Une loi du retour pour les Juifs en Espagne

En 2015, le gouvernement espagnol, alors dirigé par le Parti Populaire, un parti de droite, a adopté une loi permettant aux descendants de Juifs chassés d’Espagne après 1492 de solliciter la nationalité espagnole en sus de la nationalité qu’ils ont déjà.

Cette loi présentée comme traduisant une volonté de réparation était surtout dictée par une volonté de se rapprocher de manière plus étroite du régime sioniste et des communautés juives de par le monde. En effet, si la démarche avait été celle d’une volonté de réparation, elle aurait aussi concerné les descendants des Morisques chassés eux aussi d’Espagne et qui sont partis le plus souvent aux mêmes endroits que les Juifs, c’est-à-dire dans les divers pays musulmans d’Afrique du Nord, d’Asie occidentale et d’Europe (au XVème siècle la Grèce par exemple fait partie de l’empire Ottoman).

Les dossiers pouvaient être déposés jusqu’en 2019 et on peut dire que la proposition espagnole a remporté un franc succès avec près de 100 000 demandes.

Comme on pouvait s’y attendre il y a eu de nombreuses fraudes, décelées surtout dans le continent américain, ce qui a entraîné un resserrement des contrôles et donc un ralentissement de l’instruction des dossiers.

Et comme on pouvait s’y attendre, les accusations d’antisémitisme n’ont pas tardé.

Ce qui est intéressant, c’est que ces accusations d’antisémitisme ont été balayées par la Fédération des communautés juives d’Espagne qui semblent assez pointilleuses sur la question de savoir qui est Séfarade et qui ne l’est pas. Et la dite fédération observe que l’octroi de la nationalité n’est pas lié à la religion puisque la majorité des demandeurs qui ont obtenu la nationalité espagnole ne sont pas juifs.

Et il est vrai que Séfarade veut simplement dire Espagnol!

SEFARADES

Une alerte policière pour fraude entraîne le refus de la nationalité espagnole aux Sépharades

L’étude détaillée des dossiers a mis au jour des milliers de candidatures qui ne répondent pas aux exigences. Des avocats et certaines communautés juives accusent le gouvernement de durcissement des critères et d’antisémitisme

Par Maria Martin, El Pais (Espagne) 20 août 2021 traduit de l’espagnol par Djazaïri

Une note de police envoyée au ministère de la Justice fin 2018 a tiré la sonnette d’alarme. Les agents ont mis en garde contre l’existence d’une organisation criminelle et d’éventuelles fraudes dans le traitement des demandes de nationalité espagnole par des descendants de séfarades . L’information émanait de l’ambassade d’Espagne d’un pays d’Amérique latine. La police a radicalement changé la façon dont les demandes étaient étudiées, incitant les fonctionnaires à examiner à la loupe les dossiers et a provoqué une avalanche de refus lorsqu’il s’est avéré que, dans des milliers d’entre eux, les exigences de la loi n’étaient pas respectées. Les plus de 3 000 demandes rejetées ces derniers mois ont suscité une vive polémique. Certaines communautés juives et une poignée d’avocats accusent le gouvernement d’antisémitisme et de modification des critères d’approbation des dossiers. Le Parti Populaire [conservateur] a déjà demandé des explications. La justice et la Fédération des communautés juives d’Espagne réfutent cela [l’antisémitisme et la modification des critère] et ne voient que l’application d’un plus grand zèle (auparavant pratiquement inexistant) dans ce processus.

David, descendant de Séfarades né au Mexique attend son tour
pour demander la nationalité espagnole au consulat

d’Espagne à Mexico (30/09/2019)

Depuis 2015, les descendants des Juifs qui vivaient dans la péninsule ibérique et ont été contraints de quitter l’Espagne en 1492 bénéficient d’une loi spécifique pour demander la nationalité espagnole sans renoncer à celle qu’ils ont déjà. Promue par Alberto Ruiz-Gallardón, alors ministre de la Justice du Parti Populaire, la loi visait à opérer une « réparation historique ». Pour obtenir un passeport espagnol, les personnes intéressées doivent, entre autres, prouver leurs origines avec un certificat de la communauté juive de leur pays de naissance ou de résidence et prouver leur lien avec l’Espagne. La loi a délégué la constitution et la vérification des documents aux notaires tandis que la Justice se réserve l’étude finale des dossiers, la vérification des infractions pénales et l’approbation des demandes.

Durant toutes ces années, pratiquement aucun des candidats n’a eu de difficultés à obtenir l’approbation. En 2020, 20 908 requêtes ont été résolues favorablement et une seule a été rejetée, selon les données du ministère de la Justice. Mais lorsque la note de la police a sonné l’alerte, des sources judiciaires ont reconnu qu’il a été découvert que des milliers de candidats déposaient des demandes sans remplir toutes les conditions et que, entre autres, des certificats de communautés juives de pays sans liens avec les candidats avaient été fournis ou que les documents avaient été présentés devant notaire par procuration lorsque la loi exige que cela soit fait en personne. Les dossiers avaient passé le premier filtre des notaires et le département du ministère chargé de la nationalité, qui souffre d’un manque chronique de personnel avec un peu plus de 30 fonctionnaires, a fini par accorder les passeports en vérifiant uniquement les casiers judiciaires.

Après avoir vérifié que la procédure pouvait être améliorée, il a été décidé, selon les mêmes sources, de prioriser et d’approuver les dossiers totalement conformes et de mettre de côté les dossiers douteux. Une circulaire a également été adressée aux notaires en octobre 2020, les avertissant des défauts détectés dans les certificats de notoriété et les invitant à faire preuve d’un zèle extrême lors de l’acceptation des documents présentés. Le renforcement de 100 fonctionnaires pour traiter ces demandes de nationalité et d’autres a également permis d’étudier chaque dossier plus en détail. La stratégie a été révélée cette année, lorsque 15 274 demandes supplémentaires de nationalité ont été acceptées, mais 3 019 ont été refusées.

L’un des principaux motifs de refus a été la présentation de certificats d’ascendance délivrés par des communautés juives qui n’ont rien à voir avec le lieu d’origine ou de résidence du demandeur. Pendant des années, ces documents ont été acceptés, non pas parce qu’ils étaient valides, mais parce qu’ils n’étaient pas examinés avec l’attention nécessaire, expliquent des sources judiciaires. « Les critères n’ont pas changé et sont dans la loi », affirment-ils.

Une communauté juive qui fournissait des services à des milliers de citoyens latino-américains aspirant à devenir espagnols apparaît fréquemment dans les dossiers refusés. La Fédération juive du Nouveau-Mexique (États-Unis) affirme avoir délivré quelque 20 000 certificats et fait partie de celles qui se sont insurgées contre le gouvernement. Elle lui reproche de changer les règles du jeu et d’imposer de nouvelles exigences et défend la rigueur de ses procédures. Sara Koplik, directrice du programme du patrimoine séfarade de la Fédération du Nouveau-Mexique, est l’une des candidatures rejetées et voit de l’« antisémitisme » dans le nombre élevé de refus. « Nous pensons que la justice n’examine pas les cas avec soin et rejette simplement les candidats parce qu’elle ne veut pas que les Sépharades deviennent citoyens [espagnols]», affirme-t-elle.

Koplik n’est pas seul et plusieurs avocats et hommes d’affaires, qui représentent un pourcentage énorme des dossiers présentés, accusent l’exécutif d’imposer de nouveaux critères et de semer le doute sur le travail des communautés juives et des notaires. Luis Portero, qui a participé à la négociation du texte de loi, fait partie de ces avocats. Il affirme avoir traité plus de 12 000 dossiers de nationalité et soutient que la loi permet de fournir d’autres moyens de preuve pour certifier l’ascendance, donc, contrairement à ce que soutient la justice, les certificats provenant d’autres pays que celui du demandeur seraient valables. L’avocat, après avoir vu comment les dossiers de 600 de ses clients ont été rejetés, affirme que l’Administration a modifié ses critères et pose de nouvelles exigences. « Le travail des communautés juives du monde entier est remis en question, tout comme la confiance publique des notaires. « Ils nous accusent de fraude et ce n’est pas vrai », dénonce-t-il.

Face à la polémique déclenchée sur les réseaux et dans la sphère politique, la Fédération des communautés juives d’Espagne, qui dispose d’une compétence universelle pour prouver l’ascendance de tout candidat où qu’il réside, a rejeté la possibilité de parler d’antisémitisme. « Les résolutions des dossiers n’ont à aucun moment été conditionnées à des décisions politiques, comme certains tentent de le laisser entendre, mais plutôt au respect de la loi », précise une porte-parole. « Si les dossiers ne répondent pas aux exigences de la loi, ne sont pas bien présentés ou comportent une documentation incorrecte, il est normal qu’ils soient refusés. » La Fédération rappelle également que l’octroi de la nationalité aux Séfarades n’est pas lié à la confession mais à l’origine juive-espagnole et qu’il existe une majorité de personnes non juives qui ont obtenu leur passeport.

Un autre avocat, Alberto de Lara Bendahan, qui a également consacré des années au traitement de la nationalité des séfarades, considère que la controverse n’a aucun fondement et résume succinctement ce qui s’est passé : « La procédure était laxiste. On faisait confiance au jugement du notaire, qui était celui qui évaluait l’adéquation des documents, et le ministère les approuvait de manière laxiste. « Soudain, ils se sont rendu compte qu’il y avait des milliers de demandes comportant des certificats d’ascendance d’une valeur probante douteuse. » De Lara rappelle que la gestion de tous ces milliers de dossiers « a représenté une opportunité commerciale assez lucrative pour les avocats, les conseillers, les notaires et certaines entités qui ont été utilisés pour soutenir les demandes » et que la réparation historique demandée par la loi n’a pas été toujours la principale motivation.

En septembre 2019, la date limite pour que les descendants des Séfarades demandent la nationalité a expiré, même si la pandémie a laissé une certaine latitude dans les délais. Au total, depuis l’approbation de la loi, 63 873 demandes ont été reçues et 36 182 ont déjà été approuvées, la majeure partie entre 2020 et 2021. Dans les tiroirs et en attendant que les documents passent par le notaire, il reste encore à régler. ––maintenant à la loupe–– quelque 50 000 demandes supplémentaires toujours en phase d’instruction.

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Une Réponse to “Une loi du retour pour les Juifs en Espagne”

  1. Séfarade et musulmane | Mounadil al Djazaïri Says:

    […] Points de vue sur le monde arabe « Une loi du retour pour les Juifs en Espagne […]

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