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128 bus de pèlerins Turcs refoulés par les autorités irakiennes

18 octobre 2012

En prenant position comme elle l’a fait sur le dossier syrien, c’est-à-dire en participant activement non seulement à la structuration politique de l’opposition au régime de Damas mais aussi à l’équipement et à la formation militaire des bandes armées qui sèment le chaos en Syrie, la Turquie a foncé tête baissée dans le piège que lui a tendu l’Occident.

Elle n’en sera récompensée ni par une accession à l’Union Européenne, ni même par un abandon définitif des projets de législation sur le génocide arménien.

En attendant, la Turquie doit assumer en grande partie le fardeau que constitue l’aide aux réfugiés de Syrie, pour la bonne raison qu’elle refuse de laisser les institutions internationales (ONU, Croix Rouge entre autres) administrer les camps de réfugiés (pour l’autre bonne raison que ce ne sont pas de simples camps de réfugiés, mais aussi des camps d’entraînement militaire) et son commerce avec la Syrie s’est réduit à presque rien, au grand dam des entreprises des régions limitrophes de la Syrie. L’impossibilité de faire transiter des marchandises destinées aux marchés jordanien et au delà saoudien ou koweïtien par la Syrie est aussi un problème sérieux pour l’économie turque.

A ces aspects s’ajoutent d’autres problèmes plus politiques qui sont autant de menaces pour l’unité de la Turquie.

Au niveau régional, les relations avec l’Arménie, déjà pas très bonnes sont devenues carrément exécrables, tandis que celles avec l’Iran sont passées de bonnes ou même chaleureuses à un niveau oscillant entre tiédeur et froideur.

Et puis il y a l’Irak, ce pays révélateur des contradictions de la Turquie. Ankara a prétendu entretenir de bonnes relations avec Bagdad tout en court-circuitant l’autorité centrale du pays afin de passer des accords dans le domaine pétrolier directement avec la province autonome du Kurdistan irakien.

Autant de choses qu’Ankara refuserait, même en rêve, pour les Kurdes de Turquie que l’armée et la police turques combattent sans relâche non seulement sur le sol turc mais aussi en territoire irakien.

Et le gouvernement turc le fait en fonction d’un «mandat » qui lui est attribué par le parlement… turc !

Ce mandat vient d’être renouvelé par les législateurs d’Ankara alors même que le gouvernement irakien a fait savoir qu’il s’opposait à ce  que l’armée turque intervienne sur son territoire.

Mais il n’y a pas de problème puisque :

le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu s’est entretenu lundi à Ankara avec des dirigeants Kurdes d’Irak pour obtenir leur soutien dans la lutte menée par les forces turques contre le PKK.

Je dirai seulement une chose aux dirigeants Turcs : à force d’actionner et de soutenir des forces centrifuges dans les pays voisins, vous récolterez ce que vous aurez semé, c’est-à-dire la mise en branle de ces mêmes forces dans votre pays.

En attendant, le régime irakien est furieux de tout ce qui se passe, aussi bien dans le Kurdistan qu’en Syrie où le dénouement de la crise pourrait s’avérer funeste en cas d’accession au pourvoir des poulains de la monarchie saoudienne. La recrudescence des attentats meurtriers attribués à des organisations pro saoudiennes n’est d’ailleurs qu’un avant-goût de ce qui attendrait alors l’Irak.

Les autorités irakiennes, sans doute lasses de ne pas être entendues par celles d’Ankara, essayent cependant de leur montrer que la patience a des limites. C’est ainsi qu’on apprend que 128 autocars transportant des pèlerins pour La Mecque viennent d’être refoulés alors qu’ils s’apprêtaient à entrer en Arabie Saoudite par le poste frontière d’Arar au sud-est de l’Irak.

les bus n’ont pas été autorisés à passer à Arar parce que les visas des passagers avaient été délivrés par les autorités régionales kurdes et non par le gouvernement central, ont déclaré des officiels.

Point de passage d’Arar

«Ni Ankara, ni l’ambassade turque à Bagdad n’ont contacté les autorités irakiennes à propos de l’entrée d’un aussi grand nombre» de personnes et «nous ne savons pas vraiment si ce sont des pèlerins,» partis pour La Mecque, a déclaré Mussawi [conseiller du premier ministre Irakien].

Pèlerins Turcs au poste frontière d’Arar. Ceux-ci ont les documents de voyage adéquats

Mussawi fait apparemment une allusion assez transparente aux pèlerins Iraniens capturés en Syrie par l’opposition armée et présentés par cette dernière comme étant en réalité des Gardiens de la Révolution.

Pour comprendre ce qui se passe, et ce que ne veut pas comprendre le gouvernement turc, il faut juste savoir admettre que les Kurdes ont un projet national et qu’ils divergent avant tout sur les modalités de sa concrétisation et sur qui doit en assumer le leadership. En nouant des relations étroites avec la province kurde autonome d’Irak, les Turcs ne font que renforcer une faction porteuse de ce projet national, et cette faction se retournera contre eux le jour où elle sera assez sûre de sa force.

Qu’on le veuille ou pas, le projet national kurde, sous sa forme actuelle, est antithétique avec le maintien de la carte de la région telle qu’elle a été fixée au lendemain de le 1ère guerre mondiale.

D’un autre côté, les Turcs devraient aussi savoir que le pouvoir de Bagdad dont la nature centrale reste bien théorique aspire de toutes ses forces à redevenir un véritable pouvoir central, exactement comme au temps de Saddam Hussein.

Ce pouvoir est chiite, nous dit-on. Et constitué de personnes hostiles à l’ancien régime irakien. La belle affaire ! C’est un pouvoir d’abord irakien au sens où il est de cette terre et de ce pays et qu’il ne peut que reprendre un projet sans lequel il ne sera plus question d’Irak.

Espérons quand même que le problème du passage des pèlerins pourra être résolu car ils ne sont sans doute que les victimes des agissements de leur gouvernement.

Syrie: les Arméniens lancent un avertissement à la Turquie

21 août 2012

Si le gouvernement turc ne s’est pas encore mordu les doigts de la façon dont il a réagi à la crise syrienne, ça ne saurait tarder.

En effet, après s’être brouillé avec l’Irak et l’Iran, avoir provoqué l’inquiétudes des importantes communautés alaouites et surtout alévies de Turquie, mis en difficulté économique toutes ses provinces du sud-est, voilà que les ressortissants Turcs sont pris pour cible au Liban par ceux qui n’acceptent pas que la Turquie œuvre main dans la main avec les organisations qui enlèvent des citoyens libanais en Syrie.

Et ce n’est pas tout puisque je n’ai pas parlé de la question kurde qui revient plus que jamais au devant des problèmes que doit affronter une Turquie complètement incohérente sur ce sujet : qui prétend régler par la force la question kurde en Turquie mais qui développe ses relations avec le Kurdistan irakien autonome comme si c’était un Etat de plein exercice et qui proteste contre l’autonomie reconnue par le gouvernement syrien aux Kurdes de Syrie.

Il y a là un véritable problème de logique.

De plus, la Turquie n’a apparemment pas l’intention d’assumer pleinement les devoirs humanitaires liés à une situation dont sa politique a contribué à l’aggravation : pas plus de 100 000  réfugiés Syriens en Turquie, faute de place !

100 000, ça peut paraître en effet beaucoup mais c’est bien peu au regard des millions de réfugiés que la Syrie a accueilli sur son sol depuis des lustres : réfugiés du Caucase, Algériens fuyant la sauvagerie coloniale française, Irakiens fuyant la barbarie de l’OTAN, Palestiniens victimes du sionisme et… Arméniens fuyant la répression turque à l’époque de ce qu’on appelle le génocide arménien.

Les Arméniens sont chers au cœur du gouvernement français comme on l’a vu avec la législation sur le génocide arménien qui avait déclenché la colère de la Turquie par ailleurs sur la même ligne que Paris sur le dossier syrien.

Vous me suivez ?

Oui? alors bravo ! parce que moi  je m’y perds.

Si l’Arménie est chère aux gouvernants français, elle l’est aussi aux yeux de l’Iran qui entretient des relations très cordiales avec cette petite république tandis que la Syrie est chère au cœur des Arméniens précisément pour l’accueil qu’elle a fait aux réfugiés Arméniens.

D’où ce problème supplémentaire pour les autorités turques avec un avertissement sans frais lancé par l’Armée Secrète pour la Libération de l’Arménie…

L’Armée Secrète pour la Libération de l’Arménie menace la Turquie

Par Anakhanim Hidoyatova, APA (Azerbaïdjan) 20 août 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Bakou – L’Armée Secrète pour la Libération de l’Arménie (ASALA) a publié une déclaration  sur la politique poursuivie par la Turquie ces dernières années.

Symbole de l’ASALA

“Tout aventurisme militaire ou toute atteinte directe ou indirecte par la Turquie à la sécurité et à la cohésion sociale de la communauté arménienne en Syrie fera l’objet de mesures de rétorsion [counter-measures]..

La politique hostile et de conspiration de l’Etat turc  contre les pays voisins a atteint son point culminant et a conduit la Turquie à un isolement total dans l’ensemble de la région.

La politique agressive contre l’intégrité territoriale de l’Irak, l’intervention militaire directe dans la crise sanglante en Syrie, la poursuite depuis plus de 20 ans du blocus imposé à l’Arménie, la politique de conspiration et à double-face à l’égard de l’Iran, les menaces incessantes contre l’intégrité territoriale de Chypre et de la Grèce et la multiplication des mesures répressives contre le peuple kurde ont transformé la Turquie en foyer de danger pour la stabilité dans la région.

Nous appelons les intellectuels Turcs et l’opinion progressiste en Turquie a regarder en face les pages sombres de leur histoire nationale et à condamner la politique constante de haine, de conspiration et de génocide contre les peuples voisins qu’a adopté le gouvernement de leur pays qui caresse le rêve d’une renaissance du régime ottoman sanguinaire. Cette politique ne fait qu’ntretenir et accroître l’animosité et l’hostilité entre la Turquie et les peuples voisins.

Nous exprimons notre solidarité avec tous les peuples de la région et nous déclarons que le peuple arabe décidera et façonnera seul son destin sans les larmes de crocodile et les attentions hypocrites des cercles dirigeants turcs, “ a rapporté le service de presse de l’ASALA.

La Turquie, l’Iran et les deux Azerbaïdjans

14 Mai 2012

On sait que l’Iran se trouve dans la région du Moyen Orient et entretient une frontière avec l’Afghanistan à l’est et l’Irak à l’ouest. On oublie ou néglige cependant trop souvent le fait que ce pays se trouve aussi aux marches du Caucase, une région  dont l’instabilité n’a rien à envier à celle des Balkans.

Ceci pour dire que l’Iran se trouve au cœur d’un jeu d’influences et de rapports de forces  complexe avec des risques évidents d’affrontements militaires. Ces rapports de force locaux s’insèrent aussi , pétrole et gaz obligent, dans les stratégies géopolitiques des grandes puissances, les Etats Unis en premier lieu.

Comme on l’a vu, un des foyers de tension dans la région a trait aux relations entre l’Azerbaïdjan et la Turquie d’une part et l’Arménie d’autre part. Ce dernier pays pouvant compter sur  l’amitié historique de l’Iran, république islamique ou pas.

En fait la qualité des relations entre l’Arménie est d’un tel niveau qu’un certain nombre d’Azeris s’en trouvent irrités au plus haut point.

On peut ainsi lire sur le site francophone d’une agence de presse azerie que :

Un groupe de jeune ont tenu le 11 mai vendredi des actions de protestation devant l’ambassade de l’Iran en Azerbaïdjan.

Un peu plus loin, on peut lire ce que reprochent ces jeunes au gouvernement iranien :

Mahmoud Ahmadinejad qui n’a parlé jamais au génocide commis par les arméniens contre les azerbaïdjanais à Karabakh, a déposé des fleurs sur le monument de génocide soi-disant arménien. Nous, les jeunes azerbaïdjanais ne donnerons pas la possibilité aux propagandes iraniennes dans notre pays.

Voilà, Mahmoud Ahmadinejad, le négateur de l’holocauste a déposé une gerbe de fleurs sur le monument dédié au génocide arménien à Erevan.

Pourtant Mahmoud Ahmadinejad n’ignore pas que ce geste a un poids symbolique incommensurablement plus faible que quelques minutes de recueillement en kippa à Yad Vashem. Ce que les Azeris semblent savoir également.

Et si Ahmadinejad est un laïc, on peut supposer d’après le slogan entendu à Bakou qu’il n’est pas le bienvenu en Azerbaïdjan :

«Les mollahs iraniens homosexuels n’ont pas de place en Azerbaïdjan !»

Charmant !

Ceci pourrait paraître un peu anecdotique et ne pas prêter vraiment à conséquence. Voire, parce que plusieurs millions d’Azeris  (les estimations varient de 15 à 30 millions !) vivent dans la région iranienne d’Azerbaïdjan . Et qu’il existe à Bakou des velléités d’unification de l’Azerbaïdjan en incluant la région iranienne qui porte ce nom dans l’actuel Etat azeri.

Je dirais que la situation est quand même gérable tant que d’autres puissances ne s’immiscent pas dans cette affaire.

Une période qui est sans doute en train de se terminer puisque la Turquie, sans doute moins par panturquisme que dans le cadre d’une mission attribuée par l’OTAN pour déstabiliser l’Iran vient de s’inviter dans les relations irano-azeries.

On peut ainsi lire dans le journal turc Zaman que :

Les Azeris Iraniens créent un conseil national en Turquie et aspirant à l’indépendance.

Ces indépendantistes Azeris se présentent cependant comme “indépendants” de puissances tierces:

Les Azeris Tucs ont aussi souligné pendant la conférence de presse – désireux sans doute de ne pas être associés à des intentions d’Israël ou des Etats Unis à l’égard de l’Iran –que leur recherche de l’indépendance n’a rien à voir avec une possible intervention militaire en Iran par les Etats Unis ou avec une frappe aérienne israélienne contre les sites nucléaires iraniens. Ils assurent que leur but est un rêve séculaire qui remonte à une époque antérieure à la fondation de l’Iran moderne en 1925 et est donc indépendante de toute autre initiative.

 Rien à redire ?

Ben si, parce que le Dr. Yasemen Karakoyunlu, responsable des études stratégiques de ce conseil azeri ajoute ce qui suit :

Si les Etats Unis ont des plans quelconques pour l’Iran, ils devraient en parler non seulement avec la Turquie et l’Azerbaïdjan, mais aussi avec les Azeris Turcs en Iran.

On nous dit certes que ces nationalistes Azeris critiquent les autorités d’Ankara parce qu’elles s’intéressent de près au dossier palestinien  (tiens, tiens !) pour lequel elles donnent de la voix mais ne s’intéressent pas à l’Azerbaïdjan iranien. Et qu’une première réunion de ce conseil national a été empêchée à Ankara les 12 et 13 mai par le gouvernorat d’Ankara suite à des « pressions iraniennes « .

Ils ont pourtant pu se réunir dans la même ville trois jours après et tenir une conférence de presse !

Or, il va de soi que si elles l’avaient voulu, les autorités turques auraient aisément pu interdire cette réunion et/ou la conférence de presse.

Alors, est-ce là un moyen de plus de mettre la pression sur Téhéran ?

 En tout cas, la Turquie joue dans la région un jeu extrêmement dangereux dont elle ne sortira gagnante qu’en rêve.

L’Arménie et l’Iran

26 avril 2012

A l’occasion de la commémoration par l’Arménie du ‘génocide’ que ce pays accuse la Turquie d’avoir commis, le journal espagnol ABC a eu la bonne idée d’interviewer l’ambassadeur d’Arménie en Espagne, Khorén Terterián.

Ce qui nous permet d’avoir un rare aperçu des prises de position de l’Arménie sur la crise qui oppose l’Iran au bloc occidental, entité sioniste incluse.

En fait, on découvre tout simplement que prise entre le marteau turc et l’enclume azerie, la république d’Arménie a tout à perdre d’une agression militaire contre l’Iran. En effet, si l’Arménie n’a que 35 kilomètres de frontières communes avec la république islamique, ce sont 35 kilomètres d’une importance vitale. Et l’Iran est par ailleurs un soutien de poids dans un environnement que le gouvernement arménien définit comme hostile.

A méditer.

Nous n’avons pas d’autre solution que d’avoir de bonnes relations avec Téhéran»

Les Arméniens commémorent leur «génocide» face à une Turquie influente et s’accrochent à leur volonté de se rapprocher plus de l’Union Européenne sans renoncer à leur amitié avec l’Iran.

Par Luis de Vega, à Madrid, ABC (Espagne) 24 avril 2012 traduit de l’espagnol par Djazaïri

 «Nous avons payé le prix pour garder notre langue, notre culture et nitre foi chrétienne,» affirme Khorén Terterián, chargé d’affaires de l’ambassade d’Arménie à Madrid, un pays qui commémore ce 24 avril le début du «génocide» par les Turcs entre 1915 et 1923. Les autorités d’Erevan, capitale de l’Arménie, estiment qu’environ 1,5 millions de ses nationaux furent massacrés. Ce chiffre et le fait que ce fut une extermination planifiée n’ont jamais été reconnus par Ankara qui parle de 300 000 morts.

Le poids de plus important de la Turquie dans les relations internationales représente un frein important pour les aspirations arméniennes à la reconnaissance de ces faits. La volonté de ces deux pays d’être admis dans l’Union Européenne (UE) ne semble pas être un argument suffisant pour que leurs positions de rapprochent même à minima.

A cheval entre l’orient et l’occident et sans façade maritime, cette ancienne république soviétique marquée aujourd’hui par les conflits avec ses voisins, la Turquie et l’Azerbaïdjan avec lesquels les frontières sont fermées. Avec le premier pays, le conflit porte sur la négation du génocide et avec le deuxième, sur l’enclave du Nagorno Karabakh, peuplée majoritairement d’Arméniens mais que l’ONU reconnaît comme azerie en dépit d’une indépendance autoproclamée il y a une dizaine d’années pendant la guerre de 1991 à 1994.

Ce qui oblige l’Arménie à dépendre de la Géorgie au nord, pour avoir accès à la mer Noire et, surtout, de l’Iran au sud qui est devenu, nonobstant les différences religieuses – les uns sont Chrétiens et les autres Musulmans – le principal soutien des Arméniens à l’international, comme le reconnaît Terterián. «En dépit des sanctions, nous n’avons pas d’autre solution que d’avoir de bonnes relations avec Téhéran,» explique le chargé d’affaires pendant un entretien accordé à ABC dans lequel il  observe clairement que la fermeture  des frontières avec ses voisins met son pays à très rude épreuve.

 «Les Etats Unis le comprennent, » répond le diplomate à la question sur les relatiosn de son pays avec les ennemis du régime des ayatollahs. Terterián reste très prudent quand il évoque le climat qui assombrit la région à cause des pressions dur le programme nucléaire iranien qu’il considère comme ayant des fins « pacifiques,» alors que Washington est également un soutien importants pour son pays.

 «Nous ne voulons pas de problèmes dans la région, et encore moins en Iran, » dit-il, sans cacher une certaine préoccupation. «Nous attendons la conclusion d’un accord avec les responsables du programme nucléaire sans un recours à la force qui serait désastreux pour nous,» ajoute-t-il. Vous imaginez qu’on ferme notre frontière avec l’Iran ? » questionne-t-il en parlant de ces 35 kilomètres essentiels pour son pays.

Le jeu compliqué des alliances internationales dont dépend l’Arménie amène également le diplomate à ,e pas se mouiller par rapport au conflit en Syrie. «Question difficile,» admet-il. Moscou, dont la position est qualifiée de «positive» est un autre des piliers dont dépend ce petit Etat de 30 000km2 et de trois milliosn d’habitants, mais qui compte avec une importante diaspora. Mais sa défense de la Russie, fervent allié de Damas, ne l’empêche pas de se positionner sur plusieurs tableaux : « Nous saluons la position de l’Union Européenne et le plan Annan avec ses observateurs pour arrêter les combats. »

 L’Arménie a gagné une petite bataille avec la reconnaissance en 2001 du génocide par la France où vivent plusieurs centaines de milliers de personnes d’origine arménienne. Nicolas Sarkozy a impulsé tout récemment un projet de loi pour faire de la négation du génocide un délit, au risque de nuire à ses relations avec la Turquie. Le chargé d’affaires Arménien à Madrid n’exclut pas l’idée que ce pouvait être un moyen pour le président de s’attirer des votes en vue de sa réélection ou encore d’un message pour Ankara : «Si vous voulez faire partie de l’UE, comportez vous comme des Européens.»

  «Personne ne doute de l’holocauste [des Juifs, NdT] et l’Allemagne est vue comme un pays civilisé qui, en outre, entretient de bonnes relations avec Israël, » conclut-il.

Comment le lobby sioniste tient la Turquie

12 décembre 2011

Dans les paramètres qui dictent la conduite de la diplomatie turque, il en est un et non des moindres que j’ai omis, c’est la question du génocide arménien.

J’en avais déjà parlé pourtant sur ce blog.

Sans prendre position sur l’adéquation du terme génocide pour qualifier ce qu’ont subi les Arméniens au début du siècle dernier, il faut cependant se rappeler que la Turquie craint énormément l’adoption par les Etats Unis d’une législation qui la sommerait de reconnaître avoir perpétré un tel génocide.

Une telle législation n’aurait bien entendu pas pour but de mettre un point final à un livre d’histoire mais signerait plutôt le début de gros ennuis pour la Turquie qui se verrait obligée d’abord de réécrire justement ses manuels d’histoire.

Mais ce n’est bien sûr pas la conséquence la plus importante d’une législation américaine sur le génocide arménien. Une autre conséquence serait en effet que le gouvernement turc se trouverait tôt ou tard mis en demeure d’indemniser les familles des victimes arméniennes et, pourquoi pas, devoir à terme faire face à des revendications territoriales  sur la partie de l’Anatolie autrefois peuplée d’Arméniens.

De bien sombres perspectives que la Turquie a toujours pu s’épargner autant grâce à son rôle éminent dans l’OTAN que par le précieux soutien du lobby sioniste.

Les sionistes ont en effet toujours marchandé ainsi leurs relations avec la Turquie : maintien d’une politique conforme aux intérêts de l’entité sioniste de la part d’Ankara en échange du blocage des efforts arméniens pour obtenir que les députés US adoptent une législation contraignante sur le génocide arménien.

Il y a bien eu un moment de flottement qui a vu le lobby sioniste faire mine de pencher en faveur d’une telle législation, mais tout est finalement rentré dans l’ordre et c’est bien le signe qu’en dépit de ses gesticulations, le gouvernement turc ne fera rien de sérieux contre l’entité sioniste alors qu’il fait feu de tout bois contre les autorités syriennes.

David Boyadjian nous en dit plus sur les déboires des Américains d’origine arménienne face aux organisations sionistes.

Face à l’histoire, l’Anti-Defamation League et le Silence des Agneaux

Par David Boyajian,HETQ (USA-Arménie) 6 décembre 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

L’hostilité de l’Anti-Defamation League à l’égard des Arméno-Américains n’est pas un secret. L’ADL et son directeur national, Abraham Foxman, ont collaboré avec la Turquie pour nier le génocide arménien et faire échec à la résolution du Congrès sur le génocide arménien. Ce fut donc un choc d’apprendre que Facing History and Ourselves (FHAO), une organisation nationale d’éducation à l’holocauste et aux droits de l’homme dont le curriculum comprend le génocide arménien, allait être « partenaire » de Foxman pour le groupe de discussion sur « le nouvel Antisémitisme » organisé par l’ADL le 7 novembre 2011 à Boston.

Alertés par une lettre ouverte à FHAO écrite par un Arménien, de nombreux Arméniens ont exhorté cette organisation à annuler son partenariat avec Foxman. J’ai interpellé moi-même à FHAO, sans succès.

La lettre type de FHAO

FHAO a au contraire répondu aux Arméno-Américains par une lettre type qui soutenait hypocritement que Foxman avait reconnu le génocide arménien. FHAO ne s’était même pas fatigué à répondre sur l’opposition hypocrite de l’ADL à la résolution sur le génocide arménien, que Foxman continue à qualifier de «diversion contreproductive.»

Même si la fameuse déclaration du 21 août 2007 de Foxman mentionnait le « mot en G » [génocide], elle impliquait aussi que les morts arméniens de 1915 étaient une « conséquence » de la situation de guerre plutôt qu’intentionnelles. Le critère «d’intentionnalité» est justement ce que le droit américain exige pour considérer un acte comme relevant du génocide. Foxman le savait quant il a fait sa déclaration.

A l’instigation de militants des droits de l’homme de d’Arméno-Américains, une dizaine de villes du Massachussetts et la Massachusetts Municipal Association avaient condamné les tours de passe-passe rhétoriques de Foxman et, en 2007 et 2008 – après la déclaration de Foxman – avaient cessé toute relation avec le programme de l’AFL «No Place for Hate» (pas de place pour la haine).

Lettre ouverte au Genocide Education Project

Une deuxième lettre ouverte (31 octobre 2011) a appelé l’organisation arménienne de San Francisco, le Genocide Education Project (GEP), dont la mission principale est d’éduquer au génocide arménien, à demander à FHAO de renoncer au co-parrainage de l’événement organisé par Foxman.

Pourquoi GEP? Parce que son conseil consultatif et celui de FHAO se chevauchent : les professeurs Peter Balakian et Richard Hovannisian sont dans les deux instances. Et les dirigeants de FHAO, Adman Strom, fils du fondateur de l’organisation, et Jack Weinstein figurent dans le conseil consultatif de GEP

J’ai contacté GEP qui a répondu qu’elle déciderait de la marche à suivre et me recontacterait. Elle ne l’a jamais fait. D’autres Arméniens ont aussi exhorté GEP à demander à FHAO de ne pas coopérer avec Foxman.  J’ai fait par la suite une autre tentative pour contacter GEP, sans succès. Finalement, GEP a gardé le silence. GEP devait des réponses au public concerné. Le silence appelle la spéculation. GEP craignait-elle de perdre ses bonnes relations avec FHAO ? Si oui, une organisation arméno-américaine devrait-elle collaborer avec ce genre d’organisations si ça l’empêche de s’exprimer ?

Heureusement, la Coalition to Recognize the Armenian Genocide, composée de Juifs et d’Arméniens, a saisi l’occasion. Pendant la manifestation organisée par l’ADL, elle a distribué des tracts invitant « toutes les organisations et tous les officiels à se détourner de l’ADL jusqu’à ce quelle reconnaisse sans équivoque le génocide arménien » et qu’elle « cesse de faire pression contre » la résolution sur le génocide arménien.

Des questions et des problèmes intéressants sont soulevés par ce triste spectacle du partenariat FHAO-ADL et du silence de GEP.

Les droits de l’homme comme paravent

Si une organisation reconnait, et même informe sur le génocide arménien, cette reconnaissance repose-t-elle sur des principes et est-elle consistante ? Où est-elle surtout un moyen pour cette organisation de faire avancer ses propres objectifs ?

Nous savons après tout, que des organisations se servent des droits de l’homme ou de l’éducation sur le génocide pour masque leur propre agenda. L’ADL en est un exemple.

L’ADL a de nombreux programmes aux noms “politiquement corrects”  et qui sonnent bien : « Pas de Place pour la Haine », «Lutter contre les brimades,» «Faire valoir la Diversité», «Les Différences sur le Lieu de Travail,» « récits de l’histoire des gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels» et autres. Ces programmes, avec leurs importants financements et le prestige qu’on leur attribue, ont permis à l’ADL d’entrer dans des centaines d’écoles élémentaires, lycées et facultés publics, d’entreprises et administrations publiques (FHAO a, incidemment, plusieurs programmes semblables à ceux de l’ADL). Eduquer aux droits de l’homme n’est cependant pas le véritable but de l’ADL. Les programmes de l’ADL sont juste un moyen détourné pour instiller de la familiarité avec elle-même, les préoccupations du peuple juif, l’holocauste et Israël.

Comment pouvons-nous le savoir? Parce qu’aucune véritable organisation des droits de l’homme ne pourrait jamais collaborer aussi étroitement – comme l’ADL l’a fait – avec un gouvernement turc qui viole les droits de l’homme et nie le génocide arménien pour mettre en échec une résolution du Congrès sur le génocide arménien, alors même que cette organisation plaide au Congrès pour la reconnaissance de l’holocauste [juif] et pour des indemnisations.

Et devons-nous respecter le “tabou” qui interdit de critique des organisations juives comme l’ADL, même quand elles sont nos adversaires déclarés ?

Ce tabou pourrait expliquer la réticence, il y a trois ou quatre ans, de beaucoup de dirigeants et d’organisations politiques et d’universitaires arméno-américains, particulièrement sur la côte ouest à imiter la très réussie et internationalement reconnue campagne du Massachussetts (www.NoPlaceForDenial.com) contre le biais anti-arménien de l’ADL.

Quand les leaders Arméno-Américains s’abstiennent de critiquer d’influents adversaires, défendent-ils les intérêts de la communauté ou les leurs ?

Une autre question. Quand un individu reconnaît le génocide arménien, cette reconnaissance est-elle basée sur des principes et est-elle consistante ? Où n’est-elle qu’un moyen pour faire avancer ses propres intérêts ? Les responsables politiques en sont les exemples les plus évidents.

Le leurre du génocide

Le candidat à la présidentielle Barack obama reconnaissait le génocide arménien et promettait de le reconnaître une fois élu. En conséquence, il avait obtenu le soutien d’Arméno-Américains. Une fois à la maison Blanche, il a vite oublié sa promesse. Et voyez Jane Harman qui, en tant que parlementaire avait soutenu la résolution sur le génocide avant de malhonnêtement la vider de son sens. Et puis il y a Richard Gephardt, qui avait été à un moment chef de la majorité à la chambre des représentants. Il avait même pris la parole lors d’une commémoration du génocide arménien à Capitol Hill. N’empêche, après avoir quitté le Congrès en 2005, Gephardt est devenu un consultant rémunéré pour la Turquie et a fait pression contre la résolution sur le génocide arménien qu’il soutenait auparavant. Et souvenez-vous de Samantha Power, la prétendue spécialiste du génocide et «amie» des Arméno-Américains.

Résistance à la critique

Il y a trois ans, Samantha Power avait toit à fait publiquement exhorté les Arméno-Américains à voter pour Barack Obama parce qu’il reconnaîtrait notre génocide. Elle est actuellement à la Maison Blanche où elle dirige l’“Office of Multilateral Affairs and Human Rights” (son mari, Cass Sunstein, qui est un vieil ami d’Obama, est le « patron de la règlementation » auprès du président). Nous n’avons plus de nouvelles de notre « amie » Samantha depuis quelques années. A l’heure qu’il est, les organisations arméno-américaines auraient dû adresser quelques critiques la protectrice des droits de l’homme en Amérique. Mais non, elles sont aussi discrètes qu’elle. Cela doit servir de leçon au sujet de Power ou les motifs derrière la rhétorique et les promesses que n’importe qui d’autre fait aux Arméniens.

Et des intérêts particuliers, et non les intérêts supérieurs du peuple arménien, pourraient-ils expliquer pourquoi les « leaders » et organisations de la diaspora arménienne n’ont pas été plus nombreux à critiquer la corruption des membres du gouvernement et les oligarques Arméniens?

Les Arméno-Américains attendent de leurs organisations et de leurs dirigeants politiques qu’ils se fassent entendre avec force quant nos intérêts sont en cause. La crainte de déplaire à ceux qui nous blessent est une pauvre excuse.

La Turquie et le nouvel ordre au Moyen Orient

19 octobre 2011

Le propos de ce blog n’est pas vraiment de vous livrer mes analyses, ou plutôt mon analyse se lit dans les choix de textes que je vous présente.

Je vous propose donc un texte de Tarık Oğuzlu un professeur Turc de relations internationales qui permet de mieux comprendre la vision qu’a son pays de l’avenir du Proche Orient. L’article est publié dans Zaman, un journal proche du parti actuellement au pouvoir à Ankara.

Je n’ai pas pu résister à la tentation d’ exposer les réflexions que m’a inspirées son papier. Ne vous gênez cependant pas si vous préférez aller directement à l’article de Tarık Oğuzlu et vous dispenser de me lire.

L’action de la Turquie au Moyen Orient ou en Afrique du Nord peut sembler déroutante. Et elle l’est car elle tient compte de contraintes multiples liées autant à l’histoire de ce pays qu’à son positionnement au carrefour de plusieurs régions du monde : l’Europe, le Moyen Orient , l’Afrique du Nord et le Caucase.

Ainsi, après s’être opposé à une intervention militaire en Libye, le gouvernement de M. Erdogan a finalement décidé de s’impliquer dans le cadre  de l’OTAN.

Ailleurs, alors que la Turquie avait procédé à un important rapprochement avec l’Iran et la Syrie, les troubles qui agitent ce dernier pays ont entraîné une crise politique majeure entre les deux gouvernements et tendu par ricochet les relations avec l’Iran. Le feu vert donné par les autorités d’Ankara à l’installation sur leur sol d’un bouclier antimissiles de l’OTAN a accentué la brouille avec le gouvernement iranien.

Et pour corser le tout, le gouvernement turc, mécontent du refus des autorités sionistes de présenter des excuses officielles pour l’assassinat de neuf ressortissants Turcs qui se trouvaient sur le Mavi Marmara a expulsé l’ambassadeur sioniste à Ankara et suspendu (une mesure donc provisoire)la coopération militaire.bilatérale. Cette coopération se poursuit cependant dans un cadre…multilatéral.

On ne peut pas comprendre ces évolutions si on se contente de penser que Recep Tayyip Erdogan est un gentil islamo-démocrate qui a la cause palestinienne à cœur et qui fera tout pour la faire avancer.

M. Erdogan est certainement et sincèrement  très concerné par la cause palestinienne, comme sans doute l’écrasante majorité des Turcs, mais il est d’abord à la tête d’une nation et il agit avant tout en fonction de ce qu’il perçoit être les intérêts de son pays. Il ne faut pas oublier non plus qu’il doit composer avec des secteurs puissants de l’armée et de l’administration de l’Etat qui l’attendent au tournant pour le bouter hors du pouvoir, soit par la voie des urnes, soit s’ils ne peuvent faire autrement par un putsch.

En fait, Erdogan et son pays se trouvent dans des situations qui sont à la fois des atouts et des contraintes et l’amènent par moments à piloter à vue même s’il s’est fixé un cap stratégique tout à fait net.

Son adhésion à l’OTAN par exemple lui impose des contraintes qui s’opposent à un développement cohérent des relations entre Ankara et Téhéran. Or l’Iran est un partenaire économique prometteur pour la Turquie que ce soit pour l’approvisionnement énergétique que pour des échanges portant sur d’autres biens. Un partenariat solide avec l’Iran pourrait ouvrir la voie à une présence pourquoi pas conjointe dans un Caucase et une Asie Centrale où les cultures perse et turque sont étroitement imbriquées, voire en osmose.

Mais dans ce même Orient, dans l’ex URSS, la Turquie doit garder un œil sur l’Arménie avec laquelle le rapprochement reste délicat et entravé par le poids de l’histoire et  par les interférences de l’entité sioniste ou de puissances occidentales comme on l’a vu récemment avec les propos tenus par Nicolas Sarkozy à Erevan, la capitale arménienne. Et un conflit armé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan turcophone qui ne saurait être complètement exclu aurait forcément un écho important à Ankara.

Or la participation de la Turquie à l’OTAN lui éviterait d’être seule à faire face aux conséquences d’une guerre qui pourrait embraser toute la sous-région car il ne faut pas oublier que des communautés arméniennes existent au Liban mais aussi en Iran et que l’Azerbaïdjan est aussi une province iranienne..

A l’ouest, la Turquie demeure dans une amitié froide avec la Grèce pour des raisons historiques qui se traduisent par des contentieux sur le domaine maritime, une question très sensible quand on sait que le proche littoral turc est parsemé d’îles grecques. Sans oublier, bien entendu l’épineuse question chypriote qui envenime aussi les relations avec l’Union Européenne dont la république de Chypre est membre.

Là aussi, l’OTAN est une assurance contre une guerre opposant la Turquie et la Grèce.

D’une manière générale, l’OTAN est plus un atout qu’un inconvénient pour Ankara. Et l’OTAN a au moins autant besoin de la Turquie que cette dernière n’a besoin de l’OTAN.

Il n’en reste pas moins que la Turquie est maintenant à la croisée des chemins. Ayant accédé à une forme de démocratie représentative pluraliste, elle est en passe compte tenu de sa démographie et de son dynamisme économique d’accéder au rang de très grande puissance régionale aux plans politique, militaire et économique.

Mais les choses ne sont pas jouées car, pour concrétiser ce statut, elle comptait s’arrimer à l’Union Européenne qui aurait pu être l’instrument de son expansion économique et de la stabilisation définitive de ses institutions.

Le problème est que, en dépit de signaux contradictoires, l’UE ne semble pas vouloir de la Turquie qui est pourtant un des membres fondateurs du Conseil de l’Europe et dont Istanbul, la principale métropole, occupe un position géographique beaucoup plus occidentale que l’île de Chypre qui a par contre été admise dans l’UE.

La réponse d’Erdogan a été de réorienter les efforts de sa diplomatie vers le Moyen orient et l’Afrique du Nord, deux régions qui étaient autrefois largement intégrées dans l’empire ottoman.

Il faut dire que, tout comme l’Europe balkanique, le Moyen Orient est le cadre en quelque sorte naturel de la Turquie. Et que le mouvement diplomatique d’Erdogan avait en fait été précédé de celui des entrepreneurs, d’abord petits puis plus importants qui ont tiré parti d’un marché où les productions turques se sont avérées très concurrentielles et très demandées. Et comparativement aux autres pays du Proche orient ou à ceux d’Afrique du Nord, l’économie turque dispose de capacités techniques et ce compétences très supérieures.

Cette évolution économique correspond aussi à une évolution culturelle en Turquie qui voit l’Islam prendre de plus en plus de place dans la vie des gens sans pour autant mettre en cause l’Etat républicain ni même le caractère séculier de l’Etat. Plus largement, c’est la page du kémalisme au regard braqué vers l’occident qui se tourne doucement. Sur ce point, observons que la laïcité de la Turquie kémaliste est plus une fiction destinée à vendre le kémalisme en France qu’une réalité ; voyez par exemple les imams envoyés en France par le gouvernement turc, une pratique antérieure au gouvernement Erdogan.

Pour que la Turquie puisse durablement asseoir sa prospérité économique et sa puissance politique, elle a cependant besoin d’un environnement stable car sa prospérité n’est pas fondée sur les performances commerciales des marchands de canon qui profitent des guerres, mais plutôt sur la vente de produits agricoles, de biens de consommation et de prestations en matières de travaux publics.

Les pays les plus importants pour la Turquie sont connus : ce sont d’abord les pays avec lesquels elle partage une frontière et un cours d’eau , l’Euphrate, c’est-à-dire l’Irak, et la Syrie. Viennent ensuite l’Iran, et l’entité sioniste puis l’Egypte.

Or, en dehors de l’Iran, cette zone vit une instabilité chronique non dans le sens où les régimes politiques changeraient très souvent mais dans le sens où elle est depuis des années au bord d’un embrasement général avec, en attendant, l’éclatement d’affrontements armés très localisés mais dévastateurs, comme à Gaza et au Liban

La Turquie a longtemps pu s’accommoder de cette situation d’autant qu’elle privilégiait la relation avec l’entité sioniste qui lui fournissait à bon marché la technologie américaine dont a besoin son armée. Par ailleurs, la Turquie a des contentieux structurels avec ses voisins syrien et irakien, à propos des frontières avec la Syrie, et sur la question de la gestion de l’eau avec ces deux pays.

Mais cette situation qui privilégie le régime sioniste  ne satisfait pas la Turquie des commerçants et des entrepreneurs que représente l’actuel premier ministre Turc qui ne veut pas que son accès aux marchés soit pénalisé ou que ses investissements partent en fumée en fonction des caprices du régime sioniste.

Le gouvernement turc analyse donc le rôle du régime sioniste comme étant la principale source d’instabilité régionale. Il a par contre sous-estimé la fragilité interne de régimes comme le régime égyptien ou le régime syrien et la perméabilité des opinions ou de franges de la population aux réseaux d’influence des monarchies du Golfe. La Turquie avait  beaucoup misé sur le régime de Damas et ce qu’il est convenu d’appeler « le printemps arabe » l’a amenée à revoir ses positions. En effet, M. Erdogan ne veut pas d’une Syrie à feu et à sang et il considère que seul le pluralisme politique pourra éviter une plongée de la Syrie dans un chaos qui pourrait durer et dont elle subirait les contrecoups, via par exemple sa propre minorité arabe (syrienne pour partie) et/ou sa population kurde. Après tout, ne pourrait-on pas imaginer dans l’hypothèse d’une Syrie plongée dans l’anarchie une jonction des trois Kurdistans, irakien, syrien et turc ?

Un tel scénario entraînerait certainement une intervention militaire turque. Nous n’en sommes pas là, bien entendu.

Il reste que le ton de plus en plus ferme employé par le gouvernement turc à l’encontre du gouvernement syrien témoigne avant tout non du désir de la Turquie d’un changement brutal  de régime mais plutôt d’une crainte pour l’avenir et d’un conseil  ferme adressé à Bachar al-Assad de faire des réformes, au cas où son pouvoir survivrait aux événements en cours. Ce qui n’empêche pas la Turquie de tisser des liens avec l’opposition pour être prête dans l’éventualité où le régime baathiste serait emporté, sans pour autant apporter une aide de type militaire à ceux qui contestent l’autorité de Bachar al-Assad. De fait, ni la chute, ni le maintien du pouvoir en place en Syrie ne peuvent être exclus. Dans les deux cas, les liens tissés avec l’opposition au régime de Damas s’avèreront très utiles.

Pour l’instant, la Turquie a quand même du mal à trouver un interlocuteur crédible dans l’opposition syrienne qui est un patchwork de démocrates sincères, parfois naïfs, d’anciens pontes du régime ou de fondamentalistes de tout poil, clients de tel ou tel monarque du Golfe. Ces derniers n’ont aucune volonté de tester la sincérité des propositions réformistes du chef de l’Etat syrien.

Autant d’éléments qui expliquent une posture d’équilibriste dans laquelle la diplomatie turque a parfois  vacillé et failli tomber en indisposant par trop non seulement Damas mais aussi Téhéran. Un luxe que la Turquie ne peut en réalité se permettre pour des raisons économiques mais aussi stratégiques car l’Iran, comme on l’a dit, est aux marches du Caucase et peut parfaitement interférer avec les intérêts de la Turquie dans cette région tout comme elle peut être un atout pour la diplomatie turque. On doit insister encore sur la question kurde qui est le point commun  des deux pays de «l’axe du mal» avec le pilier oriental de l’OTAN.

Pour changer de région, il convient d’observer qu’en Libye, la Turquie s’est impliquée après avoir hésité mais s’est gardée d’avoir un rôle militaire offensif, pour au contraire s’attribuer le beau rôle quasi exclusivement humanitaire et elle tirera profit de la situation quelle  que soit l’évolution des choses dans ce pays.

Parce que la Turquie est de toute façon chez elle au Proche Orient et en Afrique du Nord qui sont un lieu naturel en quelque sorte pour le déploiement de sa puissance nouvelle en gestation. Quand Erdogan présente le système turc en exemple aux autres pays musulmans, il faut le prendre au sérieux et comprendre que la Turquie n’aura de cesse d’influer sur ces pays qui faisaient anciennement partie de l’empire ottoman. Pour des raisons historico-culturelles, c’est certain, mais surtout pour la bonne raison que c’est ce qu’il estime être l’intérêt de son pays.

Mais le premier ministre Turc n’ignore pas que rien ne sera vraiment possible tant que le conflit palestino-sioniste ne sera pas réglé ou en bonne voie de règlement.

La Turquie d’aujourd’hui apportera sa contribution à ce règlement parce qu’elle voit un obstacle dans les agissements du régime sioniste, là où  la Turquie kémaliste percevait au contraire  un avantage dans sa relation avec l’Europe et les Etats Unis.

Alors bien sûr, la Turquie ne va pas faire la guerre au régime sioniste. Mais pour comprendre ce qui se passe, il faut quand même se figurer que la Turquie a pris de sérieuses mesures de rétorsion à l’encontre de l’entité sioniste parce que cette dernière a refusé de s’excuser officiellement pour avoir perpétré le meurtre de neuf ressortissants Turcs embarqués dans un convoi humanitaire pour Gaza.

Ce qu’il faudrait ici chercher à comprendre, ce n’est pas pourquoi la Turquie insiste tant pour obtenir ces excuses, mais pourquoi le régime délinquant de Tel Aviv s’obstine à refuser de les présenter. D’autant que  nous venons de voir les autorités sionistes s’excuser auprès des généraux Egyptiens pour avoir assassiné récemment des militaires Egyptiens dans le Sinaï.

Cette différence de traitement nous renvoie au statut différent de l’Egypte et de la Turquie vis-à-vis du régime sioniste. Dans le cas égyptien, l’entité sioniste cherche à éviter un glissement de l’Egypte dans le camp hostile par une dénonciation des accords de paix bilatéraux. On a un moment cru que ce glissement allait s’opérer dans les premières semaines qui ont suivi la chute de Moubarak, mais tel n’a pas été le cas. La promesse des militaires Egyptiens de lever complètement le blocus terrestre de gaza n’a notamment pas été tenue pour des raisons sur lesquelles je ne m’étendrai pas.

Dans le cas de la Turquie, il en va autrement car ce gouvernement a évolué  vers une position hostile à l’égard du gouvernement sioniste. Ce n’est certes pas une position de belligérance, tant s’en faut, mais une sévère détérioration des relations avec un pays qui était un allié sûr. Du point de vue sioniste, présenter des excuses officielles à cet ami qui s’éloigne ne pourrait être que le prélude à de nouvelles exigences de ce puissant voisin, exigences qu’il deviendrait alors difficile de rejeter d’un revers de main. La Turquie est, ne l’oublions pas, la profondeur stratégique de l’entité sioniste qui a maintes fois utilisé son espace aérien pour se livrer à des agressions.

D’autre part, des excuses seraient un aveu de culpabilité dont des tribunaux pourraient se souvenir.

Le gouvernement turc sait tout cela  et il va maintenir la pression aussi sur le régime sioniste, allégeant cette pression éventuellement au gré de ses besoins politiques.

Mais le pli est pris car il découle d’une analyse stratégique et cette dernière diverge complètement de celle qui est faite par les stratèges de l’entité sioniste. Là où les sionistes veulent le statu quo, pour continuer à coloniser et subsister dans la peur indispensable à ce ghetto implanté en Palestine ; la Turquie a besoin de changements partout où  ils seront nécessaires à la réalisation d’une stabilité durable conforme à ses intérêts économiques.

Ce sont en fait deux images du Proche orient qui s’opposent : une vision turque d’un Proche Orient intégré [autour de la Turquie] et stabilisé avec des systèmes politiques représentatifs, une vision sioniste d’un proche Orient fragmenté agité de luttes internes avec une régulation par bombardements ou interventions militaires peu coûteuses en hommes et en argent.

Ces visions sont incompatibles. L’entité sioniste devra donc soit rentrer dans le rang de la normalité, soit disparaître d’une manière ou d’une autre. Comment ? Difficile à dire. Certainement pas par la guerre. Par exemple, le simple fait de se normaliser (hypothèse audacieuse je l’admets) entraînera fatalement la disparition de cette entité.

La Turquie et Israël interprètent différemment l’ordre qui émerge au moyen orient

Par Tarık Oğuzlu, Zaman (Turquie) 26 septembre 2011 traduit de l’anglais par Djazaîri

La récente crise des relations turco-israéliennes suite aux réactions diamétralement opposées des deux parties devant les conclusions du rapport dit Palmer de l’Organisation des Nations Unies ne peut être comprise isolément de la manière dont chacun lit l’ordre régional embryonnaire au Moyen-Orient. En un mot, il apparaît que la Turquie agit comme une puissance «révisionniste / aspirante [au leadership] »  tandis qu’Israël est un fervent « partisan du statu quo».

Il semble que la Turquie soit bien en avance sur Israël dans l’adaptation à la nouvelle dynamique régionale, particulièrement en ce qui concerne les implications régionales e ce qu’on appelle le « printemps arabe. » La Turquie est à la pointe des démarches pour établir un nouvel ordre au Moyen orient qui cesserait de considérer Israël comme un « acteur par nature au-dessus de la réprobation internationale et du droit international » ; qui ne verrait plus les Etats Unis comme le ‘gardien’ d’un ordre régional comme si les acteurs régionaux étaient incapables de résoudre leurs problèmes eux-mêmes ; et qui cesserait d’associer la région au pétrole, aux armes de destruction massive et au conflit israélo-arabe.

Alors que la Turquie plaide pour un nouvel ordre régional base sur un rôle actif et la responsabilité des acteurs régionaux et considère que la sécurité d’Israël ne pourrait être garantie que par la normalisation des relations d’Israël avec ses ‘ennemis’, Israël semble nettement préférer  l’idée que les Etats Unis continuent à agir comme garant de la sécurité territoriale israélienne.

 Vu de Turquie, il semble qu’une paix et une stabilité durables dans la région ne puissant se réaliser que si cette région n’est plus considérée comme un objet des intérêts occidentaux en matière de sécurité. Ni Israël, ni aucun autre acteur extérieur ne devraient continuer à définir le Moyen Orient dans une perspective instrumentale visant à ‘contenir’ et à ‘éliminer’ des menaces émanant de cette zone. Cette façon de penser ne ferait qu’empêcher les acteurs régionaux d’entrer mutuellement en relation à travers le prisme de la coopération. Les acteurs régionaux devraient être les sujets/acteurs de leur destinée plutôt que les objets des autres.

Avec l’évolution du printemps arabe, la Turquie a adopté la thèse selon laquelle un nouvel ordre régional ne peut être établi qu’en contribuant à l’institutionnalisation de la ‘démocratie représentative’ dans la région.  Ce qui permettrait non seulement de concrétiser des relations plus pacifiques et plus stables entre les acteurs régionaux mais aussi de placer les relations entre les puissances occidentales et les acteurs régionaux sur des bases plus saines. Il est vraiment ironique que la Turquie, un pays dont les lettres de créances occidentales ont été rudement mises à l’épreuve ces dernières années, apparait comme ayant pris la tête d’un ordre régional  au Moyen orient en sympathie avec l’Occident, tandis qu’Israël, un pays qui doit son existence aux puissances occidentales et a longtemps été vu comme le vrai défenseur des intérêts occidentaux en matière de sécurité régionale, semble aller à contre courant.

Un autre aspect ironique est que, alors que les Etats Unis ont dû s’exprimer ‘officiellement’ contre l’admission de la Palestine comme membre souverain des Nations Unies, il y a eu un niveau de plus en plus élevé de convergence entre Ankara et Washington sur de nombreuses questions figurant sur l’agenda moyen oriental.  La rencontre entre Obama et Erdogan en marge du sommet de l’ONU le confirme. De lui-même, le président Obama se serait probablement rangé du côté de la cause palestinienne aux Nations Unies.

Il faut noter que si la Turquie a osé prendre le risque de détériorer ses relations avec les régimes en place en Libye, en Syrie et en Iran en soutenant clairement les appels populaire pour plus de libertés, de bien-être et de dignité, Israël a opté pour une approche très prudente de crainte qu’un nouvel ordre régional basé dur le ‘pouvoir du peuple’ pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les  piliers traditionnels de la sécurité régionale, les relations d’Israël avec les Etats voisins et la légitimité de l’existence d’Israël.

Là où les dirigeants Turcs ont, en de nombreuses occasions, souligné l’importance croissante et la légitimité du ‘pouvoir’ du people, leurs homologies Israéliens ont mis en avant les risqué et les dangers des changements de régimes dans la région. Pour la Turquie, c’est au peuple dans la rue de ‘s’approprier’ le nouvel ordre et aux leaders qui émergent d’agir en rendant compte à leurs électeurs. S’appuyer sur des ressources naturelles, des institutions politiques répressives ou un soutien extérieur ne garantira plus la survie d’un régime.

Si la Turquie semble croire que la solution au conflit israélo-arabe est une condition sine qua non de la légitimité et de la viabilité de tout nouvel ordre qui pourrait émerger dans la région, Israël donne l’impression de penser qu’aujourd’hui est le plus mauvais moment pour engager des négociations directes avec les Palestiniens. Tandis que la Turquie envisage l’admission aux Nations Unies  d’un Etat palestinien indépendant/souverain comme un moyen d’échapper à l’actuel enlisement/ impasse du processus de paix, Israël tend à interpréter l’activité de lobbying de la Turquie en faveur de la campagne des Palestiniens pour entrer à l’ONU comme une action particulière de la Turquie pour punir Israël de son intransigeance sur la question des excuses [pour le meurtre des neuf passagers du Mavi marmara].

Alors que la Turquie considère la normalisation des relations entre les pays arabes et Israël comme vitale pour ce nouvel ordre, Israël tend à interpréter les efforts croissants de la Turquie pour obtenir une telle normalisation comme sapant la légitimité d’Israël et modifiant le rapport de force vis-à-vis des Arabes.

Du point de vue turc, il n’y a rien d’anormal à ce que la Turquie, une ancienne puissance impériale de la région, s’implique activement dans le règlement de la querelle israélo-arabe et présente en conséquence ses thèses dans les forums internationaux. Il n’est cependant pas question de dire que la Turquie court après des tentatives de reconstituer l’empire ottoman. Il faut au contraire comprendre que plus ma paix intérieure et la stabilité de la Turquie influent sur l’évolution de la région et plus la Turquie deviendra puissante en termes de pouvoir de convaincre comme de contraindre, et plus la Turquie sera intéressée par la façon dont les choses se passent chez ses voisins.

C’est de la simple realpolitik tout comme ce qui préside à l’élaboration des politiques étrangères er de sécurité en Amérique, en Europe, en Russie et en Chine.

 Assoc. Prof. Dr. Tarık Oğuzlu, Bilkent University Department of International Relations