Posts Tagged ‘Sahara’

Chose promise, chose due: les années de guerre à venir au Sahel

21 janvier 2013

Pour ceux qui croient que l’armée française, dont sa fameuse Légion Etrangère qu’il serait malséant de qualifier de bande de mercenaires, va faire un petit tour au Mali, restaurer l’Etat malien, puis s’en aller en laissant le chantier bien en ordre, j’ai bien peur d’avoir une mauvaise nouvelle à leur annoncer.

Non pas que le corps expéditionnaire dépêché par François Hollande ne parviendra pas à repousser les groupes armés qui se sont emparés du nord du  territoire malien.

La chose devrait aller sans véritable difficulté.

Non, ce que je veux dire, c’est que l’affaire malienne n’est que la continuation d’un processus de déstabilisation de l’ensemble de l’espace saharo-sahélien qui a déjà fait la preuve de son efficacité au Soudan.

Un pays qu’on a contraint à la partition, chose que peu ont suffisamment médité. Certes le Soudan était en crise depuis son indépendance, mais les puissances n’ont voulu, soutenu et obtenu la sécession du sud du pays qu’une fois connu le potentiel pétrolier de cette région. Un pétrole dont le circuit d’évacuation est l’objet d’âpres disputes politiques ou d’affrontements armés.

Ce démantèlement des Etats de la région et peut-être au-delà, en est à ses débuts et rien ne pourra l’empêcher semble-t-il car la destruction du régime libyen a brisé tout le système d’interdépendances économiques qui permettait aux populations locales de survivre. L’instabilité qui s’est emparée du Sahel ainsi que de la région du nord du Nigeria ne sera d’ailleurs pas sans conséquence pour important projet de gazoduc qui devait relier les champs gaziers de ce pays au réseau algérien de gazoducs puis le marché européen et dont on a du mal à comprendre s’il est déjà abandonné ou pas. (une splendide occasion en tout cas de renforcer une interdépendance économique entre deux régions africaines).

Image

Projet de gazoduc transsaharien

A ceux qui pensent que je suis pessimiste, je demanderai de prêter attention aux propos tenus le 20 janvier 2013 par le N°1 Britannique David Cameron, des propos que je n’ai pas retrouvés dans la presse de langue française:

“L’occident est devant une bataille qui va durer des dizaines d’années pour vaincre al Qaïda en Afrique du Nord,’’ a averti David Cameron hier pour marquer une évolution radicale de la lutte du Royaume Uni contre le terrorisme.

Image

David Cameron: la Grande Bretagne tient ses promesses

Et déjà:

Les forces spéciales sont censées se préparer à pourchasser le chef djihadiste derrière le siège et l’assassinat d’otages en Algérie, Mokhtar Belmokhtar.

On voit là se mettre en place la même belle mécanique qui est à l’œuvre en Afghanistan, en Somalie et au Yémen.

Avec probablement les mêmes effets.

Et comme le dit le premier ministre lui-même, c’est une guerre de l’Occident.

 

L’Algérie menacée

23 juin 2012

J’avais dit assez tôt sur ce blog que l’intervention militaire étrangère en Libye risquait d’avoir de graves conséquences pour l’Algérie. Les évènements qui ont suivi l’assassinat de Mouammar Kadhafi et l’arrivée au pouvoir de prétendus « rebelles » intronisés au son du canon anglo-français m’ont semble-t-il donné raison.

Et si on en croit l’article ci-dessous paru dans Tout Sur l’Algérie, les autorités d’Alger tirent de semblables conclusions puisqu’elles auraient décidé la création de sous-régions militaires dotés d’un commandement autonome au contact des zones sensibles, c’est-à-dire les confins algéro-libyens et le grand sud, aux frontières avec le Mali et le Niger.

Cette prise en compte du danger est certes louable mais elle est un peu tardive et n’est qu’une préparation à la conflagration qui va peut-être se produire.

Ces risques majeurs pour l’intégrité et l’unité territoriale du pays, le gouvernement algérien aurait dû faire plus d’efforts pour les éviter en s’opposant de manière déterminée à l’agression contre la Libye en agissant auprès des instances multilatérales, que ce soit l’ONU, l’Union Africaine ou la Ligue Arabe. Dans le cas de cette dernière, l’Algérie aurait dû mettre en balance son retrait de cette institution qui a montré qu’elle pouvait être utilisée pour faire le jeu des intérêts occidentaux contre un de ses membres.

Et puis, vu que l’Algérie se targue d’être une puissance militaire à l’échelle régionale, elle avait peut-être une occasion unique d’en faire la démonstration en adoptant une posture dissuasive.

Une telle posture comportait certes des risques, mais sans doute moins grands que ceux qu’encourt désormais le pays.

Pour faire face aux nouvelles menaces aux frontières

L’armée nationale va se doter de deux nouvelles sous‑régions militaires

Tout Sur l’Algérie, 23 juin 2012

 La situation aux frontières de l’Algérie pousse l’armée nationale à adapter son organisation. Selon nos informations, deux nouvelles sous‑régions militaires seront prochainement créées. Elles seront respectivement rattachées à la quatrième région (Ouargla) et à la sixième (Tamanrasset), avec comme principale mission la protection et la surveillance des frontières. Les deux nouvelles sous‑régions seront dirigées par un commandement autonome, avec des prérogatives semblables à celles des régions. Leur création devrait être officialisée à l’occasion de la fête du 5 Juillet et des traditionnelles promotions au sein de l’institution militaire.

Depuis quelques mois, l’Algérie fait face à de nouvelles menaces à ses frontières, avec notamment les tensions en Libye, au Mali et au Niger. À la frontière avec le Mali, la situation s’est brutalement dégradée après l’annonce de l’indépendance d’une partie du nord du pays. Les groupes islamistes radicaux, y compris Aqmi, un mouvement terroriste en guerre contre l’État algérien depuis plusieurs années, se sont implantés dans cette zone.

Résultat, les bruits de bottes se font entendre et la perspective d’une intervention étrangère n’est pas exclue. L’Algérie est elle‑même soumise à de fortes pressions pour l’obliger à s’engager militairement contre les groupes armés au nord du Mali. Or, la sixième région militaire, qui couvre un territoire très vaste, ne possédait pas les effectifs nécessaires ni l’organisation requise pour faire face à cette nouvelle situation.

Du côté de la quatrième région militaire, c’est la menace en provenance de Libye et la nécessité de renforcer la protection des champs pétroliers qui justifient la nouvelle organisation. Depuis la chute de Mouamar Kadhafi, la Libye est en proie à une situation chaotique, avec des conflits entre les différentes tribus du pays. Une situation qui favorise la circulation des armes et de possibles infiltrations de groupes terroristes sur le sol algérien. 

Bernard-Botul-Henri Lévy, la sauterelle et Mouammar Kadhafi

6 juin 2012

Non, la sauterelle, ce n’est pas Arielle, la sauterelle extra-terrestre, mais plutôt le criquet pèlerin.

L’agression contre la Libye sera peut-être l’occasion pour un certain philosophe, Bernard-Botul-Henri Lévy pour ne pas le nommer, de méditer sur la notion de causalité.

En effet, l’intervention occidentale, outre ses conséquences directes sur la Libye en termes de pertes humaines et matérielles a eu un impact désastreux sur la situation économique et donc politique de la région saharo-sahélienne. Le Mali en est l’exemple le plus visible avec la proclamation d’un Etat indépendant de l’Azawad. Certes, les fragilités et les lignes de fracture préexistaient aux évènements de Libye, mais elles n’auraient sans doute pas eu les mêmes conséquences hors l’intervention de l’OTAN et des pétromonarchies en Libye.

Maintenant, ce sont les criquets qui viennent nous rappeler que Mouammar Kadhafi ne se résumait pas à la caricature qu’en ont donné les media mais que c’était aussi un véritable homme d’Etat capable de jouer la carte de la solidarité avec ses voisins plus démunis.

Sa disparition en apporte la preuve.

Les essaims de criquets dans le sillage du soulèvement libyen

par Xan Rice à Lagos, Financial Times (UK) 5 juin 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Les conséquences de la mort de Mouammar Kadhafi continuent à se faire sentir en Afrique – cette fois sous la forme d’essaims de criquets pèlerins.

L’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a averti mardi que les terres arables du Mali et du Niger étaient sous la menace imminente de la migration vers le sud d’essaims de criquets en provenance d’Algérie et de Libye. La révolution en Libye a joué un rôle important dans la possibilité de reproduction de ce nuisible, a-t-elle annoncé.

 «Pour être honnête, la chute de Kadhafi a joué un rôle énorme, » déclare Keith Cressman, un dirigeant de la prévision acridienne à la FAO. « Elle a fortement réduit la capacité des Libyens à surveiller et à réagir comme ils l’auraient fait en temps normal. »

L’insécurité le long de la frontière algéro-libyenne – une conséquence du soulèvement – fait que les équipes sont encore incapables de traiter correctement par insecticide les zones affectées.

Les criquets pèlerins sont capables de ravager de vastes étendues de terres cultivées. En phase d’invasion, un essaim peut s’étirer sur plusieurs centaines de kilomètres carrés et comporter des milliards d’insectes, chacun d’entre eux pouvant absorber son propre poids de nourriture par jour.

En 2003 – 2005, une invasion de criquets avait touché les terres agricoles d’une vingtaine de pays, principalement en Afrique, et il en avait coûté 500 millions de dollars pour  réussir à la contrôler. L’infestation actuelle est loin d’être aussi importante, mais la FAO craint que l’insécurité au Mali entrave la lutte anti-acridienne dans ce pays.

Les essaims de criquets pèlerins se sont formés en Algérie et en Libye à la mi-mai, après des pluies abondantes et la croissance de la végétation qui en a résulté et dont ils se nourrissent.  Les premiers essaims ont déjà été aperçus dans le nord du Niger où sévit en ce moment une crise alimentaire.

Les petits paysans sont particulièrement vulnérables car l’intégralité de leurs récolte peut être ravagée. La FAO a indiqué que le nombre de criquets et leur propagation dépendront des actions de contrôle en Libye et en Algérie ainsi que des chutes de pluie dans la région sahélienne de l’Afrique de l’Ouest.

Pendant le règne de Kadhafi, la Libye avait un programme de contrôle acridien efficace et bien doté, explique M. Cressman. Si les structures administratives existent toujours, les véhicules, les pulvérisateurs et d’autres équipements ne sont plus disponibles.

« Avant la révolution, la Libye envoyait même d’importants convois avec des équipes de contrôle et de surveillance dans d’autres pays du nord et de l’ouest de l’Afrique, » dit-il. « Mais maintenant, ce sont eux qui ont besoin d’aide.»

L’insécurité persistante dans le sud de la Libye a fait que les spécialistes de la FAO présents dans le pays n’ont pas pu se rendre là-bas. Les équipes locales ont pu pulvériser des pesticides sur 40 000 hectares de zones infestées en Algérie et 21 000 hectares en Libye. Les pulvérisations sur les essaims avant leur migration les empêche l’accouplement et la ponte. Il faut l’éclosion de plusieurs générations de criquets pour qu’une invasion se développe, explique M. Cresman.

L’Algérie, l’Afrique et la facture de l’expédition de l’OTAN contre la Libye

28 mars 2012

La sécession du sud Soudan en a été en réalité le coup d’envoi, et la guerre en Libye la transformera peut-être en phénomène inéluctable ou contre lequel il faudra résister avec force : la fragmentation de l’Afrique et/ou la recomposition de ses frontières avec les risques subséquents de guerres interétatiques ou civiles..

Or l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation est un principe très important auquel l’Algérie notamment est très attachée.

Or, dans ses démêlés avec les puissances et les stars occidentales de la chanson et du cinéma, le Soudan s’est finalement retrouvé bien seul et a fini par connaître un début de démembrement. C’est maintenant au tour du Mali et de la Libye.

Dans ce dernier pays où le régime en place a été éliminé par les bombardements de l’OTAN  (au nom de la démocratie, de la protection des civils etc.) les idées séparatistes s’expriment de plus en plus fort. Après la province de Cyrénaïque qui a proclamé son autonomie, ce sont maintenant les Toubous du sud du pays qui, face à ce qu’ils qualifient  de plan de nettoyage ethnique, menacent de « demander une intervention internationale et oeuvrer pour un Etat comme le Sud-Soudan ».

Comme quoi, je ne fais pas qu’élucubrer !

Tous ces événements au Mali ou en Libye concernent directement la sécurité nationale de l’Algérie qui risque bientôt d’avoir à payer le prix fort de son inaction devant les agissements de l’Occident dans la région. Parce que, à la différence de la Tunisie ou même de l’Egypte, l’Algérie est un pays où, un peu comme en Libye, des forces centrifuges peuvent à tout moment s’exprimer, que ce soit au nord ou au sud du pays.

La boîte de Pandore est désormais grande ouverte alors que, les autorités algériennes auraient sans doute pu, avec d’autres pays africains, faire en sorte qu’elle se referme en Libye. Il  aurait certes fallu un courage dont le gouvernement algérien semble dépourvu, mais il en faudra peut-être encore plus pour faire face aux tourments qui risquent de s’emparer de la zone saharo-sahélienne dont l’Algérie est partie prenante.

Le chef des Toubous libyens brandit la menace séparatiste

L’Expression (Algérie) Mercredi 28 Mars 2012

Le chef des Toubous en Libye, Issa Abdelmajid Mansour, a dénoncé hier à l’AFP un plan de «nettoyage ethnique» visant sa tribu, brandissant pour la première fois la menace séparatiste, au lendemain de violences tribales impliquant des Toubous, au sud du pays. «Nous annonçons la réactivation du Front Toubou pour le Salut de la Libye (FTSL, mouvement d’opposition sous l’ancien régime) pour protéger les Toubous d’un nettoyage ethnique, et s’il le faut, nous allons demander une intervention internationale et oeuvrer pour un Etat comme le Sud-Soudan», a-t-il déclaré. Issa Abdelmajid Mansour, un ex-opposant au régime de Mouamar El Gueddafi, avait annoncé la dissolution de son mouvement après la chute de l’ancien régime en août. «Il s’est avéré que le Conseil national de transition (CNT, au pouvoir) et le régime d’El Gueddafi ne sont pas différents. Le CNT a un programme pour nous exterminer», a accusé M.Mansour, dont la tribu avait joué un rôle clé dans la rébellion contre Mouamar El Gueddafi depuis le sud du pays.

Les choses vont (toujours) mal en Libye

22 février 2012

Je ne sais pas pourquoi, mais la presse française ne se bouscule pas pour parler de ce qui se passe en ce moment en Libye avec un bilan de victimes pourtant conséquent, plus de 130 morts. Pourtant ia classe politique française a été assez unanime dans le soutien à l’action de l’OTAN en Libye et M. Sakozy est toujours fier de ce qu’il a fait subir à ce pays.

Le titre choisi par l’agence Belga ne doit pas vous induire en erreur. Il faut simplement savoir que les populations de l’arc saharo-sahélien subissent de plein fouet les conséquences de la destruction de l’économie libyenne et de ce qu’elle permettait au niveau de l’activité locale et des échanges transfrontaliers.

Aujourd’hui, ces populations luttent tout simplement pour leur survie et elles sont maintenant en concurrence les unes avec les autres alors qu’il y a peu de temps encore elles pouvaient coexister paisiblement et pratiquer le commerce grâce à l’effet structurant de la politique des autorités de Tripoli.

C’est fini tout ça.

 

Libye: plus de 100 morts dans des combats entre tribus pour le contrôle de la contrebande

BELGA (Belgique) mardi 21 février

Libye: plus de 100 morts dans des combats entre tribus pour le contrôle de la contrebande

Plus de 100 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées dans des combats opposant depuis une dizaine de jours des tribus du sud-est désertique de la Libye, a-t-on appris mardi de sources tribales.

Depuis le début des combats, « 113 personnes ont été tuées et 241 blessées » parmi les Toubous, a indiqué le chef de cette tribu, Issa Abdelmajid, tandis que la tribu des Zouwaya a fait état de 20 morts et 40 blessés parmi ses membres. Il n’a pas été possible dans l’immédiat de vérifier ces bilans.

Les affrontements entre les deux tribus avaient éclaté le 12 février dans la ville de Koufra au sud-est de la Libye, frontalier du Tchad, du Soudan et de l’Egypte. M. Abdelmajid est un ex-opposant de l’ancien régime de Mouammar Kadhafi. De son côté, le porte-parole du Conseil local de Koufra, Younes Zwei, de la tribu des Zouwaya, a indiqué que la ville combattait des Tchadiens et des Soudanais, dont plusieurs ont été tués ou arrêtés.

Les Toubous, qui vivent aussi dans les pays frontaliers comme le Niger et le Tchad, contestaient leur marginalisation sous le régime de Kadhafi qui refusait d’accorder la citoyenneté à certains de leurs membres, invoquant leurs origines tchadiennes. Koufra, ville de 40 000 habitants située au sud-est de la Libye, frontalier du Tchad, du Soudan et de l’Egypte, est un point de passage stratégique de contrebandiers du désert. Selon une source du CNT, les tribus s’affrontent pour le contrôle de la contrebande dans cette région.

Belga

Les conséquences désastreuses pour l’Afrique de l’intervention occidentale en Libye

17 février 2012

On nous parle de ce qui se passe en ce moment au Mali avec la lutte armée qui oppose le Mouvement de Libération de l’Azawad (Touareg) au pouvoir central.

Si dans un premier temps l’armée malienne a subi un coup sévère avec notamment une centaine de soldats qui auraient été purement et simplement massacrés, le gouvernement est passé à l’offensive et dit avoir infligé de lourdes pertes aux militants indépendantistes.

Dans le premier temps des affrontements, des soldats maliens n’ont semble-t-il dû leur salut qu’à la possibilité qui leur a été offerte de se réfugier dans l’Algérie voisine.

C’est dire que cette révolte Touareg est grosse d’importants risques de déstabilisation pour une région déjà fragilisée par les activités de bandes terroristes et de l’armée américaine qui ont porté un coup sévère au tourisme mais plus encore par les contrecoups de l’intervention occidentale en Libye. Oui, celle dont MM. Sarkozy et Cameron sont si fiers mais dont l’Afrique commence à payer le prix.

La guerre en Libye a en effet privé nombre de pays d’Afrique sub-saharienne d’un véritable poumon économique, entre les aides directes ou indirectes apportées par le gouvernement de Mouammar Kadhafi et l’argent envoyé aux familles par les centaines de milliers d’émigrés qui travaillaient en Libye.

C’est fini tout ça et il ne reste plus que de maigres ressources à partager et d’immenses étendues à parcourir pour des masses de réfugiés

On l’a vu, des soldats maliens ont dû se replier en Algérie et il est vrai que demain, l’Algérie, comme d’autres pays de cette région d’Afrique, risque de subir les conséquences de la destruction de la Libye. Et ces conséquences peuvent être extrêmement graves pour l’Algérie qui se mordra sans doute bientôt les doigts de ne pas avoir fait preuve de fermeté au moment de l’affaire libyenne.

Et franchement, quand j’apprends que l’Algérie vient de commander des blindés russes de dernière génération, je me demande sincèrement à quoi ils pourraient bien servir. A mon avis à rien du tout et sûrement pas à réprimer la population comme certains le prétendent de manière assez grotesque (pendant les années de guerre civile, les blindés lourds n’ont été utilisés que très ponctuellement voire pas du tout).

Denis Koné nous offre un très bon article dans lequel il met en cause directement la responsabilité de l’intervention occidentale en Libye dans la crise malienne. Un article qui explique mais qui se lit aussi comme un réquisitoire contre la passivité des gouvernements africains.

Crise au Nord Mali: La rançon de la crise libyenne

Par Denis Koné, Afrique en Ligne 16 février 2012

Sécurité au nord du Mali – L’Afrique et ses dirigeants ont vécu la crise libyenne comme un spectacle et dont les conséquences sont loin de se limiter de nos jours, à ce que nous vivons au Mali. Les dirigeants africains et leur organisation, l’Union africaine ont assisté passivement à la liquidation du régime du colonel Mouammar Kadhafi.

Pour le colonel Mouammar Kadhafi, la page s’est définitivement refermée le 20 octobre dernier. Tué ce jour-là, il en finissait définitivement avec les contradictions et les soucis de son existence de révolutionnaire ; mais pour bien d’autres États africains dont le Mali et les autres pays de l’espace Uémoa, les difficultés n’ont commencé que ce jour-là.

Il en est ainsi de la rébellion touarègue à laquelle nous assistons. Des experts en tout genre cherchent à trouver les raisons qui ravivent ce conflit que l’on croyait éteint suite à la signature du Pacte national. Mais le combat que les Touaregs mènent actuellement contre notre armée n’a rien d’identitaire. Il est existentiel. Il s’agit d’hommes et de femmes qui, estimant ne pas pouvoir trouver de quoi vivre chez eux-mêmes, avaient décidé d’aller voir ailleurs.

Le hasard les conduit alors en Libye où ils trouvent de quoi mener une existence à l’abri de l’indigence. Mais un beau jour, leur quotidien devait subitement être bouleversé. Plus parce que sa tête ne plaisait plus à certains que parce qu’il gérait mal son pays, le colonel voyait se lever contre lui une armée mondiale. L’issue fut tragique. Et pour les touaregs accusés à tort ou à raison de s’être rangés du côté du perdant, c’est la chasse aux sorcières, c’est le vandalisme, c’est le pillage des biens et c’est le retour forcé.

Retour d’émigrés démunis, pleins d’amertume mais puissamment armés. L’Etat ayant, à travers les autorités militaires ayant failli à leur devoir de désarmer les revenants, la crise était inévitable. Aujourd’hui, c’est la nation malienne qui est menacée dans son unité et son intégrité territoriale et le processus électoral jadis prometteur, est plus que compromis. On n’entend aucune des puissances impérialistes qui étaient intervenues en Libye, reconnaître leur part de responsabilité dans la crise actuelle que traverse le Mali et par ricochet, les pays comme le Niger, le Burkina Faso puisque ces pays accueillent de nombreux Maliens réfugiés.

L’Onu qui avait donné quitus à l’intervention, à travers sa fameuse résolution 1973 est muette de nos jours. Au Mali et à tous les autres pays sur lesquels se déversent actuellement les conséquences de cette crise libyenne de les gérer. Les autres avaient pour mission de tuer Kadhafi. Celle-ci accomplie, ils se sont retirés et tant pis pour le reste. Pauvre Afrique !

Et c’est là que se manifeste la responsabilité des dirigeants africains. Eux qui avaient laissé faire, ils avaient naïvement pensé que cela se limiterait à Kadhafi seulement. Eh bien, ils se sont dangereusement trompés. Parce qu’en réalité, la crise malienne ne sera certainement pas la seule conséquence fâcheuse que l’Afrique aura à déplorer, suite à son incapacité à se faire respecter par le monde entier.

Déjà, le fiasco enregistré lors de l’élection du président de la commission de l’Union africaine, est également à mettre au compte de ces conséquences malheureuses et regrettables. Car la gestion calamiteuse de l’interventionnisme occidental dans les crises ivoirienne et libyenne par Jean Ping est l’élément fondamental de l’inimitié absolue que l’Afrique du sud éprouve à son encontre.

Le 40e sommet des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui s’ouvre aujourd’hui dans la capitale nigériane Abuja saura -t-il tirer une belle leçon de ce vécu ? Les sommets étant souvent de grandes rencontres au cours desquels des discours mielleux sont prononcés sans que des actes concrets ne s’en suivent.

Denis Koné

Les Echos du 16 Février 2012


%d blogueurs aiment cette page :