre d’après les informations. Un marine russe qui participait à une opération de secours a été tué.

Il est parfaitement établi que le droit de la guerre interdit d’attaquer quiconque s’échappe en parachute d’un avion en détresse, et que le faire est un crime de guerre. Il n’y a pas de réel débat entre experts sur la lecture de ce point de droit.

En ce qui concerne le soldat russe tué en opération de secours, les choses sont plus complexes au niveau juridique. En général, une action de secours est une opération militaire qui peut être légalement attaquée. Si cependant, l’aéronef de se secours arborait une croix rouge ou un emblème du même genre reconnu internationalement, et si l’objectif consistait seulement à apporter des soins médicaux, l’attaque serait probablement considérée comme injustifiée. En outre, compte tenu du fait que tirer sur un aviateur qui fuit [son avion] en parachute est en soi un crime de guerre, le fait de porter secours à des pilotes soumis à une action à l’évidence illégale peut fort bien transformer l’incident en un de ceux où le droit international verrait dans la mort du marine russe un crime illégal.

Ce que cela signifie pour les États Unis

La Turquie n’est pas seulement un allié très important pour les États Unis et au sein de l’OTAN, mais aussi un partenaire essentiel de la coalition internationale qui s’oppose à l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL ou Daesh). Ceci dit, le respect de la règle de droit est particulièrement important dans des situations extrêmement instables comme en Syrie aujourd’hui. Ce n’est ni le moment ni le lieu d’interprétations approximatives qui peuvent aboutir à des conséquences non souhaitées. Les États Unis doivent aussi garder à l’esprit qu’il existe d’autres situations de frontière aériennes explosives dans le monde – comme les survols dans le sud de la mer de Chine – où les intérêts des États Unis tirent avantage du fait que les règles de retenue dans l’usage de la force sont méticuleusement respectées.

Si la Turquie est en tort dans cette affaire, les États Unis devraient le dire, indépendamment des autres points de désaccord que nous pouvons avoir avec les Russes. Un ami devrait toujours dire à un ami quand il a commis une erreur. C’est aussi simple que ça.

Dunlap est un général de l’armée de l’air en retraite qui dirige actuellement le Center on Law, Ethics and National Security à la faculté de droit de l’université Duke.

Le ministre antisémite dont la presse française ne parle pas

11 novembre 2015

Sur certains sujets, on ne pourra pas dire que la presse française est très réactive.

On avait ainsi pu constater qu’elle avait eu un certain retard à l’allumage pour commenter les propos négationnistes du chef du gang sioniste Benjamin Netanyahou qui a récemment affirmé que c’est le Grand Mufti de Jérusalem qui avait suggéré à Hitler l’idée d’exterminer les Juifs.

On observe un phénomène semblable en ce qui concerne la situation politique d’un pays européen, et pas n’importe lequel puisque ce pays est la Pologne, un pays important par sa population, sa qualité de membre de l’Union Européenne et de l’OTAN et sa situation géographique au contact de la Russie et de l’Ukraine.

La Pologne a une frontière avec l'enclave russe de Kaliningrad et avec l'Ukraine

La Pologne a une frontière avec l’enclave russe de Kaliningrad et avec l’Ukraine

Eh bien, les élections législatives en Pologne viennent de donner la majorité absolue à un parti conservateur représentant d’une droite dure, voire même assimilable à l’extrême droite.

Ce parti conservateur siège au parlement européen dans le même groupe que les Conservateurs britanniques ; il est même la deuxième force politique de ce groupe après les affidés de David Cameron.

Un nouveau cabinet a naturellement été constitué à Varsovie et parmi ses membres, au poste clef de ministre de la Défense, a été nommé un homme qui déclarait publiquement il y a quelques années que l’opuscule intitulé « Les Protocoles des Sages de Sion » pouvait bien être authentique parce que, selon lui, l’expérience montre qu’il existe de telles organisations [qui complotent secrètement] dans les milieux juifs.

Nous sommes là devant des propos typiquement antisémites, tenus par un membre important du gouvernement d’un pays qui compte en Europe.

Et que nous en dit la presse hexagonale ?

Pour l’instant, rien.

Je vous fiche mon billet que si un obscur sous-secrétaire d’Etat d’un pays arabe avait tenu le même langage, nous aurions eu quantité d’articles et de dépêches pour signaler et fustiger des propos antisémites.

Le nouveau ministre polonais de la défense condamné pour ses propos sur la théorie d’un complot juif

par Rajeev Syal, The Guardian (UK) 10 novembre 2015 traduit de l’anglais par Djazaïri

Ministre nouvellement nommé, Antoni Macierewicz est critiqué pour avoir dit qu’un libre canular présentant un projet pour dominer le monde pourrait être authentique.

Le ministre polonais de la Défense nouvellement nommé a été condamné pour avoir suggéré la possibilité qu’un document frauduleux prétendant montrer qu’il existe un plan juif pour dominer le monde puisse être authentique.

 Antoni Macierewicz fait partie d’un certain nombre de nominations controversés décidées lundi par le parti de droite Droit et Justice après s’être assuré pour la première fois la majorité absolue aux élections législatives du pays.
 Sa nomination pourrait compliquer les relations de la Pologne avec ses alliés de l’OTAN et de l’Union Européenne (UE) ans leur démarche pour isoler la Russie. Elle pourrait aussi constituer une difficulté pour David Cameron dont le groupe [au parlement de Strasbourg] des Conservateurs et Réformistes Européens dépend du soutien de Droit et Justice.

Macierewicz avait dit aux auditeurs de Radio Maryja en 2012 qu’il avait lu les Protocoles des Sages de Sion, un petit livre qui se présente comme un plan juif pour contrôler l’économie et les médias mondiaux mais dont il a été démontré que c’était un faux.

Antoni Macierewicz

 Antoni Macierewicz

Il avait considéré qu’il y avait un débat autour de l’authenticité de l’opuscule, mais il avait dit aux auditeurs : « L’expérience montre qu’il existe de telles organisations dans les milieux juifs.»

Ses propos ont été largement condamnés par les militants antiracistes en Pologne. Rafał Pankowski, qui a parlé de la participation de Macierewicz à l’émission de radio dans un livre sur l’extrême droite polonaise déclare : Il est bien connu pour son discours politique extrémiste qui suscite la division et a ses racines dans le discours identitaire nationaliste de Radio Maryja.

« La culture politique de Droit et Justice semble fortement influencées par ce genre de discours. C’est un triste moment pour la démocratie polonaise et européenne si la promotion des théories du complot est récompensée par des nominations à des postes importants. »

Ancien membre de l’opposition polonaise anticommuniste et vice-ministre de la Défense, Macierewicz est connu pour son action pour purger les services de renseignements militaires du pays de toute influence russe et communiste.

Au début des années 1990, il avait mené une enquête pour repérer les communistes parmi les anciens dirigeants de Solidarité, les accusant d’avoir travaillé pour la police secrète. Il avait même accusé le fondateur du syndicat, Lech Walesa, d’être un espion connu sous le nom d’Agent Bolek, mais ses accusations n’avaient pu être prouvées.

Plus récemment, il s’est fait le champion d’une théorie selon laquelle l’accident d’avion qui avait causé la mort de 96 Polonais en 2010, dont le président Polonais, était un assassinat orchestré par la Russie et non un accident comme les enquêtes officielles l’ont établi.

 « Le gouvernement dirigé par le premier ministre [russe] de l’époque, Vladimir Poutine est entièrement responsable de cette tragédie, » a-t-il déclaré devant le Parlement européen en mars.
« Il faut le dire, c’était la première salve d’une guerre qui est maintenant en cours à l’est de l’Europe et qui se rapproche de plus en plus dangereusement des frontières de l’UE et de l’OTAN. »
Le gouvernement russe a mis en cause une erreur de pilotage, et les enquêteurs polonais ont affirmé que le personnel de l’aéroport était également responsable.

Le langage incendiaire de Macierewicz risque de poser problème aux diplomates de Bruxelles déjà préoccupés par la victoire des nationalistes et eurosceptiques de Droit et Justice.

Les Protocoles des Sages de Sion auraient été publiés pour la première fois en Russie dans les années 1900 [avant la révolution bolchevique, NdT], traduits dans différentes langues et diffusés internationalement au début du 20ème siècle.

Ils sont supposés être les minutes d’une réunion de dirigeants juifs à la fin du 19ème siècle au cours de laquelle ils auraient discuté d’un projet de plan global pour subvertir les règles morales des Gentils, contrôler la presse et l’économie mondiales.

Des journalistes et des historiens ont démontré leur caractère frauduleux dans les années 1920, montrant qu’ils contenaient des extraits de textes tirés d’autres livres. Ils furent néanmoins étudiés dans les écoles allemandes après l’accession au pouvoir des Nazis en 1933.

Droit et Justice est devenu le premier parti politique de la Pologne post-communiste à obtenir la majorité absolue au parlement, ce qui lui donne un contrôle d’une ampleur inédite sur les politiques de l’Etat.

Son retour au pouvoir a remis en selle l’ancien premier ministre Jaroslaw Kaczynski dont le gouvernement avait agacé ses alliés européens avec sa rhétorique antiUE entre 2005 et 2007.

Droit et Justice n’a répondu aux demandes de commentaires du Guardian


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