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L’illégitimité et l’illégalité de l’entité sioniste

10 mai 2023

Il n’est pas inutile de rappeler, au moment où une Ursula von der Crazy félicite l’entité sioniste pour le 75ème anniversaire de sa création dans des termes qui rappellent l’époque des colonies, que l’existence de l’entité sioniste, alias l’État juif, alias la seule démocratie du Proche Orient, n’a aucune base légale si ce n’est celle du droit du plus fort.

Or ce droit du plus fort est antinomique avec le droit tel qu’ils se pratique et qui récuse l’usage de la force quand elle n’est pas exercée dans le cadre de la légitime défense.

Et la légitime défense dans le cas qui nous intéresse ici est l’apanage du peuple palestinien spolié de ses droits.

Israël est illégitime

Par Alan Hart, Counter Currents .org  5 avril 2010  traduit de l’Anglais par Djazaïri

Pour les lecteurs qui ne connaissent peut-être pas bien ce mot, un oxymore est une figure de style par laquelle des termes contradictoires sont combinés pour former une phrase expressive ou une épithète telle que cruelle gentillesse et faussement vrai. (Il est dérivé du mot grec oxymoros signifiant ostensiblement insensé).

Pour ma contribution à la série Comment délégitimez-vous Israel, je vais me limiter à une question et une réponse.

La question est : comment pouvez-vous délégitimer quelque chose (dans ce cas l’État sioniste) alors qu’elle n’est PAS légitime ?

Alan Hart, jeune correspondant de guerre

Si on met de côté le conte de fées de la promesse divine (qui, même si elle était vraie, n’aurait aucune incidence sur la question parce que les Juifs qui «sont revenus» en réponse à l’appel du sionisme n’avaient aucun lien biologique avec les anciens Hébreux), l’affirmation de la légitimité de l’État sioniste repose sur la déclaration Balfour de 1917 et la résolution du plan de partage de l’Assemblée générale des Nations Unies de 1947.

La seule véritable pertinence de la Déclaration Balfour réside dans le fait qu’elle était l’expression à la fois de la volonté d’un gouvernement britannique d’utiliser les Juifs à des fins impériales et de la volonté des Juifs sionistes d’être utilisés. La vérité est que la Grande-Bretagne n’avait aucun droit de promettre au sionisme une place en Palestine, territoire que les Britanniques ne possédaient pas. (La Palestine à l’époque était contrôlée et effectivement partie de l’empire Ottoman). La déclaration Balfour a permis au sionisme de dire que sa revendication sur la Palestine avait été reconnue par une grande puissance, puis d’affirmer que l’entreprise sioniste était ainsi légitime. Mais la légitimité britannique invoquée par implication était entièrement fallacieuse c’est-à-dire sans substance, mensongère, une imposture.

L’affirmation du sionisme selon laquelle Israël a reçu son acte de naissance et donc sa légitimité par la résolution de partition de l’Assemblée générale des Nations Unies du 29 novembre 1947 est un pur non-sens propagandiste, comme le démontre un examen honnête des archives de ce qui s’est réellement passé.

En premier lieu, sans le consentement de la majorité du peuple palestinien, l’ONU n’avait pas le droit de décider de partager la Palestine ou d’attribuer une partie de son territoire à une minorité d’immigrants étrangers afin qu’ils puissent établir un État à eux..

Malgré cela, par la plus étroite des marges, et seulement après un vote truqué, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution pour diviser la Palestine et créer deux États, un arabe et un juif, Jérusalem ne faisant partie d’aucun des deux. Mais la résolution de l’Assemblée générale n’était qu’une proposition non contraignante – ce qui signifie qu’elle ne pouvait avoir d’effet, ne pouvait devenir contraignante tant qu’elle n’était pas approuvée par le Conseil de sécurité.

La vérité est que la proposition de partition de l’Assemblée générale n’a jamais été soumise au Conseil de sécurité pour examen. Pour quelle raison? Parce que les États-Unis savaient que, si était approuvée, et à cause de l’opposition arabe et musulmane, elle ne pourrait être mis en œuvre que par la force ; et le président Truman n’était pas disposé à utiliser la force pour partager la Palestine.

Ainsi, le plan de partition était vicié (devenu invalide) et la question de savoir quoi diable faire de la Palestine – après le gâchis laissé par la Grande-Bretagne à son départ – avait été renvoyé à l’Assemblée générale pour de nouvelles discussions. L’option privilégiée et proposée par les États-Unis était la tutelle temporaire de l’ONU. C’est alors que l’Assemblée générale débattait de ce qui pouvait être fait qu’Israël a proclamé unilatéralement son existence – en fait, au mépris de la volonté de la communauté internationale organisée, y compris l’administration Truman.

La vérité à l’époque était qu’Israël, qui a vu le jour principalement à la suite du terrorisme sioniste et d’un nettoyage ethnique pré-planifié, n’avait pas le droit d’exister et, plus précisément, ne pouvait avoir le droit d’exister que si ….. Sauf si elle avait été reconnue et légitimée par ceux qui ont été dépossédés de leur terre et de leurs droits lors de la création de l’État sioniste. Selon le droit international, seuls les Palestiniens pouvaient donner à Israël la légitimité dont il avait besoin.

Comme me l’a dit il y a de nombreuses années Khalad al-Hassan, le géant intellectuel du Fatah, cette légitimité était « la seule chose que les sionistes ne pouvaient pas nous prendre par la force ».

La vérité de l’histoire telle que résumée brièvement ci-dessus est l’explication de la raison pour laquelle, en réalité, le sionisme a toujours insisté sur le fait que sa condition préalable absolue pour des négociations ayant une chance infinitésimale d’aboutir à un résultat positif (une mesure acceptable de justice pour les Palestiniens et la paix pour tous) est la reconnaissance du droit d’Israël à exister. Un droit, il le sait, qu’il n’a pas et qu’il n’aura jamais à moins que les Palestiniens ne le lui accordent.

It can be said without fear of contradiction (except by Zionists) that what de-legitimizes Israel is the truth of history. And that is why Zionism has worked so hard, today with less success than in the past and therefore with increasing desperation, to have the truth suppressed.

On peut dire sans crainte d’être contredit (sauf par les sionistes) que ce qui délégitime Israël, c’est la vérité historique. Et c’est pourquoi le sionisme a fait tant d’efforts, avec moins de succès aujourd’hui que par le passé et donc avec un désespoir croissant, pour étouffer la vérité.

Alan Hart, décédé en 2018, était un ancien correspondant à l’étranger d’ITN et de BBC Panorama. Il est l’auteur de « Sionisme: le véritable ennemi des Juifs »

L’alliance inavouable entre le sionisme et l’antisémitisme

15 mars 2023

Tony Greenstein est un ancien militant de l’aile gauche du Parti Travailliste de Grande Bretagne dont il a été exclu en 2018 notamment pour antisémitisme.

Greenstein a pourtant été éduqué dans une famille juive orthodoxe; son père était même rabbin!

Parmi les engagements de Tony Greenstein, celui pour la cause palestinienne en faveur de laquelle il fut un des fondateurs de Palestine Solidarity Campaign.

Dans ce texte qui n’est qu’un fragment de ses écrits sur le sionisme, il met bien en évidence la relation entre l’antisémitisme et le sionisme qui n’est pas celle à laquelle croient de nombreux observateurs du conflit entre le peuple palestinien et le régime sioniste. Il apporte aussi un éclairage utile sur la relation entre sionisme et socialisme.

Tony Greenstein

J’avais déjà proposé des articles sur cette thématique en présentant deux textes de Klaus Polkehn, des extraits d’un texte de Lenni Brenner et un texte de Charlie Pottins.

L’Alliance inavouable

Par Tony Greenstein

The Weekly Worker , n° 630, 22 juin 2006. traduit de l’anglais par Djazaïri

Quel est le lien entre sionisme et antisémitisme ? Tony Greenstein explique qu’il existe un lien plus étroit que de nombreux sionistes modernes ne voudraient l’admettre

Si vous êtes antisioniste et partisan de la lutte palestinienne, vous serez inévitablement accusé d’« antisémitisme ». Si vous êtes juif, vous serez probablement accusé d’avoir « la haine de soi » – l’étiquette que les nazis attachaient aux Allemands antifascistes.

L’accusation « d’antisémitisme » s’est tellement répandue les sionistes se la lancent régulièrement les uns contre les autres. Même Yitzhak Rabin, le Premier ministre israélien assassiné, a été représenté sur des affiches par des opposants aux accords d’Oslo de 1993 vêtu d’un uniforme SS. [1] C’est devenu si ridicule que lorsque le conseil d’administration de Marks and Spencer a rejeté une offre publique d’achat de Philip Green, ce dernier a accusé le président de M&S, Paul Myners, d’antisémitisme ! [2]

Au cours des trente dernières années, a eu lieu un processus de redéfinition de l’antisémitisme. Il ne s’agit plus de racisme ou de discrimination, mais plutôt d’hostilité à un mouvement politique. En 2004, le Congrès américain a adopté le Global Anti-Semitism Review Act, qui ordonne au Département d’État d’évaluer la façon dont les gouvernements du monde entier traitent les citoyens juifs. [3]

Il est étrange que l’antisémitisme, qui est aujourd’hui un préjugé marginal, justifie une telle inquiétude de la part de la classe dirigeante américaine, alors que le racisme contre les Arabes, les musulmans, les Noirs et les Hispaniques mérite à peine un froncement de sourcil. «L’antisémitisme » est devenu un outil idéologique puissant entre les mains de la classe dirigeante des États-Unis. C’est un « antisémitisme » auquel même les segments les plus antisémites de la société américaine – les évangélistes chrétiens blancs avec leurs passions du Christ – peuvent souscrire.

L’establishment américain a redéfini l’opposition à l’impérialisme américain et à son atout stratégique, l’État israélien, comme une forme de racisme. L’antisémitisme est devenu l’antiracisme respectable de la droite. Le sionisme a refermé  la boucle sur les Juifs. Dans cette alliance stratégique avec les États-Unis, les Juifs se voient à nouveau offrir une « protection » par la classe dirigeante, tout comme à l’époque féodale ils étaient protégés par la monarchie et la noblesse.

Le Juif éternel

De même que le capitalisme mercantile a donné naissance au capitalisme industriel, l’antisémitisme religieux a progressivement cédé la place à l’antisémitisme racial à partir du XVIIe siècle. [4] Alors que les antisémites chrétiens cherchaient à convertir les juifs, les antisémites raciaux soutenaient que tout était une question de race et non de religion. La question des juifs baptisés devait causer aux nazis toutes sortes de difficultés au moment où ils commençaient à mettre en œuvre la solution finale. [5]

A la place de l’éternel Juif, les sionistes posent l’éternel antisémite. Depuis 2 000 ans, selon le mythe sioniste, les Juifs ont erré sur la terre, victimes d’un antisémitisme implacable, ayant été expulsés de Palestine après la destruction du premier temple. En fait, la majorité de la communauté juive palestinienne s’était déjà dispersée dans les villes des empires grec et romain plus tard, des siècles avant la chute du deuxième temple, pour devenir un peuple largement commerçant. Lors de la chute du deuxième temple en 70 après JC, environ les trois quarts des Juifs palestiniens étaient déjà dispersés. [6]

Et quelle était l’explication sioniste de l’antisémitisme ? Qu’elle était inhérente au non-juif, un produit de l’antagonisme « naturel » du non-juif. Comme l’expliquait Léon Pinsker, fondateur des Amants ds Sion, « la judéophobie est donc une maladie mentale, et en tant que maladie mentale, elle est héréditaire et, héritée depuis 2 000 ans, elle est incurable ». [7]

Abram Leon notait à ce sujet : « Le sionisme transpose l’antisémitisme moderne à toute l’histoire ; il  s’épargne la peine d’étudier les diverses formes d’antisémitisme et leur évolution. [8]

Au cours de ce qu’Israel Shahak appelle la période classique – environ 800-1200 après JC en Europe occidentale – et plus tard en Europe orientale, les Juifs sont devenus une « classe populaire ». Ils exerçaient des fonctions socio-économiques spécifiques en tant qu’usuriers et prêteurs, collecteurs d’impôts, aubergistes, ainsi que certaines professions liées au commerce telles que les orfèvres et les marchands de diamants. Les Juifs étaient les agents de l’argent dans une société fondée sur les valeurs d’usage. Comme l’avait observé Marx, « Nous ne chercherons pas le secret du Juif dans sa religion, mais nous chercherons le secret de sa religion dans les Juifs. » [9] Sans ce rôle social et économique distinctif, le judaïsme se serait éteint.

La cause de l’antisémitisme à cette époque était « l’antagonisme envers le marchand dans toute société basée principalement sur la production de valeurs d’usage ». [10] Les Juifs « faisaient partie intégrante des classes privilégiées ». [11] Shahak note : « … dans toutes les pires persécutions anti-juives … l’élite dirigeante … était toujours du côté des Juifs … tous les massacres de Juifs pendant la période classique participaient d’une rébellion paysanne ou d’un autre mouvement populaire. ” [12]

Au fur et à mesure que le capitalisme se développait en Europe occidentale, les Juifs entraient de plus en plus en conflit avec la classe marchande locale en développement et étaient généralement expulsés – en Angleterre en 1290 – cherchant refuge en Europe orientale. C’est lorsque le capitalisme a commencé à se développer en Europe de l’Est et en Russie à la fin du XIXe siècle que les Juifs ont de nouveau fui ou ont été expulsés vers l’Europe de l’Ouest et les États-Unis. Quelque trois millions d’entre eux avaient  émigré vers les Etats Unis en 1914. C’est l’émigration des Ost Juden [Juifs orientaus, NdT] qui a recréé la question juive en Occident. Comme Abram  Leon l’a fait remarquer, « les masses juives se retrouvent coincées entre l’enclume du féodalisme en décomposition et le marteau du capitalisme en décomposition ». [13]

Sionisme et antisémitisme

Il n’est pas surprenant que les principaux partisans du sionisme politique, qui a commencé vers la fin du XIXe siècle, aient été en fait les antisémites. Et les plus bruyants et les plus acharnés des opposants au sionisme étaient, et restent, des Juifs. Lorsque Théodore Herzl voulut tenir le premier congrès sioniste à Munich en 1897, il fut contraint de le déplacer à Bâle en Suisse en raison de l’opposition de la communauté juive locale. [14]

Le sionisme est né en réaction à l’antisémitisme, notamment aux pogroms russes de 1881 à la suite de l’assassinat du tsar Alexandre II. Des centaines de personnes avaient été tuées en près de trois ans de pogroms. [15] Dans le port de la mer Noire d’Odessa, centre de l’illumination hébraïque (Haskallah), les pogroms ont sonné le glas du rêve des intellectuels juifs petits-bourgeois que les Juifs pourraient vivre sur un pied d’égalité avec les non-Juifs. Comme Moshe Lillienblum l’a écrit dans The way of return (1881), « Quand j’ai été convaincu que ce n’était pas un manque de haute culture qui était la cause de notre tragédie – parce que étrangers nous sommes et étrangers nous resterons même si nous atteignions le sommet de la culture… tous les anciens idéaux m’ont quitté. [16]

Pour les sionistes, comme Pinsker l’a noté plus haut, l’antisémitisme était une maladie incurable . Et s’il était incurable, il ne pouvait pas être combattu. De cette manière, le sionisme était différent de tous les autres courants politiques parmi les Juifs dans sa réaction à l’antisémitisme : il acceptait la principale prémisse des antisémites – à savoir. que la présence juive parmi les non-juifs n’était pas naturelle et qu’ils étaient des étrangers et des allogènes.

Isaac Deutscher a observé :

« Il ne faut pas oublier que la grande majorité des Juifs d’Europe de l’Est étaient, jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, opposés au sionisme… les ennemis les plus fanatiques du sionisme étaient précisément les ouvriers… ils étaient les opposants les plus déterminés au sionisme. l’idée d’une émigration de l’Europe de l’Est vers la Palestine … d’un exode des pays dans lesquels ils avaient leurs maisons et dans lesquels leurs ancêtres avaient vécu pendant des siècles, les antisionistes voyaient là une abdication de leurs droits, une reddition à l’antisémitisme. Pour eux, l’antisémitisme semblait triompher dans le sionisme, qui reconnaissait la légitimité et la validité du vieux cri : « Juifs, dégagez ! Les sionistes étaient d’accord pour partir. [17]

Herzl reconnaissait à la fois une identité d’intérêt et une idéologie commune entre le sionisme et l’antisémitisme. Lorsqu’il punlia  sa brochure L’État juif en 1895, l’accueil le plus chaleureux vint de la part des antisémites : « J’étais à l’imprimerie et j’ai parlé avec les gérants… tous deux sont vraisemblablement antisémites. Ils m’ont accueilli avec une franche cordialité. Ils ont aimé ma brochure. [18]

Le biographe de Herzl  Desmond Stewart notait avec perspicacité : « … déjà en 1896, les antisémites autrichiens trouvaient des munitions dans les arguments de Herzl, tout comme les partisans de Drumont… » [19] Edouard Drumont était l’un des idéologues antisémites les plus importants du XIXe siècle. Il écrivit un livre influent, La France juive (1886) et édita un quotidien, La Libre Parole , et il fut l’un des leaders des anti-dreyfusards. Herzl était plein d’admiration pour Drumont : « Mais je dois à Drumont une grande partie de la liberté actuelle de mes concepts, car c’est un artiste. [20] Herzl a fait pression pour que Drumont chronique sa brochure dans La Libre Parole, ce qu’il fit le 15 janvier 1897, et il fut ravi du résultat. Drumont « loue les sionistes de la tendance de Herzl qui ne voient pas en nous des fanatiques… mais des citoyens qui exercent le droit à l’autodéfense ». [21]

De même, l’adjoint d’Herzl, Max Nordau, dans un entretien avec Raphaël Marchant, correspondant de La Libre Parole , observe que le sionisme « n’est pas une question de religion, mais exclusivement de race, et il n’y a personne avec qui je sois plus d’accord sur ce point que M. Drumont.» [22]

Là-dessus, il y avait un accord unanime parmi les essayistes sionistes. Le premier théoricien sioniste était Moses Hess, que Marx avait connu très tôt. Dans son pamphlet, Rome et Jérusalem , Hess écrit que « la lutte raciale est primaire et la classe secondaire » [23] , avant de poursuivre en expliquant :

« Les Allemands détestent la religion des Juifs moins qu’ils ne détestent leur race – ils détestent la foi particulière des Juifs moins que leur nez particulier … la réforme, la conversion, l’éducation et l’émancipation – rien de tout cela n’ouvre les portes de la société au Juif allemand, d’où son désir de nier sa propre origine raciale. [24]

Le sionisme et l’antisémitisme partageaient la même vision politique et le même territoire. Herzl s’est vite rendu compte que « les antisémites deviendront nos amis les plus fiables, les pays antisémites nos alliés ». [25] La pierre de touche à la fois pour le sionisme et les antisémites (et plus tard les nazis) était leur aversion pour la Révolution française, qui avait libéré les Juifs des ghettos et accordé l’égalité politique. Les sionistes, comme les rabbins orthodoxes, voyaient dans l’émancipation la cause de tous leurs maux. Le sionisme était l’équivalent séculier de l’orthodoxie juive.

Comme l’a observé l’historien sioniste Noah Lucas, « le sionisme était l’antagoniste avant tout de l’assimilation individuelle associée à l’émancipation ». [26] Le discours de Max Nordau au premier Congrès sioniste en 1897 tournait en dérision la Révolution française et l’émancipation comme un simple « mode de pensée géométrique du rationalisme français ». Les seuls doutes de Nordau concernant le sionisme étaient que les Juifs pourraient ne pas être «anthropologiquement aptes à devenir une nation». [27] De même, Nahman Syrkin, le premier sioniste « socialiste », avait soutenu que « l’émancipation des Juifs était, dès le début, le résultat d’une conformité logique aux implications d’un principe plutôt qu’un besoin réel ». [28]

On prétend souvent que Herzl est devenu sioniste à cause de l’affaire Dreyfus de 1894 – Alfred Dreyfus, un officier juif de l’armée française, avait été  accusé à tort d’espionnage, déchu de son grade et condamné à la réclusion à perpétuité sur l’île du Diable. L’affaire Dreyfus est devenue une cause célèbre et a prouvé que l’antisémitisme pouvait être combattu avec succès. C’est cette hostilité à l’antisémitisme qui devait aboutir à l’extermination de moins de 25 % des Juifs français dans l’holocauste. [29]

Desmond Stewart confirme qu’il est peu probable que le sionisme de Herzl résulte de l’affaire Dreyfus. [30] De même le rabbin Elmer Berger :

« Où dans le monde, un siècle auparavant, plus de la moitié d’une nation aurait-elle pris la défense d’un Juif ? Si Herzl avait eu une connaissance de l’histoire, il aurait vu dans l’affaire Dreyfus une preuve éclatante et réconfortante du succès de l’émancipation. [31]

Herzl lui-même a écrit :

« A Paris… j’ai acquis une attitude plus libre envers l’antisémitisme, que je commençais maintenant à comprendre historiquement et à pardonner. Avant tout, je reconnais la vaacuité et la futilité d’essayer de « combattre » l’antisémitisme. [32]

Antidote au socialisme

La stratégie de Herzl, qu’il ne devait pas voir aboutir de son vivant, consistait à faire appel aux hommes d’État et aux dirigeants européens pour nouer une alliance impériale avec le mouvement sioniste naissant. Au cours de ses voyages, il rencontra l’empereur allemand, les ministres tsaristes les comtes Witte et von Plehve, le sultan ottoman, Lord Cromer, Joseph Chamberlain, le roi Victor Emmanuel et même le pape ! Son message était toujours le même : en aidant le mouvement sioniste, vous aidez les opposants juifs au socialisme et à la révolution.

Léonard Stein note :

« Les événements de 1917 ont rendu naturel de se tourner vers le sionisme en tant que force stabilisatrice dans le monde juif, et de le valoriser pour sa puissance… pour fournir un antidote à la manie destructrice des Juifs en rébellion contre leur sort… » [33 ]

Au Kaiser allemand Herzl écrivit :

« Notre mouvement, déjà largement répandu, doit livrer partout une bataille acharnée avec les partis révolutionnaires qui sentent à juste titre en lui un adversaire. Nous avons besoin d’encouragement même si cela doit rester un secret soigneusement gardé. [34]

Et lorsqu’il a réitéré cet argument devant le grand-duc de Bade, ce dernier répondit, concernant la nécessité de maintenir les sociétés sionistes légales en Russie : « Pobedonostev devrait entendre cela. Tu devrais le lui dire. [35] Le grand-duc n’avait qu’un seul souci, selon Herzl :

« Il a pris mon projet de construction d’un État avec le plus grand sérieux. Sa principale crainte était que s’il soutenait la cause, les gens pourraient l’accuser d’antisémitisme. [36]

Lorsque Herzl rencontra le ministre allemand des Affaires étrangères von Bulow, « l’aspect antisocialiste du sionisme a été approfondi dans les moindres détails ». [37] Et quand il a enfin pu voir le Kaiser, il s’est empressé d’expliquer : « Nous éloignons les Juifs des partis révolutionnaires. [38]

Le point culminant de la recherche d’alliés antisémites par Herzl survint avec sa visite en août 1903 au ministre de l’Intérieur du Tsar, von Plehve, qui avait organisé les pogroms de Kichinev à peine quatre mois auparavant. Alors que Herzl expliquait le sionisme, Plehve l’interrompit : « Vous n’avez pas à justifier le mouvement devant moi. Vous prêchez à un converti ”. [39]

Cette réunion était cruciale pour les plans de Herzl. Parmi les mouvements politiques en Russie, seul le sionisme devait rester légal. Plehve rédigea une lettre promettant « une assistance morale et matérielle », une lettre qui est devenue « l’atout le plus précieux de Herzl ». [40] (Il est difficile de surestimer la haine avec laquelle les ministres tsaristes étaient tenus par les Juifs. Le nom de Plehve « avait une résonance maléfique comme l’aura plus tard  celui d’Adolf Eichmann ». [41] ) En raison de ce lobbying de Herzl « il n’y avait aucune interdiction des activités sionistes et une autorisation officielle a même été donnée pour la tenue de la deuxième conférence des sionistes russes à Minsk (septembre 1902) ». [42]

Le 17 février 1904, Plehve se rendit à Londres, où il fut interviewé par Lucien Wolfe pour The Times . Plehve admettra qu’il avait organisé les pogroms « parce que la jeunesse juive se livrait entièrement aux mouvements révolutionnaires ». Cependant, il « ne s’opposerait pas à l’encouragement des idées sionistes en Russie dans la mesure où elles étaient de nature à favoriser l’émigration » et « il pensait aussi que pour les non-émigrants, elles pourraient être utiles comme antidote aux doctrines socialistes ». [43]

Des années plus tard, Jabotinsky, chef des sionistes révisionnistes, devait tenir des pourparlers similaires avec le chef ukrainien Petlyura, dont les gangs fascistes assassinèrent quelque 100 000 Juifs entre 1918 et 1921. Comme l’admet Lacquer, « le principal coupable des pogroms était les forces nationalistes sous les ordres de Petlioura. [44]

On prétend souvent que le sionisme est un mouvement progressiste, voire socialiste. Pourtant, le phénomène du sionisme «socialiste» n’a eu lieu que parce que les travailleurs juifs d’Europe de l’Est avaient apporté leur soutien aux partis révolutionnaires et socialistes, puisqu’ils combattaient l’antisémitisme. Les dirigeants du Bund ont affirmé que le socialisme des sionistes de gauche était une imposture délibérée, qu’ils portaient un masque rouge pour cacher leurs véritables intentions et s’adapter à l’air du temps radical [socialiste ou communiste, NdT] . [45] À propos du sionisme « de gauche », Lucas note : « Le sionisme est entré en conflit direct avec les intérêts perçus du prolétariat juif. C’est dans ce contexte que les idées du sionisme socialiste ont été formulées. [46]

En pratique, chaque fois que les besoins du sionisme et du socialisme s’opposaient, c’était ce dernier qui cédait. Yitzhak Ben-Zvi, le deuxième président d’Israël, l’a dit succinctement en 1921 :

«Chaque fois que nous rencontrons une contradiction entre les principes nationaux et socialistes, la contradiction doit être résolue en abandonnant le principe socialiste en faveur de l’activité nationale. Nous n’accepterons pas la tentative contraire de résoudre la contradiction en se débarrassant de l’intérêt national au profit de l’idée socialiste. [47]

Réaction justifiable

C’était un lieu commun parmi les dirigeants sionistes que l’antisémitisme était une réaction compréhensible, sinon justifiée, à une présence juive étrangère. Jacob Klatzkin, un important intellectuel sioniste et rédacteur en chef de son journal officiel, Die Welt , et co-rédacteur en chef de l’ Encyclopaedia Judaica , a affirmé : « En un mot, nous sommes naturellement des étrangers. Nous sommes une nation étrangère au milieu de vous et nous voulons le rester. [48]

Klatzkin était inévitablement amené à justifier l’antisémitisme :

« La contribution de nos ennemis réside dans le maintien de la communauté juive en Europe de l’Est. Il faut apprécier le service national que la Pale of Settlement  [zone de résidence pour les Juifs] nous a rendus … nous devons être reconnaissants à nos oppresseurs de nous avoir fermé les portes de l’assimilation et avoir veillé à ce que notre peuple soit concentré et non dispersé. [49]

Ce thème de l’aspect bénéfique de l’antisémitisme, est une constante dans le sionisme, tout comme la haine de Klatzkin envers la diaspora (Galut) juive  :

« La Diaspora ne peut qu’entraîner la disgrâce de notre peuple et soutenir l’existence d’un peuple à l’âme et au corps défigurés, en un mot d’une horreur. Au pire, elle peut nous maintenir dans un état d’impureté nationale et engendrer une sorte de créature extravagante… Le résultat ne sera ni juif ni gentil [gentil = non juif]– en tout cas, pas un pur type national… » [50 ]

La logique était claire : « Au lieu d’établir des sociétés de défense contre les antisémites qui veulent restreindre nos droits, nous devrions établir des sociétés de défense contre nos amis qui veulent défendre nos droits. [51] Ce n’était pas non plus purement rhétorique. Lors d’une réunion contre l’antisémitisme, convoquée par l’organisme communautaire juif allemand Centralverein , « les perturbateurs sionistes et antisémites sont allés dans le même sens ». [52] Comme le demande Niewyk, « Est-ce que le point de vue des sionistes sur les vies juives déformées en dehors de la Palestine a renforcé le stéréotype antisémite des Juifs en tant que matérialistes, exploiteurs et traîtres ? » [53]

Un des successeurs ultérieurs de Herzl et premier président d’Israël, Chaim Weizmann, négocia la déclaration Balfour. En tant que ministre de l’Intérieur en 1905, Arthur J Balfour avait introduit la loi sur les étrangers pour empêcher les réfugiés juifs de fuir les pogroms en Angleterre. En 1902, Herzl avait témoigné devant la Commission royale sur l’immigration des étrangers, prônant des restrictions à l’immigration juive : « La comparution de Herzl devant la commission ne pouvait avoir que deux effets. Les antisémites pourraient dire que le docteur Herzl, un expert, a soutenu qu’un Juif ne pourrait jamais devenir Anglais. [54] Lorsque Lord Rothschild  demanda à Weizmann de ne pas soutenir ceux qui prônaient des restrictions à l’immigration juive, il répondit :

« Je serais une créature méchante si je ne disais que des choses qui pourraient conduire à une restriction de l’immigration. Mais je serais l’une de ces créatures méchantes à qui les Juifs anglais devraient ériger un monument par gratitude, parce que je les ai sauvés d’un afflux de Juifs d’Europe de l’Est et donc peut-être de l’antisémitisme. [55]

En plus d’être un antisémite, Balfour était aussi un ardent sioniste. Aujourd’hui encore, le quartier général sioniste londonien de Finchley s’appelle Balfour House. Le principal groupe anti-immigration du début du XXe siècle était dirigé par le député conservateur William Evans-Gordon. Dans son autobiographie, Weizmann écrit :

« Le projet de loi sur les étrangers en Angleterre et le mouvement qui s’est développé autour de lui étaient des phénomènes naturels qui auraient pu être prévus… Chaque fois que la quantité de Juifs dans un pays atteint un point de saturation, ce pays réagit contre eux… L’Angleterre avait atteint le point où elle pourrait ou accepterait d’absorber un certain nombre de Juifs et pas plus… La réaction contre cela ne peut être considérée comme de l’antisémitisme au sens ordinaire ou vulgaire de ce mot… Sir William Evans-Gordon n’avait aucun préjugé anti-juif particulier… il était sincèrement prêt à encourager toute implantation de Juifs presque partout dans l’empire britannique, mais il ne voyait pas pourquoi les ghettos de Londres ou de Leeds ou de Whitechapel devraient être transformés en une branche des ghettos de Varsovie et de Pinsk [ville de Biélorussie, NdT]. [56]

Peut-être que ce sentiment est le mieux résumé par le romancier israélien AB Yehoshua : « Même aujourd’hui, d’une manière perverse, un véritable antisémite doit être un sioniste. [57]

Dans le prochain article, nous verrons comment l’attitude sioniste traditionnelle envers l’antisémitisme n’a pas changé à l’époque de l’holocauste nazi. Au contraire, elle s’est renforcée, scellant le sort de centaines de milliers de Juifs dans le processus.

Notes:

1. B. Kimmerling, Politicide , Londres 2006, p. 123.

2. Chronique juive , 6 août 2004.

3. D. Rennie, The Daily Telegraph , 13 octobre 2004.

4. Voir R. Hilberg, The destruction of European Jewry , New York 1985, p. 19.

5. Voir, par exemple, G. Reitlinger, The final solution , Londres 1953, p. 388. Les fascistes catholiques slovaques, qui n’avaient aucun scrupule à déporter des juifs « à part entière », refusèrent que des juifs baptisés soient déportés. Il en a été de même dans toute l’Europe, y compris en Hongrie et en Roumanie.

6. Voir A. Ruppin, Les Juifs dans le monde moderne , Londres 1934, p. 22; cité dans A. Leon, The Jewish question – a Marxist interpretation , New York 1980, p. 68.

7. L. Pinsker, Autoemanzipation, ein Mahnruf an seine Stammesgenossen, von einem russischen Juden , Berlin 1882, p. 5.

8. A. Léon, op. cit. , p. 247.

9. Sur la question juive , Essais choisis par Karl Marx , New York 1926, p. 88.

10. A. Léon, op. cit. , p. 71.

11. I. Shahak, Histoire juive, religion juive , Londres 1994, p. 52.

12. Idem. , p. 66–67.

13. A. Léon, op. cit. , p. 226.

14. N. Weinstock, Le sionisme, un faux messie , 1969, p. 39.

15. D. Vital, Les origines du sionisme , Oxford 1980, pp.51-55.

16. Cité dans A. Hertzberg, The Zionist idea – a historical analysis and reader , New York 1981, pp.169-170.

17. I. Deutscher, La Révolution russe et la question juive , Le Juif non juif et autres essais , pp.66-67.

18. M. Lowenthall, Les journaux de T Herzl , New York 1962, p. 91.

19. D. Stewart, Theodor Herzl , New York 1974, p. 25.

20. Idem.

21. Idem. , p. 251 fn.

22. Idem. , p. 322.

23. M. Hess, Rome et Jérusalem , Avant-propos , New York 1958.

24. Idem. , p. 49. Voir aussi p. 71.

25. R. Patai ( éd. ), The complete diaries of Theodore Herzl , Vol.1, Londres 1960 : entrée du 11 juin 1895.

26. N. Lucas, L’histoire moderne d’Israël , New York 1975, p. 18.

27. Journaux complets , pp. 275–76.

28. N. Syrkin, Le problème juif et l’Etat socialiste-juif ; cité dans A. Hertzberg op. cit. , p. 337.

29. Reitlinger estime que 60 à 65 000 Juifs français sont morts dans les camps d’extermination, Hilberg avance le chiffre à 75 000 sur quelque 300 000.

30. D. Stewart, Theodore Herzl – artiste et homme politique , Londres 1974, p. 164.

31. Idem. , p. 167.

32. Idem. , p. 6.

33. L. Stein, La déclaration Balfour , Londres 1961, p. 162.

34. R. Patai ( éd. ), op. cit. , p. 596.

35. Idem. , p. 657.

36. M. Lowenthall, op. cit. , p. 118.

37. Idem. , p. 666.

38. Idem. , p. 729.

39. R. Patai ( éd. ), op. cit. , p. 1 525.

40. M. Menhuin, La décadence du judaïsme à notre époque , New York 1969, p. 46.

41. D. Stewart, op. cit. , p. 316.

42. C. Weizmann, Lettres et papiers , vol. 2, Oxford 1971, p. 284.

43. Idem. , vol. 3, p. 216 fn.

44. W. Lacqueur, Une histoire du sionisme , New York 1975, p. 441.

45. B. Ehud, Zionismus oder Sozialismus , Varsovie l899, p. 30; et L. Monst Origins of the Russian-Jewish , Melbourne 1947, p. 136 ; cité dans W. Lacqueur, op. cit. , p. 273.

46. ​​N. Lucas, op. cit. , p. 35.

47. Achduth , n° 16, Tel-Aviv 1921 ; cité dans Machover et Offenburg, Le sionisme et ses épouvantails , pp. 49-50.

48. J. Klatzkin, Krisis und Entscheidung in Judentum , Berlin 1921, p. 118 ; cité dans K. Hermann, Sionisme et racisme , Guildford 1976, p. 204.

49. Idem. , p. 205.

50. Idem. , p. 322–23.

51. J. Klatzkin dans B. Matovu, La volonté sioniste et l’acte nazi ; cité dans U. Davies, Sionisme – utopie incorporée , p. 17.

52. DL Niewyk, Les Juifs de Weimar en Allemagne , Louisiane, p. 139, note de bas de page 68 ; citant Israelitisches Familienblatt , 3 juin 1920.

53. Idem.

54. W. Lacqueur, op. cit. , p. 119.

55. R. Patai ( éd. ), op. cit. , p. 1, 292–93.

56. C. Weizmann, Trial and error , New York 1966, pp. 90–91.

57. Chronique juive , 22 janvier 1982.

Le sionisme et l’apartheid

31 décembre 2022

Comme moi, vous avez lu ou entendu les réactions suite au retour de Benjamin Netanyahou aux manettes du gang sioniste flanqué de complices au racisme décomplexé. Et vous avez eu l’impression que ce qui se tramait dans l’entité sioniste, c’était un changement radical.

L’ambassadrice sioniste Yael German en compagnie de Ted Deutchn président de l’American Jewish Committee

Les responsables politiques des grandes puissances ne s’y sont eux pas trompés en ne voyant pas de rupture par rapport à l’histoire de l’entité sioniste et ils ont félicité Netanyahou, annonçant qu’ils travailleraient avec lui comme ils l’ont fait avec les autres.

Les réactions les plus négatives viennent des Juifs libéraux ou, sionistes modérés (si tant est que ce soit possible). Par exemple de Yael German, l’ambassadrice sioniste à Paris qui a annoncé sa démission car la politique annoncée par Netanyahou est « contraire à sa conscience ». Ces sionistes « modérés » ont le sentiment que leur idéal sioniste est en train de disparaître pour laisser place à un régime franchement raciste et aux tendances fascistes.

Or, comme l’explique Lawrence Davidson dans l’article que je vous propose, cette évolution correspond à la nature fondamentale du projet sioniste, nature dont l’expression publique se faisait avec retenue pour éviter d’effaroucher les opinions publiques de par le monde.

Ce temps du refoulement est manifestement révolu.

Thomas Friedman et le mythe de l’Israël libéral
Par Lawrence Davidson, Counter Punch (USA) 23 décembre 2022 traduit de l’anglais par Djazaïri

Israël est en train de constituer un gouvernement de droite agressif et raciste sous la direction de Benjamin Netanyahu, un homme sans principes. Ce n’est pas la première fois que les Israéliens élisent un gouvernement aussi répugnant. En effet, au moins trois fois dans sa courte histoire, l’électorat juif israélien a choisi des fanatiques idéologiquement engagés (dans ces cas, ayant en plus un passé terroriste) comme dirigeants : Yitzhak Shamir, Ariel Sharon et Menahem Begin. Ces choix de l’électorat n’étaient pas non plus des exceptions qui auraient été en quelque sorte contraires au caractère national d’Israël. Ils étaient tous, comme c’est également le cas aujourd’hui, les résultats logiques d’une opinion nationale – représenté par l’idéologie de l’État sioniste d’Israël – qui a toujours été fondamentalement raciste et qui, à de fréquentes occasions, se déchaîne en des sommets de haine devant la résistance légitime de ses victimes palestiniennes.

Lawrence Davidson

Cependant, les partisans d’Israël dans la diaspora ignorent souvent ces faits historiques. Qu’ils le fassent témoigne de la puissance du mythe généré par la propagande d’un Israël libéral et démocratique – l’Israël idéalisé que tant de gens connaissent dans leur cœur, qui pourrait et devrait être le véritable Israël. L’un de ceux qui semblent confondre l’idéal avec le réel est Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times, qui écrit souvent sur Israël.

Dans une chronique récente intitulée The Israel We Knew is Gone, [l’Israël que nous connaissions n’est plus] Friedman écrit comme si le prochain gouvernement de Netanyahou avait un caractère unique : «une alliance tapageuse de dirigeants ultra-orthodoxes et de politiciens ultranationalistes, y compris certains extrémistes juifs anti-arabes carrément racistes autrefois considérés comme complètement en dehors des normes et des frontières de la politique israélienne. Friedman mentionne « Itamar Ben-Gvir, qui a été condamné par un tribunal israélien en 2007 pour incitation au racisme et soutien à une organisation terroriste juive » ainsi que «Bezalel Smotrich, le chef du parti Sionisme religieux, qui a longtemps prôné l’annexion pure et simple de la Cisjordanie par Israël » et a défendu la violence des colons contre les Palestiniens.

Friedman ne croit pas que ces personnages, ou les partis qu’ils dirigent, soient représentatifs de l’Israël qu’il connaît. Cependant, leurs perspectives et leurs objectifs diffèrent peu de ceux d’un Shamir, d’un Sharon ou d’un Begin. Ce qui est différent, ou comme le dit Friedman, «en dehors des normes et des limites de la politique israélienne », c’est le manque de retenue en public diplomatiquement embarrassant d’hommes tels que Ben-Gvir et Smotrich, combiné à la volonté de Netanyahou de sacrifier le mythe de l’Israël libéral pour conserver le pouvoir. Tout cela est un choc pour Friedman et la vision qu’il préfère de l’État juif. Il constitue une «réalité auparavant impensable». Netanyahou conduit Israël là où aucun politicien israélien « n’est allé auparavant », etc. Friedman conclut donc que « l’Israël que nous connaissions n’est plus ».

La réalité, c’est l’apartheid

Pour démontrer à quel point l’analyse de Friedman est superficielle, considérez ce qui suit. En 2021, trois organisations de défense des droits de l’homme établies et réputées pour leurs conclusions fiables, ont produit des rapports publics factuels démontrant qu’Israël, tant dans la culture que dans les politiques gouvernementales, est un État qui pratique l’apartheid. (L’apartheid, « un système institutionnalisé de ségrégation et de discrimination fondée sur la race », a été déclaré crime contre l’humanité en vertu du droit international.) B’tselem, l’organisation israélienne de défense des droits humains, a publié son rapport en janvier 2021. Amnesty International a suivi en février et Human Rights Watch en avril. En octobre 2022, les Nations Unies ont publié un rapport décrivant le comportement d’Israël dans ses territoires occupés comme du « colonialisme de peuplement ».

L’apartheid n’est pas quelque chose que les Juifs israéliens ont découvert en se levant le matin. C’est leur choix historique, auquel Thomas Friedman semble avoir peu prêté attention. Ainsi, lorsqu’il décrit la situation actuelle, il ne mentionne pas que le but du sionisme a toujours été l’appropriation de toute la Palestine avec le moins de Palestiniens en résidence possible. Il [Friedman] désigne plutôt un groupe distinct d’Israéliens « qui ont toujours détesté les Arabes », et la croissance de ce groupe due à « une recrudescence dramatique de la violence – coups de couteau, fusillades, guerre des gangs et crime organisé – par les Arabes israéliens … contre les Juifs israéliens, en particulier dans les communautés mixtes.

Pour les partisans du parti de droite Likoud de droite, les partis religieux et le mouvement des colons, cette violence ne se produit pas parce qu’Israël est un État d’apartheid, mais parce qu’Israël a été, à leurs yeux, trop libéral envers les Palestiniens. Et maintenant il est temps de mettre fin à cette prétendue orientation tolérante. L’un des slogans les plus réussis de la campagne politique de Netanyahu était : « Ça y est. Nous en avons assez ».

Le racisme brise toutes les pulsions humanistes

Le succès de Netanyahu dans la mobilisation d’une droite aux multiples facettes, toujours active, sinon politiquement unie, fait finalement peur à Thomas Friedman. Il s’alarme qu’Israël soit en proie à une ferveur « ultranationaliste générale ». Citant Moshe Halbertal, le philosophe juif de l’Université hébraïque, « Ce que nous voyons est une évolution de la droite belliciste vers une identité politique construite sur la focalisation sur « l’ennemi extérieur » – les Palestiniens – vers une focalisation sur « l’ennemi intérieur » – l’Arabe israélien. » Le problème avec l’analyse d’Halbertal est qu’elle est basée sur une fausse dichotomie. Le sionisme n’a jamais fait de distinction sérieuse entre les Palestiniens de l’intérieur et ceux de l’extérieur. Pour de nombreux sionistes, ce sont tous des Arabes qui devraient être poussés à émigrer vers les terres arabes voisines. Le sionisme a rendu cette attitude inévitable en créant, dès le début, une société expansionniste et discriminatoire définie par la religion qui dérive vers la race. La recherche de compromis basés sur le « processus de paix » ou une « solution à deux États » apparaissent maintenant comme de vieilles ruses qui ont servi à détourner l’attention de l’opinion mondiale du véritable objectif d’Israël. En ce qui concerne « l’Israël historique » [c’est-à-dire l’entité sioniste réelle, NdT], un programme maximaliste d’occupation et de colonisation a toujours été le seul résultat acceptable pour les sionistes au pouvoir.

Les circonstances politiques actuelles effraient Friedman aussi d’une autre manière. Il nous dit que « la coalition de Netanyahu a également attaqué les institutions indépendantes vitales qui sous-tendent la démocratie israélienne et sont responsables, entre autres, de la protection des droits des minorités ». Des institutions telles que le système des juridictions ordinaires, les médias et la Cour suprême doivent être disciplinées en étant « placées sous le contrôle politique de la droite ». Cependant, cette volonté de contrôler les institutions ne concerne pas principalement les Palestiniens. Elle reflète la haine de la droite (et tout comme aux États-Unis, la haine semble être le mot adéquat) à l’égard des attitudes des sionistes de gauche et du centre sur les questions qui affectent les juifs israéliens : Qui est juif ? les «droits des minorités» , des couples de même sexe, des personnes LGBTQ, les problèmes des femmes, les juifs réformés, etc. Friedman semble incapable d’appréhender le fait que le racisme au coeur de la culture et de la politique en Israël ne peut que briser les élans humanistes à l’intérieur de cette société, même pour des problèmes qui touchent des Juifs.

En fin de compte, Friedman est préoccupé « par l’avenir du judaïsme en Israël » et il pourrait bien avoir raison de l’être. Revenant à Halbertal, il note que « la Torah représente l’égalité de tous les peuples et la notion que nous sommes tous créés à l’image de Dieu. Les Israéliens de tous les peuples doivent respecter les droits des minorités parce que nous, en tant que Juifs, savons ce que c’est que d’être une minorité. C’est une philosophie juive profonde. Alors, pourquoi cette essence de l’enseignement juif est-elle si faible au sein de l’Israël sioniste ? Ni Friedman ni Halbertal ne saisissent la cause profonde – la nature historiquement raciste, voire d’apartheid, de l’Israël sioniste. Ils ne comprennent pas parce qu’ils sont aveuglés par le mythe de l’Israël libéral, qui est maintenant en danger soi-disant à cause de la résistance des Palestiniens. Il cite Halbertal qui se plaint : « Quand vous avez ces menaces de sécurité viscérales dans la rue tous les jours, il devient plus facile pour ces immondes idéologues de se mettre en avant.»

L’affirmation de Thomas Friedman selon laquelle « l’Israël que nous connaissions n’est plus » relève en grande partie de l’illusion. En bonne partie, son Israël n’a jamais existé. Certes, il y avait, et il y a encore pour le moment, une façade pseudo-démocratique – quelque chose comme la «démocratie» en Alabama, aux États-Unis, dans les années 1950. Les choses évoluent maintenant davantage dans le sens fasciste. Bezalel Smotrich, l’une des bêtes noires de Friedman, a proclamé que les droits de l’homme et les institutions qui soutiennent ces droits sont des «menaces existentielles » pour Israël. La plupart des sionistes accepteront cette affirmation, du moins en ce qui concerne les Palestiniens, car elle correspond historiquement aux sensibilités israéliennes. Après tout, l’occupation se poursuit dans toute sa gloire immorale depuis un demi-siècle sans objection significative de la plupart des Juifs israéliens et de leurs partisans de la diaspora.

Ce que vous voyez maintenant si publiquement étalé est, et a toujours été, la véritable culture et le caractère de l’Israël sioniste – un État conçu pour un seul groupe et construit sur la conquête et la dépossession des autres. Nier cela, c’est nier l’histoire et la logique de l’idéologie sioniste. Et le coût ? Cela doit être compris non seulement en termes de droits des Palestiniens, mais aussi en termes d’essence même du judaïsme, qui sont tous deux détruits simultanément. Tout cela devrait maintenir Thomas Friedman, et d’autres adeptes du mythe de l’Israël libéral, éveillés toute les nuits avec des cauchemars à n’en plus finir

Lawrence Davidson est professeur d’histoire à la retraite à l’Université West Chester à West Chester, Pennsylvanie.

Inclusivité et laïcité

13 juin 2022

Le Royaume Uni n’est pas un État laïque puisque la religion anglicane  est religion d’État en Angleterre et que l’église presbytérienne a un statut officiel en Écosse.

Il n’en reste pas moins que la liberté de conscience et de culte est une réalité dans ce pays où des cultes non chrétiens sont aussi présents avec des immigrants Musulmans, Sikhs ou Hindouistes originaires des anciennes colonies.

La façon d’aborder ces cultes non chrétiens est, disons, plus décontractée que dans la France laïque. Non seulement le pays est depuis longtemps doté de mosquées bien établies, avec parfois la permission d’effectuer des appels à la prière, mais les tenues qui posent problème en France, robes longues, hidjab, turban chez les Sikhs, font partie du décor. Il n’est par exemple pas rare de voir des agents de police de religion sikh portant le turban, ou des femmes agents de police ou présentatrices à la télévision vêtues du hidjab.

Il semble que l’idée dominante en Grande Bretagne soit celle de l’inclusion, c’est-à-dire une démarche qui consiste à penser la différence pour la prendre en compte dans un vivre ensemble qui concerne tous les membres de la société. La démarche inclusive ne doit pas être confondue avec celle d’intégration qui pose le principe d’une norme absolue à laquelle les individus doivent se conformer comme s’ils étaient à priori extérieurs à la société avant cette étape de de conformation.  L’inclusion pose le principe que l’individu fait partie de la société et que cette dernière par l’intermédiaire de ses agents, école, administrations, associations… doit faire en sorte que cette place soit reconnue.

L’exemple de ce club de surf à Bristol en Angleterre en est une parfaire illustration. Plutôt qu’exiger une tenue standard et en quelque sorte immuable de la surfeuse, la direction du club s’est posée la question de savoir comment faire vivre ses principes d’inclusivité avec les femmes qui, pour des raisons religieuses ou autres, souhaitent pratiquer cette activité aquatique dans des tenues qui ne heurtent ni leurs opinions religieuses ni leur  désir pour des raisons qui leur sont propres (embonpoint  ou crainte de s’exposer au soleil par exemple) de dissimuler leurs formes corporelles aux yeux de tiers.

ITV rend compte d’une démarche qui ferait polémique en France mais qui semble tout à fait normale outre Manche. La laïcité de l’État devrait permettre en France le même regard calme qu’en Grande Bretagne, or ce n’est pas le cas.

La nouvelle combinaison marine lancée à The Wave à Bristol aide plus de femmes à profiter de l’eau

Par Naryan Branch, ITV (UK) 12 juin 2022 traduit de l’anglais par Djazaïri

Une combinaison marine a été lancée pour encourager des personnes venues d’horizons différents à se mettre au surf.

Le costume a été à l’origine conçu par des étudiants de Falmouth et de Plymouth pour aider les femmes musulmanes à profiter de la mer.

Mais depuis qu’il a commencé à être testé et utilisé à The Wave à Bristol, les femmes de taille plus ont également fait l’éloge de la combinaison pour son inclusivité.

Bryony Lewis, de la Fondation Finisterre, a déclaré : « La combinaison a été conçue comme un produit culturel qui cacherait la silhouette.

« Le concept, c’est que lorsque vous êtes dans l’eau, la tenue ne doit pas mouler le corps – vous devriez donc pouvoir porter un maillot de bain et une combinaison par dessus. »

Sabinah Janally de Women Adventurers of Color a déclaré que ce costume aide les gens à se sentir « partie de quelque chose ».

« Cela signifie que nous pouvons profiter au maximum du sport sans être gênées ni avoir l’impression de ne pas être à notre place » [culturally inappropriate], a-t-elle déclaré.

La combinaison marine a été conçue par des étudiants de l’Université de Falmouth et du Plymouth College of Art, inspirés par l’athlète iranienne Shirin Gerami.

La triathlète iranienne Shirin Gerami

Elle a déclaré: « J’espère simplement que cela créera une possibilité pour un plus grand nombre de femmes d’accéder aux sports, d’accéder à l’eau, de pouvoir être actives et de rechercher la joie que procure l’eau. »

Elle est également utilisée par les femmes qui souhaitent le porter pour des raisons de confiance en leur corps et de santé, comme éviter de s’exposer au soleil.

S’exprimant lors du lancement de la combinaison à The Wave, la surfeuse Zara Wold a déclaré : « Je voulais vraiment surfer, je voulais cette joie de voler dans l’eau.

« Cela m’a fait réaliser que je peux le faire – je n’ai pas besoin d’être mince, je n’ai pas besoin d’être jeune, je n’ai pas besoin d’être quoi que ce soit. Nous pouvons tous entrer dans l’eau. »

.Abby Richardson, de The Wave, a ajouté : « Nous travaillons beaucoup à Bristol et avec des organisations qui essaient de changer d’angle de vue sur la diversité et de rendre les sports, et en particulier les sports nautiques, plus ouverts à  la diversité.

« Si une chose qui peut aider consiste à changer les options vestimentaires qui s’offrent à eux, alors c’est un énorme pas en avant. »

De la guerre à la guerre: l’absence de volonté de stopper la montée en puissance du nazisme

14 novembre 2021

L’histoire et une discipline en évolution comme toutes les disciplines scientifiques ainsi qu’en témoignent ces notes de lecture d’un ouvrage d’historien relatif à la genèse de la seconde guerre mondiale.

Ainsi que le montre l’historien britannique Jonathan Haslam, les germes de la seconde guerre mondiale étaient présents avant la fin de la première et peuvent être datés de la révolution communiste en Russie.

Haslam rappelle qu’avant même la fin de la première guerre mondiale, les «alliés» avaient attaqué militairement la Russie soviétique et il donne notamment l’exemple du débarquement de soldats anglais à Mourmansk en juillet 1918 qui, prétextant la prise en tenaille des forces allemandes visaient en réalité les forces communistes.

Comme on le sait, la résistance militaire à la révolution communiste dura jusqu’en 1922 avec par moments un soutien direct des troupes britanniques, françaises, belges etc.

C’est cette étape de l’histoire de la république soviétique qui fut déterminante pour Haslam puisqu’elle a amené les autorités de Moscou à se rapprocher de la république de Weimar qui était, comme il le dit, l’autre paria du continent européen.

Un autre aspect qui a joué un rôle important a été l’hostilité du Komintern à toute alliance entre communistes allemands et socio-démocrates. Or une telle alliance aurait pu empêcher l’arrivée au pouvoir d’Hitler.

Enfin, ce point est bien connu généralement, l’hostilité des dirigeants français ou britanniques à l’égard du communisme était bien plus forte que celle qu’ils éprouvaient à l’égard du régime nazi quand ils ne trouvaient pas ce dernier tout à fait fréquentable.

La leçon à tirer de ce travail est qu’il ne faut pas seulement s’intéresser aux processus politiques mais aussi aux intentions qui orientent l’action politique, intentions qui demandent à être explicitées par l’historient aussi bien dans leur définition originale que dans leurs évolutions et leurs effets imprévus et/ou imprévisibles.

Comment la peur du communisme a conduit à l’ascension d’Hitler, du nazisme et à la Seconde Guerre mondiale

Le livre de Jonathan Haslam est un correctif mais aussi une critique de la pratique de l’histoire des relations internationales.

Par Rudrangshu Mukherjee, The Wire (Inde) 5 novembre 2021 traduit de l’anglais par Djazaïri

En 1848, dans l’inoubliable première ligne du Manifeste communiste, Karl Marx écrivait : « Un spectre hante l’Europe – le spectre du communisme.»  Ce même spectre était revenu hanter l’Europe dans la période de l’entre-deux guerres.

Le livre merveilleux de Jonathan Haslam, «Le spectre de la guerre» – fruit de recherches minutieuses dans diverses archives à travers le monde et analytiquement provocateur – étudie comment le triomphe de la révolution bolchevique en Russie et la propagation de l’idée d’une révolution internationale par Lénine et Trotsky ont eu un impact impact profond sur les décideurs politiques dans les chancelleries européennes. Sans une compréhension de cette dimension, toute analyse de la façon dont les puissances occidentales considéraient l’ascension vers le pouvoir d’Hitler et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale serait, selon Haslam, incomplète et appauvrie.

Le livre de Haslam est à un certain niveau un correctif, mais à d’autres niveaux, il fournit également de nombreux faits et idées originaux, et il fait également une critique de la manière dont l’histoire des relations internationales est pratiquée.

Le récit rompt avec le cadre chronologique conventionnel consistant à placer la Seconde Guerre mondiale dans le contexte de ce qui s’est passé dans les années 1930. Il commence au lendemain de la Première Guerre mondiale et de la révolution en Russie. Cette dernière était inextricablement liée au sort de la Russie tsariste au cours de la grande guerre.

La Première Guerre mondiale a bouleversé le système des relations internationales tel qu’il existait jusqu’au déclenchement du conflit. Le triomphe des bolchéviques a ajouté une nouvelle dimension. Le mouvement communiste avait toujours propagé l’idée que la révolution communiste serait mondiale – « Travailleurs de tous les pays,s unissez-vous!» était son cri de ralliement. La direction bolchevique qui suivait cette ligne idéologique était attachée à l’idée que la révolution en Russie ne serait pas et ne pourrait pas être un phénomène historique isolé. Ce serait le premier pas vers des révolutions qui balayeraient le capitalisme et toutes ses manifestations – empire et colonies – partout dans le monde.

De plus, les bolchéviques croyaient que le succès dans la durée de la révolution en Russie reposait sur la révolution en Allemagne qu’ils croyaient imminente. Une révolution mondiale était donc intrinsèque à l’idéologie du communisme et faisait donc partie intégrante de la politique et de la propagande bolcheviques. Ils créèrent le Komintern comme instrument pour faire avancer l’agenda d’une révolution mondiale.

Les décideurs politiques et les faiseurs d’opinion en Europe avaient compris le danger posé par la révolution en Russie presque dès ses débuts. Dès 1919, le Times de Londres lançait un appel aux puissances occidentales pour qu’elles affrontent le « danger de l’impérialisme bolcheviste ». Il y eut, cependant, des actions plus concrètes pour contrecarrer l’avancée de la révolution.

Haslam écrit : « Des troupes britanniques débarquèrent à Mourmansk, un port libre de glace sur la mer de Barents, fin juillet [1918]. En apparence, ces forces avaient été envoyées pour repousser les Allemands. Mais leur objectif réel devint vite évident. Au lieu de marcher vers l’ouest jusqu’aux positions allemandes en Finlande, elles marchèrent vers le sud pour attaquer les soldats de la révolution à Petrograd  [aujourd’hui Saint Petersbourg, NdT ]. Ce fut le premier acte de la guerre d’intervention alliée qui commençait, une guerre non déclarée qui pendant 18 mois fut justifiée par les alliés avec des arguments de plus en plus invraisemblables et contradictoires. Cette guerre a englouti le régime révolutionnaire et a servi de base à la répression impitoyable exercée par Lénine et Trotsky contre les forces de la contre-révolution, au démantèlement des conseils ouvriers, à de sévères restrictions des libertés et au déclenchement de la Terreur rouge.

Au cœur de l’Europe, le projet d’une révolution internationale n’avançait pas. En Allemagne, les tentatives d’insurrection  échouèrent ; les forces de gauche étaient divisées entre les communistes et les sociaux-démocrates ; et ce qui était pire, comme le révèle Haslam, le gouvernement bolchevique négociait secrètement avec celui de Weimar sur le commerce et le réarmement de la Russie. (Pour des raisons de realpolitik , le régime d’idéologie bolchevique   était prêt à ignorer le fait que le gouvernement de Weimar avait réprimé l’insurrection spartakiste et le soulèvement de Munich en utilisant les pires éléments des corps francs qui avaient assassiné des dirigeants communistes comme Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht.)

Les deux parias de l’Europe – l’Allemagne et la Russie – s’étaient ainsi rapprochés. En Italie, la révolution avait échoué et  conduit à la montée en puissance de Mussolini et du fascisme. L’Europe chancelait au bord de l’incertitude et de l’inattendu. L’approche communément admise dans les cercles de pouvoir à Washington, Londres et Paris était que le bolchevisme devait être contenu et qu’on ne pouvait pas permettre un effondrement de l’Allemagne. L’étroite coopération militaire entre Moscou et Berlin était censée être secrète mais des rumeurs à son sujet circulaient. Ces rumeurs rendaient les Britanniques soucieux de reconquérir les sympathies allemandes « presque à n’importe quel prix ».

L’état d’esprit dominant a été résumé ainsi par Alexander Cadogan, sous-secrétaire permanent au ministère des Affaires étrangères : « Certains oublient les années, disons 1920-26, où le seul danger était le ‘bolchevisme’. Dans ces circonstances, l’inattendu incarné par Adolf Hitler était apparu comme une force puissante.

Hitler et le Nazisme

Alors que la perspective d’une révolution européenne s’éloignait, les bolcheviks tournèrent leur attention vers l’Asie, ce qui signifiait s’intéresser aux colonies de l’Empire britannique. Trotsky avait affirmé que « la route vers Paris et Londres passe par l’Afghanistan, le Pendjab et le Bengale». L’Inde était devenue le terrain principal de l’activité révolutionnaire menée sous les auspices du Komintern qui, comme Lénine le soutenait avec candeur, était distinct du gouvernement russe. Toute l’étendue de l’implication du Komintern dans les révolutions à l’Est a été révélée aux Britanniques d’une manière extraordinaire.

En avril 1927, avec la connivence du corps diplomatique, les troupes de Chang Tso-lin, le seigneur de la guerre du nord, effectuèrent un raid contre l’ambassade soviétique à Pékin. Ce faisant, ellse découvrirent quantité de preuves de l’implication de Moscou, y compris financière, dans l’incitation à la révolution dans les colonies britanniques. Ceci, combiné à la grève générale de 1926,  donna à l’anticommunisme en Grande-Bretagne « une force vitale qui lui était propre ».

Harold Nicolson l’a clairement expliqué dans un document ministériel : « … le problème russe est pour le moment asiatique plutôt qu’européen… elle [la Russie] est suspendue comme un nuage d’orage à l’horizon oriental de l’Europe – imminente, impondérable… elle est en fait la plus menaçante de nos incertitudes.»

La méfiance à l’égard de l’Union soviétique au sein de l’establishment britannique était viscérale.

Au sein de l’Union soviétique, après la mort de Lénine en 1924, le pouvoir politique s’est concentré entre les mains de Staline qui, contrairement à Lénine et Trotsky, était convaincu que la construction du socialisme dans un seul pays était non seulement possible, mais devait également être la priorité absolue de l’Union soviétique.  Il élimina toute opposition au sein du parti et s’engagea dans une politique de collectivisation forcée de l’agriculture et de plans quinquennaux d’industrialisation.

Staline, Lénine et Trotsky

Cela ne veut pas dire que Staline avait supprimé le Komintern. Haslam note que la victoire du Parti travailliste (en coalition avec le Parti libéral) aux élections législatives britanniques de mai 1929 avait été en partie rendue possible par une subvention soviétique secrète. Staline avait également rendu impossible toute alliance entre le Parti communiste allemand et les sociaux-démocrates en qualifiant ces derniers de « socio-fascistes ». La division de la gauche eut des conséquences inquiétantes. L’influence et les positions électorales de la gauche diminuèrent, ce qui a permis à un régime autoritaire sous Heinrich Bruning de gouverner par décret d’urgence, ouvrant ainsi la voie à l’accession d’Hitler au pouvoir et à ce qui s’ensuivit.

Les décideurs politiques britanniques se trouvèrent confrontés à un paradoxe. D’un côté, il y avait la Russie soviétique, « un pays aux capacités militaires offensives manifestement faibles » et de l’autre l’Allemagne nazie, « un État armé jusqu’aux dents et à la rhétorique belliqueuse ». Les décideurs politiques choisirent cette dernière de préférence à l’Union soviétique dont la puissante idéologie menaçait tout ce que les classes dirigeantes de Grande-Bretagne considéraient comme précieux et « civilisé ».

Hitler et le nazisme n’étaient pas très agréables mais plus acceptables parce que les classes dirigeantes britanniques croyaient partager avec Hitler certaines croyances fondamentales. Du moins, il était moins menaçant. Selon les mots de Haslam, « … au lieu de s’inquiéter du fascisme, l’élite britannique s’inquiétait davantage de ce qui ne le remplacerait probablement pas – le communisme – si le fascisme était déstabilisé et renversé ». Qu’étaient les classes dirigeantes de Grande-Bretagne ? « Les chevaliers du royaume », les appelle Haslam, scolarisés dans de prestigieuses  écoles privées et dans les facultés d’Oxford et de Cambridge

L’un de ces chevaliers – Nevile Henderson, ambassadeur à Berlin – avait fait remarquer que « la Grande-Bretagne ne devrait pas être considérée comme une démocratie mais comme une aristocratie ». Il en était. Si la bataille de Waterloo, comme l’avait déclaré de manière inoubliable Wellington, a été gagnée sur les terrains de jeu d’Eton, les mêmes terrains de jeu ont rendu possible le succès d’Hitler et l’holocauste qui a suivi.

Un motif sous-jacent de cette préférence était l’hypothèse qu’Hitler était un leader raisonnable avec des objectifs et des ambitions limités qui pourraient être contenus en temps voulu par des concessions territoriales. En revanche, les aspirations du communisme étaient mondiales. Robert Hadlow, alors premier secrétaire à l’ambassade à Vienne, avait affirmé avec une grande clarté qu’affaiblir Hitler aurait pour résultat  une Allemagne communiste « dirigée par des hommes totalement déraisonnables – ce que n’est pas Hitler selon moi. Je préfère aider Hitler que risquer une alternative pire à sa place. L’évaluation formulée par Hadlow était partagée par des membres influents de l’élite britannique, des hommes qui dînaient et se divertissaient dans leurs maisons de campagne et leurs clubs urbains et se faisaient servir du champagne par des valets en livrée.

Du côté soviétique, les réactions à la montée et au succès d’Hitler étaient . Staline  restait silencieux sans s’exprimer publiquement ». Il y avait des voix influentes au sein du Komintern qui soutenaient que la montée au pouvoir d’Hitler était « un phénomène passager ». Ce genre d’opinion était quelque peu prévisibles puisque la politique du Kominter, en érigeant des barrières entre les communistes et les sociaux-démocrates, avait facilité l’ascension d’Hitler ; et de plus, admettre que le gouvernement nazi avait un long avenir serait une reconnaissance directe que toute l’analyse concernant le capitalisme en crise était erronée.

Une conséquence immédiate de l’arrivée au pouvoir d’Hitler fut l’élimination du mouvement communiste et d’innombrables communistes en Allemagne. De ces circonstances est née l’idée du Front populaire. Mais pour ceux qui étaient opposés à l’Union soviétique et craignaient sa force militaire et industrielle croissante et ses intentions idéologiques, le Front populaire ne fit que renforcer leur perception d’une menace communiste.

Georgi Dimitrov, l’un des principaux idéologues du Front populaire, indiquait clairement que « le but de notre lutte contre le fascisme n’est pas le rétablissement de la démocratie bourgeoise mais la conquête du pouvoir soviétique ». Pour les « chevaliers du royaume », le Front populaire représentait l’opposition au fascisme et une menace pour le capitalisme et la démocratie bourgeoise. On ne pouvait pas faire confiance à l’Union soviétique, mais on pouvait l’accorder à Hitler car il était supposé être un homme raisonnable qui, plus important encore, était opposé au communisme.

C’est ce contexte qui détermina la politique d’apaisement que Neville Chamberlain a défendue et pour laquelle il a ensuite été cloué au pilori. En réalité, Chamberlain suivait une politique qui était étayée par des convictions partagées par des sections importantes et influentes de l’intelligentsia et de la classe dirigeante en Grande-Bretagne. La nouvelle du pacte nazi-soviétique signé en août 1939 ne fit qu’intensifier l’anti-bolchevisme des «pacificateurs» – selon les termes de Haslam, le pacte  «a agi comme un accélérateur pour les pacificateurs purs et durs »

Arthur Rucker, fidèle secrétaire particulier de Chamberlain, a déclaré à son collègue John Colville : « Le communisme est maintenant le grand danger, plus grand encore que l’Allemagne nazie. De telles évaluations se sont trouvées justifiées lorsque la Russie s’est emparée de l’est de la Pologne. Face à deux systèmes maléfiques, Chamberlain et ses semblables ont choisi ce qu’ils considéraient comme le moindre mal. Ce à quoi ils n’avaient pas pensé, c’est qu’Hitler était « trop impatient pour attendre ce que les Britanniques avaient à offrir ». Le 1er septembre 1939, les chars et les troupes allemands pénétrèrent en Pologne. Deux jours plus tard, lorsque l’Allemagne ne répondit pas à un ultimatum de la Grande-Bretagne, cette dernière déclara la guerre à l’Allemagne. L’illusion douillette de l’apaisement s’était transformée en une danse de la mort.

À travers son analyse, Haslam met en évidence certaines caractéristiques de la compréhension des relations internationales qu’il juge inadéquates. L’une d’elles est la propension des historiens diplomatiques « à accorder plus d’attention au processus qu’à l’objectif, recherché en supposant que le motif est connu et immuable car tout suit inexorablement son cours géopolitique habituel». Ce mode d’analyse est associé à AJP Taylor qui, dans ses deux livres remarquables et très influents, The Struggle for Mastery in Europe et The Origins of the Second World War, a soutenu que les résultats finaux dans les relations internationales sont le fruit d’un enchaînement incontrôlable d’événements.

Haslam montre que dans l’entre-deux-guerres, les hommes d’État ont fait des choix délibérés et ces choix ont été informés par certaines perceptions/hypothèses qui à leur tour étaient fondées sur des préjugés idéologiques et des intérêts de classe. Haslam introduit ainsi l’importance des idées qui « explicitent les finalités du pouvoir ». Les finalités du pouvoir dans la période analysée par Haslam étaient « divergentes et contestées ».

Ainsi, il estime que la politique étrangère de l’entre-deux-guerres ne peut s’expliquer selon les principes traditionnels puisque « les politiciens et les diplomates en sont venus à craindre davantage le pouvoir insidieux des idées que les composantes mesurables des capacités militaires». Ils préféraient donc l’Allemagne nazie à la Russie soviétique.

Le travail universitaire et savant  de Haslam fait immédiatement penser au roman Les restes du jour de Kazuo Ishiguro qui a recréé l’ambiance sociétale et intellectuelle qui a produit le phénomène d’apaisement. Toute l’histoire est racontée par la voix d’un majordome qui surprend et enregistre les conversations qui se déroulent dans les somptueuses salles à manger et les salles de réception des maisons de campagne appartenant à des aristocrates anglais. Les artistes créatifs ont souvent une meilleure connaissance de l’histoire que les historiens qui fouillent dans des dossiers poussiéreux et attendent l’accès à des archives fermées.

Il n’y a pas eu de meilleure représentation de la société russe à tous les niveaux – la cour tsariste, la vie de la noblesse, les souffrances et les fêtes des serfs et des paysans et du champ de bataille empestant la poudre des armes à feu et les cadavres – que Guerre et Paix . En Inde, la nature multiforme du mouvement national a été saisie de manière poignante dans The Home and the World de Tagore .

Rudrangshu Mukherjee est professeur d’histoire et président de l’université Ashoka.

Une attaque en règle contre le Dr Fauci, responsable de la lutte contre le Covid-19 aux Etats Unis

2 novembre 2021

Chacun se souvient des foucades de Donald Trump au sujet de l’épidémie de covid-19. Ses propos parfois grotesques avaient eu pour effet d’alimenter les campagnes de presse visant à discréditer les approches thérapeutiques de la covid-19 dont tout particulièrement celui proposé par Didier Raoult, le médecin à la tête de l’Institut Hospitalo-Universitaire de Marseille, institut consacré à la recherche sur les maladies infectieuses et leurs traitements.

Pourtant, la politique promue par l’Etat fédéral sous Donald Trump ressemblait en réalité comme deux gouttes d’eau à la politique mise en place dans d’autres pays, la France notamment: pas de prise en charge thérapeutique, instauration de confinements, fermetures d’écoles, port du masque, vaccination de masse, y compris chez les jeunes.

Aux Etats Unis comme ailleurs, les médecins, généralistes ou spécialistes, opposé à ces politiques ont eu toutes les peines du monde à se faire entendre, s’exposant notamment à des attaques en règle de la part des médias.

Le Dr Fauci et l’actrice Sharon Stone

Ici, deux spécialistes, un épidémiologiste professeur à Harvard et un professeur de politique de la santé à Stanford, n’y vont pas par quatre chemins et accusent le Dr Anthony Fauci, le scientifique qui a défini la stratégie américaine de prise en charge de l’épidémie de coronavirus, d’avoir trompé le pays.

C’est en effet un véritable réquisitoire que dressent les deux chercheurs qui rappellent ce fait élémentaire: «le contrôle d’une seule maladie infectieuse n’est pas synonyme de santé».

Un principe ignoré non seulement aux Etats Unis mais aussi en France et dans tant d’autres pays.

Comment Fauci a trompé l’Amérique – Opinion

Par Martin Kulldorff et Jay Bhattacharya, Newsweek (USA) 1er novembre 2021 traduit de l’anglais par Djazaïri

Quand la pandémie a frappé, l’Amérique avait besoin de quelqu’un vers qui se tourner pour avoir des conseils. Les médias et l’opinion publique se tournèrent tout naturellement vers le Dr Fauci – directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases, un chercheur estimé de laboratoire d’ immunologie et un des conseillers pour le Covid choisis par le président Donald Trump. Malheureusement, le Dr Fauci s’est trompé sur les principales questions d’épidémiologie et de santé publique. La réalité et les études scientifiques l’ont maintenant rattrapé.

Martin Kulldorff (à gauche) et Jay Bhattacharya (à droite). Au centre, Sunetra Gupta, professeure d’épidémiologie à Oxford

Voici les principaux problèmes

L’immunité naturelle. En poussant à la vaccination obligatoire, le Dr Fauci méconnaît l’immunité naturelle acquise par ceux qui ont guéri du COVID, soit plus de 45 millions de personnes aux États Unis. De plus en plus de preuves indiquent que l’immunité naturelle est plus forte et plus durable que l’immunité induite par la vaccination. Une étude menée dans l’entité sioniste a montré que les vaccinés étaient 27 fois plus susceptibles de contracter un COVID symptomatique que les non vaccinés qui s’étaient remis d’une infection antérieure.

Nous connaissons l’immunité naturelle contre les maladies depuis au moins la peste athénienne de 430 av JC. Les pilotes, les camionneurs et les débardeurs le savent, et les infirmières le savent mieux que quiconque . Sut instructions de Fauci, les hôpitaux licencient des infirmières héroïques qui se sont remises du COVID qu’elles ont contracté tout en soignant des patients. Grâce à cette immunité robuste, elles peuvent soigner en toute sécurité les patients les plus âgés et les plus fragiles avec un risque de transmission encore plus faible que les vaccinés.

Protéger les personnes âgées. Alors que n’importe qui peut être infecté, le risque de mourir pour les personnes âgées est plus de mille fois supérieur à celui des jeunes. Après plus de 700 000 décès COVID signalés en Amérique, nous savons maintenant que les confinements n’ont pas permis de protéger les personnes âgées à haut risque. Confronté à l’idée d’une protection ciblée des personnes vulnérables, le Dr Fauci a admis qu’il n’avait aucune idée de comment y parvenir, soutenant que ce serait impossible. On peut le comprendre de la part d’un scientifique de laboratoire, mais les scientifiques de la santé publique ont proposé de nombreuses suggestions concrètes qui auraient été utiles si Fauci et d’autres responsables ne les avaient pas ignorées.

Que pouvons-nous faire maintenant pour minimiser la mortalité due au COVID ? Les efforts de vaccination actuels devraient viser à atteindre les personnes de plus de 60 ans qui ne sont ni guéries ni vaccinées contre le COVID, y compris les personnes difficiles à atteindre et moins aisées dans les zones rurales et les centres-villes. Au lieu de cela, le Dr Fauci a poussé à l’obligation vaccinale pour les enfants, les étudiants et les adultes en âge de travailler qui sont déjà immunisés – toutes les populations à faible risque – causant d’énormes perturbations sur le marché du travail et entravant le fonctionnement de nombreux hôpitaux.

Fermetures d’écoles. Les écoles sont les principaux lieux de transmission de la grippe, mais pas de la COVID. Bien que les enfants soient infectés, leur risque de décès par COVID est minime, inférieur à leur risque déjà faible de mourir de la grippe. Tout au long de la vague épidémique du printemps 2020, la Suède a maintenu les crèches et les écoles ouvertes pour tous ses 1,8 million d’enfants âgés de 1 à 15 ans, sans masques, tests ou distanciation sociale. Le résultat? Zéro décès COVID chez les enfants et un risque COVID pour les enseignants inférieur à la moyenne des autres professions. À l’automne 2020, la plupart des pays européens lui ont emboîté le pas, avec des résultats similaires. Compte tenu des effets dévastateurs des fermetures d’écoles sur les enfants, le plaidoyer du Dr Fauci pour les fermetures d’écoles est peut être la plus grosse erreur de sa carrière.

Masques. L’étalon-or de la recherche médicale sont les essais randomisés, et il y en a maintenant deux sur les masques COVID pour adultes. Pour les enfants, il n’y a aucune preuve scientifique solide que les masques fonctionnent. Une étude danoise n’a trouvé aucune différence statistiquement significative entre le port et le non-port du masque en ce qui concerne l’infection à coronavirus. Dans une étude au Bangladesh , l’intervalle de confiance de 95 % a montré que les masques réduisaient la transmission entre 0 et 18 %. Par conséquent, les masques ont un avantage nul ou limité. Il existe de nombreuses mesures plus utiles de contrôle de la pandémie sur lesquelles le Dr Fauci aurait pu insister, telles qu’une meilleure ventilation dans les écoles et l’embauche de personnel de maison de retraite doté d’une immunité naturelle.

Recherche des cas contacts. Pour certaines maladies infectieuses, comme Ebola et la syphilis, la recherche des cas contacts est d’une importance cruciale. Pour une infection virale qui circule très largement telle que COVID , cette recherche est un gaspillage inutile de précieuses ressources de santé publique qui n’a pas arrêté la maladie

Dommages collatéraux pour la santé publique. Un principe fondamental de la santé publique est que la santé est multidimensionnelle; le contrôle d’une seule maladie infectieuse n’est pas synonyme de santé. En tant qu’immunologue, le Dr Fauci n’a pas correctement pris en compte et pesé les effets désastreux des confinements sur le dépistage et le traitement du cancer , le suivi des maladies cardiovasculaires , le traitement du diabète , ls taux de vaccination [hors covid] des enfants , la santé mentale et les surdoses d’opioïdes , pour n’en citer que quelques-uns. Les Américains vivront avec – et mourront de – ces dommages collatéraux pendant de nombreuses années à venir.

Dans les conversations privées, la plupart de nos collègues scientifiques sont d’accord avec nous sur ces points. Alors que quelques – uns se sont exprimés, pourquoi ne le font-ils pas davantage ? Eh bien, certains ont essayé mais n’y sont pas parvenus. D’autres ont gardé le silence quand ils ont vu des collègues calomniés et salis dans les médias ou censurés par Big Tech . Certains sont des fonctionnaires à qui il est interdit de contredire la politique officielle. Beaucoup ont peur de perdre leur poste ou des subventions de recherche, sachant que le Dr Fauci a la haute main sur la plus grosse somme d’argent consacrée à la recherche sur les maladies infectieuses dans le monde. La plupart des scientifiques ne sont pas des experts en épidémies de maladies infectieuses. Si nous étions, disons, des oncologues, des physiciens ou des botanistes, nous aurions probablement aussi fait confiance au Dr Fauci.

Les preuves sont là. Gouverneurs, journalistes, scientifiques, présidents d’université, administrateurs d’hôpitaux et chefs d’entreprise peuvent continuer à suivre le Dr Anthony Fauci ou ouvrir les yeux. Après plus de 700 000 décès dus au COVID et les effets dévastateurs des confinements, il est temps de revenir aux principes de base de la santé publique.

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Martin Kulldorff, Ph.D., est épidémiologiste, biostatisticien et professeur de médecine à la Harvard Medical School . Jay Bhattacharya, MD, Ph.D., est professeur de politique de la santé à la Stanford University School of Medicine . Tous deux sont chercheurs affiliés au Brownstone Institute nouvellement formé .

Les progressistes du Parti Démocrate préparent l’après Joe Biden

24 mai 2021

Certains mettent beaucoup d’espoir dans la présidence de Joe Biden pour une inflexion de la politique des États Unis vers une position moins favorable à l’entité sioniste et donc plus propice à favoriser un règlement de la question de Palestine.

A la vérité, si on s’en tient à Joe Biden et à son équipe gouvernementale, il ne faut pas trop espérer. Joe Biden a toujours fait savoir son attachement à l’entité sioniste, c’est-à-dire qu’il a bien compris d’où vient l’argent des campagnes électorales et qui exerce un contrôle significatif sur les médias, presse écrite ou audiovisuelle.

Sa colistière et désormais vice-présidente Kamala Harris est faite du même bois. Elle sait parfaitement qui est à l’origine du miracle qui a fait qu’une candidate à la primaire démocrate créditée d’un peu plus de 3 % des voix  a pu se retrouver dans le ticket démocrate à l’élection présidentielle.

De fait, lors de la dernière offensive sioniste contre Gaza, Joe Biden n’a pas dérogé, pas plus que d’autres dirigeants occidentaux, à la sempiternelle affirmation du droit de l’entité sioniste à se «défendre». Propos que le président des États Unis a accompagné d’une réaffirmation du principe d’une solution à deux États, ce qui est un retour à la posture traditionnelle de Washington, celle d’avant Donald Trump.

Peu d’observateurs mesurent l’hypocrisie de cette affirmation d’une solution à deux États. En effet, si les USA et les autres puissances occidentales, dont la France, voulaient vraiment de cette solution, ils  poseraient l’exigence d’un calendrier d’un calendrier de retrait ordonné des colonies juives en Cisjordanie et le respect de l’intégrité de Jérusalem-Est.

Or, à aucun moment ni Washington, ni Paris, ni Londres n’ont jamais levé le petit doigt pour donner à penser qu’ils croient à cette possibilité.

Si on ne peut pas attendre grand chose dans l’immédiat de Washington, les développements sur le terrain, avec la crise interne au régime sioniste, pour un ensemble de raisons dont la colonisation de la Cisjordanie, et l’efficacité grandissante de la résistance palestinienne sous toutes ses formes, rencontrent un écho certain dans la mouvance progressiste du Parti Démocrate.

Pour l’instant les Caciques du Parti Démocrate peuvent faire encore semblant d’ignorer cette mouvance qui correspond à une part croissante, peut-être même majoritaire, de l’électorat du parti. Mais les animateurs de cette mouvance sont optimistes quant à l’avenir de la prise en compte de ses idées qui restent encore minoritaires dans les deux chambres parlementaires du Congrès des États Unis.

Il faudra du temps, peut-être pas très longtemps mais un certain temps.

Les progressistes voient une opportunité «  historique  » pour un changement dans les relations des États-Unis avec Israël

Par Laura Kelly, The Hill (USA) 21 mai 2021 traduit de l’anglais par Djazaïri

Les démocrates progressistes accentuent leurs efforts pour un changement radical de la relation des États-Unis avec Israël, alors que le calme revient suite à un cessez-le-feu qui a mis fin à 11 jours de guerre dévastatrice entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza.

Enhardis par des parlementaires flamboyants et un programme centré sur la justice sociale pour les Palestiniens, les appels au conditionnement de l’aide militaire à Israël et les critiques de ses actions sont passés des marges du Parti démocrate au parquet de la Chambre des Représentants et du Sénat.

Mais les organisations de soutien à Israël aux États-Unis mobilisent leurs partisans pour repousser les tentatives des progressistes pour empêcher 735 millions de dollars de ventes d’armes à Israël et d’autres démarches visant à conditionner l’assistance militaire.

Pendant ce temps, les Républicains attaquent la diplomatie «calme et intensive» du président Biden pour n’avoir pris publiquement le parti d’Israël au moment où il était assiégé par les roquettes du Hamas, et a enhardi l’Iran, soutien par les discussions en cours sur l’accord nucléaire.

«La politique intérieure a toujours été présente en ce qui concerne les relations américano-israéliennes et le soutien américain à Israël», déclare Aaron David Miller, qui a été négociateur dans le processus de paix entre israéliens et palestiniens dans les administrations républicaines et démocrates.

« Je le pense maintenant plus que jamais depuis que je vois ce film –  l’insistance sur la relation américano-israélienne et les critiques des actions d’Israël sont probablement plus forts que jamais », a-t-il ajouté.

Les organisations progressistes estiment que la dynamique est de leur côté, soutenue par l’évolution des priorités chez les démocrates qui ont poussé pour des évolutions des politiques sur le changement climatique, le système de santé,  la réforme de la justice pénale et l’équité raciale.

«Le conditionnement de l’aide au gouvernement israélien est une politique qui est soutenue par l’écrasante majorité des démocrates mais qui n’est pas soutenue par l’écrasante majorité des démocrates à Washington», déclare Waleed Sahid, directeur de la communication pour Justice Democrats, le comité d’action politique derrière l’émergence de  la députée à la Chambre des Représentants. Alexandria Ocasio-Cortez (DN.Y.) et d’autres parlementaires progressistes de premier plan au Congrès.

«Mais c’est vrai pour de nombreux sujets sur lesquels les progressistes font campagne. Avec le temps, à notre avis, le parti changera avec plus de pressions venues de l’intérieur et de l’extérieur sur cette question. »

Ocasio-Cortez, avec le Sénateur. Bernie Sanders (I-VT), anime les démarches pour arrêter les ventes militaires en instance pour Israël, avec une résolution présentée à la fois à la Chambre et au Sénat la semaine dernière.

«Pendant des dizaines d’années, les États-Unis ont vendu pour des milliards de dollars d’armes à Israël sans jamais lui demander de respecter les droits fondamentaux des Palestiniens. Ce faisant, nous avons directement contribué à la mort, au déplacement et à la privation du droit de vote de millions de personnes », a déclaré Ocasio-Cortez dans un communiqué.

Ses propos sont intervenues au moment où parvenaient des informations faisant état de l’augmentation du nombre de morts palestiniens dans la bande de Gaza tués par les frappes aériennes israéliennes visant les combattants du Hamas et ses infrastructures.

Un cessez-le-feu entré en vigueur vendredi matin a pour l’instant mis un terme aux combats. Mais le ministère de la Santé de Gaza a déclaré jeudi que 232 Palestiniens avaient été tués au cours des 11 jours de conflit, dont 65 enfants, 39 femmes et 17 personnes âgées. Environ 1 900 ont été blessés. Israël affirme qu’il a tué plus de 130 terroristes du Hamas.

Le parrainage par Sanders de la résolution s’opposant aux ventes d’armes à Israël obligera à un vote sur la question au Sénat. S’il est peu probable qu’elle obtienne une majorité, les militants progressistes  saluent néanmoins ce moment comme «historique».

«Le mouvement progressiste s’est renforcé ces dernières années et a élu plus de champions des droits de l’homme», déclare Yasmine Taeb, une avocate spécialisée dans les droits de l’homme qui est à l’avant-garde de l’organisation de mouvements progressistes appelant à plus de responsabilité d’Israël dans sa politique envers les Palestiniens.

«Je pense que ce sont les avancées que nous avons réalisées et le renforcement de notre stratégie intérieure et extérieure, qui nous ont amenés à ce moment.»

Taeb était l’une des initiatrices d’une lettre ouverte à l’administration Biden la semaine dernière, signée par plus de 140 organisations progressistes, qui appelait à dénoncer comme «crimes de guerre» les politiques israéliennes envers les Palestiniens à Jérusalem et en Cisjordanie.

La lettre a été publiée après des semaines de tensions croissantes et de violents affrontements dans la ville sainte, que le Hamas a utilisés comme catalyseur pour commencer à tirer des roquettes sur Israël.

Les tirs indiscriminés de roquettes  du Hamas – plus de 4 400 missiles au total pendant 11 jours – ont largement éloigné l’attention de Capitol Hill (là où se trouvent les deux chambres parlementaires) des frustrations croissantes à l’encontre des politiques israéliennes à l’égard de s Palestiniens pour l’orienter vers le droit d’Israël à se défendre.

Les républicains ont critiqué la diplomatie en coulisses de Biden comme manquant à plus défendre publiquement Israël face aux critiques des progressistes et de la communauté internationale.

Le président a réussi à pousser Israël vers un cessez-le-feu et a évité de l’exiger publiquement, ce qui selon les experts, aurait été un fait sans précédent dans la relation américano-israélienne.

« Si Biden a de la chance, il pourra continuer à naviguer de cette manière », déclare Miller, qui est maître de recherche au Carnegie Endowment for International Peace.

Il ajoute que les relations entre les États-Unis et Israël ne sont pas à un stade de crise, mais que l’accord bi-partisan [Républicains – Démocrates, NdT] qui sous-tend généralement cette relation est « soumis à un stress plus grand que jamais auparavant ».

Israël dit qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour éviter les victimes civiles palestiniennes lors des frappes aériennes à Gaza et condamne le Hamas pour avoir mis en place ses opérations militaires dans des centres de population.

Alors que le système de défense antimissile Dôme de Fer, conçu avec l’aide des États-Unis, a intercepté environ 90% des tirs de roquettes du Hamas, 13 personnes ont été tuées en Israël et des millions ont dû se réfugier dans des abris anti-bombardements.

Les organisations de soutien à Israël qui s’opposent aux exigences des progressistes de conditionnement de l’aide militaire à Israël affirment que de telles restrictions seraient une menace pour la sécurité du peuple israélien parce que cette aide est essentielle pour la stratégie israélienne de dissuasion et de dégradation des capacités militaires du Hamas et permet de renforcer Israël contre les menaces d’autres organisations terroristes et contre un conflit avec la Syrie et l’Iran.

«Nous ne soutenons pas les démarches visant à bloquer les ventes d’armes à Israël,» a déclaré Halie Soifer, présidente de l’organisation pro-israélienne Jewish Democratic Council of America (JDCA).

Dans des déclarations publiques et des séances d’information avec les parlementaires et les équipes sur la Capitol Hill, la JDCA souligne que la vente d’armes proposée d’un montant de 735 millions de dollars n’est pas liée aux hostilités actuelles et fait partie des engagements américains dans le protocole d’accord entre les États-Unis et Israël de 2016, promettant 38 milliards de dollars en faveur d’Israël sur 10 années dans le cadre du financement militaire étranger, dont 500 millions de dollars par an pour le Dôme de fer.  

«Ces ventes sont conformes au protocole d’accord, et nous soutenons donc la poursuite de ces ventes,» a déclaré Soifer. «Nous ne croyons pas non plus à l’utilisation de l’aide militaire à Israël, qui sauve des vies, comme levier pour influer sue le conflit israélo-palestinien.»

Les organisations qui promeuvent n soutien bi-partisan à Israël, comme l’influent American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) et Christians United For Israel (CUFI), fort de dix millions d’adhérents, ont lancé un appel à leurs membres pour qu’ils agissent afin de «rejeter les tentatives extrémistes» des progressistes pour conditionner l’aide à Israël.

Ces messages d’alerte sont accompagnés de portraits d’Ocasio-Cortez, Sanders et de ceux des élues à la Chambre des Représentants Rashida Tlaib (Démocrate – Michigan) et Ilhan Omar (Démocrate-Minnesota), les deux premières demmes de confession musulmane élues au Congrès.

Omar, qui a été accusée d’avoir tenus des propos antisémites dans sa critique d’Israël, est une cible fréquente de l’AIPAC qui , fait rare, s’est excusée en février 2020 après la publication d’une série d’annonces sur Facebook et dans la presse dépeignant Omar et d’autres parlementaires progressistes comme «plus sinistres que l’État Islamique dans leur démarche pour conditionner l’aide militaire à Israël.»

Annonces de l’AIPAC dépeignant I. Omar et R. Tlaib comme des antisémites

Mais l’AIPAC a affiné son message et a refusé de se dédire d’une série d’annonces payantes plus récentes portant sur Omar, bien que le bureau de cette dernière dise qu’elles incitent à la violence contre elle et les autres musulmans.

Les organisations de soutien à Israël et les groupes progressistes conviennent tous deux que la majorité du Parti démocrate, ainsi que Biden et ses officiels, sont fermement contre le conditionnement de l’aide militaire à Israël.

Mais les groupes progressistes se concentrent sur la poursuite de changements progressifs qui feront évoluer le parti.

«Tout ce qu’il faudra, c’est un faux pas du gouvernement israélien qui suscitera une toute nouvelle vague de soutien démocrate à la cause palestinienne  qui est de mettre fin à l’apartheid en Israël», déclare Robert McCaw, directeur des affaires gouvernementales du Council on American-Islamic Relations (CAIR).. .

L’administration Biden et le gouvernement israélien rejettent les accusations d’apartheid, définies comme des politiques ou des systèmes de ségrégation et de discrimination fondés sur la race, qui sont formulées par des organisations de défense des droits de l’homme – le plus récemment dans un rapport publié le mois dernier par Human Rights Watch.

Mais l’accusation d’apartheid a une grande place dans discussions des progressistes autour d’Israël et elle a été réitérée par Omar la semaine dernière à la Chambre des représentants.

McCaw a qualifié les propos d’Omar ainsi que des prises de parole semblables par dix autres membres progressistes du Congrès de «grand événement».

«Ces deux dernières semaines ont amené un certain nombres de membres du Congrès à réévaluer ces accusations justifiées d’apartheid en Israël,» dit-il.

«La question est combien de temps encore le gouvernement des États Unis ignorera t-il les violations par Israël des droits civiques du peuple palestinien. Je ne pense pas que ce sera pendant longtemps.»

Les États Unis suzerains ou vassaux de l’entité sioniste?

22 mai 2021

John V. Whitbeck est un juriste américain qui a participé en tant que conseiller aux négociations entre Palestiniens et entité sioniste. Il intervient fréquemment dans les médias sur la question de Palestine et dans l’article que je vous propose, il fait une mise au point sur la réalité des relations entre l’État prétendu juif et les États Unis.

John V. Whitbeck

Il observe qu’il est inadéquat de parler d’aide quand on évoque les milliards de dollars que les États Unis versent chaque année à l’entité sioniste. En effet, peut-on véritablement parler d’aide quand le pays aidé à un revenu par habitant qui le place devant le Royaume Uni, pays membre du G7?

C’est le caractère illogique de cette définition comme aide qui l’amène à proposer une définition plus exacte qui est celle d’un tribut, le tribut étant la somme d’argent ou son équivalent en marchandises que le vassal verse à son suzerain.

Ce n’est pas une «aide» américaine à Israël. C’est un tribut.

Par John Whitbeck, Counter Punch (USA) 12 mai 2021 traduit de l’Anglais par Djazaïri

Suite à un récent rapport de Human Rights Watch sur l’apartheid israélien et les persécutions  et les brutalités par Israël en cours à Jérusalem, une poignée de braves politiciens américains, qui deviennent petit à petit plus nombreux, ose remettre en cause l’affirmation publiquement affiché par le président Biden selon laquelle ce serait « absolument scandaleux » de conditionner «l’aide» américaine à Israël à la conduite d’Israël et affirme qu’une telle «aide» devrait en effet être conditionnée , au moins dans une certaine mesure, au respect des droits de l’homme, du droit international et des lois américaines concernant l’utilisation des armes fournies par les États Unis.

Alors que cette modeste tendance à un soutien de principe des droits de l’homme et du droit international par une poignée de politiciens américains doit être considérée comme encourageante, la tradition de qualifier d’«aide» les transferts financiers du gouvernement américain vers Israël – actuellement un minimum de base de 3,8 milliards de dollars par an, négociés et accordés par un président Obama sortant pour un prochain cycle de financement de dix ans, inévitablement complété par de nombreuses adjonctions – devrait également être interrogée.

Israël n’est pas un pays pauvre. Dans le dernier classement de l’ONU, son PIB annuel par habitant de 46376 dollars le classait au 19e rang parmi les 193 États membres de l’ONU, devant l’Allemagne (20e), le Royaume-Uni (24e), la France (26e) et l’Arabie saoudite (41e).

Les montants financiers garantis que les gouvernements américains négocient avec les gouvernements israéliens et s’engagent à payer à Israël ne sont ni négociés ni versés parce qu’Israël a besoin de cet argent.

Ils sont négociés et payés en tant que manifestations publiques de la soumission des États Unis.

Le terme exact et approprié pour désigner de tels paiements est «tribut», que le dictionnaire définit comme «un paiement effectué périodiquement par un État ou un dirigeant à un autre, en particulier comme marque de sujétion».

Depuis qu’Israël a attaqué le bien nommé USS Liberty en 1967, tuant 34 militaires américains, en blessant 171 autres et provoquant 821 impacts de roquettes et de mitrailleuses dans la coque du navire, et que  le président Johnson a ordonné de dissimuler cet événement, ce qui constituait une reddition virtuelle, le gouvernement américain reçoit des ordres d’Israël et lui paye tribut, ce qui a des conséquences sur le prestige de l’Amérique et son rôle dans le monde bien plus coûteuses que l’argent lui-même.

De fait, la relation américaine avec Israël prive les États-Unis de toute crédibilité lorsqu’ils accusent des pays qu’ils n’aiment pas pour d’autres raisons de violations des droits de l’homme ou du droit international.

Si les perceptions et le discours populaires aux États-Unis pouvaient être transformés de manière à reconnaître que les engagements financiers du gouvernement américain envers Israël constituent un hommage à une puissance dominante plutôt qu’une «aide» à une nation dans le besoin, il pourrait y avoir un espoir pour une déclaration d’indépendance attendue depuis longtemps et un rôle américain plus constructif et honorable dans le monde.

John V. Whitbeck est un juriste spécialisé en droit international qui a conseillé l’équipe de négociateurs palestiniens avec Israël.

MC Abdul le petit rappeur de Gaza parle au monde entier avec le soutien de musiciens irlandais

17 mai 2021

Le rap n’est pas ma tasse de thé mais cet article me ferait presque m’y intéresser. Il y est question de musiciens d’une ville irlandaise qui ont pris sous leur aile un gamin qui vit à Gaza et qui chante des textes sur de la musique rap (ou hip-hop, c’est un domaine que je connais mal).

Une vidéo que ces Irlandais ont produit avec Abdalrahman Alshanti, c’est le nom du petit habitant de Gaza, a rencontré un grand succès sur la toile puisqu’elle a fait des millions de vues et a été relayée par des célébrités.

Il s’agit là d’une manifestation parmi d’autres de la solidarité du peuple irlandais avec le peuple palestinien dont, en tant qu’anciens colonisés, ils comprennent bien la cause.

La collaboration de Cork avec le jeune rappeur de Gaza devient virale et attire des millions de vues

La star du hip-hop DJ Khaled figure parmi les célébrités à avoir partagé la vidéo de MC Abdul, 12 ans, qui rappe à propos de le situation à laquelle est actuellement confrontée sa famille.

Par Des O’Driscoll, Irish Examiner (Irlande) 17 mai 2021 traduit de l’anglais par Djazaïri

Une collaboration sur un thème d’actualité entre un jeune garçon de Gaza et un beatmaker de Cork est devenue virale, atteignant plus de 2,7 millions de vues en deux jours.

Le vidéoclip pour la ‘Palestine’ par Abdalrahman Alshanti – alias MC Abdul, ou MCA Rap – montre le garçon âgé de 12 ans qui marche devant des immeubles détruits dans son quartier de Gaza et qui rappe sur la situation actuelle dans la région.

Le morceau de rap a été enregistré sur une piste instrumentale d’Eminem par le producteur basé à Cork Garry McCarthy (GMC Beats) qui contribue à l’encadrement du jeune Palestinien depuis 2019.l

Parmi les célébrités qui ont référencé la vidéo, il y a la star américaine du hip-hop DJ Khaled qui l’a partagée sur son compte Instagram. Abdul a également eu des partages de la mannequin Bella Hadid et de l’acteur / musicien américain Tyrese Gibson.

Alors que le nombre de tués augmente à cause des attaques israéliennes sur Gaza, avec 58 enfants parmi les près de 200 victimes à ce jour, McCarthy admet être très inquiet pour Abdul et sa famille.

«Ils m’ont envoyé des enregistrements de ce qu’ils ont dû entendre pendant la nuit, et je suis encore secoué d’avoir entendu ces explosions», explique le producteur et professeur, basé au Kabin Studio à Hollyhill.

«Ce qui se passe est vraiment honteux. Abdul nous a raconté comment sa jeune sœur et son frère pleurent la nuit. Leur mère doit leur faire croire que c’est un feu d’artifice. Je leur envoie un texto le matin pour vérifier qu’ils vont bien, et quand il répond, je me dis: «Dieu merci!».

 McCarthy espère que le nouvel enregistrement aidera à attirer l’attention sur ce qui se passe à Gaza et encouragera les gens à le dénoncer.

«C’est tout ce que nous pouvons faire. C’est juste de faire passer un message. Et c’est probablement une bonne chose que les gens entendent un enfant parler de la situation, parce que dans les guerres, on entend généralement les hommes et les autres adultes », dit McCarthy. Il souligne qu’à l’âge de 12 ans, Abdul a déjà vécu quatre périodes de guerre.

Garry McCarthy (GMC) et Stephen Grainger (Stevie G) ont aidé à encadrer le jeune rappeur palestinien MC Abdul.
Garry McCarthy (GMC) et Stephen Grainger (Stevie G) ont contribué à encadrer le jeune rappeur palestinien MC Abdul.

Dans le nouvel enregistrement, Abdul parle également du fait que ses grands-parents ont été contraints de fuir leurs maisons et de s’installer dans un camp de réfugiés en 1948 au moment de la création d’Israël. Depuis, la famille vit à Gaza.

La relation d’Abdul avec la ville de Cork implique également Liam Ahern, originaire de Leeside, qui lui a appris l’anglais en ligne, pour enrichir ce qu’il avait déjà appris en regardant des films américains et en écoutant de la musique rap. Ahern fait partie, avec McCarthy et DJ Stephen Grainger (Stevie G), d’un groupe d’habitants de Cork qui ont aidé Abdul.

«Il se sent vraiment comme un membre de la famille de la musique de Cork maintenant», dit Grainger. «Nous l’avons fait participer à quelques événements musicaux avec les gars du Kabin, et c’est formidable de le voir interagir avec les enfants de Cork du même âge.

« Nous nous sentons tous un peu impuissants en ce moment, et c’est un souci. Ce gamin aime le football et aime Messi, comme n’importe quel enfant irlandais … on penserait que c’est le genre de choses dont il devrait parler, sans avoir peur que des bombes lui tombent dessus».

Un regard américain sur les contextes de l’assassinat d’un professeur

24 octobre 2020

Ce post n’a pas pour but de parler directement de l’agression meurtrière dont a été victime Samuel Paty, un professeur d’histoire-géographie tué et décapité le 16 octobre alors qu’il venait de quitter son lieu de travail et rentrait chez lui. Il n’a pas non plus pour but de discuter des motivations de l’assassin qui a expliqué sur les réseaux sociaux vouloir punir l’État français qui se moquerait du prophète de l’Islam.

Il n’a pas non plus pour objet de discuter du statut de la représentation du prophète dans la religion musulmane. Pour deux raisons. La première est que les représentations réalisées par les dessinateurs de Charlie Hebdo sont injurieuses et donc inadmissibles pour les tenants de la religion musulmane quelle que soit leur position relativement aux représentations imagées du prophète. La deuxième, c’est la plus importante, est que dans cette tragédie, la religion en tant que telle, dans ses contenus, ses prescriptions ou proscriptions est un non sujet, est hors sujet pour être plus précis.

Ce qui ne signifie pas que les vidéos imbéciles qui dénonçaient publiquement le professeur, décrit comme un vulgaire voyou et divulguant son lieu de travail et son identité par dessus le marché, n’ont pas joué de rôle dans la mort du professeur. Le tueur cherchait une cible, elle lui a ainsi été offerte.

L’objet de ce post est de présenter un point de vue étranger sur l’assassinat, plus exactement le contexte dans lequel il a eu lieu et le contexte qu’il a créé. Et ce point de vue étranger est des plus instructifs même si on ne peut pas dire que la presse étrangère s’est beaucoup intéressée à l’assassinat de Samuel Paty,. Cette relative indifférence contraste évidemment avec l’émotion et l’indignation suscitées, c’est bien compréhensible, par ce crime en France où il est qualifié d’attentat islamiste.

La presse américaine, par exemple, a été peu diserte. Peut-être parce que de l’autre côté de l’Atlantique on ne comprend pas comment il peut être possible à un enseignant de montrer à des élèves des caricatures moquant un personnage central d’une religion? Ou qu’on est déjà assez occupé avec la campagne présidentielle? Ou les deux à la fois?

Des journalistes ont cependant produit des articles tel Matt Bradley pour  NBC, un grand network américain.

 Matt Bradley est basé à Londres. N’empêche qu’en quelques lignes il nous livre des éléments qui devraient faire rougir de honte pas mal de journalistes français soi-disant biberonnés à la laïcité.

Ainsi le journaliste américain relève que la laïcité, dont il donne rapidement une définition juste, est une notion au départ « progressiste » dont se sont ensuite emparés les conservateurs qui lui ont donné un autre sens.

Bradley date cette évolution du grand échec des tenants de la laïcité, échec qu’il fait remonter à l’incapacité du gouvernement d’union de la gauche à créer le grand service public unifié d’éducation face aux réactions massives des partisans de l’enseignement privé confessionnel, c’est-à-dire catholique. La contestation du projet de loi du ministre de l’éducation Alain Savary au début des années 1980 avait été ouvertement soutenue par les évêques dont Jean-Marie Lustiger mais aussi par des politiciens aussi connus que Jacques Chirac, Valery Giscard d’Estaing et Simone Veil. Avaient suivi la démission d’Alain Savary et celle de Pierre Mauroy, alors premier ministre.

A partir de là, la Laïcité scolaire n’a cessé de reculer. Ainsi Jack Lang a accordé en 1992-1993 la même formation aux maîtres du privé que celle de ceux de l’enseignement public; il a aussi accepté la revalorisation du forfait d’externat de ces écoles confessionnelles.

L’abrogation de la loi Falloux par François Bayrou a supprimé le plafonnement des aides des collectivités locales aux écoles privées.

Une des dernières entorses à la laïcité de l’enseignement est due à M. Blanquer avec la scolarité obligatoire à partir de trois ans qui oblige les communes à accroître de manière considérable les subventions aux écoles maternelles privées.

Tout ça pendant que l’Alsace Moselle reste sous le régime concordataire, donc non laïque.

Les ennemis de la laïcité, pour le coup, sont plutôt ceux qui en parlent tout le temps et prétendent la défendre. Une espèce de gri-gri qu’on agite à la face de ceux qu’on n’aime pas avec d’autres gri-gris comme République, Liberté etc.

La France a adopté depuis longtemps la laïcité. Après cette décapitation, servira-t-elle à opprimer?

«La nouvelle ‘laïcité’ … est devenue un outil pour viser des personnes que nous considérons comme les ennemis de notre culture», déclare le professeur Raphaël Liogier.

par Matt Bradley, NBC News (USA) 22 octobre 2020 traduit de l’anglais par Djazaïri

CONFLANS-SAINTE-HONORINE, France – Des dizaines d’adolescents se tenaient debout émus dans les rues sombres et humides près après la sortie de l’école et avoir appris ce qui aurait dû être impensable: un réfugié tchétchène avait décapité leur professeur pour avoir montré aux élèves des caricatures du prophète Mahomet.

Le collège du Bois-d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine rebaptisé « Samuel  Paty » ?
Le collège Bois d’Aulne où enseignait Samuel Paty

Parmi eux, Martial Lusiela, 15 ans, qui se dit consterné par le meurtre mais ajoute qu’il avait averti son professeur, Samuel Paty , que rien de bon ne sortirait du fait de montrer les images.

« Ce n’est pas le genre de caricature que vous devriez montrer aux élèves, car il y a des musulmans dans la classe », avait dit Martial à Paty à l’époque. « Nous sommes dans un établissement » laïque « . Cela pourrait entraîner des problèmes. »

Martial avait peut-être pensé que la laïcité – la laïcité appliquée par l’État en France – signifiait que son professeur aurait dû éviter de telles discussions religieuses polarisantes. Mais dans les jours qui ont suivi le meurtre, les politiciens français ont eu l’interprétation inverse, présentant la laïcité comme justification à la fois de l’action de l’enseignant et d’une répression radicale de la minorité musulmane de France.

Pendant plus d’un siècle, la «laïcité», qui visait à séparer l’État français de l’influence de l’Église catholique romaine, fut considérée comme un pilier sacré au centre de la conscience libérale française. Mais certains théoriciens politiques disent que sa signification a été récemment corrompue et transformée en arme par la droite politique.

« La nouvelle laïcité … ce n’est plus un principe juridique et philosophique », déclare le philosophe et sociologue Raphaël Liogier, professeur à Sciences Po Aix-en-Provence. « C’est devenu un outil pour cibler les personnes que nous considérons comme les ennemis de notre culture. »

L’hommage officiel du gouvernement à Paty fut un spectacle solennel organisé mercredi soir dans la cour d’honneur de l’Université de la Sorbonne. Le cercueil de Paty a été introduit dans la cérémonie sur l’air de «One» de U2 – la première de plusieurs chansons pop douces-amères jouées parmi les élégies, les poèmes et les prières récités par la famille, les amis et les collègues du professeur assassiné.

Certains des membres les plus importants du gouvernement français siégeaient aux premiers rangs: le président français Emmanuel Macron a rendu un hommage émouvant à Paty – un mélange de gratitude pour le professeur assassiné, de défi face à la violence et, encore une fois, de fidélité à la laïcité.

«Nous défendrons la liberté que vous avez si bien enseignée et nous augmenterons la laïcité», a déclaré Macron. «Nous n’abandonnerons pas les caricatures, les dessins, même si d’autres reculent. Nous offrirons toutes les chances que la République doit à toute sa jeunesse sans aucune discrimination.  Nous défendrons la liberté que vous enseigniez si bien et nous porterons la laïcité, nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent »

Les politiciens et les commentateurs de toutes tendances ont immédiatement qualifié le meurtre de Paty d’attaque contre la laïcité française. Ce point de vue a envahi les ondes et les journaux français, devenant un cri de ralliement pour réprimer l’extrémisme islamique, même si elle (la laïcité) visait visait à l’origine à éloigner l’État le plus possible des affaires religieuses. (Les musulmans qui sont une importante minorité en France, représentent un peu moins de 10% de la population, selon le Pew Research Center.)

Les talk-shows télévisés ont animé des heures de débats sur le thème de la laïcité. Les chroniqueurs de journaux ont disserté longuement sur «l’attaque contre la laïcité» par «l’islam radical». Dans une interview sur BFM TV, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a vanté la laïcité tout en critiquant la vente séparée d’aliments halal dans les supermarchés présentée comme un ferment de séparatisme religieux.

« La laïcité, l’épine dorsale de la république, a été visée par cet acte ignoble », a déclaré le Premier ministre Jean Castex à un groupe d’enseignants le lendemain de l’attaque.

Macron, qui a longtemps défendu les droits des minorités, a récemment adopté une ligne plus dure.

« Les islamistes ne dormiront pas tranquille en France », a-t-il déclaré après la décapitation.

Dur avec le terrorisme ou cadeau aux xénophobes?

L’invocation répétée de la laïcité a permis à Macron de faire valoir un lien de nature politique entre l’attentat terroriste et ses récentes propositions législatives visant à renforcer le caractère laïque de l’Etat face au «séparatisme islamiste» perçu. Beaucoup à gauche voient cela comme de la complaisance de Macron à l’égard de la droite xénophobe juste avant les élections de l’année prochaine.

Macron a présenté la loi, qui doit être votée l’année prochaine, quelques jours seulement avant l’assassinat du professeur. Si elle est adoptée, elle donnerait à l’État un pouvoir considérable pour dissoudre les organisations religieuses, les associations et les écoles qui sont censés répandre une idéologie extrémiste. Cela conduirait au genre de contrôle politique sur les institutions religieuses qui, historiquement, aurait été un impensable pour les défenseurs de la laïcité.

Lundi, la police a ciblé des personnes figurant sur des listes de surveillance terroriste et des organisations qui avaient exprimé leur soutien à la décapitation, fermé plusieurs associations d’entraide musulmanes et menacé d’expulser des islamistes connus, dont beaucoup sont déjà en prison. Darmanin a même proposé de dissoudre le Collectif contre l’islamophobie en France, une organisation non gouvernementale qui lutte contre les attaques contre les musulmans

Le gouvernement a justifié la répression en affirmant qu’elle était non seulement nécessaire mais qu’elle aurait dû intervenir plus tôt. La France est toujours sous le choc d’une série d’attentats terroristes horribles, dont les attentats contre Charlie Hebdo et le Bataclan en 2015, qui ont fait près de 200 morts. Le procès des personnes soupçonnées d’avoir aidé les assassins se poursuit, et le gouvernement a continué à surveiller les menaces de radicaux islamiques visant des personnes et des lieux associés à Charlie Hebdo.

Début octobre, deux personnes avaient été blessées quand un jeune homme qui affirmait défendre l’Islam les avait attaquées à l’arme blanche devant les anciens locaux de Charlie Hebdo.

Les différentes significations de la laïcité ont suivi l’évolution des angoisses et des préoccupations de la société française. Le concept est souvent attribué à la loi française de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, qui a défini la compréhension moderne de la laïcité, même si le mot n’est jamais mentionné dans le texte.

À l’époque, la loi était considérée comme un frein au pouvoir de l’Église catholique sur le gouvernement. Et pendant la majeure partie du siècle suivant, la laïcité a été considérée comme une cause progressiste de gauche qui allait encore plus loin que le premier amendement des États-Unis.

Le concept contraste quelque peu avec la «liberté de religion» aux États-Unis. En France, toute référence à la religion dans la vie publique et politique peut aboutir à une mise à l’écart voire à une action en justice.

Le laïcité concerne tout le monde, des plus modestes fonctionnaires aux élus. Les professeurs de l’enseignement public et les postiers n’ont pas le droit de porter le hijab islamique ou de grandes croix, tandis que la politicienne de droite Christine Boutin s’est retrouvée politiquement marginalisée après avoir brandi une Bible lors de son discours contre les organisations de défense des droits des homosexuels à l’Assemblée nationale en 1998.

Mais le changement de définition a commencé dans les années 1980, lorsque la droite catholique a réussi à mettre en échec les tentatives du gouvernement socialiste français de mettre fin au financement public des écoles catholiques au nom de la laïcité.

La conception de gauche ayant été vaincue, elle a été facilement réinvestie par une nouvelle génération d’hommes politiques populistes de droite au début des années 2000, déclare Éric Fassin, professeur de sociologie à l’Université Paris 8 St-Denis.

« Le mot » laïcité « avait un sens, et la défaite politique de ce type de laïcité l’a rendu disponible pour quelque chose d’entièrement différent », dit-il.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et la vague d’attentats terroristes en France en 2015, observent Fassin et Liogier, la laïcité vise désormais presque entièrement à nettoyer la société des immigrés et de l’islam.

La « nouvelle laïcité » pervertit un idéal libéral français fondateur tout en l’utilisant pour ostraciser une minorité vulnérable,déclare Fassin, ce qui, selon lui, est exactement ce que veulent les terroristes islamistes.

« Les terroristes veulent un monde en noir et blanc. Ils ne veulent pas d’une zone grise », dit-il. « Ils veulent que tous les musulmans aient le sentiment de devoir prendre parti. Et de le faire en prenant parti contre l’Occident.»


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