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Sur la situation en Iran (Moon of Alabama)

2 janvier 2018

Un article perspicace de Moon of Alabama sur l’Iran et l’agitation qui semble s’être emparée de ce pays. Selon l’auteur, les protestations légitimes des couches défavorisées de la population contre la vie chère et d’autres problèmes comme la faillite de banques privées, ont été saisies comme une opportunité par de petits groupes d’agitateurs violents. En lien avec l’étranger, ces agitateurs ont lancé les slogans appelant à la fin du régime et même à la fin du soutien à la cause palestinienne. Des slogans que la presse occidentale s’est évidemment empressée de reprendre et de commenter.

Selon Moon of Alabama, nous sommes maintenant dans une phase où la contestation sociale a semble-t-il été apaisée, au moins momentanément, par l’affirmation par le gouvernement que les doléances sur les questions sociales seraient prises en charge. Un gouvernement qui a aussi rappelé que le peuple avait tout à fait le droit de manifester.

La place est maintenant occupée surtout par des émeutiers peu nombreux qui ne représentent en aucune façon une menace pour les autorités en place.

Le changement de régime ne viendra probablement pas des présents troubles. Mais comme le relève l’auteur, l’objectif est avant tout pour le lobby sioniste et son partenaire américain d’essayer de trouver un moyen d’enfoncer un coin dans le rapprochement entre l’Iran et l’Europe.

Comme on le sait en effet, Emmanuel Macron doit se rendre à Téhéran en octobre 2018 et une visite préparatoire du chef de la diplomatie française vient d’être reportée en raison de la situation en Iran.

Iran – Moins de manifestations – Plus d’émeutes – Les Etats Unis préparent la phase suivante

Moon of Alabama (USA) 2 janvier 2018 traduit de l’anglais par Djazaïri

Les émeutes et les manifestations en Iran en sont à leur 6ème jour. Alors que les médias « occidentaux » affirment que les manifestations se multiplient, je n’en vois aucun signe dans les différentes vidéos diffusées en ligne. Les protestations légitimes contre la hausse des prix, la faillite de banques privées et le budget néolibéral d’austérité du Président Rohani ont été très vite détournées par des bandes d’émeutiers. Ces bandes sont à l’évidence coordonnées depuis l’étranger par le truchement de diverses applications Internet, en particulier Télegram et Instagram:

Amad News, une chaîne sur Telegram semble avoir joué un rôle central dans la vague de protestations. Selon les témoignages, Rohollah Zam, un journaliste en exil, fils d’un clerc religieux réformiste, aurait fui le pays après avoir été accusé d’avoir des liens avec des agences de renseignement étrangères …

Le blocage des chaînes de contrôle [de l’action émeutière] spécifiques s’est avéré insuffisant :

Les logiciels spéciaux utilisés pour contourner les filtres du gouvernement pouvaient encore être téléchargés facilement. Et lundi, comme les autres jours, il y a eu des appels à manifester sur des médias en ligne et   sur des chaînes satellitaires en langue persane basées à l’étranger.

Le blocage des applications internet a été levé aujourd’hui.

Les manifestations de départ sur les problèmes économiques semblent s’être essoufflées après que le président Rohani ait confirmé le droit de manifester, reconnu les problèmes économiques et promis de les prendre en charge. En effet, il n’y a que peu de nouvelles vidéos montrant de véritables marches de protestation, mais on a une avalanche de vidéos d’émeutes, d’incendies criminels et de heurts avec les forces de police. La taille de ces protestations est de quelques centaines de personnes ou moins. Les contre-manifestations, exprimant la loyauté envers la république (non signalées dans les médias «occidentaux»), sont plus importantes que les manifestations antigouvernementales. Entre le 28 décembre et aujourd’hui, des manifestations et des émeutes ont eu lieu dans un total de 66 villes, mais seulement environ 30 villes ont vu des manifestations tous les soirs. Cela pourrait être le signe d’une certaine planification derrière les événements. Un changement quotidien des sites de l’agitation pourrait avoir pour but d’empêcher la police de se préparer.

Les groupes d’émeutiers sont entre 30 et 80 personnes plus quelques badauds autour d’eux. Ils semblent suivre une stratégie de type flash mob apparaissant ici et là pour disparaître à nouveau lorsque la police apparaît en force. Dans certaines villes, les émeutiers ont attaqué des postes de police, des locaux militaires et même volé des camions de pompiers. Certains des émeutiers essayent évidemment de mettre la main sur des armes.

Au total, seuls quelques milliers de personnes, majoritairement des jeunes hommes, semblent être impliqués. Des milliers de personnes protestent chaque semaine en Israël contre la corruption du Premier ministre Netanyahou. Au Nouvel An, plus de 1000 voitures ont été brûlées en France par des incendiaires. Rien de tout cela n’est en première page, mais quelques dizaines d’émeutes en Iran sont qualifiées de «révolution».

Le nombre total de morts parmi les « manifestations pacifiques » est maintenant de 21 (d’après mon décompte) dont au moins cinq policiers tués dans des attaques par des « manifestants » et deux civils qui se trouvaient là par hasard qui ont été renversés et tués par des émeutiers qui conduisaient un camion de pompiers volé. Six émeutiers ont été tués lorsqu’ils ont tenté d’attaquer un poste de police dans la ville de Qahderijan. Le gouverneur a affirmé que les assaillants étaient munis d’armes à feu.

La même fabrication de photos de grandes manifestations et de «preuves» de la brutalité du gouvernement que nous avions vu à propos de la guerre contre la Syrie est mise en œuvre dans le cas iranien. Des vidéos de manifestations en Argentine et à Bahreïn sont utilisées pour illustrer la réalité de grandes manifestations en Iran. Un tweet avec la vidéo de Bahreïn diffusée par un « journaliste » qui prétendait être en Iran a reçu plus de 17 000 re-tweets. Des vidéos d’Espagne ou même des scènes de films sont censées montrer la violence policière en Iran. Une vidéo d’un homme couché sur le dos et recevant des soins le présente dans un cas comme ayant été touché par un tir de la police tandis qu’un autre propagandiste prétend que l’homme a eu un arrêt cardiaque après que la police ait utilisé un Taser contre lui. On ne voit aucun signe apparent de blessure ou autre traumatisme. Le gars vient probablement simplement de s’évanouir.

L’organisation terroriste MEK (CNRI, OMK, Moudjahidine-E Khalq) a  » divulgué  » de faux compte rendus d’une réunion supposée du gouvernement qui, selon elle, témoignent de la panique du régime au face aux manifestations. Le gouvernement craindrait la chef de l’OMPI [ou MEK, Organisation des Moudjahidine du Peuple Iranien], Maryam Radjavi [l’organisation est établie en France, NdT]. Le MEK a payé des sommes importantes pour obtenir le soutien de politiciens, dont le Sénateur John McCain, à Washington et ailleurs. Pendant la guerre Irak-Iran, le MEK a combattu l’Iran aux côtés de l’Irak. Après que les États-Unis eurent envahi l’Irak, l’OMPI a été détenue dans des camps spéciaux sous contrôle américain. Selon un article publié en 2012 par Seymour Hersh, l’armée américaine a entraîné des combattants de l’OMPI aux États-Unis pour les former aux techniques de sabotage et d’insurrection. Ces gens sont profondément détestés en Iran, mais certainement pas craints. Leur engagement précoce dans les « manifestations » via leur site web et leurs opérations de propagande en Iran peut indiquer un rôle plus profond dans les émeutes

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Maryam Radjavi, leader des MEK ,et le Sénateur John McCain, un des principaux animateurs de la politique belliqueuse contre l’Iran aux Etats Unis

Les néoconservateurs habituels dans les médias américains plaident pour « plus d’aide » pour le « peuple iranien ». L’aide qu’ils veulent lui d’offrir est conçue pour aggraver la situation économique du peuple iranien.

J’ai déjà soutenu que le plan plus large des instigateurs de ces émeutes ne vise pas obtenir un «changement de régime» par la violence, mais à provoquer une réaction du gouvernement iranien qui pourrait alors être utilisée pour pousser les Européens à isoler à nouveau l’Iran. Ce plan est maintenant confirmé par un éditorial du Washington Post . Michael Singh du lobby sioniste à Washington écrit :

Si le régime recourt quand même à la violence, la réponse internationale devrait se concentrer sur l’isolement diplomatique. Les États européens et asiatiques devraient réduire leurs relations diplomatiques avec l’Iran et limiter la participation de l’Iran aux forums internationaux. Les sanctions peuvent aussi avoir un rôle …

Sans surprise, la rédaction néoconservatrice du WaPo est parfaitement synchrone avec le lobby:

Les dirigeants européens, qui ont été beaucoup plus prudents, devraient prendre la parole. … Dimanche [le président iranien Rohani] a reconnu que les manifestants avaient des griefs légitimes et a nominalement reconnu leur droit de manifester. L’administration Trump et les autres gouvernements occidentaux devraient viser à faire en sorte qu’il respecte sa parole par la diplomatie et la menace de sanctions en cas d’effusion de sang.

Au niveau qui est le leur actuellement, les émeutes ne mettent en aucun cas en danger la république iranienne. Si certains émeutiers acquièrent des armes, la situation pourrait se durcir un peu. Mais à moins de recevoir un soutien en matériel et en hommes de l’extérieur, comme ce fut le cas en Syrie, la situation devrait bientôt se calmer. Le peuple iranien est opposé à une telle violence et le gouvernement est très loin d’avoir mobilisé ses capacités multiformes.

J’avais déjà indiqué de manière documentée dans des publications antérieures que l’administration Trump, en étroite coopération avec Israël, s’est préparée depuis longtemps à l’intensification d’un conflit avec l’Iran. Il y a six mois, la CIA a mis en place un bureau spécial avec un faucon e matière de politique iranienne de haut niveau qui mène la charge. Le mois dernier, Trump a nommé un autre faucon « iranien » pour diriger la Direction Moyen-Orient du Département d’Etat.

Depuis que le peuple iranien a réussi le «changement de régime» en 1979, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont adopté une politique hostile à l’Iran. Elle a fluctué en intensité mais n’a jamais changé. Sous Trump nous allons assister à une augmentation rapide des actions hostiles. L’administration vient d’appeler à une session d’urgence de l’ONU sur la situation. C’est un geste risible quand on considère le nombre d’assassinats que les États-Unis et leurs alliés commettent quotidiennement au Yémen, en Syrie et en Palestine. Mais l’opération qui se déroule actuellement n’est probablement qu’une petite partie d’une stratégie anti-iranienne plus large ne se déploie pas encore ouvertement.

Sur la Syrie, l’opinion publique américaine préfère Vladimir Poutine à Hillary Clinton et Barack Obama

3 novembre 2016

On a ici un sondeur déçu par le résultat d’une enquête réalisée par son institut. En effet, alors même que le souhait profond de cet universitaire est que l’opinion publique américaine mette dans un même sac le président syrien Bachar al-Assad et Daesh, il se trouve la dite opinion publique, même exposée aux arguments classiques de l’impérialisme, préfèrent placer en tête de ses priorités la défaite de Daesh.

Et pire encore, cette opinion publique américaine aimerait que son gouvernement se rapproche de celui de la Russie pour une lutte plus efficace.

Le sondage est fait par un institut universitaire, ce qui a sans doute empêché l’auteur de ce papier d’en manipuler les résultats.

Les Américains détestent plus l’Etat Islamique que Poutine ou Assad. Voici comment sont structurées leurs préférences politiques

par Shibley Telhami, The Washington Post (USA) 1er novembre 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

Même si l’élection présidentielle aux Etats Unis n’a guère porté sur de réelles questions politiques, le conflit en Syrie et la lutte contre l’Etat Islamique ont figuré parmi les problèmes politiques sensibles souvent débattus pendant l’année écoulée par Donald Trump et Hillary Clinton. Si tous deux ont souligné la menace que représente l’Etat Islamique, ils ont divergé sur la manière concrète de lui faire face.

Une nouvelle enquête d’opinion sur les questions sensibles [critical issues] de l’Université du Maryland – conduite par Nielsen Scarborough auprès d’un échantillon représentatif au niveau national de 1528 électeurs inscrits avec une marge d’erreur de 2,5 % – apporte un éclairage nouveau sur la façon dont l’opinion publique américaine se positionne sur ces questions. Il s’avère que les Américains souhaitent mettre de côté les divergences avec la Russie pour unir les efforts contre l’Etat Islamique (ISIS dans l’enquête). Ce qui ne signifie pas que les Américains ont confiance en la Russie ou qu’ils aiment son président, Vladimir Poutine. En fait, les Américains n’aiment pas Poutine: les Démocrates l’identifient dans une réponse à une question ouverte comme étant la personne la plus détestée parmi les responsables politiques qu’ils soient américains ou étrangers tandis que les Républicains le considèrent comme la quatrième personnalité la plus détestée, tout près de Kim Jong Un mais loin derrière leurs cibles intérieures que sont le Président Obama et Mme Clinton.

Nommez SVP un dirigeant national ou étranger que vous détestez (répondants démocrates en bleu, républicains en rouge)

En dépit de l’expression de cette animosité à l’égard de Poutine, l’opinion américaine est encline à mettre de côté les différences avec la Russie pour affronter l’Etat Islamique, malgré même le fait que Moscou travaille aussi avec les opposants aux Etats Unis que sont le régime syrien du président Bachar al-Assad, le Hezbollah et l’Iran. Et alors que les Américains continuent à exprimer des réserves quant à une extension de l’engagement militaire US en Syrie, l’électorat de Trump exprime des vues beaucoup plus bellicistes non seulement par rapport à l’électorat de Clinton mais aussi par rapport aux déclarations de Trump.

Commençons par les attitudes à l’égard des relations avec la Russie sur la Syrie. Les Américains, quelles que soient leurs tendances partisanes sont d’accord sur une question : le degré auquel ils voudraient voir une plus grande coopération russo-américaine. Pour deux tiers des personnes interrogées, le niveau actuel de coopération est plus faible que celui qu’elles souhaiteraient, c’est le cas de 72 % des républicains et de 65 % des démocrates.

Dans l’ensemble, comment décririez vous le niveau actuel de la coopération russo-américaine dans le conflit syrien (les barres tout en bas correspondent à ceux qui la jugent insuffisante)

Après avoir rappelé aux personnes interrogées le fait que les Etats Unis et la Russie soutiennent des camps opposés dans le conflit syrien même si les deux pays veulent vaincre l’Etat islamique, nous avons demandé aux personnes quelle était la meilleure façon de vaincre l’Etat Islamique. Quelque 60 % – dont 2/3 des républicains et une majorité des Démocrates – ont indiqué préférer que soient mises de côté les divergences avec la Russie pour se concentrer sur la lutte contre l’Etat Islamique.

Quelle est selon vous la meilleure façon pour l’Amérique de combattre Daesh?

A l’évidence, un des facteurs qui sous-tend ces attitudes est le fait que l’opinion a identifié depuis des mois, dès novembre 2014,l’Etat Islamique comme étant la principale menace pour les intérêts américains. En fait, dans la présente enquête, la lutte contre l’Etat Islamique supplante même l’immigration et le déficit commercial comme priorité pour l’opinion américaine. Quand on leur a demandé de choisir leurs plus grandes priorités parmi un certain nombre de problèmes qui comprenaient la montée en puissance de la Chine et l’affirmation russe, la lutte contre l’Etat Islamique est arrivée en tête avec 53 % des répondants l’identifiant comme une de leurs deux plus grandes priorités.

Parmi les problèmes suivants, lesquels devraient être les plus grandes priorités des Etats Unis?

Cet accent mis par l’opinion publique sur la menace de l’Etat Islamique prime sur toutes les autres préoccupations, même celles qui portent sur l’assurance [retrouvée] de la Russie. Il devance aussi les inquiétudes du public relativement à Assad. Il est bien sûr possible que le public américain, distrait par sa campagne présidentielle, n’ait pas accordé suffisamment d’attention aux informations sur les bombardements de la Russie et di gouvernement syrien qui ont tué beaucoup de civils et détruit des hôpitaux. Il est aussi peu probable qu’une grande partie du public ait été informé des arguments selon lesquels Assad avait un intérêt à l’ascension de l’Etat Islamique afin de détourner les énergies locales et internationales qui se seraient, sinon, concentrées sut son éviction. Mais la crise syrienne dure depuis plusieurs années et les informations des médias américains se sont concentrées sur les atrocités et les réfugiés bien avant le début de la campagne électorale. Beaucoup d’Américains ont une aversion profonde pour Assad (il est classé sixième sur la liste des personnalités les plus détestées) et veulent voir un changement de régime en Syrie. Dans une question qui portait spécifiquement sur ce sur quoi ils aimeraient que les Etats Unis se concentrent en Syrie, 35 % des répondants disent qu’ils considèrent comme une priorité la défaite et la fin du régime Assad. Cependant 52 % considèrent que vaincre l’Etat Islamique est la première priorité contre seulement 2 % pour qui l’éviction d’Assad est la principale priorité.

Quel devrait être le premier objectif de l’engagement militaire américain en Syrie? (1 % des républicains et 3 % des Démocrates pensent que l’éviction d’Assad devrait être le premier objectif).

La préférence pour une coopération avec la Russie peut être aussi vue comme un choix entre deux mauvaises alternatives. Deux tiers des répondants craignent de donner un soutien militaire significatif aux rebelles syriens qui peuvent avoir dans leurs rangs des éléments islamistes autres que ceux de l’Etat Islamique ou d’al Qaïda. Même avoir présenté aux répondants une série d’arguments classiques pour ou contre l’envoi d’une importante force militaire terrestre américaine pour aider à vaincre l’Etat Islamique, 63 % des Américains restent opposés à une telle mesure.

Etes-vous favorable au déploiement d’importantes forces terrestres américaines en Syrie et en Irak pour combattre Daesh?

S’il existe un dossier solide pour soutenir que lutter contre Assad ou contrer la politique étrangère russe  devrait être au moins aussi important que combattre l’Etat Islamique – ou que la menace de l’Etat Islamique est peut-être exagérée compte tenu des autres priorités des Etats Unis dans le monde – cette enquête montre que les Américains ne l’ont pas entendu. Pour l’instant, confronter l’Etat Islamique l’emporte sur tout le reste, y compris l’hostilité à l’égard de Poutine et Assad.

Shibley Telhami est professeur titulaire de la chaire Sadate et directeur de Critical Issues Poll à l’université du Maryland Critical Issues Poll. Il est professeur associé à la Brookings Institution.

La Turquie, bazar à fournitures pour Daesh

29 octobre 2016

Je vous livre l’article tel quel: il parle d’un rapport de l’UE qui ne révèle que la pointe de l’iceberg du trafic qui permet aux ennemis de la Syrie d’équiper les factions terroristes, « l’Etat Islamique » (Daesh) en particulier.

Le bazar turc de l’Etat Islamique

Les djihadistes se procurent les plus de 700 composants pour la fabrication de leurs explosifs auprès d’une dizaine d’entreprises situées en Turquie

Par E. Urreiztieta/A. Escriva, El Mundo (Espagne le 29 octobre 2016 traduit de l’espagnol par Djazaïri

Un rapport de l’Union Européenne sur la guerre en Syrie montre la Turquie comme un grand trou noir – ou encore « goulot de bouteille » – lorsqu’il est question du contrôle de la fourniture des produits avec lesquels l’Etat islamique (EI ou Daesh) fabrique les IED (Engins explosifs improvisés ou bombes artisanales) utilisés en Syrie et en Irak. Même si les composants sont fabriqués dans d’autres pays, c’est par la Turquie que transite la plus grande partie des détonateurs ou des substances chimiques répertoriés dans le rapport et qui finissent entre les mains des islamistes (700 composants retrouvés dans des localités comme Kobané ou Mossoul). Les autorités turques n’ont cependant pas répondu aux questions posées par un organisme indépendant dont l’objectif était de retracer l’itinéraire des éléments avec lesquels les djihadistes assemblent leurs engins explosifs.

«Les autorités turques ont refusé de répondre aux demandes répétées d’informations et ont ainsi laissé les enquêteurs dans l’incapacité de documenter le circuit emprunté par plusieurs marques de cordeau détonant qui avaient transité par Ankara puis atteint Kobané en Syrie,  » lit-on dans le document que El Mundo a pu consulter. Et ce n’était pas un cas unique. Des entreprises iraniennes, libanaises, indiennes, japonaises, turques également ou encore autrichiennes ont ignoré les requêtes de l’Union Européenne pour qu’elles transmettent des données relatives à des matériels qu’elles ont fabriqué ou vendu et qui ont terminé, après être passés par les installations d’un ou plusieurs intermédiaires dans les stocks de l’EI. Ces réponses négatives ont rendu encore plus difficile le travail déjà compliqué de suivre les étapes de certains produits qui, ou bien ne nécessitant pas de permis pour la vente ou l’exportation, ou bien peuvent être employés pour un usage civil comme dans les mines ou l’industrie, ou encore qui, même s’ils nécessitent un certain type d’autorisation ne sont pas soumis à la même surveillance que les armes.

Les données restent néanmoins significatives : l’examen de 700 composants utilisés par l’EI dans la fabrication de ses IED a permis d’identifier 51 entreprises de 20 pays impliquées dans la vente , la production ou la réception de « matériel critique » qui est le terme appliqué pour qualifier certaines substances chimiques comme la pâte d’ aluminium, le nitrate d’ammonium ou l’ urée, le cordeau détonant, les détonateurs, les câbles, les roquettes, des sprays de vaseline [la vaseline entre dans la fabrication de certains explosifs, NdT], des téléphones mobiles ou des composants électroniques qui servent à l’ activation à distance.

Selon les chercheurs, « il n’y a aucune preuve suggérant un transfert direct entre les pays et les sociétés mentionnées dans l’enquête » vers l’EI. « Dans tous les cas identifiés, les producteurs ont cédé les composants légalement à des sociétés légales de négoce et de distribution. Ces sociétés, à leur tour, ont vendu à de plus petites entreprises commerciales qui apparaissent comme le maillon faible pour les personnes ou organisations soutenant ou associées à l’Etat islamique,  » lit-on dans le rapport.

Il s’ensuit que, pour les rédacteurs du rapport, la loi ne suffit pas. En fait, à ce stade, il y a un élément sur lequel ils attirent une attention toute particulière et qui leur permet de délivrer un certain nombre d’avertissements et de reproches importants. « Peut-être le résultat le plus important de ce rapport,  » disent-ils, « il a à voir avec la rapidité avec laquelle les forces de l’ EI peuvent acheter des composants pour leurs IDE . Ils peuvent le faire en un mois, ce qui en dit long sur l’insuffisance du contrôle par les gouvernements et les entreprises concernées « 

 «La seule exigence d’une licence ne suffit pas à empêcher l’acquisition de matériels tel que des détonateurs ou le cordeau détonant par l’EI », dénoncent-ils. Et ils soulignent : «Et on a trop peu conscience de l’utilisation potentielle qu’un terroriste peut faire de certains matériels accessibles aux civils. »

L’enquête a débuté en Juillet 2014 et a duré plus de 20 mois, jusqu’en Février 2016. Paradoxalement, les données recueillies n’ont pas empêché que, quelques semaines plus tard, le 18 Mars de cette année, les gouvernements européens ont convenu de laisser à la Turquie le la gestion de la destination des réfugiés fuyant la guerre en Syrie.

Selon les enquêteurs, après la prise de Mossoul en Juin 2014, l’EI a fabriqué et déployé « à une échelle quasi-industrielle des engins explosifs improvisés dans les territoires dont il s’était emparé..

La fonction de ces engins était de rendre plus risquée toute action offensive que ses ennemis voudraient entreprendre d’augmenter le risque d’une attaque de fonctionnement de leurs ennemis souhaitent à entreprendre et retarder le retour des populations déplacées. Les combats dans les villes irakiennes d’Al Rabia, Kirkouk, Mossoul, Tikrit et dans la ville syrienne de Ayn al-Arab ont permis de localiser l’emplacement des conteneurs et la collecte du matériel qui a été à la base de l’enquête et qui a été apporté par, entre autres institutions, la police fédérale irakienne,  le Conseil de sécurité de la province du Kurdistan et les Unités de Protection de Syrie [milice à dominante kurde].

Fûts de substances chimiques dans un dépôt de Daesh

Le résultat détaillé est révélateur : quand on parle d’activateurs chimiques, apparaissent sept sociétés turques, quatre irakiennes, et une pour chacun des pays suivants : Brésil, Roumanie, Chine, Russie, Belgique, Pays – Bas et Emirats Arabes Unis. Quant aux entreprises qui ont produit ou vendu du cordon détonant, deux sont turques, une libanaise et quatre Indiennes. Les détonateurs ont leur origine en Inde, en Autriche et en République tchèque, et les câbles dans quatre entreprises turques

Cependant, malgré les différentes nationalités mentionnés, le plus gros problème se trouve en Turquie, qui est considéré comme le «goulot d’étranglement» ou la zone grise de cette situation

« Sur les 13 sociétés turques identifiés, huit sont des intermédiaires qui ont redistribué des composants qui ont été fabriqués au Brésil, en Chine, en Inde, aux Pays-Bas, en Roumanie et dans la Fédération de Russie, » précise le rapport.

Dans le cas de l’Inde, « sept entreprises de ce pays ont fabriqué la plupart des détonateurs, des cordeaux détonants et des mèches. La réglementation indienne exige une licence pour ce genre de matériel. Tous les composants avec leurs papiers en règle ont été légalement exportés de l’Inde vers le Liban ou la Turquie, » peut-on lire. Ainsi, « les preuves suggèrent que les forces de l’EI se procurent les composants en Turquie et les transfèrent ensuite vers la Syrie et l’Irak. »

Un exemple tiré du rapport pourrait décrire ce qui se passe exactement quand les composants précités entrent en territoire turc. Les chercheurs ont détaillé le cheminement du contenu de certains dépôts découverts pendant la deuxième bataille de Tikrit, entre Mars et Avril 2015, et où la pâte d’aluminium avait été mélangée avec du nitrate d’ammonium pour la fabrication d’explosifs . Les étiquettes indiquaient que ces produits avaient été fabriqués par les firmes Aldoro au Brésil, Alba Aluminium en Roumanie et Sunrise en Chine.

Ces trois sociétés avaient vendu à trois sociétés turques sises à Istanbul. L’un des importateurs, Gultas Kimya, a répondu à l’UE qu’il vend seulement en Turquie, pas en Syrie ou en Irak, des marchés vers lesquels, comme l’ont reconnu certaines entreprises, le gouvernement turc a interdit l’exportation – ; qu’il n’a autorisé aucun de ses clients à réexporter la pâte d’aluminium qu’il avait importée; qu’il ne contrôle pas la revente par ses clients et qu’il ne connaît pas de loi qui l’obligerait à interdire à ses clients de revendre à des tiers .

La deuxième société importatrice a déclaré avoir vendu le produit à l’ Azerbaïdjan et la troisième, Metkim, a reconnu être incapable de déterminer à quel client elle avait vendu le matériel. De toute évidence, les auteurs du rapport ne pouvaient pas déterminer la «chaîne de traçabilité» de la pâte d’aluminium, tout comme ils ne pouvaient pas trouver – et dans le cas suivant, la Turquie n’était pas le pays de passage, comment a pu arriver dans un dépôt de l’EI à Kobané une grande quantité de cordeau détonant fabriqué en Inde , mais qui avait été d’abord dans les stocks du gouvernement syrien.

En ce qui concerne les composants électroniques que l’EI utilise généralement pour commander ses engins à distance, le chemin est différent. Par exemple, pour activer les bombes en Irak, les terroriste de l’auto-proclamé Etat islamique utilisent un modèle Nokia 105 type RM-908. Les mobiles  utilisés à cette fin  qui ont pu être saisis avaient été fabriquées en Suisse, au Japon et aux États-Unis, mais huit de ces dix appareils avaient été achetés par l’EI aux Emirats Arabes Unis et deux dans la ville d’Erbil, dans le Kurdistan irakien. Le rapport conclut en définitive à des failles juridiques et dans le contrôle, mais aussi, et ce n’est pas volontaire, l’extrême difficulté de restreindre l’utilisation de certains produits quand ils sont utilisés et fabriqués dans des dizaines de pays.

Selon l’archevêque catholique syrien de Mossoul, les puissances occidentales souhaitent que les Chrétiens d’Orient quittent leurs pays

20 août 2016

Chacun sait les malheurs qu’endurent les populations en Irak, et les Chrétiens en particulier.

En ce qui concerne ces derniers, beaucoup ont été amenés par la force des choses à quitter les régions où ils étaient enracinés depuis des siècles voire des millénaires ou même à abandonner l’Irak pour d’autres pays de la région ou vers l’Europe et le continent américain.

Cette situation est due, ainsi que l’observe l’archevêque de Mossoul Yoanna Boutros Moshe, à l’intervention militaire anglo-américaine qui a non seulement renversé l’ancien chef de l’Etat Saddam Hussein mais surtout détruit l’armature de l’Etat irakien livrant ainsi le pays à une anarchie dont la minorité chrétienne a été une des premières à faire les frais.

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L’archevêque Yoanna Boutros Moshe

L’archevêque qui a dû quitter la ville de Qaraqosh où se situe le siège de son archevêché après la prise de Mossoul par l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL ou Daesh) n’est guère optimiste sur l’avenir de sa communauté.

Actuellement réfugié au Kurdistan irakien avec nombre de ses paroissiens, il n’a qu’un souhait, revenir sur sa terre ancestrale, à Mossoul. Il ne se voit pas demeurer au Kurdistan mais il n’a cependant pas le sentiment que les choses avancent en ce qui concerne la reprise de Mossoul

Et il estime que les Etats Unis ne font rien !

Selon lui, les puissances occidentales ne laissent qu’une alternative à ses coreligionnaires : se convertir à l’Islam ou quitter l’Irak.

Concrètement, ça revient à ça. Parce que dans l’avenir chaotique qui est promis à la région dans la stratégie de puissance des Etats unis, le départ massif des Chrétiens est un scénario non seulement vu comme possible par l’occident, mais inexorable et même souhaitable.

C’est du moins une conviction répandue chez les Chrétiens d’Orient à partir d’une information (apparemment non vérifiée) selon laquelle Nicolas Sarkozy aurait affirmé en 2011 au patriarche maronite que « les chrétiens n’ont plus leur place dans le Moyen-Orient et qu’ils devraient tous émigrer vers l’Europe ». Une information qui a été démentie par le gouvernement français (qui a cependant une politique préférentielle d’accueil de ces populations).

Un démenti qui n’a pas vraiment rassuré l’archevêque de Mossoul semble-t-il.

« L’Occident combat Daesh pour les ressources en pétrole »

Les paroissiens de l’église catholique syrienne qui ont fui la terreur djihadiste en 2014 édifient un nouveau sanctuaire pour prier.

L’archevêque de l’église catholique syrienne accuse la communauté internationale de ne pas protéger les fidèles. « Nous nous sentons abandonnés par les politiques. »

Par Francisco Carrione à Erbil (Irak) El Mundo (Espagne) 20 août 2016 traduit de l’espagnol par Djazaïri

Dans les faubourgs arides d’Erbil on met les bouchées doubles pour construire le nouveau diocèse de l’église catholique syrienne, une branche orientale qui suit les préceptes de Rome. Deux années après son exil forcé, ses paroisses et la mémoire des siècles de présence sont encore entre les mains de l’Etat Islamique autoproclamé.

Ses fidèles, contraints de choisir entre la conversion à l’Islam ou la fuite ont échappé à la terreur à la mi-juillet 2014. Depuis lors, ils ont construit leur refuge aux abords de la capitale autrefois prospère du Kurdistan irakien. « Ici aussi, on ressent le danger, » reconnaît Yohanna Boutros, l’archevêque catholique syrien de Mossoul qui aujourd’hui dirige une diaspora déclinante. Il est 13h, au milieu du complexe en construction un groupe de jeunes Chrétiens joue au football. Les piques de Boutros, 72 ans – archevêque de la deuxième ville d’Irak depuis 2010 – n’épargnent personne, pas même le Pape François. « Je pense qu’il pourrait faire plus que ce qu’il fait, » affirme le religieux pendant l’entretien accordé à El Mundo.

Q – Deux ans après l’exode, avez-vous un espoir quelconque?

R -Aucun. Les gens ont perdu confiance dans le gouvernement irakien parce qu’on n’a constaté aucun progrès sur le champ de bataille. Règne une grande frustration. La majeure partie [des Catholiques] est restée au Kurdistan irakien mais certaines familles ont commencé à aller en Jordanie, au Liban et en Turquie. Quelque deux mille personnes se sont établies en France.

Q – La diaspora est de plus en plus…

C’est comme ça. Nous faisons face à une grande catastrophe. Notre héritage est en train de disparaître. Les gens qui sont partis seront assimilés par d’autres rites [chrétiens essentiellement, NdT]. Si nous ne faisons pas quelque chose, l’Eglise Catholique Syrienne sera rayée de la carte.

Q – La date de l’offensive pour reprendre Mossoul n’est toujours pas fixée.

La coalition internationale a promis qu’elle reprendrait Mossoul mais elle n’a pas expliqué comment elle allait faire. Qu’en sera-t-il de notre foi ? Le retour des Chrétiens semble impossible. Nos fidèles sont traumatisés. Avant de revenir, en tout cas, nous devons d’abord avoir le sentiment qu’il y a un gouvernement qui tient la situation sous son contrôle et peut garantir nos droits. Nous ne voulons pas être des citoyens de seconde zone. Et ensuite, nous avons besoin d’une garantie internationale. Nous ne faisons pas confiance à l’armée [irakienne].

Q -Qu’a laissé votre communauté à Mossoul?

Mossoul est le centre de notre église. Elle a une longue et riche histoire liée à notre foi. Moi, par exemple, j’ai étudié et passé mes diplômes à Mossoul. Dans ma qualité d’archevêque, je résidais à Qaraqosh [une ville chrétienne proche de Mossoul et toujours contrôlée par Daesh] et, comme les autres habitants, j’ai dû quitter les lieux en août 2014 suite à l’offensive de Daesh.

Q -Depuis lors, le patrimoine chrétien dans les zones contrôlées par les djihadistes a été victime des attaques. Savez-vous quelle est leur situation ?

Nous n’avons pas de sources précises sur leur état actuel. Nous savons que les croix ont été arrachées à l’extérieur des églises et que l’Etat Islamique s’en sert comme dépendances. Certains lieux qui ont été endommagés datent du IVème siècle après JC. Ils cherchent à nous humilier parce qu’ils savent que les habitants se sentent très proches de ces monuments.

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Q -La communauté internationale fait-elle assez pour protéger vos fidèles ?

Non. Nous ne sentons pas son soutien. Les Etats Unis comme les gouvernements de l’Union Européenne ne font rien. Ca donne le sentiment que nous sommes priés de nous convertir à l’Islam ou d’abandonner notre terre. « Pourquoi ne partez-vous pas? Cette région n’est pas pour vous, » semblent-ils nous dire. Nous nous sentons abandonnés par les politiques mais pas par les Chrétiens d’Occident.

Q -Qui est derrière Daesh ?

Ceux qui ont donné le jour à Daesh et l’ont amené sur ces terres le savent. L’Occident a commencé à lutter contre cette organisation mais pas par rapport à la situation des Chrétiens, ni par rapport à la transformation de la carte multireligieuse mais par rapport aux ressources [pétrolières] qui se trouvent dans la région.

Q -Quel est votre avenir ?

Si la situation perdure ainsi très longtemps, nous finirons par partir, même du Kurdistan. Bien que les dirigeants de cette région nous aident, il y a ici aussi des forces fanatiques. Ce n’est pas une existence commode.

Q -Vos propos sont très critiques à l’égard des responsables politiques occidentaux Les Etats-Unis ont-ils une responsabilité dans la situation en Irak?

Bien sûr. Ils ont une grande responsabilité. Ils ont renversé Saddam Hussein et permis le vide du pouvoir qui lui a succédé. Avant l’invasion, il y avait des fanatiques mais nous avions de bonnes relations avec la majorité de nos voisins. A partir de 2003, les problèmes ont commencé. Il n’y avait pas de gouvernement et les attaques contre les Chrétiens étaient tolérées. Ce sont les Etats Unis qui ont détruit l’Irak.

Q -Devrait-il y avoir des indemnisations pour les erreurs du passé ?

Les Etats Unis ne feront jamais rien en Irak. Ils disent maintenant que c’est le travail des dirigeants irakiens. En quête de protection, quelques jeunes Chrétiens ont commencé à s’entraîner avec les forces irakiennes pour aider à la libération de Mossoul.

Q -Quel est votre rêve?

Retourner sur ma terre. Si ce n’est pas possible, je ne resterai pas ici. Notre vie doit être là où se trouve notre patrimoine. Et ce sont les vieilles pierres qui témoignent de notre histoire.

Dissolution de l’Etat national: la Turquie après la Syrie et l’Irak?

9 Mai 2016

Verda Özer est une spécialiste des relations internationales chercheur à l’Istanbul Policy Center (IPC) et qui collabore avec plusieurs publications dont le journal turc Hürriyet.

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Verda Özer

Son article que je vous propose en traduction veut contredire le vice-président des Etats Unis Joe Biden, et donc la ligne officielle de Washington, selon qui les Etats où son pays intervient pour « maintenir la paix » sont des structures artificielles et qu’il faut se préparer à leur éclatement en entités plus petites mais plus homogènes.

Ce serait par exemple en Syrie, une entité alaouite, une entité kurde et une entité sunnite, ces deux dernières étant réparties sur des portions de territoires de la Syrie et de l’Irak actuels.

Mme Özer a parfaitement compris que cette argumentation s’appliquait aussi à son pays, la Turquie.

C’est pour cette raison qu’elle a souhaité contredire Joe Biden en arguant du fait que nulle part il n’existe de frontières naturelles. Et en effet, contrairement à ce que certains ont pu apprendre à l’école, les Pyrénées ne sont pas une frontière naturelle de la France. Une frontière est uniquement un fait accompli de main d’homme et un fait de droit.

Cette précision de Verda özer peut être assimilée à un coup pour rien mais ce n’est pas le cas. Elle lui permet en réalité de formuler de manière diplomatique deux conseils à un gouvernement qui n’aime pas trop en recevoir.

Le premier est celui de se tenir à l’écart des conflits en cours en Syrie et en Irak, de crainte d’un effet déstabilisateur sur la Turquie elle-même.

Le deuxième est celui de ne pas tracer des frontières (forcément artificielles) à l’intérieur du territoire national. Mme Özer pense évidemment aux Kurdes de Turquie mais pas seulement car il existe en Turquie d’autres minorités qui pourraient trouver un intérêt à la défaisance de l’Etat turc tel qu’il est actuellement établi. Je parle ici de la  minorité syrienne de l’ancien wilayet d’Antioche (Antakya) et des Alévis, une importante minorité confessionnelle.

On verra bien ce que pèsent les avertissements distillés par des spécialistes comme Verda Özer face aux plans des Etats Unis qui consistent à favoriser et accompagner la fragmentation de la région pour peu qu’elle demeure dans un niveau d’instabilité à la fois gérable, non menaçant pour leurs intérêts et favorables à ceux de l’entité sioniste. Une politique étrangement conforme au fameux plan Yinon

Vous avez peut-être tort, M. Biden

Par Verda Özer, Hürriyet (Turquie) 7 mai 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

Les mots du vice-président des Etats Unis Joe Biden ont fait l’effet d’une bombe cette semaine. « Pensez à tous ces endroits où nous essayons de maintenir la paix. Ce sont des endroits où nous avons tracé des lignes artificielles, créé des Etats artificiels, constitués de groupes culturels, ethniques et religieux distincts et nous avons dit, ‘C’est pour vous ! Vivez ensemble ! », a-t-il dit.

L’endroit auquel il se référait principalement comme « artificiel » était l’Irak, étant donné qu’il a tenu ces propos dans l’ambassade américaine à Bagdad au cours de sa première visite en Irak depuis cinq ans.

Le même jour, le New York Times rapportait que les « officiels des Nations Unies à Bagdad ont discrètement commencé à étudier comment la communauté internationale pourrait gérer un éclatement du pays. »

Le moment de la visite de Biden et ces déclarations sont loin d’être des coïncidences. L’Irak a été littéralement mis en lambeaux. Et en premier lieu, le gouvernement central à Bagdad est complètement dysfonctionnel depuis février dernier. Aucun des ministères n’est en situation de pouvoir travailler.

La principale raison en est que l’opposition au premier ministre chiite Haider al-Abadi et à son gouvernement est devenue hors de contrôle à cause de sa politique sectaire et d’allégations de corruption. C’est pour cette raison que al-Abadi avait promis de formé un nouveau gouvernement constitué uniquement de technocrates le 9 février. Il a cependant été incapable d’y parvenir pour l’instant. Par conséquent, l’équilibre des pouvoirs dans le pays qui est façonné par les tendances sectaires s’est retrouvé complètement sens dessus dessous.

Ce qui indique fortement que le sectarisme va sonner le glas pour [le gouvernement d’] al-Abadi exactement comme ce fut le cas pour le premier ministre chiite Nouri al-Maliki en 2014. En d’autres termes, l’Irak ne va nulle part.

La tension ancienne entre Bagdad et Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, s’étale au grand jour. Les deux parties s’accusent mutuellement de ne pas respecter l’accord qu’elles avaient conclu le 2 décembre 2014 sur le partage des revenus du pétrole.

Ce qui à son tour, s’est transformé généralement en conflit entre Kurdes et Chiites à travers le pays. Il y a eu tout récemment une escalade dans les affrontements, particulièrement du côté de Kirkouk que Bagdad et Erbil se disputent depuis longtemps. En outre, les Turkmènes chiites combattent aussi aux côtés des milices chiites contre les Kurdes dans les zones de conflit. Dit autrement, les conflits ethniques et religieux sont devenus intriqués.

Par ailleurs, le fait que l’EIIL (Etat Islamique en Irak et au Levant, Daesh) soit leur ennemi commun ne change en rien la situation. Au contraire, la lutte contre l’EIIL a changé l’équation sur le terrain en faveur des Kurdes en étendant leur territoire d’environ 40 % depuis 2014, ce qui n’a fait qu’attiser la confrontation.

La tension Chiites – Sunnites, d’autre part, est omniprésente dans le pays depuis des dizaines d’années. Elle s’est pourtant encore aggravée à un tel point récemment que « l’opération de grande ampleur pour reprendre Mossoul » qui doit être lancée en septembre ou en octobre devrait, dit-on, interdire aux milices chiites d’accéder au centre-ville afin d’éviter tout affrontement éventuel avec les Sunnites qui sont majoritaires dans la ville.

Avec tout ça, les Chiites sont aussi divisés entre eux. Le leader religieux chiite Moqtada al-Sadr  a appelé avec de plus en plus de force à la démission d’al-Abadi. La même chose s’observe du côté du parti politique chiite d’al-Maliki, Dawa.

Compte tenu de tous ces éléments, l’Irak sera-t-il capable de combattre d’EIIL dans ces conditions ? En outre, l’EIIL lui-même n’est-il pas issu de la confrontation sectaire ? Il ne semble par conséquent guère possible de sauver à brève échéance l’Irak de Daesh et d’empêcher la dissolution de l’Etat à long terme.

La Syrie est pour sa part dans une situation de morte-vivante depuis un certain temps. La communauté internationale considère même sa dissolution comme plus probable et imminente que celle de l’Irak.

En novembre 2014, j’ai eu la chance d’avoir un tête-à-tête [en français dans le texte] avec Richard Haas, le président du Council on Foreign Relations (CFR), le think tank américain le mieux établi. Haas est un des plus éminents penseurs et concepteurs de politiques aux Etats Unis, ayant coordonné les politiques de Washington en Irak et en Afghanistan en des moments critiques.

Haas m’avait que « pour le moment, les Etats Unis préfèrent un Irak unifié, avec les Kurdes ayant une autonomie plutôt que l’indépendance. » Il considère cependant que ce n’est pas une perspective réaliste dans le futur parce que nous avons déjà franchi le point de non-retour aussi bien en Irak qu’en Syrie.

« L’avenir de la Syrie ne se situe plus dans le cadre de paramètres nationaux. Le pays est déjà partitionné. Al-Assad, ou quelqu’un comme lui, gouvernera la région alaouite, pas l’ensemble du pays. Les Kurdes auront une autonomie significative. El les Sunnites se débattront entre l’EIIL et différentes tribus, » avait-il expliqué.

Dans un tel scénario, les zones sunnites en Irak et en Syrie seraient à cheval des deux côtés de la frontière. La même chose pourrait se passer pour les zones kurdes. Et un tel changement fondamental de la carte de la région affectera certainement aussi la Turquie.

En réponse à ces vagues de désintégration, la Turquie doit se tenir hors de ces conflits dans toute la mesure de ses capacités et se préparer à tous les scénarios possibles. Plus important, elle doit faire valoir la paix et l’unité à l’intérieur de ses propres frontières.

Enfin et surtout, je voudrais en finit avec des histoires de « nature artificielle ». Existe-t-il quelque part une « frontière naturelle » ? Les frontières e tous les Etats nations du monde ont été tracées un jour d’une manière ou d’une autre. Ce qui importe vraiment c’est de ne pas en créer de nouvelles ; et au contraire d’effacer les frontières internes à nos territoires que nous tendons à créer nous-mêmes. Après tout, ce sont des frontières artificielles.

Disloquer la Syrie, pérenniser l’occupation du Golan

8 Mai 2016

Eric Margolis est un journaliste américain bien connu dont la longue et multiforme carrière inclut des années de collaboration avec les journaux canadiens du groupe Sun. Si l’essentiel de sa carrière est désormais derrière lui, il n’en continue pas moins à collaborer avec différents médias comme le Khaleej Times (Emirats Arabes Unis), Dawn (Pakistan) et TV Ontario.

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Eric Margolis collabore aussi avec Russian TV

Farouchement anticommuniste, ce membre de l’International Institute for Strategic Studies de Londres, très au fait des affaires du Moyen Orient et internationales en général porte un regard très critique sur la politique de son pays non seulement sur la question de Palestine mais aussi sur les troubles en Syrie.

Selon lui, la guerre en Syrie a été fomentée [instigated] par les puissances occidentales que sont la Grande Bretagne, les Etats Unis et la France en association avec l’Arabie Saoudite.

Et le conflit qui ravage la Syrie fait bien l’affaire de l’Etat sioniste qui ne se gêne pas pour intervenir discrètement en soutien de ceux qui combattent le gouvernement syrien et espère même en tirer un profit territorial et stratégique.

Vous vous souvenez du plateau du Golan?

par Eric Margolis, 30 avril 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

Pendant la guerre israélo-arabe de 1973, l’armée syrienne avait surpris Israël et s’était rapidement rapprochée des limites du plateau du Golan conquis par Israël pendant la guerre de 1967. Il semblait alors que l’infanterie et les blindés syriens allaient reprendre le Golan puis dévaler sur la Galilée en territoire israélien.

Les satellites de reconnaissance soviétiques avaient observé qu’Israël avait sorti des missiles à tête nucléaire Jéricho de 500 kilomètres de portée de leurs abris souterrains pour les installer sur des rampes de lancement. Au même moment, on observait Israël en train d’armer de bombes atomiques ses avions de combat F-4 (Phantom) de fabrication américaine sur la base de Tel Nof.

Convaincu qu’Israël était sur le point de se servir d’armes nucléaires contre l’Egypte et la Syrie, Moscou fit pression sur ces deux pays pour qu’ils freinent la progression de leurs forces. Damas, déjà à portée des tirs de l’artillerie israélienne du Golan, ordonna à ses unités blindées sur le Golan de stopper leur avancée, ce qui permit à Israël d’organiser une puissante contre-offensive et de reprendre les hauteurs stratégiques.

En 1981, Israël a officiellement annexé la portion de 580 Km2 du Golan qu’il occupe. Cette annexion illégale a été condamnée par les Nations Unies, les Etats Unis et les puissances européennes. Mais Israël est resté au Golan et y a installé 50 000 colons dans quelque 41 colonies financées par l’Etat.

Le monde semble avoir complètement oublié à quel point il a été proche d’une guerre nucléaire en 1973 pour le Golan. Le plateau du Golan était devenu un des premiers déclencheurs potentiels de guerre nucléaire avec le Cachemire, la trouée de Fulda en Allemagne et la zone démilitarisée, frontière entre les deux Corées.

La Golan a récemment refait surface dans les informations quand le premier ministre israélien d’extrême droite Benjamin Netanyahou a dit au président russe Vladimir Poutine que son pays ne rendrait jamais le Golan à la Syrie. Dans un discours prononcé peu de temps après, Netanyahou a fait le serment qu’Israël garderait le Golan pour « toute l’éternité ». Il avait aussi reconnu pour la première fois qu’Israël avait effectué des « dizaines » d’attaques sur la Syrie, de l’autre côté de la frontière.

Le long plateau de basalte a effectivement une grande valeur. Il s’étend du Mont Hermon avec son sommet enneigé à 2814 mètres au nord au lac de Tibériade et à la rivière Yarmouk au sud. Le Golan représente 15 % des ressources limitées en eau d’Israël et il recèle peut-être du pétrole et du gaz.

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Exploitation des eaux du Golan par le régime sioniste

L’artillerie israélienne positionnée sur le Golan peut frapper la capitale syrienne, Damas ; les capteurs électroniques israéliens surveillent Damas et tous les mouvements de troupes syriennes en contrebas. Ayant circulé dans une bonne partie du Golan, côté syrien comme côté israélien, je peux attester de son importance militaire remarquable et de la puissance de ses défenses.

Après la guerre de 1967, Israël a nettoyé ethniquement le Golan, en rasant au bulldozer son chef-lieu, Kouneitra, et en expulsant la presque totalité de ses 130 000 habitants arabes et druzes. Des colons juifs ont été amenés pour les remplacer. Les Etats Unis ont protégé Israël de l’action de l’ONU et de la protestation internationale.

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Avant 2011, Israël avait laissé entendre qu’il restituerait le Golan à la Syrie dans le cadre d’un accord de paix global – à condition que Damas cesse de soutenir les revendications des Palestiniens sur leurs terres perdues Mais une fois que la guerre civile en Syrie s’est opportunément déclenchée, on n’a plus parlé du Golan.

En fait, il est assez évident qu’Israël a nourri silencieusement le conflit syrien par un discret soutien logistique et en armement à ce qu’on appelle rebelles syriens « modérés » et en faisant du lobbying pour la guerre à Washington et dans les médias américains. Netanyahou a même dit – sans sourciller – qu’Israël ne pouvait pas restituer le Golan, ni même négocier, tant que le calme n’est pas revenu en Irak et en Syrie.

Il est clair que Netanyahou suit la grande stratégie élaborée par le fondateur de son parti de droite, le Likoud, Zeev Jabotinsky, un sioniste russe militant. Jabotinsky faisait valoir que les Etats arabes étaient une mosaïque fragile de tribus arabes inamicales [les unes à l’égard des autres].

Frappez les suffisamment fort, soutenait Jabotinsky, et ils se fragmenteront en petits morceaux, laissant Israël maître du Levant. La destruction de l’Irak et de la Syrie a confirmé la théorie de Jabotinsky.

Par conséquent, Israël est ravi de voir la Syrie, un de ses principaux ennemis, tomber en ruines suite à la guerre civile provoquée par les Etats Unis, la Grande Bretagne, la Turquie, l’Arabie Saoudite et la France. Damas n’est absolument pas en mesure d’exiger la restitution du Golan et le reste du monde s’en fiche.

La destruction de la Syrie en tant qu’Etat unitaire offre au gouvernement expansionniste Likoud maintes opportunités pour étendre son influence en Syrie – comme ce fut le cas pendant la sanglante guerre civile libanaise de 175 à 1990. Ou même d’enlever plus de territoire à la Syrie « pour protéger la sécurité d’Israël. »

Les paroles du père fondateur d’Israël, David Ben Gourion résonnent encore : l’Etat d’Israël est un projet en cours et ses frontières ne doivent pas être fixées, ni même définies. Notamment les frontières avec la Jordanie et la Syrie.

Daesh, d’où vient l’argent?

10 mars 2016

La récente remise d’une décoration, la Légion d’Honneur, à Mohammed ben Nayef prince héritier et ministre de l’intérieur saoudien, par le président François Hollande a fait grincer quelques dents en dépit de la discrétion dont l’Elysée a entouré cette remise de médaille.

C’est que l’Arabie Saoudite n’a pas exactement le genre de régime qu’est supposé honorer un gouvernement socialiste et un président élu sur la base de valeurs de gauche.

Et il est vrai que l’Arabie Saoudite non seulement  ne ressemble ni de près ni de loin à ce qu’on appelle démocratie, mais c’est aussi un pays où la peine de mort est appliquée à grande échelle et pour des motifs qui peuvent laisser perplexes au terme de procédures qu’on a du mal à qualifier de justice.

Certains ont pointé le rôle de l’Arabie Saoudite, et d’autres monarchies de la région, dans la déstabilisation de la Syrie et, plus précisément, dans l’encouragement des factions dites djihadistes, c’est-à-dire d’organisations considérées de manière quasi unanime comme terroristes, qu’elles s’appellent al Qaïda (avec le Front al Nosra, sa branche syrienne) ou Etat Islamique en Irak et au Levant (ou Etat Islamique ou Daessh).

Ce dernier point est d’autant plus sensible que la guerre contre le terrorisme s’est longtemps résumée dans le discours à la guerre contre al Qaïda (concrètement ce sont l’Afghanistan et l’Irak qui ont été écrasés) avant que l’EIIL soit défini comme la menace N°1.

Or, il s’avère que les monarchies du Golfe, Arabie Saoudite en tête, ont financé et financent encore l’Etat Islamique.

Cette affirmation n’est pas une simple lubie de ma part. En effet, comme on peut le lire dans l’article que je vous propose, les autorités britanniques elles-mêmes admettent un tel financement, du moins dans les débuts de l’Etat Islamique. Cette restriction aux débuts de l’organisation terroriste n’est cependant pas acceptée par certains spécialistes  de la région qui soutiennent que cette aide financière continue et qu’on ne saurait expliquer autrement que le « califat » ne soit pas déjà en faillite.

Un élément qui donne du poids à leurs assertions est le refus du gouvernement britannique de coopérer pleinement au travail d’une commission d’enquête parlementaire qui cherche à faire la lumière sur cette question.

L’effondrement des revenus pétroliers signifie que l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL – Daesh) dépend de l’argent des pays du Golfe.

Les attaques de la coalition sur les installations pétrolières de l’EIIL ont sans doute réduit ses revenus de 40 %, mais les experts disent que la dépendance de l’EIIL à l’égard du pétrole a été surestimée.

Par Patrick Wintour, The Guardian (UK), 8 mars 2016 traduit de l’anglais par Djazaïri

L‘effondrement des revenus pétroliers de l’EIIL l’ont probablement rendu plus dépendant des dons alloués par les riche pays du Golfe et des profits tirés des marchés des changes étrangers, a-t-on pu entendre à la première commission d’enquête britannique sur les finances de l’organisation terroriste.

Les attaques de la coalition rassemblée par les Américains sur les installations et les convois pétroliers de l’EIIL auraient réduit ses revenus de plus d’un tiers dans un contexte où les fiances de l’organisations deviennent un des principaux fronts dans la bataille pour la vaincre en Irak et en Syrie.

Le gouvernement britannique est réticent à coopérer avec la commission d’enquête parlementaire qu’il n’a pas autorisée à auditionner un cadre supérieur du ministère de la défense qui joue un rôle capital dans la supervision des visant à saper les financements de l’EIIL.

Mais le ministre des affaires étrangères Tobias Ellwood a déclaré que des progrès avaient été accomplis même si la connaissance des finances opaques de l’organisation restait lacunaire et dépendante des découvertes des services de renseignements.

Il a assuré que les revenus pétroliers du régime [de l’EIIL] étaient en voie d’effondrement et il a même laissé entendre que le quartier général de l’organisation à Raqqa pourrait imploser si et quand l’armée irakienne aura repris Mossoul.

Mais des experts ont déclaré devant la commission que le gouvernement britannique surestimait sans doute énormément l’importance des revenus pétroliers et sous-estimait l’ampleur de la dépendance de l’EIIL à l’égard de donateurs étrangers des pays du Golfe ou sa manipulation du système bancaire irakien.

Luay al-Khatteeb de l’Iraq Energy Institute a soutenu que le coût de la conduite de la guerre pour l’EIIL devait être si élevé et ses revenus pétroliers si limités qu’il doit nécessairement avoir accès à des dons financiers massifs.

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Luay al-Khatteeb

En outré, il a été déclaré devant la commission qu’il était possible que l’EIIL gagne environ 25 millions de dollars par an au moyen d’opérations sur le marché des changes, un chiffre que conteste le ministère des affaires étrangères.

Le gouvernement britannique estime que 40 % des revenus de l’EIIL proviennent du pétrole 40 % de l’extorsion, des taxes et de l’économie monétaire locale, et les 20 % restants de sources comme la vente des antiquités et les dons. Il affirme que les revenus pétroliers ont maintenant diminué de 40 %, ce qui représente une baisse de 20 % du total des rentrées d’argent de l’EIIL.

Al Khatteeb a dit à la commission que les évaluations du gouvernement britannique surestiment probablement l’importance du pétrole. Il a laissé entendre que l’EIIL avait sans doute réussi à tirer de substantiels revenus du pétrole pendant à peine quelques mois en 2014 quand il produisait 70 000 barils par jour pour une valeur d’environ 500 millions de dollars sur une année.

Le chiffre actuel doit être plus proche des 200 millions de dollars du fait des attaques contre ses infrastructures pétrolières, de la baisse des prix du pétrole et de la faible qualité du brut syrien, ce qui signifie qu’il produit au mieux 20 000 ou 30 000 barils par jour cédés contre guère plus de dix dollars chacun.

“Cette histoire d’un califat financé par le pétrole suppose une production bien supérieure, de l’ordre de 40 000 barils par jour ou un prix beaucoup plus élevé du pétrole de l’EIIL, autour de 30 dollars le baril, » a déclaré al-Khatteeb à la commission. Il était même possible, a-t-il suggéré, que l’EIIL soit maintenant un importateur net de pétrole pour faire fonctionner les camions et les Humvees fournis par les Américains qu’il a pris à l’armée irakienne..

Les revenus de la fiscalité et de l’extorsion sur les deux millions de personnes sous son autorité, dont la plupart gagnent moins de 110 dollars par mois, rapporte peut-être le mêmemontant surtout si on prend en compte le coût entrainé par l’administration de son  territoire.

Al-Khatteeb a déclaré devant la commission: “Soit ces combattants sont contents d’accepter une diminution substantielle de leurs soldes du fait de la baisse des revenus de l’EIIL, ou une autre source de financement  non prise en compte permet de continuer à leur donner satisfaction.

“C’est une conclusion raisonnable compte tenu de la surestimation des revenus pétroliers de l’EIIL, d’une assiette fiscale faible et de plus en plus étroite ainsi que des faibles prix auxquels l’EIIL effectue ses ventes d’antiquités sur la marché noir.

 «Certains se demanderont peut-être jusque à quel niveau les Arabes du Golfe ont continué à financer le califat. Il est certain que l’EIIL a pu s’appuyer sur d’autres sources de revenus entre janvier 2015, moment où l’économie de Raqqa s’est effondrée et mi- janvier 2016 quand les forces de l’Etat Islamique ont été en capacité de lancer une nouvelle offensive d’envergure en Syrie. L’argent vient de quelque part. »

Le gouvernement britannique a en effet reconnu que des pays du Golfe ont finance l’EIIL à ses débuts, disant cependant être certain que de tels financements étatiques ont maintenant cessé. Mais Dan Chugg, un expert du ministère des affaires étrangères, a reconnu devant la commission parlementaire que cette assurance avait une valeur limitée.

Chugg a déclaré: « Avec certains de ces pays, il est difficile de savoir ce qui est financement gouvernemental et ce qui ne l’est pas quand vous avez affaire à des familles royales, des princes très riches et ce genre de choses. »

Une autre source possible de revenus pour l’EIIL vient de ses transactions sur les marché des changes à l’étranger où une partie du milliard de dollars saisi dans les coffres des banques irakiennes a été négociée pour le profit.

David Butter, un chercheur associé au thinktank Chatham House soutient que l’EIIL fait passer des fonds d’une frontière à l’autre et tire profit des fluctuations des taux de change et d’un réseau informel d’agents de change connu sous le nom de « hawala. »

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Margaret Thatcher sortant de Chatham House

Butter a déclaré devant la commission : « Les système de ventes aux enchères de devises étrangères par la banque centrale irakienne doit faire l’objet d’une enquête fouillée. »

Les membres de l’EIIL, a déclaré Butter, ont effectué des mouvements d’argent entre banques en Irak et en Jordanie pour exploiter les déséquilibres sur les marchés monétaires.

 «Alors quand le gouvernement irakien procède à ses adjudications régulière de devises étrangères, l’argent de l’EIIL est injecté dans ce système et il peut obtenir une marge sur les écarts entre les différents taux de change là-bas et ramener l’argent dans son territoire via les agents hawala, » a expliqué Butter. «C’est de cette manière que l’argent circule au Moyen Orient.»

Le ministère des affaires étrangères a soutenu que ces sources de profit étaient peu probables pour trois raisons. L’EIIL aperdu ses réserves de liquidités d’abord à Mossoul puis, depuis octobre, dans les bombardements de la coalition, dont ceux sur la banque centrale de cette ville, qui ont fait partir en fumée des centaines de millions de dollars. Des pressions sur la Banque Nationale Irakienne ont aussi débouché sur des règlements plus stricts et le licenciement d’agents qui agissaient peut-être pour le compte de l’EIIL dans les ventes aux enchères de devises.

L’espoir mis dans une faillite de l’EIIL est exagéré a-t-il été dit devant la commission d’enquête, mais une diminution de ses ressources peut signifier un changement avec le passage d’une armée permanente qui mène une guerre territoriale sur deux fronts à une structure plus lâche dans le style d’une franchise d’al Qaïda qui entreprend des attentats terroristes à Damas et à Bagdad.

Selon le Sénateur John McCain le modèle afghan doit inspirer les Etats Unis en Ukraine

3 mars 2015

John McCain, ce Sénateur américain qui a été le concurrent Républicain malheureux de Barack Obama dans la course à la présidentielle de 2008 s’est montré un des politiciens américains parmi les plus belliqueux.

Il a ainsi joué un rôle important en Libye et en Syrie en tant que représentant du parti de la guerre, un parti qui réunit indifféremment des Démocrates et des Républicains.

John McCain décore un "djihadiste" en Syrie

John McCain décore un « djihadiste » en Syrie

Tout naturellement, il tient un rôle semblable en ce qui concerne la crise ukrainienne pour laquelle il se montre un chaud partisan de la livraison d’armes « létales » au gouvernement fantoche de Kiev.

McCain fait partie de ces gens qu’on considère comme des patriotes aux Etats Unis, en particulier du fait de sa participation à la guerre du Vietnam où il fut fait prisonnier après la destruction en vol du bombardier qu’il pilotait.

John McCain aux commandes d'un avion de combat

John McCain aux commandes d’un avion de combat

Mais si on peut penser qu’il a été patriote, peut-on affirmer qu’il l’est encore aujourd’hui ?

Rien n’est moins sûr quand on voit avec quels arguments il plaide en faveur de la livraison d’armes à l’armée ukrainienne. En effet, le Sénateur donne comme exemple d’une stratégie de ce type réussie celui du soutien apporté par les Etats Unis et leurs amis aux forces qui combattaient les Soviétiques et le régime pro-soviétique en Afghanistan.

Or nous savons qui étaient ces miliciens soutenus par l’Occident en qualité de combattants de la liberté : le Talibans, Ben Laden et al Qaïda et une série de seigneurs de la guerre âpres au gain.

Les mêmes que les Etats Unis affirment combattre aujourd’hui dans le cadre de la guerre contre le terrorisme !

Les mêmes que le parti de la guerre dont la figure patriotique est John McCain soutient en Syrie !

Citant les moudjahidine soutenus par Ben Laden, McCain donne les pires arguments possibles en faveur de livraisons d’armes à l’armée ukrainienne

par Sam Sacks, The District Sentinel (USA) February 26, 2015 traduit de l’anglais par Djazaïri

En essayant de ridiculiser un officiel de l’armée pendant une audition devant la Commission sénatoriale des Forces Armées, le Sénateur John McCain (Républicain, Arizona) a proposé une analyse incroyablement inexacte de l’histoire récente pour justifier la livraison d’armes offensives au gouvernement ukrainien pour combattre les séparatistes soutenus par la Russie.

« C’est un défi à la logique, » a déclaré jeudi le Sénateur McCain pendant l’audition, en référence à l’assertion du Général Vincent Stewart selon laquelle les Etats Unis ne se seraient pas en mesure de livrer suffisamment rapidement des armes offensives à l’armée de Kiev pour changer le sort des armes en Ukraine orientale.

« Nous pouvons les mettre dans des avions et les envoyer là bas – comment pouvez vous justifier une telle déclaration ? a ajouté McCain.

Stewart, qui s’exprimait au côté du Directeur du renseignement national à l’audition sur les menaces mondiales, a présenté une analyse qui donne matière à réflexion sur la situation à laquelle les Etats Unis seront confrontés s’ils décident d’inonder d’armes supplémentaires le champ de bataille déjà meurtrier du Donsbass.

« La Russie et les séparatistes ont des lignes en profondeur qui leur permettent de rééquiper beaucoup plus vite avec des armes plus lourdes que ce que nous pouvons livrer, » a déclaré le Général Stewart au Sénateur.

« Ce serait une course pour voir qui peut armer et je pense qu’avec leurs lignes terrestres ils auraient un avantage significatif sur le terrain, » a-t-il ajouté.

Irrité par l’analyse du Général, McCain a évoqué l’intervention militaire soviétique en Afghanistan dans les années 1980 comme une histoire réussie de ce qui se passe quand les Etats Unis livrent des armes dans une guerre par procuration contre les Russes.

« Je suis sûr que les Russes disposaient d’un avantage significatif quand ils ont envahi l’Afghanistan. Je suis sûr que nous avons vu quelles ont été les conséquences tout au long de l’histoire, quand nous avons aidé des peuples qui avaient été envahis et opprimés et quand nous ne l’avons pas fait. »

Dans le cas de l’Afghanistan, les conséquences, qui ont été rapportées de manière exhaustive furent l’ascension des Talibans et des décennies de guerre, avec plus de 13 ans d’engagement militaire des Etats Unis contre exactement les mêmes gens que ceux que le Pentagone avait armé secrètement dans les années 1980 – des militants parmi lesquels Ben Laden en personne.

Si la livraison d’armes aux rebelles afghans a sans doute contribué à l’effondrement de l’Union Soviétique suite à sa mésaventure militaire, elle a aussi semé les graines qu’ont suivies les Etats Unis des années plus tard quand ils sont partis sur les traces des Soviétiques pour aller en guerre en Afghanistan, à ce jour la plus longue guerre de l’histoire de notre pays.

L’histoire récente, en Irak, en Libye et en Syrie prouve à nouveau que inonder le monde avec des armes a débouché sur des conséquences imprévues et, tragiquement, à plus d’effusion de sang dans les conflits.

En effet, nous avons vu quelles ont été les conséquences, Monsieur le Sénateur.

Le soutien des Etats Unis et du régime sioniste à al Qaïda en Syrie

23 novembre 2014

Dans la guerre livrée au régime syrien, à l’Iran et au Hezbollah, les Occidentaux utilisent des stratégies complexes aux effets parfois imprévus, d’autant qu’elles ne font pas forcément toujours consensus en Occident même où leur mise en œuvre dépend des rapports de forces entre les gens, disons raisonnables, et les néoconservateurs.

Ces néoconservateurs, ainsi que l’expliquait Robert Parry, restent très présents dans l’appareil politico-militaire des Etats Unis et leur poids peut être très important dans un pays comme la France où ils se cachent aussi derrière de nobles idéaux humanitaires, alors que la seule chose qui leur importe est le sort du régime sioniste.

Dans ces pays occidentaux qui mènent une guerre non déclarée à la Syrie, on feint de s’étonner de la présence sur le terrain de combattants « djihadistes » dont les noms et prénoms évoquent parfois plus le camembert que le leben.

Le "djihadiste" français Abou Mariam exhibe la tête tranchée d'une résistante kurde

Le « djihadiste » français Abou Mariam exhibe la tête tranchée d’une résistante kurde

Mais qu’y a-t-il de surprenant à voir de jeunes Français répondre à l’appel au meurtre du chef de l’Etat syrien lancé par Laurent Fabius, l’actuel chef de la diplomatie française ?

De la même manière, on ne sera pas surpris de voir en Syrie les puissances occidentales soutenir des forces officiellement affiliées à al Qaïda même si les choses sont quelque peu obscurcies par les bombardements exécutés par les USA et leurs alliés arabes contre certaines forces djihadistes en Syrie.

Le blogueur Moon of Alabama nous aide à mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain et dans les officines de Washington : une partie des forces djihadistes est entrée en conflit avec les intérêts de Washington en s’attaquant notamment au Kurdistan irakien où l’armée américaine entretient une base, Cette confrontation était à tel point inattendue que le gouvernement turc, allié de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL ou Daesh) a eu du mal, et a toujours du mal, à modifier son positionnement stratégique à l’égard de cette puissante milice.

Ce qui est important dans l’article que je vous propose, c’est surtout ce fait que l’aviation américaine bombarde le Jabhat al-Nosra, une importante milice affiliée à al Qaïda, dans le nord syrien tandis qu’elle soutient la même milice au sud du pays dans la région proche du Golan occupé par l’entité sioniste et la frontière jordanienne. L’objectif des Etats Unis n’est donc pas de détruire cette milice mais d’en écarter les éléments rétifs à une alliance avec eux sur le terrain.

Et c’est sans doute le même objectif qui est poursuivi avec les frappes contre l’Etat Islamique en Irak et au Levant.

Comment les Etats Unis et Israël aident al Qaïda dans le sud de la Syrie

par Moon of Alabama (USA) 21 novembre 2014 traduit de l’anglais par Djazaïri

Quand l’administration Obama a déclaré avoir bombardé le « groupe Khorasan » dans le nord syrien, les spécialistes se sont demandés ce que cela voulait dire. Il n’existait et il n’existe aucune organisation de ce nom. Ce que l’administration Obama appelait groupe Khorasan était des dirigeants du Jabhat al-Nosra, la branche syrienne d’al Qaïda qui était active en Afghanistan et au Pakistan il y a quelques années avant de venir en Syrie. Alors pourquoi faire une distinction enre le Jabhat al-Nosra qui est actif dans toute la Syrie et un groupe dirigeant de la même organisation situé dans le nord de la Syrie ?

Mon sentiment est qu’il existe une coopération active entre le Jabhat al-Nosra et les Etats Unis, particulièrement dans le sud syrien, et que la distinction a été faite pour maintenir en place une forme quelconque d’alliance dans le sud. Les mercenaires de l’Armée Syrienne Libre dans le sud de la Syrie ont été entraînés et armés par la CIA en Jordanie et sont contrôlés depuis une salle d’opérations multinationale quelque part à Amman.

Dans le sud, le Jabhat al-Nosra combat activement aux côtés de l’Armée Syrienne Libre qui reçoit aussi un soutien d’Israël. Au cours de ces derniers mois l’ASL, avec les combattants d’al-Nosra comme troupes de choc, s’est emparée de portions importantes de territoire le long de la frontière de la Syrie avec la Jordanie et Israël. Leur but est, ainsi que nous l’avions signalé il y a deux mois, d’ouvrir un corridor vers Damas. Leurs avancées au détriment de l’armée syrienne dans la zone frontalière ont été réalisées avec l’appui des tirs de soutien de l’artillerie israélienne.

Reuters confirme aujourd’hui que Nosra, comme nous l’écrivions, est à la pointe des combats dans le sud :

Des combattants du Front al-Nosra affilié à al Qaïda et d’autres insurgés ont attaqué et fait uen brève incursion à Baath City dans le sud de la Syrie jeudi, le dernier bastion important de l’armée dans une province qui jouxte les hauteurs du Golan sous occupation israélienne.

……

Des centaines de combattants d’al-Nosra qui ont fui la province orientale de Deir al-Zor après en avoir été chassés par l’Etat Islamique dans le courant de cette année se sont regroupés dans le sud de la Syrie où ils ont renforcé la présence rebelle dans ce secteur, selon es activistes.

« Il [ce renfort] a permis aux combattants de prendre le dessus dans cette zone, » déclare Abou Yahia al-Anari, un combattant d’Ahrar al-Sham.

Les gains des insurgés depuis le début de cette année ont principalement été obtenus par le Front al-Nosra en association avec d’autres rebelles et brigades islamistes qui combattent en alliance avec l’Armée Syrienne Libre soutenue par l’Occident. A la différence des rebelles qui combattent dans le nord, ils se sont bien coordonnés jusqu’à présent.

Au nord, le Jabhat al-Nosra combat des groupes de mercenaires soutenus par la Turquie et les Etats Unis. Au sud, il coopère par contre avec ce genre de groupes qui sont soutenus, équipés et entraînés par les Etats Unis à partir de la Jordanie et d’Israël. Al-Nosra au nord a été rebapptisé « groupe Khorasan » de sorte à ce qu’on puisse le bombarder sans mettre en danger l’alliance au sud entre l’Armée Syrienne Libre et le Jabhat al-Nosra.

Les combattants de Nosra dans le sud utilisent bien entendu des ermes et d’autres équipements que les unités de l’Armée Syrienne Libre reçoivent de la CIA et d’autres services secrets. Ces groupes combattent ensemble et partagent naturellement leurs ressources.

En octobre, un mois après que j’ai signalé les opérations dans le sud, le Washington Institute, une pièce du lobby sioniste aux Etats Unis, a reconnu ces plans et a exhorté à plus de soutien d’Israël et des Etats Unis sur le front sud. Il minimisait bien sûr sciemment la participation d’al-Nosra.

Une assistance coordonnée dans le sud de la part des Jordaniens, des Israéliens et des alliés pourrait permettre de renforcer les rebelles syriens modérés dans cette région, d’éviter une prise de contrôle par les extrémistes et faciliter la campagne en cours contre l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Pour l’instant, l’essentiel du soutien israélien aux bataillons locaux modérés et non islamistes le long de la frontière s’est borné à une aide humanitaire, tels les soins apportés à 1 4000 Syriens malades et blessés dans des hôpitaux israéliens, la fourniture de médicaments, de nourriture et de moyens de chauffage à des villageois etc. Certains groupes rebelles sont en contact constant avec l’armée israélienne, avec par exemple de fréquentes réunions secrètes qui se tiendraient à Tibériade, mais seule une petite quantité d’armes leur a été fournie, essentiellement des lance-roquettes.

Les opérations dans le sud n’ont rien à voir avec l’EIIL qui reste peu présent dans le sud, mais sont exclusivement dirigées contre l’armée syrienne, le gouvernement syrien et la population de Damas. Les combats sont conduits, comme l’a reconnu Reuters aujourd’hui, par des miliciens du Jabhat al-Nosra et un soutien américain et israélien est apporté aux groupes locaux de l’Armée Syrienne Libre qui sont étroitement alignés avec al-Nosra.

Les Etats Unis et Israël sont certainement au courant ce ce que Reuters rapporte et que nous avions affirmé auparavant. Ils ont armé et continuent à armer des groupes qui coopèrent étroitement et partagent avec al Qaïda leurs ressources obtenues auprès d’Israël et des Etats Unis.

Le pouvoir syrien repose sur une base majoritairement musulmane sunnite

4 novembre 2014

Un article intéressant sur la situation en Syrie qui relève en passant ce fait important (et évident) que les Musulmans sunnites sont la principale assise du pouvoir de Bachar al-Assad.

La Syrie d’Assad, amputée, malmenée – mais intraitable.

Par Diaa Hadid, The Big Story (Associated Press) 2 novembre 2014 traduit de l’anglais par Djazaïri

Tartous, Syrie – Les hommes d’affaires syriens repartent de zéro après la destruction de leurs magasins et de leurs usines. Des familles qui ont perdu leurs maisons peinent à louer de nouveaux logements et à joindre les deux bouts. Le long des autoroutes qui s’étirent à travers les zones contrôlées par le gouvernement se trouvent les ruines de villes auparavant contrôlées par la rébellion et aujourd’hui parsemées de points de contrôle.

La Syrie sous contrôle gouvernemental est tronquée dans ses dimensions, malmenée et appauvrie. Mais elle fait face, soulignant la manière dont le président syrien Bachar al-Assad s’est accroché au pouvoir malgré une rébellion armée qui essaye de le déboulonner depuis près de quatre ans.

Des visites la semaine dernière dans la capitale Damas et dans la région côtière de Tartous, un bastion du soutien au gouvernement, montrent à quel point les Syriens se sont adaptés à la vie dans ce pays tronqué. Les immeubles administratifs sont entourés d’épaisses barrières peintes en rouge, noir et blanc, les couleurs du drapeau syrien. Les portraits d’Assad sont partout :en soldat, en homme d’affaires et en père de famille.

Après des années de reculs et d’avancées, le régime gouverne Damas et une bande de territoire à l’ouest de la région de la côté méditerranéenne dans laquelle se trouvent les plus grandes villes de Syrie ainsi que certaines zones au sud de la Capitale. Les rebelles tiennent quelques banlieues dans la campagne qui entoure Damas et des parties du nord-ouest. L’État Islamique extrémiste a imposé son pouvoir sur un territoire qui recouvre un tiers de la Syrie et de l’Irak voisin.

La guerre est toujours présente. Le bruit persistant des bombardements dans les zones proches tenues par les rebelles est le fond sonore de Damas.

Les checkpoints sont omniprésents sur les routes, souvent des abris en béton ornés de posters d’Assad découpés en forme de cœur. Les soldats se reposent sur une literie usée.

« Auriez-vous une cigarette, monsieur ? » demande optimiste un soldat à un chauffeur.

Les milices locales pro-gouvernementales veillent aussi sur les villes et les quartiers, apportant leur aide à une armée d’Assad dont les forces sont tendues.

Des hommes moustachus armés de fusils d’assaut sautent dans des voitures à l’entrée qu quartier historique de Bab Touma à Damas. Ce quartier majoritairement chrétien est une des cibles favorites des tirs de mortiers en provenance du quartier voisin de Khobar tenu par les rebelles. Les militants anti-Assad accusent certaines milices pro-Assad d’être plus brutales que les soldats et affirment qu’elles exigent des pots de vin et qu’elles volent des voitures.

Quand on quitte Damas, le revêtement de l’autoroute est bon, comme cette partie de la route fraîchement goudronnée. Non loin, se trouvent les ruines de la ville de Nabak dont les habitants s’étaient révoltés contre Assad au début du soulèvement. Le jaune de la grande roue du parc de loisirs de Nabak est délavé.

On lit sur un graffiti non loin, « Assad pour l’éternité. » Un autre proclame : « Je t’aime Lulu ».

Carte politique de l'Irak et de la Syrie aujourd'hui (attention, de vastes zones désertiques sont attribuées à une des parties, ce qui n'a guère de sens)

Carte politique de l’Irak et de la Syrie aujourd’hui (attention, de vastes zones désertiques sont attribuées à une des parties, ce qui n’a guère de sens)

On ne sait pas avec précision combien de Syriens vivent dans les zones respectivement contrôlées par le gouvernement et par les rebelles, étant donné le bouleversement démographique dans un pays où près de la moitié de la population a fui son domicile. Des zones auparavant dominées par des minorités fidèles à Assad, comme la région littorale de Tartous, majoritairement alaouite, ont vu la typologie de leur population changer avec l’accueil de quelque 350 000 personnes déplacées, en majorité des Musulmans sunnites.

Cela aura en définitive un effet à long terme : il sera difficile au régime d’Assad de se tailler un bastion alaouite comme certains de ses détracteurs l’accusent de le faire – ce que les responsables du gouvernement contestent.

Cela met aussi en lumière le fait que les Sunnites, qui sont le groupe confessionnel majoritaire dans le pays, forment la principale assise du pouvoir d’Assad, alors même que la rébellion est dominée par des Sunnites. Les minorités, comme les Alaouites, les Chiites et les Chrétiens soutiennent généralement le gouvernement ou sont restées neutres.

Parmi les déplacés, se trouvent un prédicateur musulman, Mustafa Shihi et sa femme, Faten Shaar qui ont fuit vers une ville de la province de Tartous après que des rebelles ont incendié leur usine pharmaceutique. Sobhi explique que les rebelles de sa ville d’origine, Alep au nord du pays, l’ont puni parce que son fils Majed était dans l’armée. Majed a été tué en mars de l’année dernière.

L’autre fils de Sobhi vent maintenant des sandwiches devant une université locale. Les biens de cette famille de la classe moyenne-supérieure ont été détruits dans la guerre, mais ils sont sains et saufs à Tartous, déclare Sobhi.

« Nous devons être comme une seule main, » dit-il assis à côté de son épouse sur un mince matelas posé sur le sol,l’unique mobilier de l’appartement. Un grand portrait de son fils tué en uniforme de l’armée et un autre faisant l’éloge d’Assad sont fixés au mur.

Parmi les déplacés, figurent des commerçants sunnites d’Alep, qui était le poumon économique du pays. Certains ont ré-ouvert leurs entreprises à Tartous mais à une échelle réduite.

Tartous: manifestation de soutien au président Assad (2011)

Tartous: manifestation de soutien au président Assad (2011)

Mohammed Jallad, un fabricant de fours, a fui quand les combats se sont intensifiés dans son quartier à Alep. Sa maison et son entreprise ont été détruites dans les bombardements.

Un prêt lui a permis de rouvrir une affaire à Tartous, partageant un espace d’activité industrielle avec quatre autres Alépins. Il dort dans un coin au dessus de ses fours pour économiser de l’argent.

Le prix de location de son local commercial a triplé en deux ans avec l’augmentation de la demande par des personnes déplacées. Alors qu’il faisait travailler 15 ouvriers à Alep, il n’en emploie plus que deux.

Jallad dit qu’il ne veut pas fuir à l’étranger, par crainte de subir le sort des quelque 3 millions de réfugiés syriens qui vivent en majorité dans des conditions misérables.

« Je voulais travailler, alors où aurais-je pu aller ? La situation à l’étranger est humiliante, » dit-il.

En luttant pour s’en sortir, les Syriens se sont adaptés à la réalité.

Taghrid, brodeuse à Damas, dit avoir envoyé son fils en âge d’être incorporé dans l’armée en Égypte pour éviter la conscription, ce que beaucoup de familles ont fait.

« Puisse Dieu le protéger, » dit-elle devant la grande mosquée des Omeyyades à Damas. Elle n’a donné que son prénom par crainte de mettre son fils en danger.

Les services de l’État existent toujours, quoique de manière décousue. Les travailleurs touchent leurs salaires même si la monnaie locale se déprécie. Il y a toujours de l’électricité même si les coupures de courant sont la routine. Les soins restent gratuits quoique les habitants disent que l’attente est longue car des médecins abandonnent leur poste.

« Le gouvernement syrien tient et se cramponne à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Syrie. Et c’est pour nous une affaire sacrée, » affirme la conseillère d’Assad Bouthaina Shaaban.

La vie suit son cours pour les Syriens riches. Cafés et restaurants sont à moitié remplis, leurs propriétaires arguant du fait que la reprise des études par les jeunes a réduit leur affluence. Des hommes d’affaires ont ouvert un centre de loisirs et un centre commercial à Damas et un centre commercial sur sept étages à Tartous.

Au centre commercial Malki à Damas, une pancarte annonce une compétition de selfies. Dans le centre commercial presque vide de Tartous, l’investisseur Ali Naddeh fume une pipe à eau et dit que les boutiques vont bientôt ouvrir.

« C’est une époque d’opportunités, » dit-il.