Il arrive qu’on entende sur les ondes en France ou dans d’autres pays européens des voix palestiniennes, le plus souvent des membres de l’OLP ou des personnalités liées à l’Autorité Palestinienne dirigée par Abou Mazen.
Leurs prises de parole sont souvent très intéressantes mais ne sont évidemment pas celles du mouvement Hamas, du Djihad Islamique ou du FPLP, ce dernier étant le seul mouvement dépourvu de religiosité dans son approche de la lutte, les trois organisations impliquées à des degrés divers dans les combats en cours dans la bande de Gaza.
Il n’y a pas de journalistes étrangers dans la bande de Gaza où ils courraient sans doute le risque d’être tués par la Haganah comme des dizaines de leurs confrères palestiniens l’ont été. Mais les journalistes ne semblent pas non plus intéressés à s’entretenir avec des cadres militants du Hamas à l’étranger, ce qui est difficilement compréhensible quand on voit l’étendue des prises de parole des sionistes, dirigeants ou militants, civils ou militaires, dans les médias occidentaux, français tout particulièrement. Le Hamas est certes considéré comme une organisation terroriste par les pays membres de l’UE mais l’un de ces derniers a-t-il jamais été attaqué par cette organisation? La réponse est dans la question: jamais.
Ainsi, et quel que soit le jugement qu’on porte sur le Hamas, son idéologie et ses actions, on n’a pas son point de vue sur ce qui s’est passé le 7 octobre alors que nous avons eu droit au défilé quasi ininterrompu des menteurs et affabulateurs sionistes sur tous les plateaux de radio et de télévision.
Le Hamas a pourtant donné son point de vue dans un mémorandum rendu public en langue anglaise. A ma connaissance, aucun exposé, avec ou sans commentaires, de ce mémorandum n’a été diffusé dans la presse.
Le média libanais Al Mayadeen propose une synthèse du mémorandum du Hamas que je vous livre en langue française.
Vous trouverez un lien vers le texte intégral en fin d’article
Le Hamas explique: Il n’y avait pas d’autre choix que le 7 octobre
Par Al Mayadeen, 21 janvier 2024 traduit de l’anglais par Djazaïri
Le mouvement de résistance palestinienne du Hamas explique les raisons de l’opération al-Aqsa Flood d’un point de vue historique, politique et humanitaire, alors qu’il cherche à démystifier les mensonges israéliens sur l’opération.
L’Opération Inondation d’Al-Aqsa était une étape nécessaire et une réponse normale pour faire face à toutes les conspirations israéliennes contre le peuple palestinien et sa cause ; un acte défensif dans le cadre de la libération de la Palestine de l’occupation israélienne, du recouvrement des droits des Palestiniens et du chemin vers la libération et l’indépendance comme tous les peuples du monde, a déclaré le mouvement palestinien de résistance Hamas.
Le Hamas a publié dimanche un mémorandum intitulé : « Notre récit… de l’opération al-Aqsa », dans lequel le mouvement de résistance explique les raisons et les motivations de l’opération du 7 octobre, ainsi que son contexte général concernant la cause palestinienne et une démystification du récit israélien et des accusations portées contre la résistance palestinienne.
Le mouvement de la Résistance a expliqué que de nombreuses raisons l’ont poussé à mener cette opération, notamment :
– La judaïsation projetée par Israël de la mosquée al-Aqsa et et les tentatives de la diviser.
– Les actions du gouvernement israélien d’extrême droite, qui prend des mesures pratiques pour usurper l’intégralité de la Cisjordanie et d’Al-Qods [Jérusalem, NdT] occupée dans le cadre de projets d’expulsion des Palestiniens de leurs foyers.
– Les milliers de Palestiniens injustement détenus par l’occupation israélienne, privés de leurs droits les plus fondamentaux et sont l’objet d’agressions et d’humiliations extrêmes.
– Le blocus aérien, maritime et terrestre injuste imposé à la bande de Gaza depuis 17 ans.
– L’expansion à un niveau sans précédent des colonies israéliennes à travers la Cisjordanie.
– L’ escalade quotidienne des violences perpétrées par les colons contre les Palestiniens.
– Les sept millions de Palestiniens déplacés qui vivent dans des conditions effroyables dans des camps de réfugiés et souhaitent retourner sur leurs terres.
– L’échec de la communauté internationale à créer un État palestinien et la complicité des grandes puissances pour empêcher la création d’un État palestinien.
Le Hamas fait valoir que l’on ne pouvait pas s’attendre à ce que le peuple palestinien continue d’attendre et de compter sur les Nations Unies, qu’il a qualifiées d’ impuissantes», affirmant que sa seule option était de « prendre l’initiative de défendre le peuple palestinien, ses terres, ses droits et leur caractère sacré ». « . Le Hamas souligne que ses actions relèvent de la légitime défense, qui est un droit inscrit dans les lois et conventions internationales.
Ça n’a pas commencé le 7 octobre
Comme s’en font l’écho les partisans de la Résistance palestinienne et de la cause palestinienne, le Hamas souligne que la situation critique de la cause de la libération n’a pas commencé le 7 octobre ; « mais cela a commencé il y a 105 ans, dont 30 ans de colonialisme britannique et 75 ans d’occupation sioniste. »
Le mémorandum rappelle qu’en 1918 le peuple palestinien possédait 98,5 % des terres de la Palestine tout en représentant 98 % de la population avant que les sionistes, venus dans le cadre d’une coordination entre les autorités coloniales britanniques et le mouvement sioniste, ne parviennent à prendre le contrôle de 6 % au maximum des terres de la Palestine alors qu’ils représentaient 31 % de la population avant 1948, c’est-à-dire avant la déclaration de création d’un « Israël ».
« A cette époque, le peuple palestinien s’est vu refuser le droit à l’autodétermination et les bandes armées sionistes se sont engagées dans une campagne de nettoyage ethnique contre le peuple palestinien visant à l’expulser de ses terres et de ses régions », ajoute le long texte.
Les bandes armées sionistes ont déplacé 57 % de la population palestinienne et détruit plus de 500 villages et villes palestiniens tout en commettant des dizaines de massacres contre le peuple palestinien, ce qui a conduit à la création d’«Israël» en 1948. « Poursuivant l’agression, les forces israéliennes ont occupé en 1967 le reste de la Palestine, y compris la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem, en plus de territoires arabes autour de la Palestine. »
Tout au long de la longue histoire de l’occupation de la Palestine, le peuple palestinien a souffert de toutes les formes d’oppression, d’injustice et de privation de ses droits fondamentaux, souligne le Hamas, citant Gaza comme exemple lorsqu’en 2007, elle a été soumise à un blocus étouffant toujours en vigueur à ce jour, ce qui en fait la plus grande prison à ciel ouvert du monde.
Le mouvement de la Résistance rappelle également que : «Le peuple palestinien de Gaza a également souffert de cinq guerres/agressions destructrices où « Israël » était l’agresseur.»
En un peu plus de deux décennies, entre janvier 2000 et septembre 2023, l’occupant israélien a tué 11 299 Palestiniens et en a blessé 156 768 autres, dont une écrasante majorité de civils ajoute le Hamas. Pendant ce temps, «l’administration américaine et ses alliés n’ont pas prêté attention aux souffrances du peuple palestinien au cours des dernières années, mais ont couvert l’agression israélienne ».
« L’administration américaine a fourni un soutien financier et militaire aux massacres commis par l’occupant israélien contre les civils palestiniens et à l’agression brutale contre la bande de Gaza, et pourtant, les responsables américains continuent d’ignorer les massacres commis par les forces d’occupation israéliennes à Gaza », observe le mémo.
De même, commentant les accords d’Oslo de 1993 signés par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et l’occupant israélien sous les auspices des États-Unis, le Hamas souligne que les accords stipulaient la création d’un État palestinien indépendant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, un processus qui été « systématiquement détruit » par «Israël» à travers «une vaste campagne de construction de colonies et de judaïsation des terres palestiniennes en Cisjordanie occupée et à Jérusalem».
En réponse à toutes ces injustices, le Hamas a demandé : « Qu’attendait-on du peuple palestinien après tout cela ?
Le 7 octobre visait l’armée israélienne
Le mouvement de la Résistance en vient à expliquer que son opération du 7 octobre visait à attaquer des sites militaires israéliens et à faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles concluent un accord d’échange de prisonniers afin de libérer les Palestiniens des prisons israéliennes. L’accent était mis sur la destruction de la division de Gaza et des sites militaires des forces d’occupation israéliennes à proximité des colonies autour de Gaza.
Les Brigades Al-Qassam, la branche militaire du Hamas, ont souligné leur engagement à éviter de porter atteinte aux civils, en particulier aux enfants, aux femmes et aux personnes âgées. Elles ont déclaré que tout ciblage accidentel de civils s’était produit lors d’affrontements avec les forces israéliennes.
Le Hamas, depuis sa création en 1987, s’est engagé à éviter de porter atteinte aux civils. Il a évoqué des initiatives visant à épargner les civils des combats, mais celles-ci auraient été ignorées par l’occupant israélien.
Le document reconnaît des failles potentielles de l’opération Al-Aqsa Flood dues à l’effondrement rapide du système de sécurité israélien. Le mouvement Hamas a souligné qu’il traitait correctement les civils détenus dans Gaza, cherchant à négocier leur libération pendant une trêve humanitaire en échange de femmes et d’enfants palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.
La Résistance palestinienne a étayé ses efforts visant à cibler uniquement l’appareil militaire avec de nombreux éléments de preuve, soulignant que « des clips vidéo pris ce jour-là – le 7 octobre – ainsi que les témoignages des Israéliens eux-mêmes qui ont été publiés plus tard ont montré que les combattants des brigades Al-Qassam n’ont pas ciblé les civils et que de nombreux Israéliens ont été tués par l’armée et la police israéliennes en raison de leur état de confusion. »
L’affirmation selon laquelle « 40 bébés avaient été décapités » par des combattants palestiniens a été fermement contredite, même des sources israéliennes la rejettent. Malheureusement, de nombreux médias occidentaux ont adopté et promu cette fausse allégation, lit-on dans le document.
Les allégations selon lesquelles des combattants palestiniens, y compris des membres du mouvement Hamas, auraient violé des femmes israéliennes, ont été complètement démenties. Un reportage du 1er décembre 2023 de Mondoweiss soulignait l’absence de preuves du prétendu « viol de masse» du 7 octobre, suggérant qu’« Israël » a utilisé cette accusation pour aggraver la situation à Gaza.
Selon les informations du journal israélien Yedioth Ahronoth du 10 octobre et de Haaretz du 18 novembre, un hélicoptère militaire israélien a tué de nombreux colons israéliens, notamment ceux du festival de musique Nova près de Gaza, où 364 colons sont morts. Les combattants du Hamas, ignorant l’existence du festival, ont été pris pour cible par l’hélicoptère. Pour empêcher de nouvelles infiltrations depuis Gaza, les forces d’occupation israéliennes ont frappé plus de 300 cibles dans les zones environnantes.
Les témoignages israéliens ont confirmé que les raids et opérations militaires ont tué à la fois les prisonniers israéliens et leurs ravisseurs. La directive Hannibal des forces d’occupation israéliennes met l’accent sur la préférence pour un captif ou un soldat mort plutôt qu’emmené vivant pour éviter les échanges de prisonniers avec la résistance palestinienne.
Les autorités d’occupation ont révisé le nombre de leurs soldats et civils tués de 1 400 à 1 200 après avoir découvert que 200 cadavres brûlés appartenant à des combattants palestiniens étaient mélangés à des cadavres israéliens. L’armée israélienne, qui possède des aéronefs militaires, est responsable des destructions du 7 octobre.
Les raids aériens intensifs des forces d’occupation israélienne sur Gaza ont entraîné la mort de près de 60 prisonniers israéliens, ce qui témoigne d’un mépris pour leur vie, souligne le Hamas.
Le Hamas ajoute également que le nombre de morts « civils » était exagéré car de nombreux colons israéliens tués au cours de l’opération étaient armés et combattaient aux côtés des forces d’occupation israéliennes, et pourtant ils ont été enregistrés comme « civils » après avoir été tués au combat.
« Ceux qui soutiennent l’agression israélienne ne regardent pas les événements de manière objective mais justifient plutôt le massacre de Palestiniens par Israël en disant que les victimes parmi les civils en cas d’attaque contre les combattants du Hamas sont collatérales », peut-on lire dans le mémorandum.
Appel à la justice
Le Hamas, mettant en doute l’engagement de certains pays, à savoir les États-Unis, l’Allemagne, le Canada et le Royaume-Uni, envers la justice, le mouvement a exhorté le procureur de la CPI et son équipe à se rendre rapidement en Palestine occupée pour examiner les crimes et les violations des droits humains, plutôt que de s’appuyer sur des observations à distance ou de céder aux restrictions israéliennes.
En décembre 2022, l’Assemblée générale de l’ONU a demandé l’avis de la Cour Internationale de Justice sur les conséquences juridiques de l’occupation illégale « israélienne », demande soutenue par près de 100 pays, souligne le mouvement de résistance. Les pays qui soutiennent l’occupation ont rejeté cette décision, entravant les efforts visant à poursuivre les criminels de guerre israéliens par le biais de la compétence universelle des tribunaux européens.
Les événements du 7 octobre doivent être compris dans le contexte plus large des luttes contre le colonialisme et l’occupation, ajoute le texte. Des luttes similaires démontrent que l’oppression exercée par les occupants suscite des réponses correspondantes de la part des personnes sous occupation.
Les gens du monde entier prennent conscience des mensonges des gouvernements qui soutiennent le discours israélien, dans le but de justifier des positions partiales et de dissimuler les crimes israéliens. Ces nations négligent les causes profondes du conflit : l’occupation et le déni du droit des Palestiniens à vivre dignement sur leurs terres. Ils montrent également leur indifférence face au blocus injuste imposé à des millions de personnes à Gaza et au sort des Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, où les droits fondamentaux sont bafoués
Le Hamas, en conclusion du mémorandum, a appelé à l’arrêt immédiat de l’agression israélienne à Gaza, à la mise en cause d’Israël pour les souffrances humaines causées par l’occupation, au soutien à la résistance palestinienne et à la solidarité des nations du monde entier contre le deux poids, deux mesures.
Le mouvement de résistance poursuit en exigeant la fin du fait que les grandes puissances fournissent une protection à « Israël », en rejetant toute décision prise par les puissances étrangères concernant l’avenir de Gaza et en s’opposant aux tentatives d’expulsion de la population de Gaza par Israël. Le Hamas appelle à une pression mondiale continue pour mettre fin à l’occupation, à une résistance à la normalisation avec le régime israélien et à un boycott global de l’occupation et de ses partisans.