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Quand un provocateur sioniste hurle « Tuez les Juifs! »

28 avril 2024

Le monde universitaire nord-américain est saisi par une série de mobilisations étudiantes inédites en faveur de la Palestine. Ces mobilisations touchent même des universités prestigieuses comme Emory à Atlanta ou Columbia à New York, ce qui a le dont de rendre furieux les soutiens du régime sioniste qui réclament répression et sanctions contre les étudiants et tancent durement les présidents d’université qu’ils jugent laxistes.

Bien entendu, pour ces partisans du colonialisme et du suprémacisme sionistes, la remise en cause par les étudiants, rejoints par un nombre non négligeable d’enseignants et chercheurs, de la coopération universitaire avec l’entité sioniste et surtout des investissements opérés par ces universités, souvent privées, dans l’entité sioniste ne peut résulter que d’une logique antisémite.

Or l’antisémitisme est un délit réprimé par la loi dans la plupart des pays et il n’est évidemment pas possible de laisser des propos antisémites s’exprimer sans vergogne.

Las, les manifestants aux Etats Unis comme ailleurs, font bien la différence entre hostilité au sionisme et antisémitisme et leurs mots d’ordre n’ont rien à voir avec des appels à la haine des Juifs ou l’expression de stéréotypes racistes.

Alors comment faire pour justifier la répression d’une manifestation pacifique qui dérange ceux qui soutiennent la politique coloniale et génocidaire du régime sioniste?

A Boston, la solution a été trouvée.

Un agitateur pro-israélien crie « Tuez les Juifs » et fait arrêter tous les autres

HATE SPEECH

par Edith Olmsted, The Daily Beast (USA) 27 avril 2024 traduit de l’anglais par Djazaïri

Environ une centaine de manifestants pacifiques ont été arrêtés samedi par la police de l’Université Northeastern dans le campement pro-palestinien de son campus de Boston, affirmant que des informations faisaient état de manifestants utilisant des insultes antisémites; mais selon des témoins, le manifestant qui a vociféré des discours de haine était un contre-manifestant pro- israélien .

Samedi matin, la vice-présidente chargée de la communication de l’Université Northeastern, Renata Nyul, a publié une déclaration annonçant que la manifestation sur Centennial Common serait dispersée par la police du campus et les forces de l’ordre locales. Dans la déclaration, elle a expliqué que la raison pour laquelle ils évacuaient  le campement était les discours de haine tenus sur le site.

« Ce qui a commencé comme une manifestation étudiante il y a deux jours a été infiltré par des organisateurs professionnels sans affiliation avec Northeastern. Hier soir, le recours à des propos antisémites virulents, notamment « Tuez les Juifs », a dépassé les bornes », a-t-elle déclaré. « Nous ne pouvons pas tolérer ce genre de haine sur notre campus. »

Dans tout le pays, les administrateurs universitaires et les politiciens ont rendu publiques des informations faisant état de discours antisémites lors de manifestations menées par des étudiants, justifiant ainsi l’arrestation d’étudiants et la dispersion des manifestations exhortant les universités à cesser leurs relations avec Israël. Ces versions diffèrent souvent de celles de témoins oculaires des manifestations pacifiques.

Tori Bedford de GBH a confirmé qu’elle avait entendu quelqu’un dire « Tuez les Juifs», mais qu’il ne s’agissait pas d‘un des manifestants pacifiques pro-palestiniens. Le slogan venait d’un agitateur pro-israélien qui avait rejoint la foule vendredi soir.

Dans une vidéo de cet incident consternant, fournie par un organisateur de Huskies for a Free Palestine et publiée sur X par Bedford, un leader de la protestation s’est préparé à lancer un chant. « Vous répétez après moi ce que je dis. Compris? » ils crient.

« Tuez les Juifs », a crié une personne brandissant un drapeau israélien. « Il y a quelqu’un? Il y a quelqu’un ?» Il était l’un des deux contre-manifestants qui s’étaient installés au milieu de la foule, debout sur des chaises de jardin, admonestant les manifestants autour d’eux.

La foule des manifestants a immédiatement hué le jeune homme. Les manifestants ont commencé à scander « Nous allons les laisser partir », étouffant les cris des deux contre-manifestants.

Après minuit, les deux contre-manifestants étaient partis, selon nos informations.

Le lendemain matin, des dizaines de policiers du NUPD [de l’université] et de la ville de Boston ont arrêté une centaine de manifestants, mais pas celui dont les propos haineux ont provoqué la fin du rassemblement. Après avoir mis les étudiants arrêtés dans des fourgons, des étudiants ont formé une barrière empêchant ainsi les véhicules de quitter le campus pendant des heures, selon The Huntington News .

Le professeur Matthew Noah Smith, qui a participé jeudi à la manifestation de Northeastern, a observé une manifestation très différente de celle décrite par l’administration. «J’espère que Northeastern n’utilise pas l’antisémitisme comme une arme pour justifier l’arrestation des étudiants qui manifestent », a-t-il écrit dans un article sur X. « J’ai passé toute la journée de jeudi avec les étudiants là-bas et ils sont clairement opposés à toutes les formes de haine et de violence. »

Une loi du retour pour les Juifs en Espagne

26 avril 2024

En 2015, le gouvernement espagnol, alors dirigé par le Parti Populaire, un parti de droite, a adopté une loi permettant aux descendants de Juifs chassés d’Espagne après 1492 de solliciter la nationalité espagnole en sus de la nationalité qu’ils ont déjà.

Cette loi présentée comme traduisant une volonté de réparation était surtout dictée par une volonté de se rapprocher de manière plus étroite du régime sioniste et des communautés juives de par le monde. En effet, si la démarche avait été celle d’une volonté de réparation, elle aurait aussi concerné les descendants des Morisques chassés eux aussi d’Espagne et qui sont partis le plus souvent aux mêmes endroits que les Juifs, c’est-à-dire dans les divers pays musulmans d’Afrique du Nord, d’Asie occidentale et d’Europe (au XVème siècle la Grèce par exemple fait partie de l’empire Ottoman).

Les dossiers pouvaient être déposés jusqu’en 2019 et on peut dire que la proposition espagnole a remporté un franc succès avec près de 100 000 demandes.

Comme on pouvait s’y attendre il y a eu de nombreuses fraudes, décelées surtout dans le continent américain, ce qui a entraîné un resserrement des contrôles et donc un ralentissement de l’instruction des dossiers.

Et comme on pouvait s’y attendre, les accusations d’antisémitisme n’ont pas tardé.

Ce qui est intéressant, c’est que ces accusations d’antisémitisme ont été balayées par la Fédération des communautés juives d’Espagne qui semblent assez pointilleuses sur la question de savoir qui est Séfarade et qui ne l’est pas. Et la dite fédération observe que l’octroi de la nationalité n’est pas lié à la religion puisque la majorité des demandeurs qui ont obtenu la nationalité espagnole ne sont pas juifs.

Et il est vrai que Séfarade veut simplement dire Espagnol!

SEFARADES

Une alerte policière pour fraude entraîne le refus de la nationalité espagnole aux Sépharades

L’étude détaillée des dossiers a mis au jour des milliers de candidatures qui ne répondent pas aux exigences. Des avocats et certaines communautés juives accusent le gouvernement de durcissement des critères et d’antisémitisme

Par Maria Martin, El Pais (Espagne) 20 août 2021 traduit de l’espagnol par Djazaïri

Une note de police envoyée au ministère de la Justice fin 2018 a tiré la sonnette d’alarme. Les agents ont mis en garde contre l’existence d’une organisation criminelle et d’éventuelles fraudes dans le traitement des demandes de nationalité espagnole par des descendants de séfarades . L’information émanait de l’ambassade d’Espagne d’un pays d’Amérique latine. La police a radicalement changé la façon dont les demandes étaient étudiées, incitant les fonctionnaires à examiner à la loupe les dossiers et a provoqué une avalanche de refus lorsqu’il s’est avéré que, dans des milliers d’entre eux, les exigences de la loi n’étaient pas respectées. Les plus de 3 000 demandes rejetées ces derniers mois ont suscité une vive polémique. Certaines communautés juives et une poignée d’avocats accusent le gouvernement d’antisémitisme et de modification des critères d’approbation des dossiers. Le Parti Populaire [conservateur] a déjà demandé des explications. La justice et la Fédération des communautés juives d’Espagne réfutent cela [l’antisémitisme et la modification des critère] et ne voient que l’application d’un plus grand zèle (auparavant pratiquement inexistant) dans ce processus.

David, descendant de Séfarades né au Mexique attend son tour
pour demander la nationalité espagnole au consulat

d’Espagne à Mexico (30/09/2019)

Depuis 2015, les descendants des Juifs qui vivaient dans la péninsule ibérique et ont été contraints de quitter l’Espagne en 1492 bénéficient d’une loi spécifique pour demander la nationalité espagnole sans renoncer à celle qu’ils ont déjà. Promue par Alberto Ruiz-Gallardón, alors ministre de la Justice du Parti Populaire, la loi visait à opérer une « réparation historique ». Pour obtenir un passeport espagnol, les personnes intéressées doivent, entre autres, prouver leurs origines avec un certificat de la communauté juive de leur pays de naissance ou de résidence et prouver leur lien avec l’Espagne. La loi a délégué la constitution et la vérification des documents aux notaires tandis que la Justice se réserve l’étude finale des dossiers, la vérification des infractions pénales et l’approbation des demandes.

Durant toutes ces années, pratiquement aucun des candidats n’a eu de difficultés à obtenir l’approbation. En 2020, 20 908 requêtes ont été résolues favorablement et une seule a été rejetée, selon les données du ministère de la Justice. Mais lorsque la note de la police a sonné l’alerte, des sources judiciaires ont reconnu qu’il a été découvert que des milliers de candidats déposaient des demandes sans remplir toutes les conditions et que, entre autres, des certificats de communautés juives de pays sans liens avec les candidats avaient été fournis ou que les documents avaient été présentés devant notaire par procuration lorsque la loi exige que cela soit fait en personne. Les dossiers avaient passé le premier filtre des notaires et le département du ministère chargé de la nationalité, qui souffre d’un manque chronique de personnel avec un peu plus de 30 fonctionnaires, a fini par accorder les passeports en vérifiant uniquement les casiers judiciaires.

Après avoir vérifié que la procédure pouvait être améliorée, il a été décidé, selon les mêmes sources, de prioriser et d’approuver les dossiers totalement conformes et de mettre de côté les dossiers douteux. Une circulaire a également été adressée aux notaires en octobre 2020, les avertissant des défauts détectés dans les certificats de notoriété et les invitant à faire preuve d’un zèle extrême lors de l’acceptation des documents présentés. Le renforcement de 100 fonctionnaires pour traiter ces demandes de nationalité et d’autres a également permis d’étudier chaque dossier plus en détail. La stratégie a été révélée cette année, lorsque 15 274 demandes supplémentaires de nationalité ont été acceptées, mais 3 019 ont été refusées.

L’un des principaux motifs de refus a été la présentation de certificats d’ascendance délivrés par des communautés juives qui n’ont rien à voir avec le lieu d’origine ou de résidence du demandeur. Pendant des années, ces documents ont été acceptés, non pas parce qu’ils étaient valides, mais parce qu’ils n’étaient pas examinés avec l’attention nécessaire, expliquent des sources judiciaires. « Les critères n’ont pas changé et sont dans la loi », affirment-ils.

Une communauté juive qui fournissait des services à des milliers de citoyens latino-américains aspirant à devenir espagnols apparaît fréquemment dans les dossiers refusés. La Fédération juive du Nouveau-Mexique (États-Unis) affirme avoir délivré quelque 20 000 certificats et fait partie de celles qui se sont insurgées contre le gouvernement. Elle lui reproche de changer les règles du jeu et d’imposer de nouvelles exigences et défend la rigueur de ses procédures. Sara Koplik, directrice du programme du patrimoine séfarade de la Fédération du Nouveau-Mexique, est l’une des candidatures rejetées et voit de l’« antisémitisme » dans le nombre élevé de refus. « Nous pensons que la justice n’examine pas les cas avec soin et rejette simplement les candidats parce qu’elle ne veut pas que les Sépharades deviennent citoyens [espagnols]», affirme-t-elle.

Koplik n’est pas seul et plusieurs avocats et hommes d’affaires, qui représentent un pourcentage énorme des dossiers présentés, accusent l’exécutif d’imposer de nouveaux critères et de semer le doute sur le travail des communautés juives et des notaires. Luis Portero, qui a participé à la négociation du texte de loi, fait partie de ces avocats. Il affirme avoir traité plus de 12 000 dossiers de nationalité et soutient que la loi permet de fournir d’autres moyens de preuve pour certifier l’ascendance, donc, contrairement à ce que soutient la justice, les certificats provenant d’autres pays que celui du demandeur seraient valables. L’avocat, après avoir vu comment les dossiers de 600 de ses clients ont été rejetés, affirme que l’Administration a modifié ses critères et pose de nouvelles exigences. « Le travail des communautés juives du monde entier est remis en question, tout comme la confiance publique des notaires. « Ils nous accusent de fraude et ce n’est pas vrai », dénonce-t-il.

Face à la polémique déclenchée sur les réseaux et dans la sphère politique, la Fédération des communautés juives d’Espagne, qui dispose d’une compétence universelle pour prouver l’ascendance de tout candidat où qu’il réside, a rejeté la possibilité de parler d’antisémitisme. « Les résolutions des dossiers n’ont à aucun moment été conditionnées à des décisions politiques, comme certains tentent de le laisser entendre, mais plutôt au respect de la loi », précise une porte-parole. « Si les dossiers ne répondent pas aux exigences de la loi, ne sont pas bien présentés ou comportent une documentation incorrecte, il est normal qu’ils soient refusés. » La Fédération rappelle également que l’octroi de la nationalité aux Séfarades n’est pas lié à la confession mais à l’origine juive-espagnole et qu’il existe une majorité de personnes non juives qui ont obtenu leur passeport.

Un autre avocat, Alberto de Lara Bendahan, qui a également consacré des années au traitement de la nationalité des séfarades, considère que la controverse n’a aucun fondement et résume succinctement ce qui s’est passé : « La procédure était laxiste. On faisait confiance au jugement du notaire, qui était celui qui évaluait l’adéquation des documents, et le ministère les approuvait de manière laxiste. « Soudain, ils se sont rendu compte qu’il y avait des milliers de demandes comportant des certificats d’ascendance d’une valeur probante douteuse. » De Lara rappelle que la gestion de tous ces milliers de dossiers « a représenté une opportunité commerciale assez lucrative pour les avocats, les conseillers, les notaires et certaines entités qui ont été utilisés pour soutenir les demandes » et que la réparation historique demandée par la loi n’a pas été toujours la principale motivation.

En septembre 2019, la date limite pour que les descendants des Séfarades demandent la nationalité a expiré, même si la pandémie a laissé une certaine latitude dans les délais. Au total, depuis l’approbation de la loi, 63 873 demandes ont été reçues et 36 182 ont déjà été approuvées, la majeure partie entre 2020 et 2021. Dans les tiroirs et en attendant que les documents passent par le notaire, il reste encore à régler. ––maintenant à la loupe–– quelque 50 000 demandes supplémentaires toujours en phase d’instruction.

Désioniser la mémoire du génocide nazi

24 avril 2024

Ce n’est pas un article d’actualité que je vous propose mais un texte de réflexion paru dans un média alternatif espagnol dont l’auteur est historien. Sa réflexion s’appuie d’ailleurs sur le travail d’autres intellectuels dont deux très connus en France et dans le monde: Norman Finkelstein et Hannah Arendt.

Le propos de ce texte est de disputer la mémoire de ce qu’on appelle l’holocauste au sionisme qui en fait un usage exclusiviste, en ignorant les victimes non juives du nazisme et en utilisant la mémoire du génocide comme un blanc seing pour ses propres crimes.

Dans son argumentation, Diego Diaz rappelle les années de relative indifférence à l’égard de la mémoire des victimes du nazisme, passée la sidération des premières années d’après guerre. Il rappelle aussi le peu de cas que le mouvement sioniste faisait de cette mémoire avant de se l’approprier, en qualité de propriétaire exclusif, après la guerre de juin 1967 qui avait vu l’entité sioniste conquérir le reste de la Palestine ainsi que le Sinaï égyptien et le Golan syrien.

La problématique soulevée par Diego Diaz est tout sauf anodine parce qu’une part sans doute significative des opinions publiques occidentales ne peut envisager de prendre des positions ressentie comme offensantes pour le peuple victime de la Shoah.

Or, en l’espèce, il ne s’agit pas de nier les crimes nazis mais de les resituer dans leur historicité sans omettre leurs victimes non juives. Fou ou pas, Adolf Hitler reflétait l’esprit de son temps marqué par le racisme et le colonialisme. La singularité du régime nazi est d’avoir employé les moyens industriels de l’époque:  fichage généralisé, moyens de transports, fours crématoires etc. en Europe même et non dans quelque colonie en Afrique ou en Asie.

Car ni l’extermination intentionnelle de populations, ni leur parcage dans des camps de concentration n’étaient des nouveautés. Les camps de concentration réapparaîtront d’ailleurs en Algérie française sous l’appellation très proche de «camps de regroupement».

Retirer au régime et au mouvement sionistes cette mémoire des crimes nazis mise bassement au service de sa propagande est un objectif dont on ne doit pas minimiser la portée.  

Disputer la mémoire de l’holocauste au sionisme

Depuis la fin du XXe siècle, l’histoire des crimes nazis a subi une « sionisation  progressive».

Par Diego Diaz, El Salto (Espagne) 29 janvier 2024 traduit de l’espagnol par Djazaïri

Isabel Díaz Ayuso visite Auschwitz et appelle à «ne pas oublier» le génocide commis par l’Allemagne nazie. La présidente de la Communauté de Madrid annonce depuis la Pologne la création du Musée juif espagnol, tandis que la capitale du Royaume, gouvernée par son parti, entretient une Rue des  tués de  Division Azul, dédiée à honorer la mémoire des volontaires espagnols qui combattirent aux côtés de l’Allemagne nazie. Tout cela en pleine invasion de Gaza par l’armée israélienne qui a déjà coûté la vie à plus de 25 000 Palestiniens, armée avec laquelle la droite espagnole a serré inconditionnellement  les rangs.

Isabel Dias Ayuso à Auschwitz

Comment  est-il possible d’avoir tout cela en même temps? Comment la mémoire d’un génocide peut-elle en cacher un autre ? Comment le Parti Populaire [droite espagnole] peut-il en même temps reconnaître les crimes d’Hitler et tenter d’effacer la mémoire des Espagnols qui les ont subis, comme le socialiste Largo Caballero, emprisonné par le nazisme, et dont le gouvernement Almeida a tenté il y a peu d’effacer le nom d’une rue de Madrid ?

La shoah contre l’holocauste

Une réponse à ces questions réside dans la « sionisation » progressive que connaît l’histoire des crimes nazis depuis la fin du XXe siècle. C’est le sionisme qui a encapsulé la mémoire des six millions de Juifs assassinés par Hitler et isolé leur mémoire de celle des cinq autres millions de victimes des camps de concentration du Troisième Reich : les Tsiganes, les Slaves, les homosexuels, les  ennemis politiques, les Témoins de Jéhovah ou les personnes handicapées.

La popularisation de l’usage du terme hébreu Shoah a en outre contribué à mettre en avant certaines victimes par rapport à d’autres, faisant de l’Holocauste un épisode historique lié avant tout au judaïsme des victimes et à l’antisémitisme de leurs bourreaux. Pour l’historien Fernando Hernández Sánchez, l’antisémitisme est une « composante structurelle de l’Holocauste », mais il ne peut cacher d’autres génocides, comme celui du peuple tsigane, ni d’autres persécutions et exterminations liées à des questions sexuelles ou politiques. Pour Hernández, professeur à l’Université autonome de Madrid, la haine du nazisme à l’égard des juifs, des homosexuels ou des socialistes et communistes avait le même fil conducteur : « ils considéraient tous ces groupes comme des ennemis de l’ordre ancien, dissolvant des éléments de la société traditionnelle avec également une forte charge de cosmopolitisme et d’internationalisme.»

Selon cet historien, la gauche ne peut renoncer à « disputer » la mémoire de l’Holocauste au sionisme, une idéologie nationaliste qui veut faire du massacre de six millions de Juifs un prétexte pour légitimer Israël et sa politique envers les Palestiniens. Hernández rappelle que parmi les victimes juives de l’Holocauste, il y avait « des sionistes et des non-sionistes, des athées et des religieux [croyants], des personnes étroitement liées à la communauté juive et d’autres qui se sentaient citoyens de leur pays et pour qui l’identité juive était une question très secondaire ». , quand elles ne l’avaient pas oubliée, jusqu’à ce que les nazis la leur rappellent.»

La construction d’un récit

L’holocauste n’a pas toujours été là. Bien qu’après la Seconde Guerre mondiale les crimes nazis aient été jugés et que des efforts pédagogiques aient été initiés pour faire connaître les atrocités commises dans les camps, leur mémoire s’est effacée dans les années qui suivirent et de nombreux survivants ont été accueillis avec une grande indifférence lorsqu’ils ont voulu ériger des monuments ou publier leurs souvenirs. Le politologue américain Norman Finkelstein, fils de deux juifs polonais, tous deux survivants de l’Holocauste, a publié l’essai « L’industrie de l’Holocauste » en 2000. Finkelstein y déclarait des choses aussi inattendues que le fait que l’Holocauste avait joué un rôle assez discret dans le récit national israélien jusqu’en 1967.

Pourquoi? L’universitaire américain observe que les images des corps décharnés des Juifs ne correspondaient pas à l’image du peuple juif guerrier que David Ben Gourion, père de l’État d’Israël, voulait projeter de la nouvelle nation, née dans la guerre contre ses voisins arabes. C’est pourquoi le sionisme préférerait s’inspirer de l’imagerie du colon juif héroïque en Palestine et, quand il parle de l’Holocauste, des résistants du ghetto de Varsovie qui affrontaient leurs geôliers les armes à la main.

Il faudra attendre la guerre israélo-arabe de 1967, selon Finkelstein, pour que le sionisme, fortement critiqué au niveau international pour sa politique à l’égard du peuple palestinien, mette en avant le génocide commis par les nazis comme un certificat pour légitimer sa colonisation de la Palestine. De là, le pas serait franchi dans les décennies suivantes vers ce que Finkelstein a appelé «l’industrie de l’Holocauste», l’ensemble de l’appareil culturel construit pour diffuser le récit sioniste sur le génocide juif – films, livres, musées, fondations et projets éducatifs – ainsi que pour obtenir et gérer les millions des indemnisations financières de l’Allemagne et d’autres pays de l’Axe, ainsi que des banques et des entreprises responsables des crimes du nazisme. L’auteur s’interroge sur la destination finale de ces indemnisations, théoriquement destinées aux victimes, mais canalisées et gérées par le mouvement sioniste international à travers l’Organisation juive mondiale pour la restitution.

Le mal absolu ?

Cette semaine à Oviedo/Uviéu, le Groupe Zivia Lubetkin, lié à l’Association Asturienne des Amis d’Israël, a présenté, comme chaque année, une séance monographique à 400 écoliers de toutes les Asturies. Cette activité est organisée depuis des années en collaboration avec la Principauté [province] et les centres scolaires. La nouveauté de cette édition est qu’elle s’est tenue au milieu des bombardements et du siège de Gaza, retransmis quotidiennement dans les médias, et alors qu’Israël est déféré pour un possible crime de génocide devant le tribunal de La Haye. Ce n’est pas un hasard si, lors de l’événement, le président de l’Association asturienne des Amis d’Israël a averti les étudiants de divers instituts que le terme génocide ne pouvait pas être employé à la légère.

L’idée selon laquelle l’Holocauste représente un « mal absolu » qui ne peut être comparé à aucun autre processus de nettoyage ethnique ou de génocide est l’un des axiomes du récit sioniste. D’une certaine manière, toute analogie avec d’autres processus reviendrait à « banaliser » l’Holocauste. Certes, l’ampleur et le caractère systématique de l’extermination des Juifs en Europe constituent le degré maximum de violence dans la destruction d’une communauté. Francisco Erice, professeur à l’Université d’Oviedo, rappelle cependant que les horreurs du nazisme sont directement liées à celles du colonialisme et de l’impérialisme. Le camp de concentration n’a pas été inventé pendant la Seconde Guerre mondiale, mais dans les guerres coloniales de Cuba et des Boers, en Afrique du Sud, pour confiner des populations civiles considérées comme globalement ennemies. La philosophe allemande Hannah Arendt, juive réfugiée aux États-Unis après l’accession au pouvoir d’Hitler, a retracé dans son ouvrage publié après la Seconde Guerre mondiale cette origine de l’horreur nazie dans les horreurs du colonialisme européen. « Ce qui est nouveau, outre le caractère industriel du génocide, c’est que la violence s’applique à la population européenne », explique Erice, pour qui si l’Holocauste est « le mal absolu », comme le soulignent certains récits sionistes, « ce qu’on veut dire par là c’est que les Juifs sont les victimes absolues.»

L’auteur de « En défense de la raison » considère que le sionisme a construit l’idée d’« un peuple juif constamment assiégé et qui a le droit de tout faire pour se défendre » car à tout moment l’Holocauste peut se répéter. Le fondamentalisme islamique est désormais présenté comme la nouvelle menace à la survie du peuple juif, et la gauche qui remet en question la politique  d’Israël est « antisémite » et « négationniste ».

Face à la patrimonialisation de la souffrance, il faudrait une explication globale permettant d’établir des analogies avec le présent. Pour Fernando Hernández, l’Holocauste est un épisode historique qui doit être enseigné et expliqué dans son contexte et dans sa pluralité : « c’est comme une poupée russe qui cache de nombreuses poupées à l’intérieur ». Pour cet auteur, face au «particularisme» du récit sioniste, il est temps de construire une « mémoire universaliste » qui rende compte de toutes les victimes : la «Stolpersteine», les « Pierres qui font trébucher », un mémorial et projet artistique présent dans de nombreuses villes, et par lequel on se souvient des personnes qui sont passées par les camps de concentration ou d’extermination serait pour Hernández « une expérience intéressante où s’entrelacent les nombreuses mémoires de l’Holocauste ».

Le jour d’après la défaite stratégique de l’entité sioniste

26 février 2024

Si on prête quelque attention à ce qui se passe en France, chacun peut constater une promotion organisée du Rassemblement National qui va au delà d’une simple banalisation. Les cadres de ce parti fondé par des anciens de l’Organisation Armée Secrète (OAS), nostalgiques de l’Algérie française, ont renoncé à l’antisémitisme et ont en parallèle pris position en faveur du régime sioniste. Un changement qui est le fruit d’un travail initié il y a des années par Louis Alliot, l’ex compagnon de Marine Le Pen, lui-même fils d’une mère issue de la communauté juive d’Algérie.

Avec et à côté de la promotion du RN, on est bien obligé de constater la mise en pratique d’une islamophobie d’État avec la fameuse loi sur le «séparatisme»,  des expulsions d’imams, la résiliation du contrat d’association du lycée Averroès dans le département du Nord et la menace de fermeture du collège privé hors contrat Avicenne à Nice. Vendue comme mesure contre le « séparatisme » musulman, cette loi participe aussi de la répression de ceux qui déplaisent au gouvernement [ » Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas communiste….. »]

Ce ne sont là que quelques aspects très visibles d’une politique qui avance de manière méthodique en tordant le bras au droit et en travestissant la réalité.

A cet égard la France n’est pas un cas isolé même si elle a peut-être pris un peu d’avance sur d’autres pays occidentaux..

Si on en croit l’article que je vous propose, ce n’est là qu’un début qui se transformera, puisque les Musulmans sont présentés comme des envahisseurs venus remplacer les «Français»,  en une espèce de Reconquista, c’est-à-dire en déportation ou en obligation pour les Arabo-Musulmans de se transformer en conversos, ici de la République, là de l’acceptation de l’unbreakable bond  [le lien indissoluble] avec l’entité sioniste.

Selon l’auteur de l’article, les choses s’accéléreront quand les Occidentaux auront pris conscience de la défaite qu’est en train de subir le régime sioniste en Palestine. Une défaite stratégique s’entend parce que, en matière de destructions, de femmes et d’enfants tués, le régime sioniste reste imbattable.

 Les grands perdants de la victoire de Gaza

Par Ahmed, MENA Unleashed, 25 février 2024 Traduit de l’anglais par Djazaïri

Les plus grands perdants de la victoire de Gaza seront les Arabes et les Musulmans libéraux qui résident en Occident. J’éprouve sincèrement de la tristesse pour eux parce qu’ils sont les moins conscients du danger qui les guette. Pour la première fois depuis des siècles, des Arabes musulmans sunnites gagnent des guerres et sont sur le point de retirer une pièce centrale de l’Occident dans la région. Non seulement ça, mais ils le font en alliance avec des Arabes chiites et le soutien de l’Iran.

Yahia Sinwar, chef du Hamas à Gaza dont
la tête est mise à prix par le régime sioniste

A cause du bruit des combats, les Arabes et Musulmans libéraux en Occident et les opinions publiques occidentales pensent que le Hamas est en train de perdre et que c’en est fini de la Palestine. D’où le fait que la conversation se concentre sur la déploration et les lamentations sur la défaite supposée. Cependant, tout cela va changer quand la victoire palestinienne deviendra évidente. Quelle sera selon vous la réaction des élites occidentales face à cette défaite civilisationnelle ? Elles vont revenir sur le contrat social qui permettait aux Arabes et Musulmans libéraux de vivre en Occident ces dernières dizaines d’années. Ce mouvement a déjà commencé. Les Républicains aux États-Unis et les conservateurs au Royaume Uni préparent leurs opinions publiques en ce sens. Une fois que la défaite israélienne sera reconnue officiellement, les attaques commenceront contre ces minorités. Les expulsions et les confiscations de biens deviendront une exigence populaire. Avec l’approfondissement de la crise en Occident, les élites dirigeront le mécontentement populaire vers les Musulmans et se serviront de la victoire palestinienne pour mobiliser pour la guerre avec l’aide de l’extrême droite israélienne et des accusations de soutien au terrorisme.

Les Arabes et Musulmans libéraux en Occident devraient prendre cette menace extrêmement sérieusement. La menace qui se profile ne viendra pas de secteurs marginaux de l’Occident mais des courants dominants. Comme je l’ai dit dès le début de la guerre, il faudra une dizaine d’années pour que les gens se fassent à l’idée qu’Israël a perdu et que la Palestine a gagné. Je crains que d’ici là, il ne soit trop tard pour agir

Le lobby sioniste au Canada, Trudeau, le sionisme chrétien d’avant le sionisme juif

23 octobre 2023

Je ne connaissais pas Yves Sengler, un journaliste indépendant canadien qui a écrit pour de grands journaux de son pays comme le Globe and Mail et est également très connu au Canada pour ses essais tel son livre noir de la politique étrangère canadienne qui avait fortement attiré l’attention en 2009.

Engler est un militant actif qui s’est mobilisé notamment contre la guerre en Irak et contre le sionisme. Dans l’article que je vous propose ici où il expose la puissance du lobby sioniste au Canada, il rappelle opportunément que le sionisme est né ans la deuxième moitié du 20 ème siècle dans son pays en tant que mouvement chrétien.

Oui, il existe un lobby israélien, comme tout journaliste honnête le sait.

Par Yves Engler, yvesengler.com (Canada) 18 octobre 2023 traduit de l’anglais pas Djazaïri

L’idée d’un « lobby israélien hautement organisé » est-elle antisémite ? C’est ce qu’affirme une chroniqueuse du Globe and Mail, partisan de l’apartheid .

Yves Engler

En attaquant le Syndicat canadien de la fonction publique [SCFP] pour sa solidarité avec les Palestiniens, Robyn Urback a tweeté : « Ce sont des arguments pour alléguer une conspiration juive, mais si le SCFP voulait vraiment se lancer dans un poncif antisémite complet, il aurait dû dire quelque chose sur l’empoisonnement des puits.» Sous son message, Urback a retweeté un collègue déclarant : «Le SCFP-Ontario dit qu’il est la cible de «trolls» – «un lobby pro-israélien hautement organisé», qui a ciblé le [président du syndicat] Fred Hahn et le SCFP 3906 pour «la reconnaissance des droits des Palestiniens en vertu du droit international de résister à l’occupation par la lutte armée.’”»

Robyn Urback

Mais Urback sait très bien qu’il existe de nombreuses organisations soutenues par des apports financiers substantiels qui font la promotion d’Israël. Ce n’est pas un cliché. C’est une réalité qui est facilement vérifiable et aurait dû l’être par tout journaliste honnête.

Preuve de sa malhonnêteté, Urback a déjà écrit sur un voyage en Israël parrainé par un lobby auquel elle a participé. Urback a participé à BirthRight, un programme qui subventionne de jeunes Juifs pour qu’ils se rendent en Israël pour devenir des « ambassadeurs intellectuels » du pays .

La force dominante du «lobby israélien hautement organisé» est le Centre pour Israël et les Affaires juives. Le CIJA compte plus de 40 employés et  dispose d’un budget de 10 millions de dollars. En outre, le B’nai B’rith possède plusieurs bureaux à travers le pays. Pour sa part, le budget des Amis du Centre Simon Wiesenthal Canada est de 7 à 10 millions de dollars par an. Ces organisations travaillent en étroite collaboration avec StandWithUs Canada, CAMERA, Allied Voices for Israel, Israel on Campus, Honest Reporting Canada et d’autres organisations politiques nationalistes israéliennes. De plus, plus de 200 organismes de bienfaisance canadiens déclarés soutiennent des projets en Israël et participent à au moins certaines campagnes pro-israéliennes au niveau national. Il existe également de nombreuses écoles privées juives, camps d’été et centres communautaires qui font activement la promotion d’Israël.

Toutes ces groupes bénéficients de financements substantiels. Patronnes du CIJA, les fédérations juives de Toronto, Montréal, Winnipeg, Windsor, Calgary, Edmonton, Hamilton, Londres, Ottawa, Vancouver et du Canada atlantique collectent 200 millions de dollars par an et possèdent plus d’un milliard de dollars d’ actifs .

De nombreuses fortune privées  renforcent l’influence des groupes de pression israéliens. Depuis 2013, le principal collecteur de fonds du Parti Libéral de Trudeau est Stephen Bronfman, descendant d’une grande famille nationaliste israélienne. Bronfman a investi des millions dans des entreprises technologiques israéliennes et, au fil des années, le clan Bronfman a fourni des armes aux forces israéliennes et a soutenu son armée par d’autres moyens. Bronfman a ouvertement lié sa collecte de fonds pour Trudeau à Israël. En 2013, le Globe and Mail rapportait : « Justin Trudeau compte sur le multimillionnaire Stephen Bronfman pour redresser la situation financière du Parti Libéral afin de s’attaquer à la formidable machine de collecte de fonds des Conservateurs…. M. Bronfman a contribué à recueillir 2 millions de dollars pour la campagne électorale  de M. Trudeau. M. Bronfman espère reconquérir la communauté juive, dont les fonds collectés vont de plus en plus aux conservateurs en raison de la position pro-israélienne du parti. « Nous allons travailler dur là-dessus », a déclaré M. Bronfman, ajoutant que « Stephen Harper [l’ex premier ministre conservateur]  n’est jamais allé en Israël et j’y ai emmené Justin il y a cinq ans et à la fin du voyage il parlait d’Israël en disant « nous ». Alors j’ai pensé que c’était plutôt bien.

D’autres magnats canadiens notables ont une longue histoire d’entretien des liens entre Israël et le Canada. Avec un patrimoine de plus de 3 milliards de dollars avant sa mort, David Azrieli était l’un des Canadiens les plus riches. Dans sa jeunesse, il a servi dans le groupe paramilitaire de la Haganah [qui deviendra plus tard l’armée de l’entité sioniste] pendant la guerre de 1948. Son unité était responsable de la bataille de Jérusalem, notamment du déplacement forcé de 10 000 Palestiniens . Azrieli était également promoteur immobilier en Israël et, en 2011, il a fait un don controversé à Im Tirtzu, une organisation nationaliste israélienne radicale (considérée comme un groupe « fasciste » par un tribunal israélien).

D’une valeur de 1,6 milliard de dollars , Gerald Schwartz et son épouse Heather Reisman ont créé la Fondation Heseg pour les volontaires, qui verse des millions de dollars chaque année aux non-Israéliens qui combattent dans Tsahal.

Ces dernières années, le milliardaire canado-israélien Sylvan Adams a investi des centaines de millions de dollars dans diverses initiatives sportives et culturelles visant à redorer le blason d’Israël.

D’autres milliardaires canadiens Larry Tanenbaum, Mark Scheinberg, David Cheriton, Mitch Garber, Daryl Katz, Seymour Schulich, ainsi que les familles Zekelman, Reichmann et Sherman, soutiennent tous Israël. Encore une fois, rien de tout cela n’est une théorie du complot ou un cliché antisémite. C’est une réalité simple et facilement vérifiable si l’on est intéressé.

Il est bon, pas mauvais, qu’un dirigeant syndical mentionne de puissants lobbyistes qui influencent les politiciens canadiens pour qu’ils adoptent certaines positions politiques. La démocratie nécessite de mettre en lumière ce type de lobbying. Urback est-elle contre cette pratique très courante des bons journalistes ?

Les politiciens canadiens expriment une fidélité inégalée à un État qui, selon tous les principaux groupes de défense des droits de la personne, commet le crime d’apartheid. Le gouvernement Trudeau a organisé une soirée pizza pour les Canadiens combattant dans l’armée israélienne, a intenté une action en justice pour bloquer l’étiquetage approprié des vins provenant des colonies illégales et a annoncé que si le Canada obtenait un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies, il agirait comme un « atout pour Israël » au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ces derniers jours, les politiciens canadiens se sont démenés pour exprimer leur soutien à Israël alors que ce pays anéantit Gaza, tue des dizaines de personnes en Cisjordanie et bombarde le Liban, l’Égypte et la Syrie.

Il n’y a rien de conspirateur ou de fâcheux à citer le rôle d’un « lobby israélien hautement organisé ». En fait, il n’y aurait rien de conspirateur ou de fâcheux à le décrire comme un « lobby juif israélien hautement organisé ». Un grand nombre d’organisations juives autoproclamées sont profondément impliquées dans des campagnes anti-palestiniennes et aucun autre lobby axé sur un pays/une ethnie/une religion n’est aussi bien doté en ressources ou organisé que les groupes juifs canadiens mentionnés ci-dessus.

Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas d’autres forces politiques et culturelles qui façonnent le soutien du Canada à Israël. Le sionisme a débuté au Canada dans la seconde moitié des années 1800 en tant que mouvement chrétien et il existe toujours des forces sionistes chrétiennes. Au tournant du 20e siècle , le Canada est devenu résolument prosioniste en raison de ses liens étroits avec l’empire britannique et le point de vue de Washington a aujourd’hui une influence significative. Il y a aussi un élément de « solidarité des colons » européens dans le sionisme canadien et les défenseurs d’Israël brandissent un bâton unique et puissant : la capacité de jouer le rôle de victime et de diffamer ceux qui prônent la justice en les qualifiant de racistes.

Robyn Urback sait très bien qu’il existe un « lobby israélien hautement organisé». Son affirmation selon laquelle le SCFP est anti-juif est ridicule. C’est aussi du mauvais journalisme et très probablement une projection de son racisme anti-palestinien (peut-être involontaire).

De deux explications (et non justifications), l’antisémitisme est la plus simple à Jersey City comme ailleurs

21 décembre 2019

Cet article traite d’une polémique consécutive à l’attaque qui a visé un magasin casher à Jersey City, une des deux plus grandes villes de l’Etat du New Jersey aux Etats Unis.

L’attaque qui a causé la mort de 6 personnes (un policier, trois civils et les deux assaillants) a été menée par un homme et une femme présentés, à tort semble-t-il, comme liés à une organisation nommée Black Israelites qui soutient que les véritables israélites sont noirs. Un tel lien aurait été commode parce qu’il pouvait permettre de donner un mobile idéologique à l’attaque, c’est-à-dire agresser de «faux israélites» sur la base d’une idéologie haineuse.

Dire autre chose impose cependant d’aller vers un peu de complexité et c’est précisément ce qu’a fait une élue locale de Jersey City qui siège au conseil chargée des affaires scolaires. Cette personne, Joan Terrell Paige a ainsi expliqué sur Facebook que l’attaque avait une motivation plus concrète et immédiate qui tient au démarchage agressif de promoteurs immobiliers juifs dans un quartier noir de la ville. L’élue locale donne d’ailleurs un aperçu des méthodes employées.

joan terrell paige

Joan Terrell Paige

Ce que l’article ne dit pas, c’est que l’objectif des promoteurs est non seulement d’acquérir toutes les maisons mais aussi de constituer un ensemble d’habitation au peuplement homogène.

A aucun moment, évidemment, Mme Terrell Paige ne justifie le meurtre sur une base antisémite ou autre. Son propos est plutôt de demander qu’on analyse la situation concrète des habitants de la ville afin de mettre fin à des pratiques qui génèrent d’énormes tensions dont on a vu une conséquence tragique. Ses propos lui valent d’être dénoncée comme antisémite et sommée de démissionner de sa fonction élective.

Invoquer l’antisémitisme est certes facile et assez confortable intellectuellement. Mais on a quand même du mal à comprendre comment une communauté très influente dans un Etat (le New Jersey est souvent appelé ironiquement le Jew Jersey) pourrait se présenter comme une minorité persécutée et en danger.

Ceux qui sont en danger sont peut-être plus ceux dont parle Joan Terrell Paige.

Appels à la démission de l’élue de Jersey City qui a critiqué les Juifs après la fusillade antisémite

par Jack Davis, The Western Journal (USA) 19 décembre 2019 traduit de l’anglais par Djazaïri

Des élus locaux et au niveau de l’État exigent la démission d’une membre du conseil de l’éducation de Jersey City qui s’en est prise à la communauté juive de la ville après les tirs du 10 décembre contre un supermarché casher.

Un agent de police et trois autres personnes avaient été tuées après que les tireurs présumés, David Anderson et Francine Graham eurent ouvert le feu – d’abord sur un cimetière et ensuite au JC Kosher Supermarket.

Les deux assaillants étaient noirs. Des officiels ont affirmé que l’attaque était motivée par l’antisémitisme.

Le post retiré depuis de Joan Terrell Paige, qui est noire, sur Facebook a été sauvegardé sur des captures d’écran, selon Fox News.

«Où étaient toute cette foi et cet espoir quand des propriétaires noirs ont été menacés, intimidés et harcelés par des brutes «JE VEUX ACHETER VOTRE MAISON» de la communauté juive? a écrit Terrell Paige. «Ils venaient avec effronterie dans les propriétés des noirs du quartier Ward F et agitaient des sacs d’argent.»

Teerrel Paige qui affirmait dans le message sur Facebook s’exprimer à titre personnel et non en qualité de membre du Conseil de l’Éducation de Jersey City, expliquait que les propriétaires noirs de maisons dans le secteur étaient menacés, intimidés et harcelés par des nouveaux venus juifs qui, disait-elle, avaient promis de «RAMENER DES TRAFIQUANTS DE DROGUE ET DES PROSTITUÉES POUR VIVRE A CÔTÉ DE VOUS» si les propriétaires ne vendaient pas leurs maisons.

Dans le post, elle disait que la fusillade avait été organisée avec une valeur de déclaration politique.

«M. Anderson et Mlle Graham sont allés directement au supermarché casher,» a-t-elle écrit. «Je pense qu’ils savaient qu’ils n’en sortiraient qu’en body bag.

«Quel message envoyaient-ils? Sommes-nous assez courageux pour explorer la réponse à leur message? Sommes-nous assez courageux pour faire cesser les agressions contre les quartiers noirs aux Etats Unis? avait-elle ajouté.

«Mon peuple a droit au respect et à vivre en paix dans cette ville.»

Joan Terrell est un membre élu du Conseil de l’éducation de Jersey City, elle dit que les meurtres des Juifs à Jersey City peuvent être justifiés@jcps_district pic.twitter.com/H5o0yqpcnO

– Reagan Battalion (@ReaganBattalion) 17 décembre 2019

Le maire de Jersey City Steven Fulop a exprimé son indignation totale; il a appelé Terrell Paige à démissionner et a qualifié ses propos «d’ignorance».

J’ai vu ça et je suis peiné par l’ignorance que démontrent ses propos. Ses propos ne représentent ni Jersey City ni les sentiments dans la communauté. La communauté afro-américaine à Greenville a été tout simplement incroyable par l’aide qu’elle a apporté à ses voisins la semaine dernière.

— Steven Fulop (@StevenFulop) December 17, 2019

J’ai aussi dit que je n’allais pas mâcher mes mots. Mon opinion est qu’elle devrait démissionner. Ce genre de langage n’a pas de place dans nos écoles et pas de place parmi des officiels élus. Imaginez qu’elle ait dit ça à propos de n’importe quelel autre communauté – quelle aurait été la réaction? Le même standard devrait s’appliquer ici.

— Steven Fulop (@StevenFulop) December 17, 2019

https://t.co/QMLOlBuarR

Le gouverneur démocrate Phil Murphy a aussi appelé à la démission de Terrell Paige.

«Nous ne laisserons pas l’antisémitisme et la haine rester sans réponse dans nos quartiers,» a-t-il dit. A la lumière des propos de Mlle Terrll-Paige, je l’exhorte à démissionner immédiatement du Conseil de l’Education de Jersey City.»

— Governor Phil Murphy (@GovMurphy) December 18, 2019

Ils n’ont pas été les seuls à aller sur les réseaux sociaux pour dire leur colère suite aux propos [de Terrell-Paige]

La longue diatribe de Joan Terrell, membre élue du Conseil de l’Éducation de Jersey City, ne fait que montrer l’ancrage d’un antisémitisme sordide dans cette ville! @jcps district devrait y être attentif – est-ce ainsi que vous voulez être représentés?!

Il y a des gens vraiment malades par ici.pic.twitter.com/FipklqzSvv

— Dov Hikind (@HikindDov) December 17, 2019

[Dov Hikind nous est quelqu’un de familier]

Le président du Conseil de l’Éducation, Sudhan Thomas, a déclaré que Terrell Paige ne reflète pas le point de vue du Conseil de l’Éducation.

La haine et n’importe quelle forme d’intolérance n’ont leur place à Jersey City,» a affirmé Thomas dans un communiqué.

Mais Terrell-Paige a refusé de s’excuser, selon Politico.

A la question de savoir si elle regrettait ses propos, elle répondu à Politico, «Non, je ne les regrette pas.»

Le nazi qui avait voulu se convertir au judaïsme

23 décembre 2018

Les médias anglophones mainstream parlent bien de cette histoire d’un couple anglais qui a baptisé son fils Adolf en référence à Hitler et vient d’être condamné à de la prison ferme pour adhésion à un parti d’extrême droite illégal.

La presse française en parle aussi tout comme un journal francophone du Sionistan.

Mais ce journal sioniste d’expression française comme les autres grands médias anglophones tait un aspect de la biographie d’un des condamnés, à savoir Adam Thomas, le père du petit Adolf.

C’est en effet par la presse communautariste qu’on apprend que ce dernier a essayé de se convertir au judaïsme et même qu’il a une excellente connaissance de la Torah.

La démarche d’Adam Thomas n’étonnera que ceux qui ignorent ce qu’a fait l’entité sioniste de la religion juive. On sera par contre circonspect sur ce qui a motivé son exclusion de l’école religieuse qu’il fréquentait à Jérusalem. Adam Thomas était un simple agent de gardiennage, un profil peu favorable à l’aboutissement d’un processus de conversion.

Le néo-Nazi qui avait essayé de se convertir au judaïsme incarcéré pour son adhésion à la National Action

Par Ben Welch, The Jewish Chronicle (UK) 18 décembre 2018 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le mois dernier, la Jewish Chronicle avait révélé qu’Adam Thomas avait passé plusieurs mois en Israël à l’époque où il essayait de se convertir au judaïsme, avant de rejoindre une organisation antisémite.

Un couple qui a baptisé leur bébé Adolf en référence à Hitler a été emprisonné après avoir été reconnu coupable d’appartenance à un parti néonazi illégal.

Adam Thomas, 22 ans, et Claudia Patatas, 38 ans, de Waltham Gardens à Banbury dans l’Oxfordshire, étaient parmi les six personnes condamnées par le tribunal de Birmingham pour appartenance à la National Action.

Mardi matin, Thomas a été condamné à six années et demi de prison et Patatas  cinq années

Les jurés ont pu entendre qu’ils avaient donné à leur bébé le prénom Adolf par « admiration » pour le dictateur nazi et qu’ils avaient décoré leur domicile avec des croix gammées et de l’iconographie du Ku Klux Klan.

Adam Thomas, 22, and Claudia Patatas, 38, holding a swastika flag whilst holding their baby

Adam Thomas, Claudia Patatas et le petit Adolf

Des photographies retrouvées dans leurs appareils électroniques montraient Thomas portant son jeune fils au domicile avec la robe à capuche du Ku Klux Klan.

Le mois dernier, la JC a révélé que Thomas avait séjourné plusieurs mois en Israël à l’époque où il essayait de se convertir au judaïsme, fréquentant même une yeshiva (école religieuse juive) à Jérusalem avant d’en être exclu.

Un porte-parole de la yeshiva Machon Meir avait dit à l’époque : « Nous confirmerons qu’il a essayé d’étudier au Département des Conversions de Machon Meir.

« Mais nous avions senti au bout d’un moment qu’il était vraiment bizarre. Ce n’était pas tout de suite évident. Il connaissait très bien la Torah, il avait un caractère doux et même assez agréable.

« Il avait une mémoire extraordinaire et était passionné par la connaissance de la Torah. Il avait aussi un côté sombre et une tendance à l’extrémisme. Quand ce côté est apparu, nous savions qu’il n’était pas digne des études de giur [conversion]. »

Machon Meir a confirmé que Thomas s’était inscrit sous le nom de « Avi Thomas », tandis que ses condisciples disaient qu’il se faisait appeler « Avi ben Abraham. »

Thomas et Patatas, qui est d’origine portugaise, ont été jugés en même temps que d’autres néo-nazis, Darren Fletcher, Daniel Bogunovic, Joel Wilmore et Nathan Pryke.

Dans une conversation avec un autre membre de la National Action, Patatas avait dit que « tous les Juifs doivent être mis à mort, » tandis que Thomas avait dit une fois à sa compagne qu’il « considérait qu’on ne pouvait pas tolérer les non blancs. »

En condamnant Patats, le juge Melbourne Inman a déclaré: « vous êtes aussi extrémiste que Thomas dans vos idées comme dans vos actions.

« Vous avez agi ensemble dans tout ce que vous avez pensé, dit et fait, en choisissant le prénom de votre fils et avec les photos troublantes de votre fils entouré de symboles du nazisme et du Ku Klux Klan. »

Le juge a dit de la National Action : « Ses buts et objectifs sont la mise à bas de la démocratie dans ce pays par de graves actes de violence et le meurtre, et l’imposition d’un Etat de type nazi qui éradiquerait des pans entiers de la société par cette violence et des tueries de masse.

« L’éradication de ceux que vous considérez comme inférieurs simplement à cause de leur couleur de peau ou de leur religion. »

Le Congrès Juif Européen appelle à signaler les contenus antisémites du Coran

26 novembre 2018

On se souvient qu’en avril 2018, 250 personnalités dont l’ancien chef de l’Etat Nicolas Sarkozy, l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, le chanteur Charles Aznavour, les comédiens Zabou Breitman et Gérard Depardieu et les inévitables Yann Moix ou Frédéric Haziza avaient signé un manifeste « contre le nouvel antisémitisme » proposé par Philippe Val pour dénoncer une « épuration ethnique à bas bruit » qui serait le fait d’un antisémitisme musulman qui se fonderait sur le texte coranique lui-même. Les victimes de cette épuration ethnique seraient les Français de confession juive, on l’aura compris.

D’où la demande formulée dans le texte publié par le journal « Aujourd’hui en France » (Le Parisien Libéré) :

En conséquence, nous demandons que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémite catholique aboli par Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime

Il est vrai que par endroits, on a trouvé des autorités chrétiennes pour réécrire des passages du Nouveau Testament.

Le texte exprimait une attente particulière vis-à-vis de « l’Islam de France » :

Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie.

Qu’il ouvre la voie par rapport à quoi et à qui ?

Comme on l’a vu et comme on le sait, les Chrétiens ont soit expurgé leurs textes, soit les ont réinterprétés, notamment pour laver les Juifs de l’accusation de déicide, accusation qui a valu bien des désagréments aux Juifs en Europe Sur ce point précis, on peut lire dans un article intéressant de la revue juive américaine Forward:

le Talmud ne fuit pas la responsabilité de la mort de Jésus. Au contraire, il dit qu’il l’avait méritée et qu’elle est l’œuvre des juifs eux-mêmes

Donc la voie a déjà été ouverte par les autorités chrétiennes , l’église catholique américaine étant même allée jusqu’à retirer le mot « holocauste » de sa traduction anglaise de la Bible pour complaire à une organisation de survivants et descendants de « l’holocauste », celui auquel on doit mettre un H majuscule.

Un article qui vient de paraître dans un journal anglais nous éclaire peut-être à ce sujet. On apprend en effet qu’une conférence organisée tout récemment en Autriche par le Congrès Juif Européen a arrêté un certain nombre de mesures à proposer aux politiques pour enrayer, voire faire disparaître l’antisémitisme.

Parmi ces mesures, l’exigence de faire accompagner toute nouvelle édition de la Bible (entendue comme Nouveau Testament) et du Coran d’un avertissement et de notes relatives au caractère antisémite de tel ou tel passage. Et l’affirmation par les autorités religieuses du rejet de ces passages.

Nous sommes donc exactement dans la même logique que le texte publié en France en avril. Un texte qui voulait que la France, et ses Musulmans, donnent l’exemple aux autres pays, un exemple qui aurait été bien utile en guise de preuve pour les conférenciers de Vienne.

La seule question qu’on peut se poser est de savoir si c’est Philippe Val qui a inspiré le Congrès Juif Européen ou si c’est l’inverse.

Exploring the Qur'an

On notera que l’article donne très brièvement la parole à Muhammad Abdul Haleem , un universitaire spécialiste du Coran, pour lui faire dire que « le Coran est entièrement négatif à l’égard des Juifs. » Ce n’est pourtant pas ce qu’il dit dans cette longue interview

 

Les leaders juifs appellent à de nouvelles éditions de la Bible et du Coran avec un texte d’avertissement mettant en évidence les passages antisémites

Un catalogue de politiques de lutte contre l’antisémitisme présente de nombreuses propositions

Il a été élaboré suite à une conférence organisée par le Congrès Juif Européen

La conférence a discuté de l’antisémitisme sur Internet et dans divers textes religieux

Les dirigeants se sont rencontrés en début de semaine à Vienne pour discuter des nouvelles propositions de politiques

Par James Woods, The Daily Mail (UK) 23 novembre 2018 traduit de l’anglais par Djazaïri

Les dirigeants juifs appellent à ce que les nouvelles éditions de la Bible et du Coran contiennent des messages d’avertissement pour mettre en évidence les passages antisémites des textes sacrés.

Les recommandations ont été formulées dans un nouveau document intitulé « La fin de l’antisémitisme ! Un catalogue de politiques de lutte contre l’antisémitisme ».

Il a été élaboré au terme d’une conférence internationale organisée par le Congrès Juif Européen, qui a vu des universitaires se réunir pour discuter de la manière dont peuvent être combattus les préjugés et la discrimination.

Ariel Muzicant, Vice-President of the European Jewish Congress, and co-author of the new document holds it up, showing the title 'An End to Antisemitism! A Catalogue of Policies to Combat Antisemitism'

Ariel Muzicant, vice-président du Congrès Juif Européen présente le rapport dont il est un co-auteur

Parmi les actions mentionnées dans le document figurait l’idée de messages d’avertissement dans les éditions des textes sacrés, thème qui est abordé dans un chapitre intitulé «Recommandations concernant les groupes et institutions religieux».

On peut lire ce qui suit dans le document : ‘Les traductions du Nouveau Testament, du Coran et d’autres textes de la littérature chrétienne ou musulmane ont besoin de mentions marginales et d’introductions soulignant la continuité du christianisme et de l’islam avec l’héritage juif et mettant en garde les lecteurs contre leurs passages antisémites.

« Bien que certains efforts aient été faits en ce sens dans le cas du christianisme, ils doivent être étendus de la même façon dans les deux religions ».

Plusieurs passages du Nouveau Testament ont été critiqués parce qu’ils ont servi à justifier des attitudes antisémites.

Parmi ces passages, ceux qui blâment les Juifs pour la mort de Jésus, pour leur nature apparemment têtue et la déloyauté du peuple juif envers Dieu.

Et il y a quelques propos négatifs sur les Juifs dans le Coran et des représentations négatives du peuple juif.

L’Archevêque de Canterbury, Justin Welby, s’est exprimé il y a quelques temps sur la manière dont des textes religieux peuvent être exploités ou mal interprétés pour promouvoir des attitudes discriminatoires.

S’exprimant dans une collection d’essais publiée en 2016, il écrivait : « C’est une vérité honteuse, par ses enseignements théologiques, l’église qui aurait dû offrir un antidote, a aggravé la propagation de ce virus.

« Le fait que l’antisémitisme a infecté le corps de l’Eglise est quelque chose dont nous, Chrétiens, devons profondément nous repentir. Nous vivons avec les conséquences de notre histoire de déni et de complicité. »

Le document, qui a été rédigé par des universitaires, dont Dana Porat et Lawrence H. Schiffman, appelle aussi à ce que tous les textes et passages antisémites qui figurent dans le corpus du Christianisme et de l’Islam « soient identifiés et rejetés. »

Une autre recommandation demande que les penseurs et dirigeants religieux « dénoncent publiquement comme impies » des écrits canoniques ou quasi-canoniques de religieux antisémites..

Ce qui justifie ces changements, explique le document, est que ces messages sont toujours communiqués par le truchement d’êtres humains et donc sujets à erreur.

On lit dans le document : «La révélation de Dieu est ainsi entachée par la faillibilité humaine. À partir du Nouveau Testament, la révélation divine s’exprime dans des textes sacrés chrétiens qui expriment également une forme de haine.

« Les manifestations de cette haine se sont traduites par une tradition d’antisémitisme qui a légitimé moralement les crimes contre le peuple juif, dont la quintessence est la Shoah ».

Austrian Chancellor Sebastian Kurz, Moshe Kantor, President of the European Jewish Congress, and Manfred Weber, Chairman of the European People's Party, are pictured during a conference on anti-Semitism in Vienna, Austria. The conference followed the publication of a document outlining a number of policy suggestions 

Au centre, Moshe Kantor, président du Congrès Juif Européen et le premier ministre autrichien  Sebastian Kurz (de profil) et Manfred Weber, membre de la CSU (Allemagne) et président du groupe  Parti Populaire Européen au Parlement Européen

Dès lors que « les contenus antisémites d’un patrimoine religieux sont identifiés, » les dirigeants et les adeptes de cette religion doivent en être informés, conclut le document.

D’autres aspects ont été mis en évidence suite à la conférence, dont la réponse à l’antisémitisme en ligne et à l’intérieur des institutions universitaires et des organismes de recherche.

Ce qui inclut de veiller à ce que que les moteurs de recherche sur Internet privilégient les représentations positives du judaïsme et des descriptions exactes de l’histoire de l’antisémitisme.

Des universitaires ont réagi aux recommandations exposées dans le document.

Le Dr Christine Joynes, professeure de théologie à Oxford, a déclaré au Times qu’elle avait une « certaine sympathie » pour la suggestion d’une Bible annotée.

Mais, dit-elle, « C’est toute la Bible qui a besoin d’un avertissement salutaire pour qu’elle soit lue à travers un regard critique et en contexte historique. »

Pour sa part, Muhammad Abdel Haleem, professeur d’études islamiques à l’Université de Londres, s’exprimant lui aussi devant le Times, déclare que le Coran est entièrement négatif à l’égard des Juifs.

Le professseur Muhammad Abdel Haleem

Selon lui, « Si quelqu’un veut se comporter de manière antisémite ou anti-islamique, il le fera que vous mettiez ou des avertissements et des notes de bas de page. »

La tuerie de la synagogue de Pittsburgh et les racines politiques des discours de haine aux Etats Unis

31 octobre 2018

Quelques jours nous séparent maintenant de la tuerie qui a été perpétré dans une synagogue de Pittsburgh aux Etats Unis. Robert Bowers, l’assaillant, tenant d’une idéologie d’extrême-droite, s’est rendu à la police après avoir été blessé mais non sans avoir auparavant assassiné 11 fidèles au simple motif qu’ils étaient juifs et que les Juifs, selon lui, sont une menace pour la survie de son propre peuple, c’est-à-dire les Américains blancs et chrétiens.

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Blessé, Robert D. Bowers a néanmoins pu être présenté à un juge

Les commentateurs, en France comme aux Etats Unis, n’ont pas tardé à mettre ce crime au compte de Donald Trump et de sa rhétorique xénophobe, voire antisémite (au sens d’anti-juive). Alors même que chacun sait que Donald Trump a un gendre de confession juive, que sa fille Ivanka s’est convertie au judaïsme et qu’elle-même et son mari jouent un rôle politique significatif notamment sur les questions relatives au Proche Orient.
Cet état de fait aurait dû amener les commentateurs à s’interroger sur la relation en quelque sorte « constructive » entre sionisme et antisémitisme.
Ce n’est cependant pas le cas car il est des couvercles qu’on se garde bien de soulever de peur qu’ils se referment sur ses doigts.

Le blogueur Moon of Alabama nous a proposé dès le lendemain des faits une lecture politique de ce  crime. Et Moon of Alabama nous montre que ce crime, tout abject qu’il soit, s’inscrit dans une logique profonde de la vie et du discours politiques aux Etats Unis, et pas seulement dans la mouvance dite Alt-Right (droite alternative) mais dans le discours des grands partis et de responsables politiques de premier plan. Hillary Clinton nous l’a rappelé à deux reprises, en 2016 et tout récemment.

A cet égard, Donald Trump ne déroge pas à la règle.

Ces exploitations de l’attentat de Pittsburgh se moquent des victimes

Moon of Alabama (USA) 28 octobre 2018 traduit de l’anglais par Djazaïri

L’attaque terroriste d’hier contre une synagogue de Pittsburgh a été commise par un homme aux opinions extrêmement anti-juives et anti-immigration. C’est la troisième attaque contre un lieu de culte en trois ans.

Comme les incidents précédents, c’est un crime odieux aux motivations ignominieuses.

Mais il y a peu de bonnes raisons de blâmer Trump pour cet incident. Il ne justifie pas non plus de prétendre faussement à un « antisémitisme accru ». L’exploiter pour une cause coloniale à caractère raciste revient à se moquer des victimes.

Le New York Times rapporte:

Armé d’un fusil d’assaut de type AR-15 et d’au moins trois armes de poing, un homme criant des insultes antisémites a ouvert le feu à l’intérieur d’une synagogue de Pittsburgh, tuant au moins 11 fidèles et en blessant deux autres ainsi que quatre policiers, ont annoncé les autorités.

L’assaillant, identifié par les responsables de la police comme répondant au nom de Robert D. Bowers, a tiré pendant plusieurs minutes et quittait la synagogue lorsque des agents, en tenue d’intervention et armés de fusils, l’ont rencontré à la porte. Selon la police, M. Bowers aurait échangé des coups de feu avec les policiers avant de se replier à l’intérieur et de se barricader dans une pièce au troisième étage. Il s’est finalement rendu.

En lisant entre les lignes, nous apprenons que le tueur n’est pas un musulman. Sinon, il aurait été qualifié de « terroriste ». Nous pouvons également conclure que le tueur était blanc. Sinon, la police l’aurait tué

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Fusil AR-15 est une déclinaison du M-16, fusil standard de l’armée américaine

Le meurtrier était extrêmement anti-juif. C’était un suprématiste blanc qui s’imaginait que les personnes de confession juive étaient à l’origine de tous les problèmes qu’il voyait :

Le suspect de la fusillade meurtrière dans une synagogue de Pittsburgh a déclaré aux policiers que les Juifs étaient en train de commettre un génocide et qu’il voulait qu’ils meurent tous, selon un document de l’accusation rendu public dans la matinée de dimanche.

Les fidèles « ont été brutalement assassinés par un homme armé qui les visait simplement en raison de leur confession « , a déclaré Bob Jones, responsable du bureau du FBI à Pittsburgh, qui a cependant averti que le mobile du tireur n’était pas encore entièrement connu.

Les publications de Robert Bowers sur les réseaux sociaux montrent que la raison immédiate de l’attaque contre la synagogue a été la cérémonie nationale de Shabbat organisée par la Hebrew Immigrant Aid Society (HIAS – Société Hébraïque pour l’assistance aux immigrants) :

Quelques heures avant la fusillade du samedi matin, un nouveau message était publié à partir de son compte |sur les réseaux sociaux]: « HIAS aime faire venir des envahisseurs pour tuer notre peuple. Je ne peux pas rester assis et regarder mon peuple se faire massacrer. Fini de jouer [le tueur emploie l’expression « screw your optics » qu’on pourrait traduire par « bloquez vos FPS, le FPS étant le tireur virtuel qui est à la place du joueur dans un jeu vidéo, note de Djazaïri], j’y vais. »

HIAS est une organisation fondée il y a 137 ans par et pour les juifs qui fuyaient les pogroms en Russie. Elle assiste aujourd’hui tous les réfugiés. La haine de l’assassins pour HIAS, souligne la proximité idéologique des suprématistes blancs et des sionistes :

À l’extrême droite juive, la Zionist Organization of America a attaqué HIAS et d’autres organisations juives pour avoir fait pression pour l’admission de réfugiés syriens aux États-Unis et a accusé HIAS de le faire dans un but lucratif.

Le New York Times tente de relier l’incident à Trump :

 [L’agression] a également eu lieu à la suite de l’arrestation vendredi matin d’un homme qui, selon les autorités, aurait envoyé plus d’une douzaine de bombes artisanales à des détracteurs de M. Trump, dont plusieurs importantes personnalités démocrates.

Les bombes artisanales, qui n’auraient pu tuer personne, ont été envoyées de Floride par un paumé pro-Trump. Toutes  ce bombes ont été détectés avant d’atteindre leur cible.

Le tueur de Pittsburgh détestait Trump. Il mobilisait contre lui sur les réseaux sociaux en expliquant qu’il [Trump] était contrôlé par des Juifs. Il a écrit qu’il n’avait pas voté pour lui. Extrait de ses tweets archivés ( partie 1 , partie 2 ):

Trump est un mondialiste, pas un nationaliste. Il n’y a pas de #MAGA [Make America Great Again, rendre sa grandeur à l’Amérique, slogan de Trump] tant qu’il y a une infestation de kikes [péjoratif: Juifs, NdT].

Mais l’article du New York Times ignore la position anti-Trump du tueur. L’incident est ensuite imputé à la rhétorique de Trump:

L’émotion soulevée par le massacre de samedi a exacerbé le sentiment de malaise national face à une rhétorique politique de plus en plus hostile. Les détracteurs du président Trump ont fait valoir qu’il était en partie responsable des récents actes de violence parce qu’il avait excité la fibre nationaliste sur Twitter et lors de ses meetings, accusations que M. Trump a rejetées.

C’est ignorer que Trump recourt à la même rhétorique nationaliste qu’utilisent tous les présidents des Etats Unis :

Obama a déclaré sans équivoque à l’US Military Academy  l’année dernière: «Je crois en l’exceptionalisme américain avec toutes les fibres de mon être».

Pas plus que les positions anti-immigration ne sont particulières à Trump. C’est Obama qu’on appelait « l’expulseur en chef » :

Plus de 2,8 millions d’immigrants sans papiers ont été expulsés au cours des huit dernières années, [les deux mandats de M. Obama],…

Le nationalisme extrême et les positions anti-immigration sont aussi américains que la tarte aux pommes. La rhétorique hostile [à l’immigration aux Etats Unis n’est certainement pas le propre d’un seul camp. C’était Hillary Clinton qui parlait de citoyens comme de gens « minables » [elle avait décrit ainsi la moitié des électeurs de Trump caractérisés comme racistes, islamophobes, sexistes etc.] C’est seulement le style de Trump, pas ce qu’il dit, qui différencie sa manière « d’exciter » l’opinion de celle d’autres politiciens. Blâmer Trump pour cet incident est une tentative d’empêcher de prendre conscience de cela.

Le New York Times amalgame le mobile anti-immigration du tueur avec l’antisémitisme quand il cite les statistiques mensongères de l’ADL [Anti Defamation League, équivalent américain de la LICRA ] :

 [Le massacre] a eu lieu dans un climat d’inquiétude croissante à propos de l’immigration clandestine et dans une décennie qui a vu une augmentation des crimes de haine [hate crime: le hate crime va de la mauvaise blague raciste  à l’assassinat, NdT]. Selon le rapport annuel publié par l’Anti-Defamatiojn League plus tôt cette année, le nombre de signalements d’incidents antisémites aux Etats Unis a bondi de 57 % en 2017, la plus forte hausse en une seule année depuis que l’ADL a commencé à recenser ce genre de délits en 1979.

L’ADL ne recense pas « ce genre de délits », mais tout incident qu’elle perçoit comme étant du harcèlement, une menace ou « antisémite ». La forte augmentation dans les statistiques de 2017 de l’ADL n’a été constatée que parce que l’ADL a truqué les chiffres, comme l’ont relevé de manière critique d’autres organisations juives, en incluant les centaines de menace qu’un adolescent juif instable a faites contre des institutions juives :

L’augmentation présumée de l’antisémitisme selon l’ADL est une « histoire de requins« 

Un homme, américano-israélien, âgé de 19 ans a été reconnu coupable d’avoir proféré des centaines de menaces d’attentats à la bombe contre des centres communautaires juifs et des écoles juives aux États-Unis, ainsi que des compagnies aériennes.

Les fausses alertes visant les centres communautaires juifs et d’autres institutions juives au cours des trois premiers mois de 2017 ont provoqué de nombreuses évacuations et fait craindre une recrudescence de l’antisémitisme. Les parents et l’avocat de Kadar n’ont pas contesté son implication dans les menaces d’attentats à la bombe, mais ont affirmé pour sa défense qu’il souffrait d’une tumeur au cerveau et d’un faible QI.

Non seulement l’ADL truque ses chiffres , mais confond  ostensiblement la haine contre des personnes de confession juive et l’activisme antisioniste comme le Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) .

Kenneth Marcus du Centre Louis D. Brandeis pour les droits de l’homme a déclaré que certains signalements d’incidents antisémites « sont ce qu’on pourrait appeler des histoires de « requins », évoquant les les informations des médias sur des attaques de requins il y a quelques étés de cela. Beaucoup de gens, avait-il dit, craignaient que les attaques de requins se multiplient tandis que les experts cherchaient à en comprendre la raison. En fin de compte, il s’était avéré que ces attaques n’étaient pas du tout en augmentation – on en avait beaucoup plus parlé dans les médias parce que ces histoires de requins avaient attiré l’attention de rédacteurs en chef et de médias influents. »

Robert D. Bowers était actif sur les plateformes de réseaux sociaux Facebook et Gab , un service comparable à Twitter avec un minimum de censure. Il a posté et reposté beaucoup de calomnies anti-juives. Gab, qui est souvent utilisé par des personnes censurées ailleurs, a réagi immédiatement après l’incident. Il a archivé et fermé le compte et informé la police. Néanmoins, il a été immédiatement censuré. Paypal, qui servait à collecter les dons, a fermé son compte sans donner de raison particulière. Une telle réaction déraisonnable ne fera que renforcer le sentiment de persécution de l’extrême droite.

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Hommage aux victimes devant la synagogue de Pittsburgh

 

Le gouvernement israélien va envoyer son membre probablement le plus raciste, le ministre de l’Education, Naftali Bennet, exploiter cet incident pour sa colonisation de la Palestine. Bennet s’est vanté d’avoir tué des Arabes :

« J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie – et cela ne pose aucun problème. »

Il appelle les réfugiés qui sont venus en Israël « des infiltrés ». Il aurait applaudi le meurtrier si la cible avait été un autre groupe religieux :

Le ministre de l’Education, Naftali Bennett, a obtenu jeudi le soutien d’un important militant anti-immigration clandestine, après s’être engagé à bloquer le projet de régularisation de centaines d’infiltrés soudanais.

Jeudi, [..], le parti de du Foyer Juif, dirigé par le ministre de l’Éducation, Naftali Bennett, a annoncé qu’il bloquerait l’application du plan du ministère de l’Intérieur visant à accorder des permis de séjour aux 300 Soudanais.

« Rien ne justifie d’absorber ces infiltrés en Israël. »

Israël s’est déclaré Etat d’apartheid . Son gouvernement a les mêmes opinions d’extrême droite contre les « autres » que l’assaillant de Pittsburgh. Comme lui, il confond les croyants juifs avec une race. Comme lui, il se mobilise contre l’immigration. Envoyer Bennet pour exploiter l’attaque terroriste, c’est se moquer de ses victimes.

L’islamophobie sera le nouvel antisémitisme selon le Professeur John L. Esposito

20 avril 2018

Le point de vue exposé ici est celui d’un Chrétien qui professe dans une prestigieuse université catholique de Washington aux Etats Unis. Quelqu’un qui est donc solidement ancré dans ses convictions chrétiennes, ce qui ne l’empêche pas de constater la réalité de l’islamophobie.

Il est détesté par les islamophobes qui lui reprochent notamment ses prises de position jugées trop favorables à la cause palestinienne. De fait, s’il est franchement abusif d’affirmer que derrière chaque islamophobe se cache un Juif, on peut dire que bien souvent se cache un sioniste ou une officine sioniste.

Le professeur Esposito ne propose malheureusement pas  une analyse des causes internes de la montée de l’islamophobie dans les sociétés occidentales. Mais peut-être que cette interview n’était pas le lieu adéquat pour ce genre de développement ?

« L’islamophobie sera le nouvel antisémitisme »

Rencontre avec John L. Esposito, professeur à l’université de Georgetown

Par Rosa Meneses, El Mundo (Espagne) 20 avril 2018 traduit de l’espagnol par Djazaïri

John L. Esposito (né en 1940 à New York), professeur à l’Université de Georgetown , est l’un des plus grands spécialistes mondiaux du dialogue interreligieux et un auteur prolifique, avec plusieurs livres consacrés à la connaissance de l’islam. Parmi ses anciens étudiants figurent le roi Philippe VI d’Espagne, le roi Abdullah de Jordanie ou l’ancien président américain Bill Clinton. Mercredi, Esposito a été nommé docteur ‘honoris causa’ par l’Université Pontificale Comillas ICAI-ICADE et hier, juste avant de partir pour la Malaisie, il a donné une interview à EL MUNDO.

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Le Professeur John L. Esposito

L’université [pontificale] vous a distingué pour votre travail en faveur du dialogue inter-religieux, en particulier entre Christianisme et Islam. Après des siècles d’existence, nous n’avons toujours pas appris à vivre ensemble ?

Je pense que nous avons bien réussi en termes de coexistence, mais au cours de ces dernières années, il y a eu des reculs importants. Si nous regardons, par exemple, la situation politique mondiale, nous voyons de grandes divisions entre l’Europe, les États-Unis, la Russie ou la Chine. Nous vivons dans un monde globalisé et, que cela plaise ou non, nous sommes interdépendants culturellement, politiquement et économiquement. Mais aujourd’hui, nous voyons comment les politiciens d’extrême droite aux États-Unis et en Europe prêchent un discours d’exclusion, contre les immigrés et les musulmans. Et à titre d’exemple, nous avons la situation ridicule de pays comme la République tchèque, la Pologne et la Hongrie [qui connaissent une poussée xénophobe, NdT] où il n’y a même pas un grand nombre de musulmans ou d’immigrés. Je pense que la coexistence est un défi et je n’exagère pas quand je dis que ce sont des temps dangereux à vivre.

De Donald Trump à Marine Le Pen ou Viktor Orban, nous assistons à la montée du populisme dans le monde. Pourquoi leur discours commun est-il une réaction contre l’Islam ?

Oui, il y a une réaction contre les musulmans, mais cela fait partie d’une réaction générale contre les immigrants. Nous oublions que, pour de nombreuses personnes en Europe et aux États-Unis, leurs relations avec l’islam et les musulmans ont commencé avec la révolution islamique iranienne en 1979. Lorsque j’ai obtenu mon diplôme en 1974, l’islam et les musulmans étaient invisibles. Après la Révolution de 1979 – qui a été suivie par l’assassinat de [le président égyptien, Anouar] Sadate et ensuite par la montée d’Al-Qaïda – les musulmans ont été vus d’une fenêtre très étroite à travers laquelle on généralise. Les problèmes survenus en 1979 avaient eu une couverture médiatique qui avait vraiment exacerbé la situation.

Sommes-nous, nous les médias, responsables de la mauvaise image de l’islam et des Musulmans ?

Non, les terroristes sont responsables. Mais les médias ont une grande influence. Je ne dis pas qu’ils offrent une image négative d’une manière délibérée, mais c’est une réalité. Il existe une très grande disparité entre la couverture médiatique des sociétés musulmanes et la couverture médiatique de l’extrémisme. Dans une étude réalisée en 2015 et 2016 au Royaume-Uni et en Allemagne, huit reportages sur dix étaient négatifs et traitaient de l’extrémisme religieux. Les dirigeants politiques et les élites éduquées ont une vision de la réalité basée sur celle fournie par la télévision, les médias et même les réseaux sociaux. Le problème est lorsque cette vision est utilisée comme une arme par des politiciens qui jouent avec la peur parce qu’elle leur donne des votes et de l’argent.

Pensez-vous que l’islamophobie est devenue un problème dans nos sociétés actuelles tout comme l’antisémitisme le fut dans l’Europe des années 1930 ?

Il y a un risque que l’islamophobie devienne le nouvel antisémitisme. C’est une idée sur laquelle j’ai mis en garde dans mes écrits depuis des années. Aux Etats-Unis, il y a même des organisations juives qui ont reconnu ce problème et qui, ces dernières années, ont soutenu des projets contre l’islamophobie, parce qu’elles voient une ressemblance qui leur est familière avec ce qui s’est passé en Europe. Des études publiées en 2015 et 2016 montrent que l’islamophobie est là pour rester et qu’elle est également en cours de normalisation dans le sens que vous pouvez dire des choses contre les musulmans et l’islam publiquement (dans les médias, etc.) en bénéficiant de la liberté d’expression, alors que ce ne serait pas admis si ces choses visaient d’autres groupes parce qu’elles seraient considérées comme racistes. Et cela conduit à un discours de haine ou à des crimes de haine comme les attaques contre des mosquées qui ont eu lieu au Royaume-Uni. Nous sommes restés sourds à ces signaux.

L’islam politique a-t-il changé suite aux révolutions arabes ?

Pas tellement l’islam politique. Je crois que ce qui s’est passé est qu’une partie de la vague de changement a rendu certains pays plus autoritaires. L’Egypte ou les pays du Golfe, par exemple. La Tunisie est un bon exemple de ce que l’islam politique peut faire. En Egypte, il y a eu beaucoup d’erreurs mais le moyen de canaliser la situation avec Mohamed Morsi, qui a été élu démocratiquement, aurait dû être d’attendre les élections. Cependant, les militaires [égyptiens] craignaient ce qui pouvait résulter des élections. Donc, ce que nous voyons maintenant, c’est qu’ils ont géré les élections comme auparavant, quand le leader se présente et obtient 97% des voix. Quand les islamistes sont autorisés à participer au système politique comme n’importe quel autre groupe de citoyens et qu’il existe une vaste société civile, vous pouvez voir comment ils sont intégrés dans ce système. Au cours des 20 dernières années, nous avons vu des élections en Jordanie, au Koweït, en Malaisie, en Indonésie, au Sénégal, au Maroc, où les islamistes participent au système. Mais cela est caché à la fois par les politiciens et les médias de droite, qui mettent tous les islamistes dans le même sac et, au lieu de parler de leur participation à la société, ils concentrent leur attention uniquement sur Al-Qaïda et l’État islamique. .

L’Islam a-t-il besoin d’une réforme religieuse pour s’adapter à l’époque?

J’ai écrit beaucoup de livres à ce sujet. La réalité est que les réformateurs ont toujours existé, mais que leur démarche été entravée. Il est très difficile de préconiser des réformes dans les pays autoritaires, surtout s’il est question de réformer les traditions religieuses parce que tout ce qui affecte la société en termes culturels et politiques est une menace pour les régimes autoritaires. D’un autre côté, il y a des chefs religieux conservateurs qui bloqueront tout changement à cet égard. Pour que les réformes puissent se frayer un chemin, elles ont besoin d’une société ouverte.

Avons-nous surmonté le discours du «choc des civilisations»?

Huntington et moi avons débattu ensemble plusieurs fois. L’expression «choc des civilisations» a beaucoup été utilisée au fil des années, mais elle a signifié différentes choses. Parce que la question est : « quelle est la direction de ce choc ? » La notion de «confrontation» est utilisée par les deux parties ; elle est également utilisée par les extrémistes musulmans. D’un autre côté, j’ai travaillé pendant de nombreuses années avec Gallup et dans nos études nous voyons que les musulmans admirent beaucoup de choses de l’Occident : les libertés, l’éducation, la démocratie, l’économie, par exemple … Mais ils critiquent le double standard en termes de la défense de la démocratie. Ils disent que l’Occident ne fait que promouvoir la démocratie pour lui-même, alors que pour le Moyen-Orient, il préfère promouvoir la sécurité et les affaires, comme George W. Bush l’a fait et comme le fait maintenant Trump. La sécurité est à nouveau l’axe des relations entre les États-Unis et l’Union européenne avec les pays du Moyen-Orient. Trump est revenu pour articuler cette politique dans laquelle on dit aux autocrates : « Ce que vous faites dans votre pays est votre affaire ».