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Vers une sortie de crise négociée en Syrie?

12 février 2013

Les choses bougent sur le plan politique en Syrie. On a pu s’en rendre compte avec l’offre de dialogue formulée par le chef de la coalition d’opposition (au nom à rallonge). Cette offre de dialogue est certes loin de faire l’unanimité dans les rangs de la dite coalition mais il est clair qu’une partie de cette alliance hétérogène si ce n’est hétéroclite craint que n’éclate au grand jour son inexistence sur le plan militaire.

Contrairement à ce qui se dit, cette offre n’a pas été rejetée par le gouvernement syrien, mais ce n’est pas vraiment de la presse française que vous l’apprendriez même si le Nouvel Observateur fait allusion au signal adressé par un ministre Syrien et si Le Monde est un peu plus disert sans non plus le mettre en évidence.

Cette disponibilité au dialogue manifesté par le gouvernement syrien n’est citée qu’incidemment au milieu de ce qu’on nous présente comme de nouvelles victoires de l’opposition armée qui se serait emparée d’un grand barrage sur l’Euphrate, d’une base aérienne près d’Alep et menacerait la ville «stratégique» de Deir Ez Zohr. Si on n’en finit pas de découvrir que tel ou tel site est stratégique (‘key’ en anglais) , c’est la deuxième fois qu’on nous annonce la prise d’un aérodrome militaire et la première fois qu’on parle de la prise d’un barrage comme d’un véritable fait militaire (ah si, ils pourront couper l’eau à Alep).

Jonathan Steele consacre un assez long article à la démarche d’ouverture du régime syrien qui s’incarne de la manière la plus visible dans la personne d’Ali Haidar. Si on prête attention à ce que dit M. Haidar, on comprend que le régime syrien d’aujourd’hui n’est plus tout à fait celui du début des troubles qui ont saisi le pays et qu’il recèle en son sein des forces désireuses d’avancer en matière d’ouverture politique.

Le ministre Syrien Ali Haidar

Le ministre Syrien Ali Haidar

Restent des aspects sur lesquels le régime ne semble toujours pas prêt à transiger comme l’exigence du départ de l’actuel chef de l’Etat formulée par l’opposition armée (et le club des «amis» de la Syrie) ou celle du gouvernement pour que, après une phase préliminaire à l’étranger, les discussions se déroulent en territoire syrien.

A ce propos, le gouvernement syrien se dit prêt à respecter la liberté de mouvement des opposants qui accepteraient de rentrer au pays. Une liberté de mouvement qui pourrait sans difficulté être garantie par certains amis de la Syrie comme l’Iran ou la Russie…

On verra si les autres « amis » de la Syrie prendront le gouvernement syrien au mot.

Un ministre Syrien propose de rencontrer le chef de l’opposition à l’étranger

Ali Haidar soulève la perspective d’élections libres en réponse changement surprise de la ligne soutenue par le chef de la Coalition nationale syrienne

Par Jonathan Steele à Damas

The Guardian (UK) 11 février 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le gouvernement syrien est prêt à envoyer un ministre à l’étranger pour des entretiens avec Moaz al-Khatib, le chef de la Coalition nationale syrienne d’opposition, qui a récemment plongé la rébellion dans une tourmente politique en se prononçant en faveur d’un dialogue avec le régime.

« Je suis prêt à rencontrer M. Khatib dans n’importe quelle ville étrangère où je peux aller pour discuter des préparatifs d’un dialogue national », a déclaré au Guardian Ali Haidar, le ministre de la réconciliation nationale. Ses propos ont été la réponse la plus positive donnée pour l’instant par le gouvernement syrien au changement surprise de ligne politique par le chef de l’opposition.

Les exilés et les groupes armés qui leur sont affiliés ont affirmé depuis longtemps qu’ils ne discuteraient jamais avec le régime sauf si Bachar al-Assad quittait d’abord ses fonctions. La volte face du leader de l’opposition a été sévèrement critiquée par certains de ses collègues parce que la charte de l’opposition stipule qu’elle ne parlera pas avec le régime d’autre chose que de son départ.

En expliquant le but du dialogue national, Haidar a soulevé la perspective d’une véritable compétition électorale pour un parlement multipartite et pour l’accès à la présidence lorsque le mandat d’Assad expirera l’année prochaine.

« Le dialogue est un moyen de proposer un mécanisme pour aboutir à des élections législatives et présidentielles libres. C’est l’un des sujets qui seront abordés à la table [de discussion]. Ce genre de chose pourrait être le résultat des négociations, mais pas une condition préalable », a-t-il dit. « Nous rejetons un dialogue qui consiste simplement à ce qu’une partie remettre le pouvoir à une autre. »

Assad a proposé des discussions avec les dirigeants de l’opposition lors d’un discours prononcé le mois dernier. Mais il avait semblé exclure tout contact avec la Coalition nationale syrienne, qui a été mise sur pied sous la pression des États-Unis, de la Turquie et du pression du Qatar à Doha l’été dernier comme une tentative d’unification des groupes d’opposition disparates.

“Avec qui devons-nous mener le dialogue? Ceux qui véhiculent une pensée extrémiste et ne croient à rien d’autre que le sang, le meurtre et le terrorisme ? Devrions-nous parler avec des bandes qui reçoivent leurs ordres de l’étranger et rejettent le dialogue parce qu’ils considèrent que le dialogue fera échouer leurs plans qui visent à affaiblir la Syrie ?» avait déclaré Assad.

La bombe politique de Khatib est intervenue trois semaines plus tard, suscitant un débat dans les cercles du pouvoir syrien. Ces derniers ont aussi noté les révélations de la semaine dernière sur le rejet par Barack Obama de recommandations du Pentagone et du Département d’Etat pour armer l’opposition. Les Etats Unis ont depuis manifesté leur appui à l’initiative de Khatib et on spécule à Damas sur le fait qu’elle était coordonnée à l’avance avec Washington.

L’offre par Haidar de rencontrer le chef de l’opposition est évidemment conçue pour empêcher l’initiative de Khatib d’être étouffée par les résistances de ses collègues rebelles. Haidar a observé que comme les autres ministres du régime, il était sous le coup de sanctions qui lui interdisent l’entrée dans l’Union Européenne, mais il a indiqué que Genève était un lieu possible pour des conversations préliminaires. «mais nous maintenons que le véritable dialogue national doit prendre place sur le sol syrien parce que c’est une question de dignité syrienne,» a-t-il ajouté.

Il a reconnu que les politiciens exilés craignaient d’être arrêtés s’ils retournaient en Syrie. En annonçant son évolution en faveur de négociations, Khatib a exigé du gouvernement qu’il renouvelle les passeports de tous les Syriens qui sont à l’étranger afin qu’ils cessent d’être apatrides. Haidar a déclaré que le ministère de la Justice avait déjà commencé à prendre des mesures pour annuler les poursuites contre les Syriens à l’étranger.

« Le ministère de l’Intérieur a accepté d’assouplir sa politique et de leur donner tous les documents nécessaires pour leur retour et à les laisser entrer sur le territoire, même s’ils en sont dépourvus. Je ne veux fermer la porte à aucun membre de l’opposition qui a des inquiétudes. Personnellement, j’invite tout le monde à revenir et je leur garantis l’accès et le départ en toute sécurité, si c’est ce qu’ils veulent « , a déclaré Haidar.

Il a expliqué que le nouvel élan vers des négociations est venu non seulement du changement dans la  ligne politique de Khatib, mais aussi d’un changement dans le climat régional et international, ainsi que du fait de l’impasse militaire. «Il ya des extrémistes des deux côtés, mais 80% des gens de chaque camp ont compris qu’aucune victoire militaire n’est possible. Je suis en contact par téléphone avec certains dirigeants de l’Armée Syrienne Libre et ils avaient l’habitude de dire:« Nous serons à Damas d’ici quelques jours», mais aujourd’hui, ils disent:« Nous avons découvert que la communauté internationale nous utilise et travaille pour ses propres intérêts et nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas vaincre l’armée syrienne, »a-t-il dit.

En dépit de l’apparente disponibilité du gouvernement syrien à parler avec des représentants de l’opposition armée, des divergences subsistent quant aux modalités d’une éventuelle transition.  La Russie, les Etats Unis et plusieurs autres acteurs importants dont la Grande Bretagne et la France se sont entendus à Genève en juin sur un aspect qui est la nécessité de désigner un gouvernement de coalition qui comprendrait des membres de l’opposition ainsi que des membres du régime actuel et qui aurait «l’ensemble des pouvoirs exécutifs.»

Quand Lakhdar Brahimi, l’envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue Arabe a rencontré Assad en décembre, la question a semblé être un sujet de désaccord. Brahimi avait dit ensuite au Conseil de Sécurité que cela signifiait qu’il n’y aurait aucun rôle pour Assad dans la transition. Ses propos avaient provoqué la colère de Damas où le ministère des affaires étrangères l’avait accusé de «parti pris flagrant» et le journal pro-gouvernemental al-Watan l’avait qualifié de «touriste vieillissant.»

Des membres de son équipe basés à Damas ont essayé de savoir s’il pouvait revenir en Syrie. Interrogé par le Guardian pour savoir si la mission de Brahimi était morte, Haider a dit que non, mais a accusé l’émissaire de ne pas être franc du collier.

“dans ses discussions ici, c’est Brahimi qui disait qu’il était un peu trop tôt pour former un gouvernement.  Son point de vue était que ce n’était pas possible parce qu’il y a beaucoup de factions de l’opposition en exil qui ne sont pas encore prêtes à y participer. Malheureusement, après son départ de Syrie nous avons entendu un autre son de cloche de sa part,» explique Haidar. «Il y avait des contradictions dans ses déclarations qui affaiblissaient sa position à égale distance de tous les Syriens. Nous ne dirons pas que sa mission a complètement échoué mais il doit revenir à sa position initiale à égale distance de tous.»

Le ton conciliant d’Haidar confirme sa réputation de colombe à l’intérieur du régime. En tant que dirigeant du Parti Social-Nationaliste Syrien, un petit parti d’opposition, il était parmi ceux qui avaient publié la déclaration de Damas, un manifeste pour une réforme démocratique et un changement radical, en 2005. Certains d’entre eux avaient été arrêtés et d’autres étaient partis en exil. Il était resté à Damas et avait été nommé ministre en 2011. Il a toujours des divergences avec le régime et à l’occasion du référendum de l’an dernier sur une nouvelle constitution, il était apparu trois fois sur la télévision d’Etat pour appeler les votants à dire non.

En vertu de la constitution, Assad aurait la possibilité de se présenter pour un troisième mandat l’an prochain. Haidar considère qu’Assad devrait se présenter sauf si le dialogue national aboutit à des changements majeurs. «Je n’ai pas personnellement discuté de ça avec le président. Mais la constitution actuelle ne lui interdit pas de se présenter. En tant que citoyen syrien, il en a le droit comme n’importe quel autre citoyen,» a-t-il déclaré.

Assad, un président Syrien lucide et confiant

29 janvier 2013

Le président Syrien Bachar al-Assad a récemment reçu une délégation de personnalités arabes. Ces dernières on pu prendre connaissance en direct du sentiment du chef de l’Etat sur la situation politique et militaire dans son pays et la manière dont il envisage l’évolution de cette situation.

Ces visiteurs renvoient l’image d’un président maître de lui-même et confiant dans la capacité de l’armée de son pays à créer sur le terrain les conditions d’une solution politique.

Une solution qui serait bien sûr très différente de celle que souhaitent les prétendus « amis » de la Syrie.

Sa vision du contexte international n’est pas dénuée de lucidité. Il considère en effet que les Etats Unis ne sont pas (encore) prêts pour une solution de la crise syrienne, ce qui sous-entend que Bachar al-Assad pense qu’ils le seront dans un avenir assez proche. Quant à la Russie, dont le soutien ne lui a jamais vraiment fait défaut, il estime que c’est sa propre sécurité qu’elle défend en Syrie. 

Et ça ne fera peut-être plaisir ni à Laurent Fabius, ni à William Hague, mais il n’y a aucune place pour la France et la Grande Bretagne dans la réflexion de Bachar al-Assad.

 Assad: Nous avons repris le dessus

Al-Akhbar (Liban) 28 janvier 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

Damas – Le président Syrien Bachar al-Assad a déclaré à des visiteurs que l’armée syrienne «a largement repris l’initiative sur le terrain et a obtenu d’importants résultats, qui seront bientôt mis en lumière.»

 « Les groupes armés financés par l’étranger ont reçu des coups sévères récemment, » a ajouté Assad.

« Les Etats-Unis ne sont pas prêts pour une solution à l’heure actuelle. » Il a estimé que la Russie restera son alliée. « C’est elle-même qu’elle défend, et non pas le régime syrien, a-t-il poursuivi, soulignant que «nous ne nous écarterons pas des articles de l’accord de Genève ».

Ces positions ont été relayées à Al-Akhbar par des Arabes qui ont effectué une visite au palais présidentiel et qui étaient intéressés à avoir un témoignage de première main sur les rouages décisionnels en Syrie, et en particulier sur le président lui-même.

Un de ces visiteurs est resté assis près d’Assad pendant plus de trois heures. Il a déclaré à Al-Akhbar que même s’il n’est pas trop influencé par la propagande anti-Assad, il a quand même été étonné de ce qu’il a vu et entendu. Le président tient des réunions régulières au palais al-Rawda à Damas. Son équipe gère ses activités comme à l’habitude. Au plan personnel, l’homme semble calme et avoir le contrôle. Il est à l’évidence confiant. Il y a aussi la nouvelle de la grossesse da son épouse Asma, qui n’a pas pu être abordée comme si c’était une simple affaire personnelle dans un couple.

Sur le plan personnel comme politique, Assad surprend ses hôtes «par sa lecture complexe de la situation à ce stade.» Cette observation a été répétée par plusieurs personnes qui l’ont vu récemment. Il parle «des provinces syriennes dans leurs moindres détails. Ses informations portent sur une rue ici et sur les nouvelles d’un petit quartier là. Les rapports qu’il reçoit sont complets, même quand ils ne sont pas à son goût.»

Selon ses visiteurs, “Assad est tout à fait conscient des efforts internationaux pour résoudre la crise en Syrie.” Certains le signalent en disant que «s’il n’en était pas ainsi, l’Etat n’aurait pas pu survivre aussi longtemps, l’armée arabe syrienne n’aurait pas maintenu sa cohésion. “

Assad, ainsi que ses visiteurs l’ont dit à Al-Akhbar, affirme que “l’armée a largement repris l’initiative sur le terrain, obtenant d’importants résultats en plus de ceux qu’elle avait obtenus ces 22 derniers mois. Elle a mis fin au contrôle par les combattants [de l’opposition] de gouvernorats entiers, restreignant leur champ d’action à des zones frontalières avec la Turquie principalement, et avec le Liban et la Jordanie dans une certaine mesure. Il y a aussi quelques poches dans la campagne près de la capitale qui sont en cours de traitement par l’armée. La capitale Damas est dans une meilleure situation. Ses points stratégiques – malgré les tentatives des militants – sont restés sûrs, la route de l’aéroport tout particulièrement. “

S’arrêtant sur ce qui s’est passé au camp de réfugiés Palestiniens de Yarmouk, près de Damas, Assad explique que le camp a valeur de symbole, ce qui a incité le gouvernement syrien à ne pas prendre la décision d’affronter les militants qui en avaient occupé une partie. Le règlement de la situation à Yarmouk avait été laissé aux factions palestiniennes, à charge pour elles de prendre des initiatives pour une solution acceptable par les autorités syriennes.

Le président Syrien a été interrogé par ses visiteurs sur les propos qu’il avait tenus au meeting tenu à l’Opéra sur son “refus de laisser la Syrie se transformer en hôtel“. Il a répondu en disant qu’il ne voulait pas s’attarder sur ce débat  mais qu’il avait “été blessé par ceux qui auraient dû témoigner que nos relations avec les factions palestiniennes n’ont jamais été basées sur la religion ou l‘appartenance confessionnelle.“

Ils sont au contraire devenus des témoins mensongers, soutenant que l’Etat syrien agit de manière sectaire. La logique veut que nous nous attendions à ce qu’ils disent la vérité. Nous comprenons les contraintes de certains d’entre eux et nous aurions accepté qu’ils gardent le silence s’ils étaient dans l’incapacité d’être des témoins sincères. “

Le président Syrien a déclaré qu’en dépit des positions adoptées par les dirigeants de certaines factions palestiniennes, “La Syrie qui a payé le prix fort avec l’argent et les maigres ressources de son peuple pour soutenir la résistance palestinienne, ne réduira pas ce soutien. “

Assad affirme que “ce que l’armée syrienne a réalisé ces dernières semaines apparaîtra bientôt à la lumière. “Il donne quelques détails qui peuvent être pris comme indicateurs d’un “réel changement de la situation sur le terrain. Par exemple, il y a 15 000 habitants qui sont rentrés volontairement à Homs. Le peuple syrien en a déjà assez de ces déviants qui ont détruit ses rues, ses maisons et ses commerces. “

Assad pense que la “fermeture des frontières aux armes et aux trafiquants pourrait résoudre le problème en deux semaines, parce qu’alors, les sources pour les armes et l’argent seraient éliminées.“

Il a dit à ses visiteurs que “les groupes armés financés par l’étranger ont reçu des coups sévères récemment. Ce développent croise une autre évolution à l’étranger, la plus importante étant l’inclusion du Jabhat al-Nusra dans la liste des organisations terroristes, qui sera suivie par d’autres mesures qui conduiront à l’élimination de la totalité de cette branche d’al Qaïda. “

Assad pense que les Etats Unis ne sont pas prêts pour une solution actuellement. Il pense que la Russie va continuer à le soutenir. “C’est elle-même qu’elle protège, pas le régime syrien, “ a-t-il expliqué, soulignant que “nous ne nous écarterons pas de l’accord de Genève. “

Il a souligné que la Syrie continuera à coopérer avec l’envoyé de la Ligue Arabe et de l’ONU, Lakhdar Brahimi quoique “ce dernier a paru, lors de sa dernière visité à Damas, quelque peu influence par la champagne médiatique contre la Syrie.”

Les visiteurs d’Assad ont soutenu que Brahimi avait suggéré que le président démissionne au cours de la phase de transition sur la base du fait qu’aucun président n’aura de pouvoirs importants pendant une telle période. Mais le président a “fait objection et expliqué [à Brahimi] à sa façon que ce qui résoudra la crise en Syrie est la situation sur le terrain qui est chaque jour plus favorable au régime“.

Aujourd’hui, selon ses visiteurs, Assad suit les développements de la guerre qui se déroule dans son pays. Il estime avoir été en mesure de surmonter les étapes les plus difficiles et les choses seront bientôt claires. Il insiste sur le besoin «d’arrangements logistiques pour la phase suivante. Il y a un plan pour le retour des réfugiés dans leurs régions et dans leurs maisons qui sera annoncé en temps voulu et il y a d’autres plans pour la reconstruction.»

Une solution négociée en Syrie signerait l’échec stratégique d’Erdogan

27 décembre 2012

L’actuelle mission de Lakhdar Brahimi à Damas, avant un déplacement à Moscou, où il rejoindra peut-être le vice ministre syrien des affaires étrangères syrien serait un signe fort, selon le journaliste turc Semih Idiz, qu’une solution négociée à la crise syrienne serait en vue.

Semih Idiz

Semih Idiz

Selon Semih Idiz, les gouvernements russe et américain seraient tombés d’accord sur une formule de transition sous la direction de l’actuel chef de l’Etat dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale.

Tous les obstacles ne sont cependant pas levés, que ce soient ceux que représentent les irrédentistes qui ne rêvent que de prendre le pouvoir par la force et de pendre haut et court Bachar al Assad ou celui que représente le positionnement de la Turquie.

Semih Idiz exhorte donc son gouvernement à abandonner sa vision idéologique pour adopter une position pragmatique en phase avec les choix des grandes puissances puisque son pays n’est plus au cœur du jeu diplomatique et n’est pas loin de devenir un partenaire encombrant pour les Etats Unis.

Si le scénario envisagé par Semih Idiz se concrétise, ce serait un grave échec pour la diplomatie de la Turquie qui pourrait être le dindon de la farce.

En effet, après avoir incité et aidé à ravager la Syrie, la Turquie se retrouverait avec un voisin devenu hostile (et il n’y a aucune raison de penser qu’une bonne partie de l’opposition actuelle au régime syrien ne restera pas ou ne deviendra pas hostile à une Turquie qui aura montré son impuissance) après s’être brouillée avec ses voisins irakien et iranien.

Au passage, les Américains ont manœuvré subtilement pour que le gouvernement turc implore la mise en place de batteries antimissiles Patriot qui, sil elles auraient été d’un intérêt limité en cas de conflit ouvert avec la Syrie, seront par contre un atout important pour tout conflit armé d’ampleur qui opposerait les Etats Unis et/ou le régime sioniste à l’Iran.

La Turquie d’Erdogan rêvait de jouer dans la cour des grands, le dénouement de la crise syrienne lui rappellera peut-être son statut de simple pion pour Washington.

La Turquie ne doit pas devenir une force obstructive en Syrie

Par Semih Idiz, Hürriyet (Turquie) 27 décembre 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Quand on examine les dernières tentatives pour une solution à la crise syrienne, il est évident que la mission actuellement effectuée par Lakhdar Brahimi, l’émissaire conjoint de l’ONU et de la Ligue Arabe pour la Syrie, ne peut, de par sa nature même, être du goût d’Ankara. En fait, des sources au ministère des affaires étrangères en on fait savoir assez par des fuites dans la presse pour corroborer cette idée.

Lakhdar Brahimi et le vice ministre syrien des affaires étrangères Faisal Mekdad le 24 décembre à Damas

Lakhdar Brahimi et le vice ministre syrien des affaires étrangères Faisal Mekdad le 24 décembre à Damas

Comme je l’avais observé précédemment dans cette rubrique, Ankara en est venu progressivement, quoique avec réticence, à accepter que des éléments du régime actuel soient incorporés dans tout gouvernement de transition post-Assad. L’idée que Assad lui-même devrait faire partie de toute formule de règlement reste cependant exclue [par Ankara].

D’un autre côté, les informations dans la presse indiquent que la mission actuelle de Brahimi consiste à convaincre les parties syriennes à accepter un plan négocié par les russes et les américains qui prévoit un maintien au pouvoir d’Assad jusque en 2014, à la tête d’un gouvernement  de transition sur une base élargie, même si son mandat ne sera pas renouvelé après cette date.

Le principal aspect ici, n’est pas que ce plan envisage le maintien au pouvoir d’Assad jusqu’en 2014, ce qui est quelque chose d’évidemment difficile à avaler pour les tenants d’une ligne dure dans l’opposition syrienne, ceux qui ont transformé la crise en Syrie en guerre sectaire.

L’aspect principal est que Washington et Moscou se sont mis suffisamment d’accord entre eux pour être en mesure de proposer un plan de règlement commun.

J’ai soutenu en maintes occasions ici que tout règlement de la crise syrienne nécessitera forcément la coopération de ces deux membres permanents du Conseil de Sécurité. La rencontre de Dublin début décembre entre le ministre des affaires étrangères Lavrov et  la Secrétaire d’Etat Clinton avait semblé à l‘époque n’avoir débouché que sur un minimum d’accord sur la Syrie. La mission actuelle de Brahimi indique toutefois qu’on ne savait pas toute l’histoire.

Même si la Russie et les Etats Unis ont des intérêts stratégiques concurrents au Moyen Orient, un fait qui a été visible même pendant la crise syrienne, il existe des inquiétudes communes qui ont contraint finalement ces deux puissances à coopérer. La Russie avait fait valoir dès le début que la Syrie allait devenir un défouloir pour des djihadistes étrangers de toutes appartenances et avait en parie justifié ainsi son appui au régime Assad.

Washington, pour sa part, avait démarré avec une position voisine de celle de la Turquie, en entretenant un discours proche de celui d’Ankara, et avait donc considéré l’opposition syrienne comme une force unie résistant à un dictateur impitoyable et luttant pour la démocratie et les droits de l’homme.

Même si c’est sans aucun doute vrai pour certains éléments de l’opposition, le profil d’une partie des combattants anti-Assad indique clairement que leur objectif final ne peut pas être la démocratie ou les droits de l’homme mais d’une manière ou d’une autre, un régime théocratique sunnite et dictatorial sous la direction des Frères Musulmans.

C’est à l’évidence la raison pour laquelle Washington est intervenu pour élargi la base de l’opposition syrienne, avec l’idée d’isoler les éléments djihadistes, que ces derniers soient basés en Syrie ou ailleurs. Le soutien qu’apporte la Turquie à l’opposition dirigée majoritairement par des sunnites concerne cependant des éléments qui pourraient être considérés comme douteux aussi bien par Moscou que par Washington.

Plus encore, cependant, la mission de Brahimi montre une dois de plus que la Turquie n’est plus au centre des démarches diplomatiques visant à résoudre la crise en Syrie. Au contraire, elle se situe de telle sorte qu’elle pourrait à un moment être considérée comme une force d’obstruction essayant d’empêcher un accord qui ne correspond pas à la façon dont le gouvernement Erdogan voit l’avenir de la Syrie.

Le premier ministre Erdogan et le ministre des affaires étrangères Davutoğlu doivent cependant comprendre que l’avenir de la Syrie ne sera probablement pas modelé selon la vision idéologique qu’ils partagent, mais qu’il sera plus certainement basé sur des facteurs objectifs qui sont le résultat de la coopération entre les puissances incontournables du Conseil de Sécurité.

Washington et Moscou l’ont apparemment compris. Il serait temps qu’Ankara en fasse de même.