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Le plaidoyer antisioniste de Naomi Klein

25 avril 2024

Un beau texte de Naomi Klein en forme de plaidoyer passionné contre le sionisme sur la base des valeurs du judaïsme.

C’est la première fois que je traduis un de ses textes. J’ai vérifié qu’il n’était pas déjà traduit mais il se peut qu’entre ma vérification et l’achèvement de ma traduction, ce texte ait été publié par un autre site.

J’aurais quand même eu le plaisir de traduire ce texte que j’ai trouvé très fort comme celui de Philip Weiss il y a quelques années.

Nous avons besoin d’un exode du sionisme

En cette Pâque, nous n’avons pas besoin ni ne voulons de la fausse idole du sionisme. Nous voulons nous libérer du projet qui commet un génocide en notre nom.

Par Naomi Klein, The Guardian (UK) 24 avril 2024 traduit d el’anglais par Djazaïri

J’ai pensé à Moïse et à sa colère lorsqu’il descendit de la montagne pour trouver les Israélites adorant un veau d’or.

L’écoféministe en moi a toujours été mal à l’aise face à cette histoire : quel genre de Dieu est jaloux des animaux ? Quel genre de Dieu veut s’approprier tout le caractère sacré de la Terre ?

Naomi Klein

Mais il existe une manière moins littérale de comprendre cette histoire. Il s’agit de fausses idoles. De la tendance humaine à vénérer ce qui est profane et brillant, à regarder vers le petit et le matériel plutôt que vers le grand et le transcendant.

Ce que je veux vous dire ce soir, lors de ce Seder révolutionnaire et historique dans les rues, c’est qu’un trop grand nombre parmi notre peuple adore une fois de plus une fausse idole. Ils en sont sous l’enchantement. Ivres d’elle. Souillés par elle.

Cette fausse idole s’appelle le sionisme.

C’est une fausse idole qui prend nos histoires bibliques les plus profondes de justice et d’émancipation de l’esclavage – l’histoire de la Pâque elle-même – et les transforme en armes brutales de vol colonial de terres, en feuilles de route pour le nettoyage ethnique et le génocide

C’est une fausse idole qui a pris l’idée transcendante de la terre promise – une métaphore de la libération humaine qui a traversé de multiples confessions aux quatre coins du monde – et a osé en faire un acte de vente pour un ethno-État militariste.

La version de la libération selon le sionisme politique est elle-même profane. Dès le début, elle nécessitait l’expulsion massive des Palestiniens de leurs foyers et de leurs terres ancestrales dans la Nakba.

Depuis le début, le sionisme est en guerre contre les rêves de libération. Lors d’un Seder, il convient de rappeler que sont inclus les rêves de libération et d’autodétermination du peuple égyptien. Cette fausse idole du sionisme assimile la sécurité israélienne à la dictature égyptienne et aux États clients.

Dès le début, le sionisme a produit une hideuse forme de liberté qui considérait les enfants palestiniens non pas comme des êtres humains mais comme des menaces démographiques – tout comme le pharaon du Livre de l’Exode craignait la population croissante des Israélites et ordonnait donc la mise à mort de leurs fils.

Le sionisme nous a amenés à notre présent moment  de cataclysme et il est temps que nous le disions clairement : il nous a toujours conduit dans cette direction.

C’est une fausse idole qui a conduit beaucoup trop de nos concitoyens sur une voie profondément immorale et qui les amène désormais à justifier la mise en pièces des commandements fondamentaux : tu ne tueras point. Tu ne voleras pas. Tu ne convoiteras pas.

C’est une fausse idole qui assimile la liberté juive aux bombes à fragmentation qui tuent et mutilent les enfants palestiniens.

Le sionisme est une fausse idole qui a trahi toutes les valeurs juives, y compris la valeur que nous accordons au questionnement – une pratique ancrée dans le Seder avec ses quatre questions posées par le plus jeune enfant.

Y compris l’amour que nous portons en tant que peuple aux textes et à l’éducation.

Aujourd’hui, cette fausse idole justifie le bombardement de toutes les universités de Gaza ; la destruction d’innombrables écoles, d’archives, d’imprimeries ; le meurtre de centaines d’universitaires, de journalistes, de poètes – c’est ce que les Palestiniens appellent le scolasticide, la destruction des moyens d’éducation.

Pendant ce temps, dans cette ville, les universités font appel à la police de New York et se barricadent contre la grave menace que représentent leurs propres étudiants qui osent leur poser des questions fondamentales, telles que : comment pouvez-vous prétendre croire en quoi que ce soit, et encore moins en nous, pendant que vous permettez, investissez et collaborez avec ce génocide ?

La fausse idole du sionisme a pu se développer sans contrôle pendant bien trop longtemps.

Alors ce soir on dit : ça s’arrête là.

Notre judaïsme ne peut pas être contenu dans un ethno-État, car notre judaïsme est internationaliste par nature.

Notre judaïsme ne peut pas être protégé par le déchaînement de l’armée de cet État, car tout ce que fait cette armée, c’est semer le deuil et récolter la haine – y compris contre nous en tant que Juifs.

Notre judaïsme n’est pas menacé par des personnes qui élèvent la voix en solidarité avec la Palestine, sans distinction de race, d’origine ethnique, d’aptitudes physiques, d’identité de genre et de générations.

Notre judaïsme est l’une de ces voix et il sait que dans ce chœur résident à la fois notre sécurité et notre libération collective.

Notre judaïsme est le judaïsme du Seder de Pâque : le rassemblement en cérémonie pour partager de la nourriture et du vin avec des êtres chers et des étrangers, le rituel qui est intrinsèquement mobile, suffisamment léger pour être porté sur notre dos, n’ayant besoin que les uns des autres : non des murs, pas de temple, pas de rabbin, un rôle pour chacun, même – surtout – pour le plus petit des enfants. Le Seder est une technologie de la diaspora s’il en est, conçue pour le deuil collectif, la contemplation, le questionnement, la mémoire et la renaissance de l’esprit révolutionnaire.

Alors regardez autour de vous. Voilà notre judaïsme. Alors que les eaux montent et que les forêts brûlent et que rien n’est sûr, nous prions sur l’autel de la solidarité et de l’entraide, quel qu’en soit le prix.

Nous n’avons pas besoin ni ne voulons de la fausse idole du sionisme. Nous voulons nous libérer du projet qui commet un génocide en notre nom. Se libérer d’une idéologie qui n’a pas d’autre plan de paix que celui de traiter avec les pétro-États théocratiques meurtriers d’à côté, tout en vendant au monde les technologies de l’assassinat robotisé.

Nous cherchons à libérer le judaïsme d’un ethno-État qui veut que les Juifs aient perpétuellement peur, qui veut que nos enfants aient peur, qui veut nous faire croire que le monde est contre nous afin que nous courions vers sa forteresse et sous son dôme de fer, ou à au moins maintenir le flux des armes et de l’argent.

C’est la fausse idole.

Et ce n’est pas seulement Netanyahou, c’est le monde qu’il a créé et qui l’a fait – c’est le sionisme.

Que sommes-nous? Nous, dans ces rues depuis des mois et des mois, sommes l’exode. L’exode du sionisme.

Et aux Chuck Schumer(s) [de confession juive, Schumer est le chef de file des Démocrates au Sénat] de ce monde, nous ne disons pas : « Laissez partir notre peuple ».

Nous disons : « Nous sommes déjà partis. Et vos enfants ? Ils sont avec nous maintenant.»

Fosses communes et objectif commun des Etats Unis et du régime sioniste

24 avril 2024

Le World Socialist Web Site nous donne un bon compte rendu de la découverte de fosses communes a proximité de l’hôpital Nasser à Gaza. Des fosses communes où des centaines de civils, hommes, femmes et enfants, ont été ensevelis par les forces terroristes sionistes.

Certains corps étaient menottés, certains étaient clairement des patients arrachés à leur lit d’hôpital, d’autres des médecins enterrés dans leur tenue de travail. Des organes auraient été prélevés sur certaines dépouilles.

Le régime sioniste nie évidemment toute responsabilité pour les charniers découverts à Gaza. Raison pour laquelle il faudrait créer une commission d’enquête internationale afin d’établir les responsabilités et, le cas échéant, verser de nouveaux éléments pour les juridictions internationales que sont la Cour Internationale de Justice et la Cour Pénale Internationale.

Il n’y aura évidemment pas de telle commission d’enquête parce que le régime sioniste et les États Unis s’y opposeront.

Ce qui intéresse en ce moment le régime sioniste et ses alliés à Washington, c’est de persévérer dans le crime en lançant une offensive sur Rafah dans le cadre d’un plan conjoint, en réalité un plan conçu conjointement pour atteindre l’objectif commun qui est de détruire le Hamas.

Si les sionistes sont enfermés dans leur logique meurtrière démentielle, force est de constater que les élites dirigeantes des Etats Unis n’ont tiré aucune leçon de leurs échecs en Afghanistan, en Irak, au Yémen ou au Vietnam.

 

Près de 300 corps découverts dans des charniers à l’hôpital Nasser de Gaza

Par Andre Damon, WSWS (USA) 23 avril 2024 traduit de l’anglais par Djazaïri

Près de 300 corps ont été découverts dimanche et lundi dans une série de fosses communes près de l’hôpital Nasser, dans le sud de Gaza. Parmi les morts figurent des hommes, des femmes et des enfants, ainsi que des personnes dont il semble clairement qu’il s’agisse de patients de l’hôpital. Certains ont été découverts menottés, ce qui indique que les victimes ont été tuées lors d’exécutions sommaires massives.

 Après la découverte de charniers similaires à l’hôpital Shifa de Gaza le mois dernier, le charnier de l’hôpital Nasser présente une preuve supplémentaire que les Forces de défense israéliennes (FDI) ont transformé les hôpitaux de Gaza en champs de bataille dans le cadre de leur génocide en cours contre les Palestiniens de l’enclave.

Exhumation de corps près de l’hôpital Nasser

La journaliste palestinienne Bisan Owda a visité le charnier lundi, rapportant que « certains corps » ont été retrouvés « sans organes, ni peau, ni tête ».

Bisan a pointé la caméra vers l’un parmi des centaines de corps en décomposition éparpillés dans le terrain où elle se trouvait. Les jambes du corps étaient bandées, ce qui suggère que la victime était un patient de l’hôpital. «Il ou elle a été blessé. Et l’armée israélienne l’a tué et enterré dans une fosse commune », a-t-elle déclaré.

 Lundi, le colonel Yamen Abu Suleiman, directeur de la protection civile à Khan Younis, a déclaré à CNN que « 73 corps avaient été retrouvés » lundi, portant le nombre total à 283.

Suleiman a déclaré à CNN que certains corps avaient été découverts avec les mains et les pieds liés, évoquant des exécutions sommaires. « Nous ne savons pas s’ils ont été enterrés vivants ou exécutés. »

Le Dr Mads Gilbert, un médecin norvégien qui a travaillé à l’hôpital Shifa, a déclaré à The Young Turks [média US progressiste] que le massacre est une «faillite morale».

Gilbert a condamné les « massacres impitoyables de civils non armés dans les hôpitaux » par Israël. Il a déclaré que ces lieux étaient «des sanctuaires pour protéger la vie et pour donner un abri aux gens lorsqu’ils sont blessés ou malades. L’armée d’occupation israélienne a utilisé ces lieux pour perpétrer les plus horribles et les plus sadiques massacres de Palestiniens .»

L’Organisation de la Coopération Islamique a réagi à cette découverte en appelant à une enquête sur les crimes de guerre, déclarant qu’Israël avait commis « d’horribles massacres ».Elle a ajou : « Des centaines de personnes déplacées, blessées, malades et des équipes médicales ont été soumises à la torture et aux abus avant d’être exécutées et enterrées collectivement. »

Les médias étatsuniens ont fait le choix conscient et délibéré de minimiser et de dissimuler la découverte des charniers, les trois principaux journaux américains – le New York Times , le Washington Post et le Wall Street Journal – n’en ayant pas parlé, malgré la couverture médiatique par CNN. .

En effet, de nouvelles révélations sur les crimes de guerre israéliens saperaient la campagne menée par l’ensemble de l’establishment politique américain pour diffamer les opposants au génocide de Gaza en les traitant d’antisémites, campagne qui est utilisée pour justifier la répression contre les  étudiants qui manifestent à travers les États-Unis. Et tout reportage de ce type révélerait leur complicité dans ces crimes : samedi, la Chambre des représentants américaine a voté à une écrasante majorité en faveur d’une nouvelle aide militaire de 26 milliards de dollars à Israël, en plus de 61 milliards de dollars pour l’Ukraine et de 8 milliards de dollars pour Taiwan.

Les charniers sont découverts alors que la famine massive à Gaza s’aggrave dans un contexte d’intensification du blocus israélien. Lundi, Tlaleng Mofokeng, le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé, a déclaré : « Non seulement Israël tue et cause des dommages irréparables aux civils palestiniens avec ses bombardements, mais lui et ses alliés imposent également sciemment et intentionnellement la famine, la malnutrition prolongée, et la déshydratation.

Lundi, le ministère de la Santé de Gaza a annoncé que 54 personnes avaient été tuées par des attaques israéliennes au cours des dernières 24 heures.

Mais le désastre ne fera que s’aggraver au moment où Israël se prépare à lancer une offensive sur Rafah, où sont réfugiés plus de 1,5 million de déplacés Gazaouis.

Dans un communiqué publié lundi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’est engagé à «porter des coups supplémentaires et douloureux».

« Dans les prochains jours, nous accroîtrons la pression militaire et diplomatique sur le Hamas car c’est le seul moyen de libérer nos otages et d’obtenir notre victoire », a déclaré dimanche Netanyahou.

Au cours du week-end, des dizaines de personnes ont été tuées dans des frappes aériennes à Rafah, portant le bilan officiel du génocide israélien à Gaza à plus de 34 000 morts et des dizaines de milliers de disparus.

Jeudi, les États-Unis et Israël ont eu des discussions de haut niveau sur la planification des opérations américaines dans le sud de Gaza, au cours desquelles les États-Unis ont approuvé les plans d’Israël visant à « vaincre » le Hamas à Rafah.

Dans son compte-rendu de la réunion, la Maison Blanche a déclaré : « Les deux parties se sont mises d’accord sur l’objectif commun de voir le Hamas vaincu à Rafah. »

La semaine dernière, des publications israéliennes et arabes ont rapporté que l’administration Biden avait donné son feu vert à Israël pour mener une attaque contre Rafah.

Lundi, le Wall Street Journal a rapporté qu’Israël allait bientôt commencer à déplacer la population de Rafah en préparation d’une attaque contre la ville qui durerait des semaines.

Le journal a rapporté : « Israël se prépare à déplacer des civils de Rafah vers Khan Younis et d’autres régions voisines, où il prévoit d’installer des abris avec des tentes, des centres de distribution de nourriture et des installations médicales telles que des hôpitaux de campagne, selon des responsables égyptiens informés des plans israéliens.»

Il concluait : « Cette opération d’évacuation devrait durer deux à trois semaines et serait effectuée en coordination avec les États-Unis, l’Égypte et d’autres pays arabes tels que les Émirats arabes unis, ont indiqué les responsables égyptiens. Ils ont déclaré qu’Israël prévoyait de déplacer progressivement ses troupes vers Rafah, en ciblant les zones où Israël pense que les dirigeants et les combattants du Hamas se cachent. Les combats devraient durer au moins six semaines, ont-ils indiqué.

 

Lobby sioniste et classes sociales

30 décembre 2023

Un texte parfois grandiloquent mais intéressant qui a le mérite d’attirer l’attention sur le lobby sioniste aux Etats Unis et son influence considérable sur la vie politique aux Etats Unis et sur les orientations de la politique proche-orientale de ce pays qui, chacun l’aura remarqué, comporte un soutien indéfectible, inconditionnel dirait Mme Yaël Braun-Pivet, à l’entité sioniste, soutien qui transcende le clivage politique «droite-gauche» ou Républicain-Démocrate.

Ce lobby ne fonctionne pas simplement par un appel aux bons sentiments. Il est animé par des gens fortunés qui entretiennent une foule d’associations au rayonnement local ou national et dans lesquelles on retrouve en tout ou partie les mêmes personnes dans leurs conseils d’administration. Cette multiplicité d’organisations est importante quand il faut donner une impression de masse,par exemple quand les responsables du lobby décident qu’il faut lancer une campagne sur un thème qui présente un intérêt à leurs yeux. Le contrôle direct ou indirect de la presse, des médias en général, est alors d’une grande importance.

Le lobby ne se contente pas de faire campagne sur telle ou telle thématique, il intervient dans le choix des électeurs en finançant les campagnes des candidats de son choix, aux élections pour la représentation nationale mais même pour les élections au niveau des Etats voire des villes quand il estime que c’est important pour la cause qu’il défend.

On se pose parfois la question de savoir pourquoi d’autres puissances étrangères ne procèdent pas de la même manière pour promouvoir leurs intérêts aux Etats Unis. La réponse est que s’il existe des lobbies étrangers officiels aux Etats Unis, ils sont dans l’incapacité d’intervenir comme le lobby sioniste dans la vie politique du pays parce que ce dernier, à la différence des lobbies étrangers, n’est pas enregistré comme représentant les intérêts d’un Etat étranger mais comme un lobby purement national.

Milliardaires, impérialistes et antisémites : les forces derrière les attaques contre l’opposition au génocide de Gaza

Par Gabriel Black, World Socialist Web Site (WSWS) 27 décembre 2023 traduit de l’anglais par Djazaïri

Plus de 80 jours après le début de la guerre génocidaire menée par Israël contre la population de Gaza, la classe dirigeante attaque durement les droits démocratiques dans les principaux pays capitalistes afin de réprimer et d’isoler les protestations de masse contre le génocide.

Les marches qui ont mobilisé, à l’échelle mondiale, des dizaines de millions de personnes sont implacablement et cyniquement qualifiées d’«antisémites» par la presse bourgeoise. En Allemagne,  les manifestations  contre le massacre sont carrément interdites et criminalisées. Aux États-Unis, sur les campus universitaires, les films  de jeunes réalisateurs juifs critiquant l’État d’Israël sont interdits et ceux qui les projettent sont menacés d’expulsion. Des organisations estudiantines opposées au massacre qui se déroule à Gaza sont carrément  interdites , notamment Jewish Voice for Peace.

Le Congrès des États Unis a engagé une chasse aux sorcières qui cible les directions universitaires dont les paroles et les actions ne remettent pas suffisamment en cause le droit des étudiants à manifester. L’interrogatoire par le Congrès des présidents d’université Liz Magill (Penn), Claudine Gay (Harvard) et Sally Kornbluth (MIT) au début du mois de décembre a été un événement maccarthyste dont l’»objectif est d’intimider  d’autres dirigeants d’établissements pour qu’ils marchent au pas de cette attaque contre les droits démocratiques. Ceux qui ne révoquent pas ou ne restreignent pas de manière adéquate les droits fondamentaux des étudiants et des employés à manifester s’exposent à être démis de leurs fonctions. Les médias sont entièrement complices, le  New York Times  chassant  les journalistes et le personnel qui deviennent trop « politiques » en qualifiant l’attaque israélienne de génocide dans leurs écrits non liés à leur emploi, y compris dans leurs publications sur les réseaux sociaux.

Vingt-deux élus démocrates à  la Chambre des représentants et pratiquement tous les républicains ont voté pour censurer  la représentante américaine Rashida Tlaib (démocrate du Michigan) pour avoir appelé à un cessez-le-feu. Pendant ce temps, des personnalités comme le sénateur républicain Lindsey Graham sont applaudies lorsqu’elles appellent à une «guerre totale » contre ce qu’il appelle « la population la plus extrémiste de la planète », à savoir les habitants de Gaza.

Claudine Gay, présidente de l’université de Harvard et Liz Magill, son homologue de l’université de Pennsylvanie, auditionnées à la Chambre des Représentants le 5 décembre 2023

Comme l’a déclaré l’International Youth and Students for Social Equality dans sa  déclaration du 12 décembre s’opposant à cette chasse aux sorcières, «les objectifs principaux… sont doubles : premièrement, la destruction de la liberté d’expression sur les campus et au-delà, et, deuxièmement, la subordination complète de des écoles et des universités aux intérêts de l’État, de l’armée et aux objectifs de la politique étrangère américaine». 

L’administration Biden a joué un rôle de premier plan dans la campagne visant à censurer l’opposition à Israël sur les campus universitaires. En octobre, la Maison Blanche a lancé une campagne pour lutter contre la montée du sentiment pro-palestinien sur les campus, en envoyant des équipes du Département de l’Éducation dans les principales universités et facultés du pays.

Le porte-parole de la Maison Blanche, Andrew Bates, parlant des manifestations étudiantes contre Israël, a déclaré : « ces sentiments et ces actions grotesques choquent la conscience et retournent l’estomac. Ils rappellent également notre engagement qui ne peut être oublié : « plus jamais ça ». Pourtant, cyniquement, c’est la Maison Blanche qui a fourni presque toutes les bombes larguées sur Gaza, tuant plus de 20 000 civils, principalement des femmes et des enfants, le pire nettoyage ethnique du 21e siècle.

Les milliardaires

Pour mieux comprendre la base sociale étroite de la campagne visant à faire taire l’opposition au génocide israélien, il est utile de comprendre  qui  la dirige. Cette campagne de censure et d’intimidation est menée par une alliance de milliardaires, de sionistes, de l’extrême droite, de hauts responsables gouvernementaux et des leaders politiques de l’impérialisme américain.

Le premier  groupe important à être impliqué est constitué d’une poignée de multimilliardaires et d’acteurs du pouvoir économique dont la mainmise sur l’économie mondiale leur permet de contrôler la direction politique et culturelle des grandes universités et autres institutions importantes.

Comme le souligne le  World Socialist Web Site  dans un  article  écrit par un employé anonyme de Harvard :

« Tout comme les inégalités en général sont de plus en plus incompatibles avec ce qui reste de démocratie, la subordination des universités à de riches donateurs est également incompatible avec la liberté académique. La «révolte des donateurs» de droite et pro-sionistes est une évolution qualitative de la part des grands donateurs des universités qui tentent d’utiliser leur pouvoir et leur influence pour façonner le discours sur les campus. Le fait que ces donateurs exercent une telle influence – et que beaucoup d’entre eux cherchent à l’exercer publiquement – montre à quel point le monde universitaire est déjà profondément compromis. »

En effet, les universités dépendent largement de ce flux financier. Selon le Council for Advancement and Support of Education, en 1980, les dons privés aux facultés et universités américaines se sont élevés à 4,2 milliards de dollars. Aujourd’hui, ils ont bondi à 59,5 milliards de dollars

Ci-après, quelques-uns des grands milliardaires dont la « révolte des donateurs » est à la pointe de l’attaque contre les droits fondamentaux à la liberté d’expression et à la protestation sur les campus américains.

Les Wexner  – L’un des plus importants capitalistes du commerce de détail, Wexner a amassé 10,6 milliards de dollars et est la 192e personne la plus riche au monde, selon  Bloomberg . Wexner a fondé L Brands, qui contrôle, ou contrôlait auparavant, Bath & Body Works, Victoria’s Secret, Abercrombie & Fitch, Express et plusieurs autres grandes marques. Même si Wexner ne contrôle plus L Brands, sa fondation, la Wexner Foundation, a fait don de dizaines de millions de dollars à Harvard au cours des dernières décennies et a désormais récolté des millions de dollars de soutien futur. (Il est également le milliardaire qui a été la rampe de lancement du trafiquant sexuel condamné Jeffrey Epstein, qui a géré les avoirs personnels de Wexner pendant près de deux décennies).

Idan Ofer  – Idan et son frère Eyal sont les 77e et 87e personnes les plus riches du monde, possédant 42 milliards de dollars, selon Bloomberg. Ensemble, ils contrôlent Ofer Global, Zodiac Group, Quantum Pacific Group et Global Holdings, qui sont d’importantes sociétés d’investissement dans les secteurs industriel, énergétique et immobilier. Ils possèdent environ la moitié d’Israeli Corp., la plus grande société holding d’Israël. Collectivement, leurs entreprises génèrent des centaines de milliards de dollars de revenus par an grâce au transport maritime, aux engrais, aux produits chimiques industriels, à l’énergie et à l’immobilier. Miller Global Properties, l’une des nombreuses « petites » sociétés dans lesquelles ils détiennent une participation importante, se distingue par le contrôle de diverses propriétés emblématiques, telles que le parcours de golf de Pebble Beach, la station de ski d’Aspen et l’hôtel Bevely Hills. Idan Ofer et son épouse Batia ont tous deux quitté le conseil d’administration de la Harvard Kennedy School pour tenter de faire pression sur l’université afin qu’elle réprime les protestations pro-palestiniennes sur le campus. Les entreprises d’Idan Ofer ont été au cœur de multiples fuites de produits chimiques et scandales environnementaux en Israël. Eyal était auparavant officier du renseignement dans l’armée de l’air israélienne; il réside désormais à Monaco.

Bill Ackman – Ackman est un milliardaire américain qui dirige Pershing Square Capital, un fonds spéculatif a environ 20 milliards de dollars sous sa gestion. Ackman possède personnellement 4 milliards de dollars. Pershing Square Capital détient des actions importantes dans de grandes sociétés américaines, notamment 10 % de Target, 1 % de Procter & Gamble, 10 % de Chipotle, 7 % d’Universal Music Group et plus d’un milliard de dollars dans Netflix. Ackman mène actuellement une campagne virulente pour évincer la présidente de Harvard, Claudine Gay. Auparavant, Ackman s’était battu pour que Harvard divulgue tous les noms des étudiants qui avaient signé une déclaration pro-palestinienne, exigeant que les employeurs refusent d’embaucher ces étudiants.

Ken Griffin  – Griffin est la 35e personne la plus riche au monde, avec plus de 37 milliards de dollars d’actifs. Il est le PDG de Citadel, un énorme fonds spéculatif de 52 milliards de dollars basé à Miami. Citadel détient une part importante dans certaines des plus grandes sociétés de technologie et de biosciences, notamment Microsoft, Activision, Boston Scientific, Nvidia, Humana, Apple, Comcast, Merck et Adobe. Griffin a fait don de plus d’un demi-milliard de dollars à Harvard et fait pression sur l’université pour qu’elle adopte une position pro-israélienne plus forte.

Cliff Asness  – Asness est un milliardaire américain qui a fondé AQR Capital Management, qui gère plus de 100 milliards de dollars. Asness a annulé tous ses dons à l’Université de Pennsylvanie et a lancé une campagne publique pour faire pression sur l’université afin qu’elle cesse de « soutenir le mal». Dans une diatribe publiée dans le  Wall Street Journal , il a décrit les manifestations pro-palestiniennes comme le reflet de la « pourriture profonde et systématique des campus universitaires de l’élite ».

Marc Rowan –  Rowan est copropriétaire d’Apollo Asset Management, l’une des plus grandes sociétés de capital-investissement. Il possède plus de 6 milliards de dollars de richesse personnelle. Il a mis fin à ses dons à l’Université de Pennsylvanie, utilisant « les tactiques de Wall Street pour «faire plier» l’université, selon les termes de  Business Insider . Apollo a des investissements tentaculaires dans l’immobilier, les compagnies de croisières (Norwegian, Regent), les hôtels (Harrah’s Entertainment), l’éducation (McGraw Hill), le divertissement (Chuck E. Cheese), la sécurité privée (ADT) et le commerce de détail (Smart et Final). Le cofondateur d’Apollo, Leon Black, était auparavant PDG de la société avant  des révélations selon lesquelles il avait payé à Jeffrey Epstein plus de 100 millions de dollars pour des services

Sionistes, antisémites et ethno-nationalistes

À ce groupe de milliardaires s’ajoute une série d’ethno-nationalistes, à la fois sionistes et Trumpistes du MAGA, qui coordonnent plus étroitement les efforts visant à museler  l’indignation contre le génocide israélien.

Un film récent de 2023,  Israelism, réalisé par deux cinéastes juifs, donne un aperçu des mécanismes utilisés pour promouvoir le sionisme dans la culture américaine et l’assimiler au judaïsme. L’un des personnages centraux du film est Abe Foxman, un avocat américain et multimillionnaire qui a été directeur national de l’Anti-Defamation League (ADL) de 1987 à 2015. Foxman et l’ADL sont des acteurs majeurs du lobby sioniste américain, fortement impliqué dans la promotion d’organisations telles que Birthright [qui organise des séjours en Palestine occupée pour de jeunes Juifs américains, NdT] .

L’ADL qualifie toutes les organisations juives opposées à la politique de l’État d’Israël de « groupes haineux ». Jonathan Greenblatt, l’actuel chef de l’ADL, a décrit sur Twitter des organisations telles que Jewish Voice for Peace comme «le portrait renversé des suprémacistes blancs». « Nous disons depuis longtemps qu’il s’agit de groupes haineux », a-t-il déclaré.

La comparaison des militants juifs de gauche opposés à un État ethno-nationaliste d’apartheid avec les suprémacistes blancs est aussi calomnieuse qu’absurde par ignorance. Ce sont précisément ces types de comparaisons qui sont utilisés comme munitions dans les efforts visant à interdire les organisations antisionistes comme Jewish Voice for Peace et Students for Justice in Palestine des campus.

Foxman avait déjà fourni une couverture politique à la montée en puissance de Donald Trump, déclarant dans une interview : « Je ne pense pas qu’il soit raciste, je ne pense pas qu’il soit antisémite. »

Le mariage entre le lobby sioniste – dont beaucoup sont démocrates, comme Foxman et Ackman – et la droite fasciste doit être souligné.

Henry Schwartz, membre du comité exécutif de l’un des principaux lobbys sionistes américains, la Zionist Organization of America, a déclaré que les Juifs étaient « bénis par le ciel avec l’élection de Donald Trump comme président des États-Unis».

Pour ces couches aisées, indifférentes à la crise sociale, qui se solidarisent non pas avec le sort de millions de Juifs de la classe ouvrière mais plutôt avec l’élite capitaliste, l’ethno-nationalisme ouvertement fasciste de Trump est chaleureusement accueilli. Lorsqu’en 2017, des fascistes, des néonazis et des suprémacistes blancs ont marché au flambeau dans Charlottesville, en Virginie, scandant « Les Juifs ne nous remplaceront pas », Trump a déclaré que c’étaient « des gens très bien ». Mais cela ne posait aucun problème à ces donateurs, qui par antisémitisme entendent simplement l’opposition au gouvernement israélien.

Le «procureur» en chef lors de l’audience maccarthyste du 6 décembre pour les présidents de Harvard, du MIT et de Penn était la représentante républicaine Elise Stefanik (New York). Stefanik est une proche alliée de Donald Trump, qui a exprimé son soutien à la soi-disant « théorie du grand remplacement », une théorie ouvertement fasciste et antisémite, selon laquelle une conspiration d’élites libérales juives tente d’«empoisonner le sang». – selon les mots de Trump – des nations chrétiennes occidentales blanches par le biais d’une immigration massive. Elle a soutenu la tentative de Trump de contester l’élection présidentielle par le coup d’État du 6 janvier 2021.

Ces forces sont étroitement liées au mouvement évangélique de droite, avec ses pasteurs milliardaires et multimillionnaires, qui soutiennent avec enthousiasme le bain de sang en Palestine. Des personnalités telles que John Hagee, l’influent évangéliste texan, prêchent que la guerre en Israël et en Palestine est l’annonce de la « fin des temps », au cours de laquelle des armées de Chine, de Russie, d’Iran et de divers pays arabes viendront contre Israël. « Dieu les éliminera », a-t-il déclaré en octobre. Hagee fait partie d’un groupe plus large de sionistes chrétiens, dont beaucoup gravitent autour du Trinity Broadcasting Network, l’une des plus grandes sociétés de médias chrétiennes évangéliques, avec une influence et des liens significatifs avec le parti républicain.

Au-delà des évangéliques, les liens étroits entre le lobby sioniste et l’extrême droite sont bien documentés.

L’un des plus grands donateurs de Trump était feu Sheldon Adelson, qui, en 2015, avait amassé 28 milliards de dollars grâce à l’industrie addictive et exploiteuse des casinos. Selon  Forbes,  il était la 18e personne la plus riche du monde quelques années avant sa mort en 2021. Adelson était une figure majeure du Conseil israélo-américain, agissant à la fois au sein de son conseil d’administration et en tant que principal donateur. 

Adelson avait été présenté à Trump par l’intermédiaire de Michael Steinhardt, un gestionnaire de fonds spéculatifs et milliardaire américain, cofondateur du programme Birthright Israel. Steinhardt était également un donateur majeur de Trump, ainsi que de l’Université de New York, dont il était membre du conseil d’administration avant de démissionner suite à des accusations de trafic illégal d’antiquités.

Il est à noter que l’un des fondateurs de Birthright est un partisan majeur de Trump. 

Le droit de naissance est une institution essentielle à la fois pour obtenir un soutien politique pour Israël aux États-Unis et pour faciliter l’émigration vers Israël, en particulier vers ses colonies illégales en Cisjordanie. Environ un colon israélien sur six en Cisjordanie est un citoyen américain. Quelque 800 000 jeunes ont effectué des voyages gratuits en Israël parrainés par la Birthright Israel Foundation, que le New York Times décrit comme un « rite de passage » pour de nombreux jeunes juifs américains. Le rabbin Bennet Miller, président national de l’Association des sionistes réformés d’Amérique, insiste dans une interview pour le film Israelism : « Chacun de nos enfants devrait y aller, non pas pour dix jours, mais pour un semestre ou un an. » Ces dernières années, des milliers de jeunes ont manifesté lors de ces voyages, quittant le séjour en pleine visite des colonies en Cisjordanie s’opposant ainsi aux visites guidées du circuit.

Cette imbrication de la droite fasciste, de l’impérialisme américain et des forces sionistes peut également être observée dans les procès en cours aux États-Unis en ce moment, affirmant la présence d’un antisémitisme endémique sur les campus américains. Une  enquête  menée par  Grayzone  montre que toutes les actions en justice sont intentées par un seul cabinet d’avocats, Kasowitz Benson Torres. David Friedman a également été l’un des principaux avocats de ce  cabinet jusqu’en 2017, date à laquelle il est devenu ambassadeur des États-Unis en Israël sous Trump. Friedman fait actuellement campagne pour que la New York University engage une répression contre les manifestations pro-palestiniennes.

Ce cabinet d’avocats a été décrit par Eric Garland, analyste géopolitique et influenceur, comme « le représentant de Netanyahu à la Maison Blanche sous Trump ». Le cabinet d’avocats a été fondé par un avocat de Big Tobacco, Marc Kasowitz, un donateur de longue date des partis républicain et démocrate, notamment pour Trump, Biden et Obama. Le cabinet était auparavant enregistré en tant qu’agent étranger, représentant Israël, auprès du ministère américain de la Justice. donateurs majeurs du bataillon fasciste Azov, aujourd’hui en prison pour fraude. 

La présence de cette firme d’avocats, et du lobby sioniste plus largement, dans la conduite des attaques contre les droits démocratiques témoigne de l’implication directe de l’État d’Israël. Les « gars à la Maison Blanche » de Netanyahu mènent les procédures judiciaires sur lesquelles se fondaient en partie les audiences du Congrès. Ce n’est un secret pour personne que l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) fonctionne comme une branche directe de Tel Aviv qui intervient dans la politique américaine, une sorte de lien pour le soutien bipartisan de l’impérialisme américain à Israël. L’organisation fondée par Isaiah Kenen, ancien membre du ministère israélien des Affaires étrangères, a dépensé des centaines de millions de dollars pour recruter des candidats aux élections aux États-Unis. Plus récemment, l’AIPAC a dépensé la somme colossale de 100 millions de dollars dans le cadre d’une campagne visant à faire pression sur les démocrates « progressistes » pour qu’ils soutiennent Israël ou se retrouvent à affronter un concurrent bien financé aux primaires ou aux élections générales.

Le  reportage de The Grayzone  note également que les « témoins » qui ont intenté des poursuites par l’intermédiaire de cette firme juridique ont tous été des semi-employés, bien qu’ils soient étudiants, d’organisations de lobbying israélien, en particulier l’Alliance for Israel, l’Israel Alliance, et Students Supporting Israel. Alors que ces employés rémunérés de ces organisations ont affirmé avoir été confrontés à des discours haineux, par exemple qu’on leur a dit : « Vous êtes un sale petit juif et vous méritez de mourir », leurs dépôts de plainte ne fournissent aucun exemple spécifique ni aucune référence à de tels moments d’antisémitisme, mais simplement des confrontations avec des militants pro-palestiniens, des cris et l’utilisation du slogan soi-disant antisémite « du fleuve à la mer ».

Le soutien à la Palestine est une question de classe sociale

Cet attelage de sionistes, de milliardaires et d’antisémites purement fascistes témoigne du fait que la campagne en cours pour attaquer les droits démocratiques fondamentaux, y compris la liberté d’expression, n’a rien à voir avec les revendications populaires des étudiants, ni, d’ailleurs, avec une campagne contre le véritable antisémitisme. 

Dans une importante conférence prononcée le 14 décembre à l’Université Humboldt de Berlin,  le président du comité de rédaction du World Socialist Web Site International, David North, a décrit l’idéologie fasciste qui sous-tend le régime de Netanyahu en Israël :

Parmi les crimes commis par le régime israélien, il n’y a pas de mensonge plus grand et plus insidieux que l’affirmation selon laquelle l’opposition au sionisme est, et ne peut qu’être, antisémite. C’est un mensonge qui est réfuté par la longue histoire d’opposition au sionisme d’avant 1948 parmi d’innombrables milliers de travailleurs et d’intellectuels juifs, sur plusieurs générations, qui ont rejeté l’appel mythique au retour en Palestine.

Le mouvement socialiste de la classe ouvrière a joué un rôle essentiel dans l’opposition au sionisme, a expliqué North :

« [Les socialistes] ont identifié et dénoncé le caractère politiquement réactionnaire de la perspective d’établir un État juif en Palestine. Il était entendu que ce projet était une entreprise colonialiste, qui ne pouvait être réalisée qu’en alliance avec l’impérialisme et aux dépens de la population arabe palestinienne qui vivait sur le territoire depuis 2 000 ans. »

Le génocide de Gaza n’a rien à voir avec la défense du peuple juif. En fait, insister sur le fait que la mort horrible de plus de 20 000 personnes sert les Juifs ou le judaïsme est en soi quelque chose de profondément pervers et fondamentalement antisémite – prétendre que les Juifs ou le judaïsme ont besoin de ce massacre.

Ceux qui censurent la mobilisation des masses et la montée de la colère chez les jeunes et les travailleurs du monde entier ne reflètent pas un véritable mouvement populaire, et encore moins un véritable mouvement populaire du peuple juif. Cette campagne est plutôt le produit d’une alliance de multimilliardaires, d’antisémites amoureux de Trump et de stratèges et de pantins impérialistes américains dévoués à Israël comme à une nécessité géopolitique. Protégée et promue par les médias, cette alliance de la réaction représente les intérêts d’une infime minorité

Les travailleurs et les jeunes doivent faire tout leur possible pour dénoncer et résister à cette attaque en cours contre les droits démocratiques. Lutter non seulement contre le génocide israélien contre la Palestine, mais aussi contre les préparatifs plus larges d’une guerre menée par les États-Unis contre l’Iran et la Chine, nécessite une opposition militante contre toute tentative visant à priver la population de son droit fondamental à même remettre en question les actions entreprises par le gouvernement sur la Palestine. sous prétexte de « sécurité nationale ».

Le sionisme et l’apartheid

31 décembre 2022

Comme moi, vous avez lu ou entendu les réactions suite au retour de Benjamin Netanyahou aux manettes du gang sioniste flanqué de complices au racisme décomplexé. Et vous avez eu l’impression que ce qui se tramait dans l’entité sioniste, c’était un changement radical.

L’ambassadrice sioniste Yael German en compagnie de Ted Deutchn président de l’American Jewish Committee

Les responsables politiques des grandes puissances ne s’y sont eux pas trompés en ne voyant pas de rupture par rapport à l’histoire de l’entité sioniste et ils ont félicité Netanyahou, annonçant qu’ils travailleraient avec lui comme ils l’ont fait avec les autres.

Les réactions les plus négatives viennent des Juifs libéraux ou, sionistes modérés (si tant est que ce soit possible). Par exemple de Yael German, l’ambassadrice sioniste à Paris qui a annoncé sa démission car la politique annoncée par Netanyahou est « contraire à sa conscience ». Ces sionistes « modérés » ont le sentiment que leur idéal sioniste est en train de disparaître pour laisser place à un régime franchement raciste et aux tendances fascistes.

Or, comme l’explique Lawrence Davidson dans l’article que je vous propose, cette évolution correspond à la nature fondamentale du projet sioniste, nature dont l’expression publique se faisait avec retenue pour éviter d’effaroucher les opinions publiques de par le monde.

Ce temps du refoulement est manifestement révolu.

Thomas Friedman et le mythe de l’Israël libéral
Par Lawrence Davidson, Counter Punch (USA) 23 décembre 2022 traduit de l’anglais par Djazaïri

Israël est en train de constituer un gouvernement de droite agressif et raciste sous la direction de Benjamin Netanyahu, un homme sans principes. Ce n’est pas la première fois que les Israéliens élisent un gouvernement aussi répugnant. En effet, au moins trois fois dans sa courte histoire, l’électorat juif israélien a choisi des fanatiques idéologiquement engagés (dans ces cas, ayant en plus un passé terroriste) comme dirigeants : Yitzhak Shamir, Ariel Sharon et Menahem Begin. Ces choix de l’électorat n’étaient pas non plus des exceptions qui auraient été en quelque sorte contraires au caractère national d’Israël. Ils étaient tous, comme c’est également le cas aujourd’hui, les résultats logiques d’une opinion nationale – représenté par l’idéologie de l’État sioniste d’Israël – qui a toujours été fondamentalement raciste et qui, à de fréquentes occasions, se déchaîne en des sommets de haine devant la résistance légitime de ses victimes palestiniennes.

Lawrence Davidson

Cependant, les partisans d’Israël dans la diaspora ignorent souvent ces faits historiques. Qu’ils le fassent témoigne de la puissance du mythe généré par la propagande d’un Israël libéral et démocratique – l’Israël idéalisé que tant de gens connaissent dans leur cœur, qui pourrait et devrait être le véritable Israël. L’un de ceux qui semblent confondre l’idéal avec le réel est Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times, qui écrit souvent sur Israël.

Dans une chronique récente intitulée The Israel We Knew is Gone, [l’Israël que nous connaissions n’est plus] Friedman écrit comme si le prochain gouvernement de Netanyahou avait un caractère unique : «une alliance tapageuse de dirigeants ultra-orthodoxes et de politiciens ultranationalistes, y compris certains extrémistes juifs anti-arabes carrément racistes autrefois considérés comme complètement en dehors des normes et des frontières de la politique israélienne. Friedman mentionne « Itamar Ben-Gvir, qui a été condamné par un tribunal israélien en 2007 pour incitation au racisme et soutien à une organisation terroriste juive » ainsi que «Bezalel Smotrich, le chef du parti Sionisme religieux, qui a longtemps prôné l’annexion pure et simple de la Cisjordanie par Israël » et a défendu la violence des colons contre les Palestiniens.

Friedman ne croit pas que ces personnages, ou les partis qu’ils dirigent, soient représentatifs de l’Israël qu’il connaît. Cependant, leurs perspectives et leurs objectifs diffèrent peu de ceux d’un Shamir, d’un Sharon ou d’un Begin. Ce qui est différent, ou comme le dit Friedman, «en dehors des normes et des limites de la politique israélienne », c’est le manque de retenue en public diplomatiquement embarrassant d’hommes tels que Ben-Gvir et Smotrich, combiné à la volonté de Netanyahou de sacrifier le mythe de l’Israël libéral pour conserver le pouvoir. Tout cela est un choc pour Friedman et la vision qu’il préfère de l’État juif. Il constitue une «réalité auparavant impensable». Netanyahou conduit Israël là où aucun politicien israélien « n’est allé auparavant », etc. Friedman conclut donc que « l’Israël que nous connaissions n’est plus ».

La réalité, c’est l’apartheid

Pour démontrer à quel point l’analyse de Friedman est superficielle, considérez ce qui suit. En 2021, trois organisations de défense des droits de l’homme établies et réputées pour leurs conclusions fiables, ont produit des rapports publics factuels démontrant qu’Israël, tant dans la culture que dans les politiques gouvernementales, est un État qui pratique l’apartheid. (L’apartheid, « un système institutionnalisé de ségrégation et de discrimination fondée sur la race », a été déclaré crime contre l’humanité en vertu du droit international.) B’tselem, l’organisation israélienne de défense des droits humains, a publié son rapport en janvier 2021. Amnesty International a suivi en février et Human Rights Watch en avril. En octobre 2022, les Nations Unies ont publié un rapport décrivant le comportement d’Israël dans ses territoires occupés comme du « colonialisme de peuplement ».

L’apartheid n’est pas quelque chose que les Juifs israéliens ont découvert en se levant le matin. C’est leur choix historique, auquel Thomas Friedman semble avoir peu prêté attention. Ainsi, lorsqu’il décrit la situation actuelle, il ne mentionne pas que le but du sionisme a toujours été l’appropriation de toute la Palestine avec le moins de Palestiniens en résidence possible. Il [Friedman] désigne plutôt un groupe distinct d’Israéliens « qui ont toujours détesté les Arabes », et la croissance de ce groupe due à « une recrudescence dramatique de la violence – coups de couteau, fusillades, guerre des gangs et crime organisé – par les Arabes israéliens … contre les Juifs israéliens, en particulier dans les communautés mixtes.

Pour les partisans du parti de droite Likoud de droite, les partis religieux et le mouvement des colons, cette violence ne se produit pas parce qu’Israël est un État d’apartheid, mais parce qu’Israël a été, à leurs yeux, trop libéral envers les Palestiniens. Et maintenant il est temps de mettre fin à cette prétendue orientation tolérante. L’un des slogans les plus réussis de la campagne politique de Netanyahu était : « Ça y est. Nous en avons assez ».

Le racisme brise toutes les pulsions humanistes

Le succès de Netanyahu dans la mobilisation d’une droite aux multiples facettes, toujours active, sinon politiquement unie, fait finalement peur à Thomas Friedman. Il s’alarme qu’Israël soit en proie à une ferveur « ultranationaliste générale ». Citant Moshe Halbertal, le philosophe juif de l’Université hébraïque, « Ce que nous voyons est une évolution de la droite belliciste vers une identité politique construite sur la focalisation sur « l’ennemi extérieur » – les Palestiniens – vers une focalisation sur « l’ennemi intérieur » – l’Arabe israélien. » Le problème avec l’analyse d’Halbertal est qu’elle est basée sur une fausse dichotomie. Le sionisme n’a jamais fait de distinction sérieuse entre les Palestiniens de l’intérieur et ceux de l’extérieur. Pour de nombreux sionistes, ce sont tous des Arabes qui devraient être poussés à émigrer vers les terres arabes voisines. Le sionisme a rendu cette attitude inévitable en créant, dès le début, une société expansionniste et discriminatoire définie par la religion qui dérive vers la race. La recherche de compromis basés sur le « processus de paix » ou une « solution à deux États » apparaissent maintenant comme de vieilles ruses qui ont servi à détourner l’attention de l’opinion mondiale du véritable objectif d’Israël. En ce qui concerne « l’Israël historique » [c’est-à-dire l’entité sioniste réelle, NdT], un programme maximaliste d’occupation et de colonisation a toujours été le seul résultat acceptable pour les sionistes au pouvoir.

Les circonstances politiques actuelles effraient Friedman aussi d’une autre manière. Il nous dit que « la coalition de Netanyahu a également attaqué les institutions indépendantes vitales qui sous-tendent la démocratie israélienne et sont responsables, entre autres, de la protection des droits des minorités ». Des institutions telles que le système des juridictions ordinaires, les médias et la Cour suprême doivent être disciplinées en étant « placées sous le contrôle politique de la droite ». Cependant, cette volonté de contrôler les institutions ne concerne pas principalement les Palestiniens. Elle reflète la haine de la droite (et tout comme aux États-Unis, la haine semble être le mot adéquat) à l’égard des attitudes des sionistes de gauche et du centre sur les questions qui affectent les juifs israéliens : Qui est juif ? les «droits des minorités» , des couples de même sexe, des personnes LGBTQ, les problèmes des femmes, les juifs réformés, etc. Friedman semble incapable d’appréhender le fait que le racisme au coeur de la culture et de la politique en Israël ne peut que briser les élans humanistes à l’intérieur de cette société, même pour des problèmes qui touchent des Juifs.

En fin de compte, Friedman est préoccupé « par l’avenir du judaïsme en Israël » et il pourrait bien avoir raison de l’être. Revenant à Halbertal, il note que « la Torah représente l’égalité de tous les peuples et la notion que nous sommes tous créés à l’image de Dieu. Les Israéliens de tous les peuples doivent respecter les droits des minorités parce que nous, en tant que Juifs, savons ce que c’est que d’être une minorité. C’est une philosophie juive profonde. Alors, pourquoi cette essence de l’enseignement juif est-elle si faible au sein de l’Israël sioniste ? Ni Friedman ni Halbertal ne saisissent la cause profonde – la nature historiquement raciste, voire d’apartheid, de l’Israël sioniste. Ils ne comprennent pas parce qu’ils sont aveuglés par le mythe de l’Israël libéral, qui est maintenant en danger soi-disant à cause de la résistance des Palestiniens. Il cite Halbertal qui se plaint : « Quand vous avez ces menaces de sécurité viscérales dans la rue tous les jours, il devient plus facile pour ces immondes idéologues de se mettre en avant.»

L’affirmation de Thomas Friedman selon laquelle « l’Israël que nous connaissions n’est plus » relève en grande partie de l’illusion. En bonne partie, son Israël n’a jamais existé. Certes, il y avait, et il y a encore pour le moment, une façade pseudo-démocratique – quelque chose comme la «démocratie» en Alabama, aux États-Unis, dans les années 1950. Les choses évoluent maintenant davantage dans le sens fasciste. Bezalel Smotrich, l’une des bêtes noires de Friedman, a proclamé que les droits de l’homme et les institutions qui soutiennent ces droits sont des «menaces existentielles » pour Israël. La plupart des sionistes accepteront cette affirmation, du moins en ce qui concerne les Palestiniens, car elle correspond historiquement aux sensibilités israéliennes. Après tout, l’occupation se poursuit dans toute sa gloire immorale depuis un demi-siècle sans objection significative de la plupart des Juifs israéliens et de leurs partisans de la diaspora.

Ce que vous voyez maintenant si publiquement étalé est, et a toujours été, la véritable culture et le caractère de l’Israël sioniste – un État conçu pour un seul groupe et construit sur la conquête et la dépossession des autres. Nier cela, c’est nier l’histoire et la logique de l’idéologie sioniste. Et le coût ? Cela doit être compris non seulement en termes de droits des Palestiniens, mais aussi en termes d’essence même du judaïsme, qui sont tous deux détruits simultanément. Tout cela devrait maintenir Thomas Friedman, et d’autres adeptes du mythe de l’Israël libéral, éveillés toute les nuits avec des cauchemars à n’en plus finir

Lawrence Davidson est professeur d’histoire à la retraite à l’Université West Chester à West Chester, Pennsylvanie.

Mario Vargas Llosa, du sionisme au boycott? (Patience, pas encore)

21 Mai 2018

Le texte que je vous propose ici est d’un intérêt certain, moins par son contenu que par son auteur.

En effet, l’auteur de cet article d’opinion est un illustre écrivain hispano-péruvien qui appartient à la même génération que Gabriel Garcia Marquez et Julio Cortazar. Comme Garcia Marquez, Vargas Llosa est lauréat du prix Nobel de la paix.

Engagé dans sa jeunesse à gauche, soutenant notamment la révolution cubaine, Mario Vargas Llosa a évolué politiquement pour se situer nettement à droite.

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Mario Vargas Llosa

Pour le sujet qui nous intéresse, il faut surtout savoir que Mario Vargas Llosa a regardé et continue à regarder l’aventure coloniale sioniste d’un œil très favorable. J’ignore depuis quand l’auteur péruvien est dans ces dispositions mais j’ai l’impression que c’est ancien et que c’est probablement d’abord lié à des amitiés personnelles entretenues avec des hommes de lettres de l’entité sioniste. Mais aussi à un vieux fond colonialiste chez cet homme originaire d’une ancienne colonie espagnole mais dont je doute qu’il appartienne à la communauté indigène de son pays. Ce fond colonialiste, je le repère dans sa reprise du mythe qui, après avoir servi en Algérie, a servi et continue à servir pour l’entité sioniste, à savoir que les colons juifs ont « construit des villes modernes et des fermes modèles là où il n’y avait que des déserts ».

On se demande comment quelqu’un d’intelligent et cultivé peut, en 2018, écrire ce genre de choses et en plus en faire un argument justifiant une entreprise de dépossession.

Une autre origine de son soutien au projet sioniste est évidemment le drame de la seconde guerre mondiale. Mais là aussi, l’écrivain parle des « Juifs expulsés d’Europe après les atroces massacres des nazis ».

J’ignore d’où Mario Vargas Llosa tient cette information mais les Juifs n’ont pas été expulsés d’Europe après la fin de la deuxième guerre mondiale. Les agents sionistes allaient par contre à la rencontre des réfugiés pour de leur vendre l’idée d’un départ vers la Palestine.

On voit comment, quand la réalité des faits ne permet pas de justifier une prise de position politique, on travestit ou déforme les faits pour qu’ils puissent assurer ce rôle justificateur.

Il n’empêche que Mario Vargas Llosa se pose des questions et qu’il se demande sérieusement si le pays qu’il a soutenu, et continue de soutenir, correspond encore au projet qu’il reconnaît chez ses quelques amis à présentables qu’il lui reste dans l’entité sioniste.

Encore un petit effort, et l’écrivain appellera au boycott de l’entité sioniste.

PS: je sais que la traduction n’est pas très bonne, mais Llosa est un écrivain (de renom), pas moi.

La boîte de Pandore

Ce ne sont pas les Palestiniens qui représentent le plus grand danger pour l’avenir d’Israël, mais Netanyahou, ses sbires et le sang qu’ils ont versé

Par Mario Vargas Llosa, El Pais (Espagne) 20 mai 2018 traduit de l’espagnol par Djazaïri

Au moment même où Ivanka Trump, enveloppée dans une robe diaphane qui devait parler à ceux qui étaient présents, découvrait la plaque inaugurant la toute nouvelle ambassade américaine à Jérusalem, l’armée israélienne tuait par balles soixante Palestiniens et en blessait mille sept cents, qui jetaient des pierres, en essayant d’approcher les barbelés qui séparent Gaza du territoire d’Israël. Les deux événements n’ont pas coïncidé par hasard, le dernier était une conséquence du premier.

La décision du président Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, annoncée lors de sa campagne électorale, brise soixante-dix ans de neutralité [sur ce point, NdT] des États-Unis. Ces derniers, comme ses alliés en Occident, soutenaient jusqu’à présent que le statut  de Jérusalem, revendiquée comme capitale par les Palestiniens et les Israéliens, devrait être décidé dans l’accord entre les deux parties en vue de la La boîte de tonnerrecréation de deux Etats existant côte à côte dans la région. Bien que la théorie des deux Etats soit encore parfois évoquée par les dirigeants des deux pays, personne ne croit que cette formule est encore possible, compte tenu de la politique expansionniste d’Israël dont les colonies de Cisjordanie dévorent les territoires et isolent un peu plus chaque jour  les villes et villages qui devraient former l’État palestinien. Si cet Etat existait, il serait à l’époque actuelle à peine moins qu’une caricature des bantoustans sud-africains du temps de l’apartheid.

 Le président Trump a affirmé que sa décision de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël était «réaliste» et que, au lieu d’entraver l’accord [entre les parties au conflit, NdT], elle le faciliterait. Il est possible qu’il ne l’ait pas seulement dit mais, dans sa formidable ignorance des affaires internationales auxquelles il pense quotidiennement d’une manière si irresponsable, qu’il le croie. Mais je doute que r beaucoup d’autres, à part lui et la poignée de fanatiques qui ont applaudi comme des enragés quand Ivanka a dévoilé la plaque dont Bibi Netanyahou qui, les larmes aux yeux, a hurlé : « Quel jour glorieux. » En effet, Trump a ouvert la boîte de pandore avec cette décision et, outre la confusion et la perplexité dans lesquels il a plongé ses alliés, il a provoqué en bonne partie la tuerie cruelle et stupide qui est venue s’ajouter au supplice qu’est, depuis longtemps déjà, la vie pour les malheureux habitants de Gaza.

La création des deux États coexisteraient en paix était la formule la plus sensée pour mettre fin à cette guerre larvée qui dure depuis soixante-dix ans au Moyen-Orient, et de nombreux Israéliens y ont cru pendant longtemps. Malheureusement, à l’époque d’Arafat, les Palestiniens rejetèrent un projet de paix dans lequel Israël fit des concessions notables, comme la restitution d’une grande partie des territoires occupés et l’acceptation de Jérusalem comme capitale d’Israël et de la Palestine.

Depuis lors, cet immense mouvement de l’opinion publique israélienne qui voulait la paix est allé déclinant tandis que croissait le nombre de ceux qui, comme Sharon, pensaient que la négociation était impossible et que la seule solution viendrait d’Israël seulement et serait imposée aux Palestiniens par la force. Et il y a beaucoup de gens dans le monde, comme Trump, qui le croient aussi et qui sont prêts à soutenir cette politique insensée qui ne résoudra jamais le problème et continuera à remplir le Moyen-Orient de tension, de sang et de cadavres.

Ce processus a été rendu possible un gouvernement tel que celui  présidé par Netanyahu, le plus réactionnaire et arrogante qu’ait jamais eu Israël, et sûrement le moins démocratique donc convaincu de sa supériorité militaire absolue dans la région, qui harcèle sans relâche ses adversaires, vole chaque jour un peu plus de territoire et, les accusant d’être des terroristes qui mettent en péril l’existence du petit Israël, leur tire dessus et les blesse et les assassine à sa guise au moindre prétexte.

Je voudrais citer ici un article de Michelle Goldberg paru dans The New York Times du15 mai, à propos de ce qui s’est passé au Moyen-Orient et qui porte le titre de: « Un spectacle grotesque à Jérusalem ». L’article décrit en détail la concentration fantastique d’extrémistes israéliens et de fanatiques évangéliques américains venus célébrer l’ouverture de la nouvelle ambassade et la gifle que fut pour le peuple palestinien ce nouvel affront infligé par la Maison Blanche. L’auteur n’oublie pas l’intransigeance du Hamas, ni le terrorisme palestinien, mais rappelle également les conditions indescriptibles dans lesquelles les habitants de Gaza sont condamnés à vivre. Je les ai vues de mes propres yeux et je connais le degré d’abjection dans lequel survit à grand peine cette population, sans travail, sans nourriture, sans médicaments, avec des hôpitaux et des écoles en ruines, avec des bâtiments effondrés, sans eau, sans espoir, soumise à des bombardements aveugles chaque fois qu’il y a un attentat.

Mme Goldberg explique que l’image du sionisme a souffert dans l’opinion publique mondiale avec la droitisation extrême des gouvernements israéliens et qu’une partie importante de la communauté juive aux Etats-Unis ne soutient plus la politique actuelle de Netanyahu et des petits partis religieux qui lui donnent une majorité parlementaire. Je crois que cela s’applique également au reste du monde, à des millions d’hommes et de femmes qui, comme moi, ressentaient une identification à un peuple qui avait construit des villes modernes et des fermes modèles là où il n’y avait que des déserts et au sein duquel un nombre très important voulait vraiment une paix négociée avec les Palestiniens. Cet Israël n’existe malheureusement plus. Maintenant, c’est une puissance militaire, sans aucun doute, et d’une certaine manière coloniale, qui ne croit qu’en la force, surtout ces derniers temps,

Toute cette puissance ne sert pas à grand-chose si une société reste en permanence sur le qui-vive, dans l’attente de passer à l’attaque ou d’être attaquée, à s’armer chaque jour davantage parce qu’elle se sait haïe par ses voisins et même par ses propres citoyens, à exiger de sa jeunesse qu’elle passe trois ans dans l’armée pour assurer la survie du pays et continuer à gagner les guerres, et punir avec férocité et sans relâche, à ma moindre agitation ou protestation, ceux dont la seule faute est d’avoir été là, pendant des siècles  quand commencèrent à arriver les Juifs expulsés d’Europe après les atroces massacres des nazis. Ce n’est pas une vie civilisée ou désirable, vivre entre deux guerres et tueries, aussi puissant et fort que soit un Etat.

Les vrais amis d’Israël ne devraient pas soutenir la politique à long terme suicidaire de Netanyahou et de sa clique. C’est une politique qui fait de ce pays, qui était aimé et respecté, un pays cruel et sans pitié pour un peuple qu’il maltraite et subjugue tout en se présentant en même temps comme une victime de l’incompréhension et du terrorisme. Ce n’est plus vrai, si ce fut jamais le cas.

J’ai beaucoup d’amis en Israël, en particulier parmi ses écrivains, et j’ai défendu à plusieurs reprises son droit à l’existence, avec des frontières sûres, et, surtout, à ce qu’il trouve un moyen pacifique de coexister avec le peuple palestinien. Je suis honoré d’avoir reçu le Prix de Jérusalem et je suis heureux de savoir qu’aucun de mes amis israéliens n’a participé au « spectacle grotesque » qui mettait en vedette l’emblématique Ivanka Trump dévoilant la plaque inaugurale, et je suis sûr qu’ils ont ressenti tout autant de tristesse et d’indignation que moi pour la tuerie sur les barbelés de Gaza. Ils représentent un Israël qui semble avoir disparu ces jours-ci. Mais espérons qu’il revienne. En leur nom et en celui de la justice, nous devons proclamer haut et fort que ce ne sont pas les Palestiniens qui représentent le plus grand danger pour l’avenir d’Israël, mais Netanyahou et ses acolytes et le sang qu’ils font couler.

 

Le rêve sioniste converge avec le cauchemar suprémaciste

17 Mai 2018

Un  texte intéressant de Lluís Bassets. Si l’article figure dans la rubrique opinion du journal El Pais, il n’en reste pas moins que Bassets est non seulement journaliste (et pas n’importe lequel) mais également directeur adjoint de ce journal espagnol pour la Catalogne.

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Lluís Bassets

Bassets capte bien l’essentiel de ce qui se joue en ce moment en Palestine, terre où s’exerce  avec une force inégalée l’idéologie agressive et suprémaciste  qui domine actuellement aux Etats Unis, pays où elle n’a jamais disparu malgré les succès de la lutte pour les droits civiques. C’est la convergence de ces suprémacismes qui est au cœur du texte présenté ici.

Comme le dit Lluís Bassets en conclusion, la Palestine est le miroir où chacun peut se regarder et où sont condensés tous les maux qui affectent le monde et l’empêchent de vivre en paix.

Avec Netanyahou et Trump, le rêve sioniste converge avec le cauchemar suprémaciste

Par Lluís Bassets, El Pais (Espagne) 17 mai 2018 traduit de l’espagnol par Djazaïri

La mutation est achevée. Le rêve a tourné et ne se différencie guère maintenant, 70 ans plus tard, du cauchemar Trumpien. Au moment même où des habitants de Gaza tombaient, tués par des tirs de snipers [sionistes], la fille de Donald Trump et son mari, Jared Kushner, accompagné par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, inauguraient l’ambassade américaine à Jérusalem. Douleur pour les uns et gloire pour les autres, le même jour et à seulement environ 80 kilomètres de distance.

El primer ministro de Israel, Benjamin Netanyahu, junto a  Ivanka Trump y a Jared Kushner frente a la nueva embajada estadounidense en Jerusalén, el pasado 14 de mayo.

14 mai 2018: inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem occupée.       Sara et Benjamin Netanyahou, Ivanka Trump et Jared Kushner

Le statut de la ville est l’un des trois sujets majeurs d’un différend persistant (les deux autres sont la restitution des territoires occupés et le droit au retour des Palestiniens expulsés). Dans tous les plans de paix, la question de Jérusalem devait être abordée en dernier. Ce ne sera plus le cas, puisque Washington, qui avait jusqu’alors prétendu agir en médiateur honnête, l’a laissée au bon vouloir de son président.

Trump tient ainsi sa promesse électorale. Au Moyen-Orient, on n’est pas dupe: il fait ce que veut Netanyahou, que ce soit rompre l’accord nucléaire avec l’Iran, ou reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël. Ce n’est pas une question de politique internationale. La seule politique qui l’intéresse est la politique intérieure des États-Unis, où il soigne son électorat avant les élections de mi-mandat au cours desquelles la majorité républicaine est en jeu au Congrès et au Sénat et l’éventualité d’une réélection à la présidence en 2020

Le geste aura un impact international relatif. Peu de pays, et seulement de petits pays, le suivront dans la relocalisation des ambassades. Mais la répression militaire qui s’abat sur les Gazaouis est déjà de toute évidence disproportionnée. La tuerie isole encore plus Israël et détériore son image de démocratie civilisée, bien que cela ne soit guère important pour Netanyahou du moment que Trump est inconditionnellement de son côté.

La dérive de Washington laisse un vide que personne ne comblera. La Russie ne le fera pas, qui est revenue dans la région avec des réflexes tactiques de superpuissance prudente, mais sans la capacité d’agir comme un médiateur honnête. C’est encore moins le cas de la Chine, pas encore mûre pour agir comme une superpuissance mondiale. Ce n’est pas le cas non plus de l’Union Européenne qui, comme l’a souligné Jeremy Shapiro dans Foreign Affairs, manque d’unité et de volonté (« Pourquoi Trump peut-il tranquillement ignorer l’Europe? Ses dirigeants s’empressent de condamner mais n’agissent jamais »).

Selon Netanyahou, également maître dans l’art de l’inversion du sens, Trump a fait l’histoire dans un grand jour pour la paix. C’est pourquoi il donnera son nom à une place, à une gare et même à un club de football, le Beitar Jerusalem qui ajoutera le nom du président à son nom.

La lumière parmi les nations est maintenant un miroir du monde. De l’unilatéralisme, du désordre international, du bellicisme, et aussi des inégalités, de l’injustice, de la discrimination, de l’extrémisme, du suprémacisme. Dans ce territoire disputé, deux nations sont dans une étreinte sanglante , victimes de différents moments historiques: l’une ayant obtenu réparation et l’autre mise à terre, 70 ans ensemble, mais sans paix, sans pitié, sans pardon. Le miroir où nous regarder.

 

L’entité sioniste exaspère l’UE selon le chef de la diplomatie allemande

4 février 2018

L’exaspération monte en Europe face à la politique de l’entité sioniste qui rend plus impossible chaque jour une solution à deux Etats fans le conflit qui oppose l’occupant sioniste au peuple indigène palestinien.

C’est le chef de la diplomatie allemande qui le dit, pas moi.

On comprend mieux pourquoi les sionistes tendent à préférer le parti néo-nazi allemand aux formations politiques qui se sont partagé le pouvoir en Allemagne depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

Le ministre allemand avertit Israël de l’exaspération grandissante de l’Europe

Rédaction, Reuters (UK) 31 janvier 2018

Tel Aviv (Reuters) – Le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a averti mercredi Israël qu’il était confronté à une exaspération grandissante en Europe devant les inquiétudes concernant l’avenir d’une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien.

Gabriel a adopté un ton nettement différent de celui du vice-président américain Mike Pence qui, lors d’une visite en Israël la semaine dernière, a approuvé l’annonce par le président Donald Trump le 6 décembre que son administration reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël et qu’il transférerait son ambassade dans cette ville.

« En ce qui concerne les Palestiniens et la question de l’Iran, les Américains prennent votre parti plus clairement que jamais auparavant. Mais est-ce vraiment une bonne chose ?  « a déclaré Gabriel à Tel Aviv.

Citant les succès passés de la diplomatie américaine dans la région, il a demandé : « Les Américains peuvent-ils encore jouer un tel rôle s’ils prennent si ouvertement parti? Est-ce que les autres vont essayer de leur emboîter le pas ? »

Dans une menace à peine voilée de couper l’aide [européenne], il a déclaré que certains membres du cabinet israélien étaient « explicitement contre la solution à deux Etats » mais qu’une telle solution « a toujours été le fondement de notre engagement pour la paix israélo-palestinienne et  du montant de l’engagement financier « de l’Allemagne et de l’Europe.

« Ces signaux – au mieux mitigés – ne passent pas inaperçus en Europe, où il y a clairement une exaspération grandissante face aux actions d’Israël », a-t-il déclaré lors d’une conférence sur la sécurité en Israël. Gabriel a cité des désaccords au sein même de son propre parti social-démocrate à propos de ce que certains considèrent comme un traitement « injuste » des Palestiniens.

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Le chef de la diplomatie allemande Sigmar Gabriel a l’air franchement exaspéré devant Benjamin Netanyahou

« PAS DE RACCOURCI »

« Il est de plus en plus difficile pour des gens comme moi de leur expliquer les raisons pour lesquelles notre soutien à Israël doit persister », a-t-il déclaré. Gabriel a souligné les préoccupations concernant la violence, la haine et la construction de colonies de peuplement israéliennes dans les territoires occupés que les Palestiniens où les Palestiniens veulent pour un futur État indépendant.

« L’Allemagne attend avec impatience le jour où elle sera en mesure de transférer son ambassade en Israël à Jérusalem. Mais laissez-moi ajouter : dans deux états avec Jérusalem comme capitale. Il n’y a pas de chemin plus court. « 

Les Palestiniens veulent Jérusalem-Est, qui a été conquise par les Israéliens pendant la guerre de 1967, pour leur future capitale. Israël considère Jérusalem comme sa capitale éternelle et indivisible.

Gabriel a pris la parole après des entretiens avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président palestinien Mahmoud Abbas.

Plus tôt dans la journée, Netanyahu a reprécisé sa position lors d’une conférence de presse conjointe avec son visiteur allemand après que Gabriel s’est dit encouragé par le fait que le gouvernement Netanyahu soutenait une solution à deux Etats « avec des frontières sûres pour Israël ».

« Que nous exercions le contrôle de la sécurité à l’ouest du fleuve Jourdain. C’est la première condition, » a objecté Netanyahou, coupant Gabriel avant d’ajouter, « Qu’on puisse le définir comme un Etat alors que nous exerçons le contrôle militaire est une autre affaire. Je ne discute pas d’étiquettes mais de la substance. »

Gabriel a suggéré que la discussion soit reconsidérée une autre fois, « beaucoup plus tard. »

Gabriel a été un partisan résolu de plus grands efforts pour lutter contre l’antisémitisme en Allemagne, y compris avec la création d’un poste de commissaire gouvernemental pour superviser de telles initiatives.

Dans le même temps, il est sous pression dans son pays pour qu’il adopte une ligne plus ferme au sujet de la construction ininterrompue de colonies israéliennes en violation du droit international.

Vers une grande guerre de libération de la Palestine?

26 janvier 2018

C’est le troisième article de Jeremy Salt que je traduis, et j’en suis vraiment heureux. Ses analyses sur la situation en Syrie qui faisaient l’objet des deux articles que j’ai proposés sur le blog, en 2011 puis en 2013, faisaient preuve d’une grande lucidité et ont en quelque sorte prédit assez précisément ce qui allait et devait se passer et qui s’est effectivement passé.

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Jeremy Salt est professeur d’histoire du Moyen-Orient à l’université de Bilkent en Turquie

Ici il s’intéresse plus globalement à la situation au Proche Orient en remettant comme il se doit la question palestinienne au centre de la problématique. Et il s’interroge sur la prochaine grande guerre, celle qui décidera de l’issue du conflit arabo-sioniste.

Jeremy Salt considère que la valeur combative de l’armée sioniste est grandement exagérée comme celle des forces arabes exagérément minorée, rappelant notamment à l’appui de sa thèse les succès de l’armée égyptienne en Octobre 1973, succès contrariés uniquement par la forfaiture de la direction politique égyptienne de l’époque. Selon Salt, une victoire militaire décisive des forces arabes et de leurs alliés, comme les Iraniens par exemple, dépend surtout de leur capacité à neutraliser la supériorité aérienne de l’armée sioniste avec ses hélicoptères et bombardiers.

Toute la question est là : les forces hostiles à l’entité sioniste, Hezbollah en premier lieu, disposent-elles, ou sont-elles sur le point de disposer des moyens de contrer efficacement cette menace aérienne ?

Si oui, les jours de l’entité sioniste sont comptés.

Une grande guerre se profile-t-elle à l’horizon pour Israël?

par Jeremy Salt | American Herald Tribune (USA) 21 janvier 2018 traduit de l’anglais par Djazaïri

Après plus d’un siècle [depuis la Déclaration Balfour], les sionistes semblent prêts à donner le coup de grâce à la Palestine en annexant la Cisjordanie. Limité en premier lieu aux colonies qui auront été le précurseur de l’annexion de l’ensemble du territoire. Le statut de la population palestinienne continuera d’être en suspens en attendant qu’apparaisse une solution permanente. Après l’annexion, certains pourraient partir. Plus grand sera leur nombre, plus sera grande la satisfaction d’Israël, mais deux expulsions massives ont enseigné aux Palestiniens qu’ils doivent rester. Il pourrait encore y avoir une troisième vague d’expulsions, la guerre fournissant à nouveau l’écran de fumée [pour justifier les expulsions] et, une nouvelle fois, la guerre s’annonce Les fondateurs sionistes n’ont jamais voulu rien moins que toute la Palestine. Dès le début, ils savaient qu’ils devraient éjecter la population indigène. Le «binationalisme» de Martin Buber était une bonne idée qui n’avait aucune influence dans la classe politique. Les intentions de la direction sioniste ont dû être cachées jusqu’à ce que la colonie ait atteint le point où elle avait la force physique de reprendre la Palestine..

Les fondateurs de l’Etat sionistes n’on jamais voulu rien moins que toute la Palestine. Dès le début, ils savaient qu’ils devraient expulser la population indigène. Le «binationalisme» de Martin Buber était une bonne idée qui n’avait aucune influence dans la classe politique. Les intentions de la direction sioniste devaient être cachées jusqu’à ce que la colonie ait atteint le point où elle avait la force physique de s’emparer de la Palestine.

Weizmann et d’autres ne proclament rien d’autre que de bonnes intentions, rien d’autre que de vouloir vivre aux côtés des Palestiniens et quant à vouloir un État juif, c’était bien loin de leur esprit. Ce n’est que dans leurs journaux qu’ils consignèrent ce qu’ils voulaient vraiment, du désir de Herzl de transférer la «population démunie [les Arabes]» hors de Palestine jusqu’à la conclusion, en 1940, de Yosef Weitz, directeur du département de colonisation du Fonds national juif qu’il n’y avait pas de place en Palestine à la fois pour les colons et pour les «Arabes». Ces derniers devraient partir. Ces intentions n’étaient pas marginales mais représentatives de ce que les dirigeants sionistes réalisaient devraient être faits si la Palestine devait être la leur.

Comme les Palestiniens se battraient jusqu’au bout, la terre ne pourrait être prise que par la force. Pas à pas, les sionistes ont pu avancer vers cet objectif. Les Britanniques avaient aidé en réprimant le soulèvement palestinien en 1936-39, la première Intifada, décapitant la direction populiste qui aurait pu mener la lutte contre les sionistes dans les années 1940. Des milliers de Palestiniens furent tués et beaucoup plus arrêtés.

Le plan de partage de 1947 ne traduisait pas les véritables volontés des membres de l’ONU. Il avait été imposé à l’Assemblée générale par les menaces faites par les Etats Unis aux membres vulnérables et n’aurait sinon jamais été adopté. Israël en a bénéficié politiquement mais n’avait aucune intention d’adhérer à ses dispositions, ce qui aurait laissé les Palestiniens intacts, trois fois la taille de la communauté des colons sionistes. La guerre de 1948 était une guerre inévitable : sans le nettoyage ethnique de la Palestine, il n’y aurait pas eu d’Israël.

Les expulsions massives de 1948-1949 furent suivies d’une deuxième vague d’expulsions en 1967, suivie de la lente strangulation des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, Israël utilisant tous les moyens possibles, militaires, économiques et pseudo-légaux. Il y a eu d’autres guerres, toutes visant à consolider et à étendre l’emprise sioniste sur la Palestine et à détruire les ennemis d’Israël : Suez 1956, Liban 1978, 1982 et 2006, Gaza à de nombreuses reprises, ainsi que d’innombrables «incursions» frontalières tuant au total des dizaines de milliers de civils arabes.

Il y a eu aussi un « processus de paix », une initiative de l’OLP, qu’Israël n’a fait que suivre pour voir ce qu’il pouvait en retirer. Lancé en 1993, se termina clairement dès 1995, bien que son cadavre continue à remuer jusqu’à nos jours. Le « processus de paix » était une ruse diplomatique donnant à Israël plus de temps pour renforcer son emprise sur les territoires pris en 1967. Yasser Arafat fut accepté comme un partenaire de négociation et quand il n’eut plus rien à donner, Israël considéra à nouveau le pacificateur comme un terroriste et le tua. Mahmud Abbas (Abou Mazen à l’époque révolutionnaire) a suivi Arafat, assumant le rôle de courroie de transmission d’Israël en Cisjordanie, mais seulement pour être jeté une fois qu’il n’a plus eu d’utilisé pour Israël.

Sur la base d’une colonisation sans fin et de la reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël (rejetée par pratiquement le reste du monde), avec une réduction subséquente de l’aide américaine à l’UNRWA (l’Agence de secours des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens), l’OLP menace maintenant de «ne plus reconnaître» Israël. Si cela ramène le «problème de la Palestine» à 1948, c’est justifié que parce qu’Israël n’a jamais changé de position depuis.

Le temps qui s’est écoulé depuis 1993 jusqu’à maintenant a permis à Israël d’installer des centaines de milliers de nouveaux colons en Cisjordanie, qui selon lui [le régime sioniste] ne peuvent être évacués sans risque de guerre civile. C’est peut-être vrai, mais l’État sioniste les y a installés pour qu’ils restent, car ils rapprochent le projet sioniste de son accomplissement, et il n’a jamais eu l’intention de les faire partir. Israël a maintenant l’intention de «légitimer» ce que jusqu’à présent il a appelé les «avant-postes» illégaux des colons, comme s’il y avait une différence en droit international entre l’illégalité complète de la présence des colons en Cisjordanie, que ce soit dans les implantations ou dans les avant-postes des «jeunes de la colline qui vont et viennent comme ils veulent, frappant, brûlant et détruisant. Ils sont protégés par l’État et ce n’est pas étonnant, car c’est un état qui est en roue libre depuis plus de sept décennies.

Le porte-parole de la clique sioniste est maintenant Naftali Bennett, le ministre de l’Education, qui vient de parler de «la fin de l’ère de l’Etat palestinien et le début de l’ère de la souveraineté», par laquelle il entend l’annexion israélienne de la Cisjordanie et la souveraineté sur toute la Palestine. S’il y a une différence entre Bennett, un probable futur Premier ministre, et Netanyahu, c’est seulement que le premier parle plus clairement de ses intentions. Le désinvolte Netanyahou, qui voit toujours un avantage à parler d’un «processus de paix», a dans son parti d’autres membres qui parlent aussi ouvertement que Bennett. Tzipi Hotovely, par exemple, la vice-ministre des Affaires étrangères, parle également d’annexion : elle a hâte de voir le drapeau israélien flotter sur le Haram al Sharif et considère les anciens soldats du mouvement de protestation Breaking the Silence comme des «criminels de guerre». ‘

Bennett ne fait que montrer la direction qu’Israël prendra tôt ou tard. Du point de vue sioniste, le prochain pas important doit être l’annexion. La tactique de la paix a été menée jusqu’au bout, la solution à deux états est morte (pour autant qu’elle ait jamais existé), il n’y a plus rien à tirer de l’Autorité palestinienne et à Washington, Israël a un ami, Donald Trump, qui soutient autant et plus Israël (reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël) que n’importe quel ancien président américain d’après 1948: seule la reconnaissance d’Israël  par Truman au moment où l’Etat a été proclamé peut lui être comparé. Qu’est-ce qui peut venir maintenant sinon l’annexion ?  Bennett pense que le vent tourne en faveur d’Israël et, si on prend en considération les tractations avec les gouvernements du Golfe et le soutien encore plus généreux des Etats-Unis, il a raison.

Mais est-ce suffisant pour penser que la partie est finie et qu’Israël a fait jeu, set et match?, Peut-être pas : peut-être même pas du tout. Cette question ne concerne pas seulement les Palestiniens et n’a jamais concerné qu’eux. C’est une question arabe, une question musulmane, une question de droits de l’homme et un problème mondial. Elle n’a pas disparu et elle ne va pas disparaître. Ahed Tamimi , frappant un soldat israélien au visage après avoir été frappée par lui (est-ce que quelqu’un l’a remarqué? Certainement pas les médias mainstream) et maintenant emprisonnée pour une durée indéfinie pour ce crime haineux, est le dernier exemple de la force d’âme palestinienne face à l’oppression.

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Ahed Tamimi est le nouveau symbole de la résilience du peuple palestinien

Dès le début, malgré leur courage et leur détermination, les Palestiniens eurent à affronter des forces qu’aucun petit groupe de personnes ne pouvait surmonter seul : les Britanniques, les sionistes, les États-Unis et les énormes ressources qu’ils ont consacrées à l’occupation de la Palestine pendant un siècle. Cependant, la Palestine n’est pas seulement une question palestinienne et pas seulement une question plus générale de droits de l’homme : c’est une question qui va au coeur de l’histoire et de l’identité arabe. Le chemin de retour vers la Palestine devra toujours traverser le monde arabe. C’était clair pratiquement depuis le début. Jusqu’à présent, deux gouvernements arabes (Egypte et Jordanie) ont signé des traités de « paix » avec Israël. Ces arrangements de papier entre les gouvernements n’ont aucun soutien populaire en Egypte ou en Jordanie : ce n’est pas que leurs peuples ne veulent pas la paix, mais qu’ils ne sont pas prêts à sacrifier la Palestine pour l’obtenir. Il y a un géant assoupi ici qu’Israël semble penser endormi pour toujours. Les peuples sont la dynamite au bout de la mèche. Dans des circonstances favorables et avec les bons leaders, ils peuvent être mobilisés, comme ils l’ont été auparavant.

En tant qu’État raciste, Israël traite depuis longtemps les «Arabes» avec mépris ou les considère incapables de faire ce qu’ils ont fini par faire. Le premier exemple est celui de 1973, lorsque les Egyptiens lancèrent une brillante opération sur le canal et prirent les troupes israéliennes complètement par surprise, les mettant en débandade. Si Sadate n’avait pas trahi Hafez al Assad, en stoppant l’offensive égyptienne au bout d’une semaine, Israël aurait pu être chassé du Sinaï et du plateau du Golan. Seule une plus grande intervention des États-Unis (ils intervenaient déjà directement par le transport aérien de matériel militaire directement dans le Sinaï) aurait pu empêcher une défaite israélienne. Dans le sud du Liban occupé, Israël a subi choc après choc. Il a été pris au dépourvu par le Hezbollah et, en fait, il a été expulsé du Liban en 2000. Il a réessayé en 2006 et a été à nouveau humilié, ce qui explique pourquoi Israël est déterminé à détruire le Hezbollah la prochaine fois même s’il faut détruire le Liban avec.

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Octobre 1973: soldats égyptiens au sommet d’une position prise à l’ennemi sur la ligne Bar Lev 

Naftali Bennett était l’un des soldats d’Israël au Liban. Il projette l’image d’un personnage dur. « J’ai tué beaucoup d’Arabes en mon temps et je n’ai pas de problème avec ça », a-t-il dit. Parmi les «Arabes» qu’il a aidé à tuer, plus d’une centaine de civils libanais, dont de nombreux enfants, qui s’étaient réfugiés dans l’enceinte de l’ ONU à Qana., au sud du Liban, quand elle a été bombardée par les forces israéliennes envahissante en avril 1996. Un homme avait perdu 31 membres de sa famille, dont neuf enfants. Bennett était membre de l’unité dite d’«élite» Maglan. Quand son détachement avait été pris dans une embuscade par le Hezbollah, il avait appelé à l’aide une unité d’artillerie. Selon un autre officier, quand il est entré en communication, Bennett était hystérique, mais les obus sont arrivés et l’ont sauvé, 13 d’entre eux ayant explosé dans l’enceinte du site de l’ONU. Le secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros Ghali, avait démenti l’affirmation d’Israël selon laquelle le bombardement était dû à une erreur, étant donné que le site de l’ONU avait fait l’objet de reconnaissances par des drones et des hélicoptères israéliens. Le résultat fut qu’il perdit son deuxième mandat, les USA refusant de le soutenir, lui préférant Kofi Annan.

Bennett et ses anciens compagnons d’armes se considèrent comme des guerriers. Une opinion que ne partage pas Hasan Nasrallah qui se base sur les expériences que le Hezbollah a eues avec les Israéliens. Dans une récente interview diffusée sur la chaîne de télévision Mayadeen, Nasrallah a ironisé sur la capacité à combattre des soldats israéliens. A ses yeux, les succès de la résistance au Liban et en Palestine ont brisé le mythe de l’invincibilité israélienne (un mythe déjà démoli depuis au moins la guerre de 1973). Le Hezbollah et les forces alliées ont combattu les takfiristes pendant plus de sept années en Syrie et plus de trois années en Irak. C’était un ennemi qui entrait dans le combat avec des escouades de commandos suicide, un ennemi « prêt à mourir » sans hésitation, à comparer avec les Israéliens qui, a dit Nasrallah, n’avancent pas sans être précédés d’une force blindée, suivis par des ambulances et protégés depuis le ciel par des hélicoptères et des avions de combat. Un tel soldat est vaincu à l’avance. C’est un lâche sans volonté de se battre. Combattre l’État islamique était beaucoup plus difficile que de combattre Israël, ce qui a permis de vaincre l«bila shaq» (sans aucun doute). C’est le facteur humain qui a donné l’avantage à la résistance.

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Avril 2017 : Combattant du Hezbollah à la frontière entre le Liban et la Palestine occupée

Nasrallah a évoqué à plusieurs reprises la «grande guerre» à venir avec Israël, qui impliquerait non seulement «l’axe de résistance» (Iran, Irak, Syrie, Liban, Palestine et toutes les organisations du monde arabe «qui soutiennent cette voie») mais aussi des centaines de milliers de volontaires arabes. Nasrallah a déclaré que Sayyid Abd al Malik al Houthi avait promis d’envoyer des dizaines de milliers de combattants volontaires même si la guerre saoudo-yéménite se poursuivait. Cette guerre, dont Nasrallah a souvent dit que le Hezbollah la mènerait en Galilée à travers la ligne d’armistice et s’étendrait sur tout le front libanais et syrien avec Israël, a été le thème central de toutes ses récentes interviews.

La stratégie d’Israël dès le départ sera la destruction totale du Hezbollah le plus rapidement possible et autant du Liban que nécessaire pour détruire le Hezbollah. La puissance aérienne sera au cœur des stratégies de guerre d’Israël, comme elle l’a été dans le passé. C’est ce sur quoi le Hezbollah et ses alliés devront travailler pendant des années pour la neutraliser. Qu’Israël se prépare activement à la guerre ressort clairement des exercices aériens et terrestres qu’il a menés au cours des six derniers mois, combinant les forces aériennes, navales et terrestres, la robotique, les combats dans les tunnels et l’évacuation des civils du nord jusqu’à la ligne d’armistice ligne avec le Liban. L’état-major israélien a effectivement reconnu la piètre performance de ses troupes sur le terrain, à Gaza ou au Liban en 2006, en augmentant le ratio de soldats et d’officiers issus de milieux de colons religieux, plus fortement motivés, pense-t-il, que les jeunes hommes issus de milieux non pratiquants.

Il ne fait aucun doute que l’état-major israélien analyse chaque mot prononcé par Nasrallah, le prend au sérieux et le respecte sur la base des réalisations militaires du Hezbollah, mais peu de ce qu’il dit atteint les médias «occidentaux». Il est juste le clerc à la barbe broussailleuse régulièrement présenté comme le mandataire de l’Iran au Liban, comme s’il n’avait pas une pensée propre, et non comme l’un des esprits les plus impressionnants du Moyen-Orient. Nasrallah ne se livre jamais à des discussions creuses et ne parle que de la «possibilité» d’une grande guerre à venir, afin de ne pas alarmer les gens, alors qu’il est clair que ce n’est pas seulement une probabilité, mais une guerre qui mettra un point final. A la confrontation historique avec Israël.  En voulant infliger une défaite écrasante à ses ennemis, c’est certainement ce qu’Israël aura en tête. Le Hezbollah est prêt et Nasrallah pense qu’il peut gagner.

L’idée même qu’Israël puisse être défait sur le champ de bataille n’a aucune place dans le discours ‘occidental’ qui a été construit sur des siècles de préjugés anti-arabes et antimusulmans dans les médias. Ce serait considéré comme impensable, insensé et risible. Israël essuie des revers mais il ne perd pas de guerre : cette possibilité n’existe pas dans les esprits conditionnés par un biais médiatique sans fin. Une telle guerre devrait être considérée avec effroi : comme le dit Nasrallah, personne ne pourrait dire où cela ne mènerait pas, mais avec l’élimination de toutes les options pour la paix, le pendule va inévitablement dans cette direction. Est-ce que Hassan Nasrallah s’est éloigné de la réalité, parlant de la victoire et des centaines de milliers de combattants qui se joindront à la prochaine guerre, ou sait-il quelque chose que nous ne savons pas? Il sait évidemment beaucoup de choses que nous ne savons pas, mais pour vaincre Israël, sa puissance aérienne offensive et défensive devra être neutralisée. Est-ce que le Hezbollah et l’Iran ont trouvé comment parvenir à ce résultat Est-ce la raison de sa confiance ? Nous devrons attendre la prochaine guerre pour le découvrir.

Le projet américano-sioniste pour la Palestine

2 décembre 2017

Une initiative de « paix » » américaine » est imminente selon Natan Sharansky, ce dirigeant sioniste malencontreusement sorti des geôles soviétiques en 1986.

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Févrie1986: Natan Sharansky acceuilli à sa l’aéropoort Ben Gourion par Shimon Peres, premier ministre du gang sioniste à l’époque

Sharansky, président de l’Agence Juive, feint de ne rien savoir officiellement mais dit tout. En tant que président de l’agence qui a fondé l’entité sioniste, il est naturellement au courant de tout ce qui se trame en matière d’initiatives américaines pour le Moyen Orient d’autant que, comme il le dit lui-même, l’équipe de négociateurs américain est constituée exclusivement de Juifs pratiquants, dont Jared Kushner, le propre gendre de Donald Trump.

Jamais la mainmise sioniste sur les appareils d’Etat occidentaux n’aura été aussi évidente qu’aujourd’hui. C’est vrai en France, c’est vrai en Grande Bretagne, en Australie tandis que cette emprise est totale à Washington où un Donald Trump à priori peu désireux de s’impliquer au Moyen Orient a délégué le dossier à des sionistes intransigeants.

Natan Sharansky peut bien se figurer que les Etats arabes (lesquels,) acquiesceront à un plan qui vise à faire de la Palestine un bantoustan, ce qu’il ne comprend pas, n’est pas Frederik de Klerk qui veut, c’est que le refus d’aller vers une solution honorable et acceptable pour les Palestiniens, aura pour conclusion, tôt ou tard, la disparition de l’Etat juif, que ce soit par la force des armes ou d’une autre manière.

Israël obtiendra ‘plus de compréhension’ de la part des négociateurs de Trump parce que ce sont des Juifs pratiquants, déclare Sharansky.

par Philip Weiss, MondoWeiss (USA) 30 novembre 2017 traduit de l’anglais par Djazaïri

L’équipe de négociateurs de Donald Trump pour le Moyen Orient prépare une proposition de paix « sérieuse » parce que l’équipe est constituée de Juifs pratiquants qui comprennent mieux Israël que les précédents négociateurs américains, dit Natan Sharansky, le président de l’Agence Juive pour Israël.

« Franchement, oubliez le président, mais si vous prenez simplement les gens qui sont impliqués dans les négociations, sachez que ces gens comprennent beaucoup mieux Israël que les équipes précédentes », a déclaré Sharansky. « Et ils comprennent vraiment les préoccupations des Juifs, parce qu’ils en font partie … Il est vraiment très intéressant de voir que lorsque le Premier ministre [Benjamin Netanyahu] siège avec Ron Dermer, [Jared] Kushner, David Friedman, et [Jason] Greenblatt, le seul qui n’a pas de kippa est le premier ministre. Donc, vous pouvez vous attendre à plus de compréhension. « 

La fondation de la famille de Jared Kushner a donné des dizaines de milliers de dollars aux colonies israéliennes illégales. Par le passé, Netanyahou a séjourné dans la maison de la famille [Kushner] dans le New Jersey. David Friedman, l’ambassadeur américain en Israël, a dirigé une organisation qui a collecté des fonds pour une colonie.

De gauche à droite: Jason Greenblatt, Jared Kushner, Benjamin Netanyahou, la conseillère US à la sécurité nationale, Dina Powell, et David Friedman, ambassadeur à Tel-Aviv

Sharansky a déclaré que le Premier ministre israélien présenterait une proposition de paix pour un Etat palestinien démilitarisé, et que les dirigeants palestiniens rejetteraient l’accord, mais que les pays arabes feront pression sur les Palestiniens pour qu’ils l’acceptent. « Ils [les Etats arabes] ne seront pas automatiquement avec les Palestiniens. C’est une nouvelle donne. « 

Sharansky s’est exprimé au Centre communautaire juif de Manhattan mardi soir. Il a dit qu’il ne basait cette prédiction sur aucune information privilégiée, bien qu’il ait passé du temps avec l’ambassadeur israélien Ron Dermer et qu’il ait assisté récemment à des discours de Netanyahou, dont il a été membre de l’équipe gouvernementale autrefois.

Si vous écoutez simplement avec attention, attentivement, il est absolument clair pour vous que quelque chose se prépare », a-t-il dit. « J’écoute simplement ce qu’il dit partout dans le monde, j’ai le sentiment, encore une fois que ce n’est pas officiel, c’est officieux, j’ai le sentiment que quelque chose de sérieux se prépare. »

En ce qui concerne les grandes lignes de l’accord, Sharansky a déclaré : « D’après les discours de Bibi, je comprends plus ou moins ce que ce sera. Les Palestiniens obtiendront probablement, eh bien, un Etat, mais les questions de sécurité ne seront pas entre leurs mains … parce que dans le Moyen-Orient d’aujourd’hui la compétition sera entre le Hezbollah et le Hamas – qui sera contrôlé. Donc, Israël ne peut pas se le permettre ».

Sharansky a déclaré que le Secrétaire d’Etat du président Obama, John Kerry, n’avait jamais envisagé un Etat palestinien sans armée.

Netanyahou, a-t-il dit, « sait comment leur donner [aux Palestiniens] l’occasion de gérer leur vie, comment ne pas leur donner l’occasion de contrôler la sécurité au Moyen-Orient ».

Les Israéliens seraient en grande majorité favorables à un plan de paix, parce qu’ils veulent de l’espérance, a-t-il poursuivi. « Je suis presque sûr que … les dirigeants palestiniens ne l’accepteront pas. Et encore une fois je ne sais pas ce qui se prépare. Je suis sûr que la réaction du monde arabe sera très différente du passé. « 

Sharansky a dit qu’il avait passé toute sa vie, y compris quand il avait été emprisonné dans l’ex-Union soviétique, à essayer de construire des ponts entre les Juifs et Israël. L’organisation qu’il dirige, l’Agence Juive, a contribué à la création d’Israël au siècle dernier et travaille aujourd’hui à construire un soutien juif mondial pour l’Etat [sioniste].

Sharansky a parlé avec Jodi Rudoren du New York Times et Amir Tibon de Haaretz. En écoutant l’entretien discours, j’ai été frappé par l’arrogance de cette discussion. Pourriez-vous imaginer un forum sur les questions de harcèlement sexuel aujourd’hui dans lequel seuls les hommes auraient été invités à parler ? Impossible. Pourtant, à maintes reprises, le processus de paix est débattu aux États-Unis – et négocié aussi – et la partie la moins puissante, les Palestiniens, n’est jamais invitée d’égal à égal. Le jeu est ouvertement truqué. Et vous vous demandez pourquoi le processus de paix n’a rien produit en 25 ans.

Appelons un chat un chat: l’Etat juif est un Etat d’apartheid

27 octobre 2017

Je n’ai pas le temps de commenter. Je dirai simplement que l’article que je vous propose est intéressant, non par ce qu’il nous apprend ou par la thèse qu’il développe mais par le fait que celui qui veut appeler un chat un chat est Neil Macdonald, un journaliste canadien reconnu qui s’exprime dans un important média, où il assume la fonction d’éditorialiste [ce qui n’est pas rien dans la presse anglo-saxonne). Ce média, c’est la Canadian Broadcasting Corporation, l’équivalent de feu l’ORTF en France.

Photo of Neil Macdonald

Neil Macdonald

Il va sans dire que seul un professionnel dont la carrière est déjà faite peut se permettre ce genre d’article.

Ne parlons plus de ‘terrain glissant’ – Israël est déjà un Etat d’apartheid : Neil Mcdonald

Depuis l’élection de Donald Trump, la colonisation se poursuit avec un enthousiasme renouvelé

par Neil Macdonald, CBC News (Canada) 24 octobre 2017 traduit de l’anglais par Djazaïri

Le moment est venu d’appeler un chat un chat. Il est temps d’être d’accord avec une longue liste de leaders politiques, universitaires et personnages publics israéliens de droite comme de gauche, dont trois anciens premiers ministres, un lauréat du prix Israël, deux anciens chefs du service de sécurité intérieure israélien, le Shin Bet, et un des principaux journaux du pays qui ont tous prévenu que l’Etats juif était en train de devenir, ou est déjà, un Etat d’apartheid.

Je choisirais cette dernière caractérisation.

Il est intéressant de constater que, dans le discours israélien, cette affirmation semble être devenue routinière, alors qu’elle reste sulfureuse en Occident, où des activistes pro-israéliens consacrent beaucoup d’anergie à scruter les médias, le monde universitaire et le discours politique, prêts à accuser d’antisémitisme ou d’incitation [à l’antisémitisme] dès que ce mot est utilisé.

Songez à l’indignation et au venin dont a été accablé l’ancien Président Jimmy Carter, sous les auspices duquel l’accord de paix entre l’Egypte et Israël avait été signé, quand il a intitulé son livre de 2006 « Palestine: la Paix, pas l’apartheid. »

Soudainement, Carter était passé du statut de lauréat du prix Nobel de la paix et d’homme d’État à celui de vieil homme sous l’emprise des terroristes, du moins aux yeux des partisans d’Israël, dont une fraction importante de ses propres troupes, les Chrétiens évangéliques américains.

Un chat est un chat

Mais la réalité est la réalité, et un chat un chat. Comme l’avait dit feu Yossi Sarid, longtemps dirigeant du parti israélien Meretz et ancien ministre de l’éducation : « Ce qui agit comme un apartheid, est gouverné comme un apartheid et harcèle comme un apartheid, n’est pas un chat – c’est l’apartheid. »

En juin dernier, l’ancien premier ministre israélien Ehud Barak a réaffirmé la position qui est la sienne depuis des années : « si nous continuons à contrôler l’ensemble du territoire de la Méditerranée au fleuve Jourdain où vivent quelque 13 millions de personnes – huit millions d’Israéliens et cinq millions de Palestiniens… si une seule entité gouvernait toute cette région, nommée Israël, elle deviendrait inévitablement – c’est le mot clef, inévitablement – soit non juive, soit non démocratique. » Le pays est, répétait-il, « sur une pente glissante » qui se terminera en apartheid.

La ligne de séparation entre les personnalités israéliennes qui utilisent le terme ici et maintenant, plutôt que comme un avertissement pour ce qui pourrait arriver, semble porter sur la persistance d’un « processus de paix », avec sa promesse d’un Etat palestinien et son autogouvernement.

Et à l’époque où j’étais en poste à Jérusalem pour CBC News à la fin des années 1990, cela semblait vraiment de l’ordre du possible, même si c’était peu probable.

Depuis lors, le processus de paix – jamais enthousiaste – s’était complètement effondré. L’expansion des colonies juives en Cisjordanie s’est poursuivie et, depuis l’élection de Donald Trump, la colonisation s’est accélérée connaissant un regain d’enthousiasme.

Leur existence est en fait saluée à chacun de ses déplacements par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.

« Nous sommes ici pour rester, pour toujours, » a-t-il déclaré il y a deux mois dans la colonie de Barkan où il commémorait le 50ème anniversaire de l’occupation de la Cisjordanie par Israël.

« Il n’y aura plus de démantèlement de colonies sur la terre d’Israël. » (La « Terre d’Israël » par opposition à l’Etat d’Israël est un terme utilisé par la droite israélienne pour parler du territoire situé entre le Jourdain et la méditerranée, et parfois même au-delà).

Ayelet Shaked et Naftali Bennett, respectivement ministres israéliens de la justice et de l’éducation, ont dit que les Palestiniens devaient comprendre qu’ils n’auront jamais un Etat. Le ministre de la défense, Avigdor Lieberman, lui-même colon, a dit qu’il n’y avait « aucun espoir » d’un Etat palestinien sur lequel il y aurait accord mutuel, mais il a mis en garde Naftali Bennett contre la promotion d’une annexion pure et simple :

« Ce que Bennett et son parti Foyer Juif proposent est un état binational classique », a déclaré Liberman il y a deux ans. « Ils doivent décider s’ils parlent d’un Etat binational entre le Jourdain et la Méditerranée … ou s’ils parlent d’un Etat d’apartheid ».

Sous-classe palestinienne

La logique de Lieberman semble être que tant que les Palestiniens sont simplement occupés et gouvernés par un ensemble de lois différent, avec beaucoup moins de droits que les Israéliens (par opposition au fait de leur refuser un Etat mais de leur donner le droit de vote dans une version élargie d’Israël, ce que la droite israélienne considère comme un suicide national), alors ce n’est pas vraiment l’apartheid.

Mais à ce stade l’annexion consisterait simplement à officialiser un fait accompli.

Ces dix dernières années, la doctrine du « Mur d’acier » de Ze’ev Jabotinsky a donné naissance à un véritable mur, parfois en acier, qui court à peu près le long des frontières de 1967 de Gaza et de la Cisjordanie. Les principales routes depuis Jérusalem vers Ramallah et Naplouse au nord, et vers Bethléem et Hébron au sud sont désormais coupées par des barrières fortifiées gigantesques. Les colons juifs, environ 750 000 personnes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ont une liberté complète de mouvement sur des routes qui leur sont réservées et sont effectivement interdites à la sous-classe palestinienne privée de ses droits.

Les colons soupçonnés de crimes jouissent de tous leurs droits devant les tribunaux israéliens ; les Palestiniens subissent les tribunaux militaires, l’emprisonnement pour une durée indéfinie sans inculpation (« détention administrative ») et les punitions collectives. Les colons ont le droit de porter des armes et de s’en servir en auto-défense; pas les Palestiniens. Les colons jouissent du droit de propriété. Les palestiniens revendiquent leurs propriétés. Et cetera.

Netanyahou présente tout cela comme une question de survie nationale, avertissant que toute terre concédée sera immédiatement occupée par des terroristes fondamentalistes déterminés à détruire l’État d’Israël, avec ses armes nucléaires, ses chars, ses avions de combat, ses systèmes de défense antimissile et ses plus 600 000 soldats d’active et troupes de réserve.

Sa définition du terrorisme est nuancée; lors d’une manifestation commémorant il y a quelques années le 60ème anniversaire de l’attentat à la bombe de l’hôtel King David par des combattants de l’Irgoun, considéré comme un acte terroriste par le gouvernement britannique, Netanyahou a qualifié les auteurs de combattants militaires légitimes et a prévenu le gouvernement britannique indigné de surveiller son langage.

Mais dès lors, une vision du monde élastique est apparemment nécessaire pour maintenir le statu-quo; quand le Fatah de Mahmoud Abbas a signé récemment un accord de réconciliation officielle avec les « terroristes » du Hamas qui gouvernent Gaza, Israël et les Etats-Unis s’y sont opposés, affirmant qu’une telle entente met en danger, mais oui, le processus de paix. Le fait que les terroristes actuels tendent à devenir les hommes d’État de demain (les poseurs de bombes de l’Irgoun rejoignirent le gouvernement israélien naissant et l’ancien chef de l’Irgoun, Menahem Begin, devint Premier ministre) n’est apparemment pas pertinent dans ce contexte.

En tout cas, la pente glissante dont parlait Ehud Barak est maintenant dans le rétroviseur. Le chat de Yossi Sarid est arrivé. Reconnaissons ce fait, laissons tomber les faux-semblants et avançons.